Lire la fiche du Falot cherbourgeois dans Bianco : 100 ans de presse anarchiste.
Lire la biographie de Séverin Lespalier l’éditeur du Falot.
07 jeudi Fév 2019
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10 dimanche Mai 2020
Commissariat de police d’Angers
Procès-verbal n°11
Affaire Hamelin Emile anarchiste
Perquisition
L’an 1894 et le 29 mars,
Nous Jean Lesbre, commissaire spécial de police d’Angers, officier de police judiciaire, auxiliaire de monsieur le procureur de la république.
Agissant en vertu de la commission rogatoire ci-jointe de M. le juge d’instruction d’Angers, nous commettant à l’effet de faire une perquisition au domicile du sieur Hamelin Emile, demeurant chez sa mère, pour y rechercher toute correspondance, écrits, publications et autres documents anarchistes.
Nous nous sommes transporté au village de Plaine, commune d’Angers, où étant, nous avons procédé au domicile de Hamelin Emile, ainsi que chez la mère de celui-ci, à de minutieuses recherches.
Dans un tiroir de commode de la chambre occupée par Hamelin Emile, nous avons saisi :
1° Une lettre de Pouget, gérant du Père Peinard, commençant par ces mots : « Cher copain » et se terminant par « à toi et à la Révolution sociale et anarchique » sans date.
2° Une lettre de convocation des Egaux angevins et un paquet de circulaires de la même société.
3° Une affiche du Père Peinard
4° Un numéro du Père Peinard en date du 10-17 avril 1892, adressé par Hamelin à sa mère et portant encore la bande [illisible] avec l’adresse d’Emile Hamelin à Paris.
Interpellé, le sieur Hamelin Emile a reconnu comme lui appartenant : la lettre de Pouget, l’affiche du Père Peinard et le n° du Père Peinard du 10-17 avril 1892 ; mais il a déclaré que la convocation et les circualires des Egaux angevins appartenaient à son frère Pierre, actuellement à Buenos-Aires.
Le commissaire spécial
Nous avons ensuite visité les vêtements du sieur Hamelin, qui nous a déclaré n’avoir que les habits qu’il portait sur lui, sa malle étant restée à Brest où des camarades doivent la lui expédier en petite vitesse. Cette déclaration nous a été confirmée par sa mère et sa sœur qui ont affirmé qu’il n’était porteur d’aucun paquet ou colis quelconque à son arrivée aux Plaines dans la nuit de mercredi à jeudi.
Dans la poche de dessous de son paletot de velours, nous avons trouvé :
1° Trois numéros du Chambard daté du 3 mars courant
2° Deux numéros du journal le Falot cherbourgeois datés l’un 1er-15 avril 1892 et l’autre 15-30 avril 1892
3° Un numéro du journal El Perseguido, daté de Buenos-Aires, octobre 18 de 1891
4° Une lettre datée du 23 février 1893, de l’administration du Journal, 106 rue de Richelieu à Paris en réponse, parait-il à l’envoi d’un article à publier.
5° Une lettre de Henri Gauche et Charles Chatel de la Revue libertaire, datée du 2 février 1894, relative à l’envoi d’un colis postal de 35 exemplaires de la revue.
6° Une lettre de famille de sa nièce Savary Marie, à propos de l’arrestation de Hamelin à Brest.
7° Un livret militaire au nom de Hamelin Emile
8° deux récépissés de déclaration de colportage
9° un couteau
Interpellé le sieur Hamelin a reconnu tous ces objets comme lui appartenant mais à refusé de signer avec nous.
Le commissaire spécial
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Commissariat spécial de police d’Angers
Procès-verbal n°12
L’an 1894 et le 29 mars,
Nous Jean Lesbre, commissaire spécial de police d’Angers, officier de police judiciaire, auxiliaire de monsieur le procureur de la république.
Agissant en vertu de la commission rogatoire ci-jointe de M. le juge d’instruction d’Angers, nous commettant à l’effet de faire une perquisition au domicile d’Aimée Manceau, demeurant chez sa mère, 56 faubourg Brémigny à Angers, pour y rechercher toute correspondance, écrits, publications ou autres documents anarchistes qui pourraient se trouver au domicile de la sus-nommée.
Nous nous sommes transporté au numéro 56 du faubourg Brémigny où étant, nous avons procédé en la présence de Aimée Manceau et avec son autorisation à une minutieuse perquisition dans la pièce qu’elle occupe avec sa mère, au premier étage de l’immeuble.
Nous n’avons découvert aucun document, correspondance ou écrit anarchiste.
La sus-nommée nous a déclaré que partie de Brest à pied, en compagnie de Hamelin Emile, son amant, elle avait laissé ses effets, avec ceux de Hamelin Emile, dans une malle qui avait été expédiée de Brest en petite vitesse à l’adresse de « Louise Manceau à Angers » et qui n’était pas encore arrivée en gare d’Angers.
Elle a ajouté, et cette déclaration a été confirmée par sa mère, que Hamelin et elle n’étaient porteur à leur arrivée à Angers, mercredi soir 14 mars 1894, que d’une musette de toile blanche dans laquelle ils mettaient alternativement leurs souliers ou leurs sabots.
Ils seraient venus de Brest à Morlaix à pied et de Morlaix à Angers en chemin de fer.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal pour être transmis à monsieur le juge d’instruction à toutes fins utiles.
Le commissaire de police.
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Commissariat spécial de Police
Gare d’Angers
Procès-verbal n°13
Affaire Emile Hamelin et autres : association de malfaiteurs
Perquisition dans la malle de Hamelin
L’an 1894 et le 23 mars
Nous Jean Lesbre, commissaire spécial de police d’Angers, officier de police judiciaire, auxiliaire de monsieur le procureur de la république.
Agissant en vertu de la commission rogatoire de M. le juge d’instruction d’Angers en date du 19 mars courant, nous prescrivant de rechercher à la gare d’Angers tout colis adressé au nommé Hamelin Emile et de saisir toute pièce, correspondance ou publications anarchistes qui pourraient y être contenues.
Informé qu’une malle appartenant au dit Hamelin Emile venait d’arriver à la gare à l’adresse de Louise Manceau, 56 faubourg Bressigny à Angers.
Nous avons fait ouvrir ladite malle, ainsi qu’un sac d’effets [illisible] en présence du sieur Mardelle Antoine, âgé de 38 ans, chef de quai à la gare St Laud et Bau Jean, âgé de 25 ans homme d’équipe à ladite gare, et avons procédé à un examen minutieux du contenu de la malle et du sac.
Nous n’avons trouvé dans le sac de vêtements aucun objet suspect ; dans la malle nous avons saisi :
1° Un volume des « Chansons de J. B Clément »
2° Cinq récépissés de déclaration de colportage au nom d’Hamelin Emile
3° Un carnet d’ouvrier au nom d’Hamelin Emile
4° Un petit carnet portant diverses mentions
5° Un petit livret du « Bon Génie ? » de Nantes
6° Une facture de « Fabrique de France » à Brest
7° Une carte routière de la France
8° Sept reçus de l’administration des postes pour envois d’argent à divers journaux révolutionnaires
9° Deux photographies (avec dédicace)
10° Deux feuilles de chansons anarchistes.
Après lecture faite, les sieurs Mardelle Antoine et Bau Jean ont signé avec nous.
Le commissaire
2 U 2-143 Archives départementales du Maine-et-Loire
Lire le dossier : Les anarchistes à Angers : premières victimes des lois scélérates
25 mercredi Mar 2020
COUR D’ASSISES DE LA SEINE
Présidence de M. Dayras, conseiller.
Audience du 7 août.
AFFILIATION A UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS, (LOI DU 18 DÉCEMBRE 1893). — VOLS QUALIFIÉS ET COMPLICITÉ. — DÉTENTION D’ARMES PROHIBÉES. — DÉTENTION D’ENGINS EXPLOSIFS ET DE SUBSTANCES DESTINÉES A ENTRER DANS LA COMPOSITION D’UN EXPLOSIF.
L’audience est ouverte à onze heures et demie.
Les accusés se placent comme hier entre les gardes que commande un lieutenant.
Les malles et ballots accumulés devant la Cour ont été ouverts et la table des pièces à conviction ainsi que le sol sont couverts d’objets de toutes sortes, des salières, des cafetières en argent, des fusils, une lunette, des tapis, des couvertures de soie de couleur éclatante, des valises et un attirail complet de cambrioleurs, fausses-clefs, scies à main, pinces-monseigneur, etc.
M. le président interroge Fénéon.
INTERROGATOIRE DE FÉNÉON
D. Vous êtes né à Turin et récemment employé ?
— R. C’est exact.
D. Vous collaboriez au journal l’En Dehors?
— R. Je ne collaborais pas à ce journal ; j’y ai écrit certains articles artistiques et littéraires sur les ombres chinoises du Chat noir, j’étais là avec M. d’Axa, et alors qu’il était à Londres il m’a chargé d’aller au journal faire une communication à l’imprimeur.
D. Vous vous êtes entremis pour empêcher la disparition du journal ?
— R. Les mots sont trop forts, j’ai fait une communication insignifiante.
D. L’En Dehors insultait l’armée?
— R. Je ne m’en suis pas rendu compte, chaque rédacteur avait sa liberté, je ne m’occupais pas de ce que les autres écrivaient.
D. Vous êtes l’ami de Cohen qui écrivait, à l’occasion de l’enterrement du maréchal de Mac-Mahon, une lettre où il parle de « l’enfouissement de cette vieille charogne ».
— R. Cette lettre ne m’était pas adressée. Je n’ai pas à commenter les œuvres épistolaires de M.
Cohen. C’était purement en façade. Cohen aimait mieux la France que les autres pays. C’était un révolutionnaire et le maréchal avait réprimé la révolution. Dans cette lettre, on parle mal des Russes, et elle est adressée à un Russe ; elle ne m’aurait pas été adressée.
D. Vous connaissiez Kampfmeyer ?
— R. Je t’ai rencontré, il parlait allemand, et moi je ne le connais pas. Nos conversations n’ont pas dû être bien dangereuses. Je le connaissais peu.
D. Vous lui aviez envoyé son mobilier ?
— R. Il habitait en face de chez moi et je lui ai rendu ce service qu’il m’était facile de lui rendre. Il ne connaissait personne à Paris.
D. Vous connaissiez Matha, condamné pour provocation à des militaires ?
— R Comme gérant.
D. C’est exact. Vous avez donné asile à Matha qui vint à Paris malgré sa condamnation, sur la recommandation de Cohen ?
— R. Cet appartement où a habité Matha était à Cohen. J’en gardais la clef . Cohen m’a dit de la lui remettre et je l’ai fait.
D. Matha se cachait ainsi.
— R. Il sortait avec des cheveux exubérants, sa barbe bien reconnaissable et un mac-farlane particulier. Il ne se cachait pas.
D. Dès votre arrestation, on vous demande ce que vous savez de Matha. Vous prétendez ne pas le connaître.
— R. J’étais ému par cette arrestation, il fallait bien me laisser m’habituer aux menottes.
D. Vous connaissiez Ortiz ?
— R. Je l’ai rencontré dans des lieux publics.
D. Votre concierge prétend qu’elle l’a reconnu et que vous receviez des gens suspects chez vous.
— R. C’était des poètes, des artistes. Elle n’est peut-être pas compétente pour juger de la qualité de mes amis. Une confusion a pu se faire dans l’esprit de cette femme, peut-être pas très bienveillante, entre lui et une autre personne ; je ne veux pas qualifier ses déclarations, par égard pour les témoins.
D. Vous étiez souvent chez Cohen ?
— R. J’allais rarement chez lui, sauf à la fin, où j’y allais plus souvent à cause d’une traduction qu’il faisait et pour laquelle je l’aidais. Le plus souvent je le hélais depuis la cour et il descendait.
D. Vous avez vu chez Cohen, Emile Henry ?
— R. Jamais je ne l’ai vu. _
D. Vous viviez dans le milieu anarchiste !
— R. Je vais expliquer comment j’ai cherché à créer un mouvement littéraire, appelé depuis symboliste, et en peinture impressionniste ; j’ai été curieux des écrits de certains littérateurs dont je n’ai jamais connu l’ensemble des doctrines.
D. On a trouvé chez vous au ministère de la guerre onze détonateurs et une fiole de mercure ?
— R. Ces objets étaient dans la chambre de mon frère, je les ai trouvés après sa mort dans un cabinet et je les ai emportés au ministère de la guerre, lors de notre déménagement.
D. N’y avait-il pas des lettres ?
— R. Oui, trois cartons, qu’on a toutes dépouillées devant moi, sans y trouver rien de suspect.
D. Pourquoi ce transport ?
— Je redoutais, après le départ de Cohen, des perquisitions et peut-être une arrestation, et alors j’ai emporté mes lettres qui ne contenaient rien de subversif. On m’a renvoyé une liste d’objets que j’avais au ministère de la guerre; cette liste commence par une médaille de Sainte-Hélène et finit par une peau de chamois qui n’ont rien de dangereux.
D. Votre mère a dit que votre frère avait trouve ces tubes dans la rue.
— R. Il n’y a rien d’impossible. Le juge d’instruction m’a reproché de les avoir gardés et de ne pas les avoir jetés dans la rue ; ce qui prouve bien qu’on peut trouver des objets pareils sur la voie publique.
D. C’est bien peu vraisemblable, votre père n’aurait pas gardé ces objets, il était employé à la Banque de France, et on ne voit pas ce qu’il pouvait en faire.
— R. Je ne pense pas qu’il dût s’en servir, pas plus que son fils qui était employé au ministère de la guerre. »
D. On dit que ces tubes vous ont été remis par quelqu’un que vous ne voulez pas nommer.
— R. Je maintiens rigoureusement mon explication.
M. le président fait chercher parmi les pièces à conviction les détonateurs et un petit flacon en verre jaune qui sont présentés à MM. les jurés.
D. Ce flacon vient de chez Émile Henry. Il a été pris chez lui après son arrestation et l’accusation dit qu’il a été porté chez vous. Henry l’a reconnu.
— R. Émile Henry a cherché assez longtemps à mystifier ceux qu’il appelait ses adversaires pour qu’on n’ajoute pas grande foi à ses déclarations ; il y mettait de la bravade ; si on lui avait présenté un tonneau de mercure, il l’aurait reconnu tout aussi bien.
D. Vous avez dit que vous croyiez que ces détonateurs n’étaient pas des engins explosifs. M. Girard a fait des expériences prouvant qu’ils sont dangereux.
— R. Cela prouve que je me trompais sur la nature de ces objets.
D. C’étaient des engins dangereux.
— R. Je le sais maintenant.
D. Le mercure peut servir à faire des explosifs?
— R. Il sert aussi à faire des baromètres et des thermomètres.
D. On vous accuse d’avoir détenu ces engins sans motif légitime.
— R. Je crois que les circonstances dans lesquelles je vous ai dit les posséder, indiquent suffisamment que la détention en était légitime.
INTERROGATOIRE DE MATHA
D. Vous avez été plusieurs fois condamné pour provocation à des militaires ?
— R. Comme gérant de journal.
D. C’est exact. Vous étiez garçon coiffeur, et membre du cercle international anarchiste ?
— R. Non ; j’y suis allé comme on va au concert.
D. Vous alliez chez Constant Martin.
— R. J’y ai pris mes repas.
D. Vous avez fondé le Falot Cherbourgeois.
— R. J’ai prêté mon nom, mais je ne l’ai pas fondé.
D. Vous êtes un chef anarchiste. Dans une réunion du Père Peinard, avec Emile Henri, vous rédigiez une protestation que la Révolte a insérée. Vous devenez le gérant de l’En Dehors en collaboration avec Fénéon.
Fénéon : Comment, collaborateur de l’En Dehors !
D. Dans la mesure indiquée précédemment. (A l’accusé):Vous étiez en relation avec Emile Henry, Chericotti, Marocco ?
— R. Je ne les ai pas fréquentés, mais je les ai rencontrés quelquefois.
D. Vous revenez à Paris, en janvier 1894, alors que vous étiez menacé d’une arrestation. Pourquoi êtes-vous revenu?
— R. Parce que cela m’a fait plaisir… et puis c’est tout.
D. Vous avez été logé par Fénéon ?
— R. Non pas ; j’ai été chez Kampfmeyer, c’est Fénéon qui m’a remis la clef.
Fénéon : Et je n’ai pas introduit Matha dans l’appartement.
M. l’avocat général lit une lettre de Matha à Sébastien Faure relative à la propagande anarchiste et à la manifestation du ler mai à laquelle Sébastien Faure était opposé. Il y parle d’une réunion au Père Peinard et cite les noms des assistants.
Sébastien Faure : Je demande à dire que cette lettre…
M. le président : Vous n’avez pas la parole.
Sébastien Faure : … est tout l’opposé de ce qu’on me reproche, et prouve le contraire d’une entente.
Me Desplas : Il y a intérêt, en présence d’un fait qui accuse mon client, qu’il puisse se défendre.
D. Vous plaiderez.
Me Morel : Où a été trouvée cette lettre ?
Sébastien Faure : Chez moi à Marseille, il y a deux ans, et depuis ce jour elle dormait dans l’oubli,
quand on l’a mise au jour, pour les besoins de l’affaire d’aujourd’hui.
D. Vous vous entendez pour prendre une décision relative à l’anarchie ; c’est ce qu’on vous reproche. — R. Je n’ai pris aucune décision.
D. Pourquoi êtes-vous revenu à Pans en janvier 1894?
— R. Je m’ennuyais à Londres et je préférais dix mois de Pélagie à dix ans de Londres. Je pensais qu’on m’avait quelque peu oublié.
D. Vous êtes reparti pour Londres ensuite, pourquoi, puisque vous aimiez tant Paris? Puis vous êtes revenu à Paris.
— R. Quand ce ne serait que par fantaisie, qu’est-ce que ça prouverait ?
D. Vous êtes arrivé la veille de l’attentat du café Terminus, puis vous avez quitté la rue Lepic pour
aller loger chez les époux Bosseau; on suppose que ces voyages avaient un intérêt pour l’anarchie. On ne circule pas ainsi en s’exposant à une arrestation uniquement pour sou plaisir. L’accusation vous dira que vous serviez d’intermédiaire entre les anarchistes de Paris et ceux de Londres.
— R. Je pourrais raconter n’importe quelle histoire. Voulez-vous un roman ?
D. Je vous demande la vérité.
— R. Je vous la dis.
D. Vous n’avez pas de raison pour circuler ainsi.
— R. A donner, non.
Me Justal : Le voyage a eu lieu un mois avant l’attentat du Terminus.
L’accusé : J’ai fait le voyage avec un détective anglais. Je m’attendais a être arrêté en arrivant. Je ne peux préciser aucune date, je cite ce fait qui est exact. Je connaissais le détective.
Me Justal : Matha est arrivé fin janvier et est reparti au début de février.
D. De quand est l’attentat du Terminus ?
M. l’avocat général : Le 12 février.
D. Vous étiez à Paris peu avant l’attentat?
— R. Pas la veille.
M. l’avocat général : Vous êtes rentré à Paris le 7 février avec un détective anglais, c’est peut-être ainsi qu’on a connu votre présence à Paris.
Me Justal : C’est vers fin mars seulement que Matha a quitté la rue Lepic pour aller rue Cadet.
M.l’avocat général : C’est une erreur, Matha a déclaré qu’il était allé rue Cadet chez les Bosseau peu après l’attentat.
La Gazette des tribunaux 8 août 1894
23 lundi Mar 2020
COUR D’ASSISES DE LA SEINE Présidence de M. Dayras, conseiller. Audience du 6 août. AFFILIATION A UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS, (LOI DU 18 DÉCEMBRE 1893). — VOLS QUALIFIÉS ET COMPLICITÉ. — DÉTENTION D’ARMES PROHIBÉES. — DÉTENTION D’ENGINS EXPLOSIFS ET DE SUBSTANCES DESTINÉES A ENTRER DANS LA COMPOSITION D’UN EXPLOSIF.
Aujourd’hui commence, devant la Cour d’Assises, une grave et longue affaire, dans laquelle le ministère public demande la première application de la loi du 18 décembre 1893 relative aux associations de malfaiteurs.
Les précautions d’usage ont été prises, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du Palais. De nombreux gardes surveillent toutes les issues. A midi, les vingt-cinq accusés sont introduits dans la salle d’audience. C’est dans celle-ci que M. le président procède au tirage du jury de jugement, les accusés étant trop nombreux pour que cette opération puisse avoir lieu, comme d’habitude, en chambre du conseil.
Un assesseur est adjoint à la Cour et deux jurés supplémentaires sont tirés au sort en raison de la longueur présumée des débats. L’affaire est en effet indiquée pour toute la semaine.
Parmi les accusés, se trouvent des littérateurs, des journalistes, un peintre, des ouvriers, des employés; quatre femmes sont plus particulièrement compromises dans des vols reprochés à certains des accusés. Au premier rang on voit M. Jean Grave, dont on ne rappelle la comparution devant le jury et la : condamnation, le 24 février dernier, pour ses théories anarchistes. A côté de lui est assis M. Sébastien Faure, orateur disert, qu’on qualifie d’ordinaire d’avocat des anarchistes.
Plus loin, c’est M. Fénéon, grand, maigre aux traits durs et impassibles, les lèvres rasées, ne portant qu’une barbiche au menton; quand il a été arrêté, il était commis principal au ministère de la guerre. Cinq accusés sont en fuite : Paul Reclus, Constant Martin, Jean Pouget, Louis Duprat et Alexandre Cohen.
Les accusés occupent non seulement les places habituelles, mais aussi tous les bancs de la presse, à laquelle des tables ont été réservées dans la salle.
L’assistance est peu nombreuse et se compose en grande majorité d’avocats en robe.
Sur la table des pièces à conviction, on remarque un certain nombre d’objets provenant des vols reprochés à plusieurs accusés, de lettres et de brochures ; il y a aussi le flacon, à demi plein de mercure, qui a été saisi chez Fénéon.
Aux questions d’usage qui leur sont posées par M. le président, les accusés déclarent se nommer Grave (Jean), né le 16 octobre 1854 au Breuil (Puy-de-Dôme).
Faure (Sébastien), né le 6 janvier 1858 à Saint-Etienne.
Ledot (Julien), homme de lettres, né à Bourges, le 29 octobre 1852.
Chatel (Charles), homme de lettres, né à Paris, le 8 octobre 1868.
Aguelli (Gustave-Jean), né à Sala (Suède), le 24 mai 1869, élève des beaux-arts.
Bastard (Elisée-Joseph), né à Bornel (Oise), le 20 janvier 1871.
Bernard (Paul-Auguste), né à Crest (Drôme), le 26 octobre 1861, représentant de commerce.
Brunet (Georges), né à Paris, le 27 février 1868, menuisier.
Billon (Gabriel-André), né le 27 octobre 1872, à Boulogne-sur-Seine, compositeur-typographe. Soubrier (François), né à Livinhac-le-Haut (Aveyron), le 8 février 1855, brûleur de café.
Daressy (Pierre), né à Chenin (Haute-Garonne), le 23 juillet 1854.
Tramcourt (Albert), né à Creil (Oise), le 10 octobre 1866, mécanicien.
Chambon (Raoul), né à Valréas (Vaucluse), le 13 juillet 1873, lithographe.
Malmeret ou Malmaret (Joseph), né le 20 novembre 1865 à Lyon.
Fénéon (Louis Félix-Jules-Alexandre), employé au ministère de la guerre, né à Turin (Italie), le 29 juin 1861.
Matha (Armand), publiciste, né à Casteljaloux (Lot-et-Garonne), le 10 avril 1861.
Ortiz (Philippe-Léon), né à Paris, le 18 novembre 1868.
Chericotti (Paul), né à Milan (Italie), le 1er mars 1858.
Bertani (0rsini), né a Florence (Italie), le 26 juillet 1869.
Liégeois (François), né à Vilette (Meurthe-et-Moselle), le 14 octobre 1868.
Femme Milanaccio (Marie Gonini), née le 23 juin 1865, à Turin (Italie).
Fille Cazal (Antoinette), née au Falgoux (Cantal), âgée de vingt-huit ans.
Femme Chericotti, née le 30 août 1865 à Paris.
Femme Belotti (Victorine Turcano), née le 12 mai 1839, à Saint-Maurice (Italie).
Belotti, âgé de trente ans, fils de l’accusée précédente.
M. l’avocat général Bulot occupe le siège du ministère public.
Au banc de la défense sont assis : Mes de St-Auban, Desplas, Le Chapelain, Aubin Bouguereau, Lagasse, Ponthés, Paul Morel, Lévy-Alvarez, Albert Crémieux, Laureau, Oster, Kinon, Duroyaume, Démange, Justal, Careste, Deshayes, St-Mery, Gauthier-Rougeville, Blondout, de Dammartin, Gaye et Félicien Paris.
M. le greffier Wilmès donne lecture de l’acte d’accusation qui est ainsi conçu :
Les accusés appartiennent à une secte qui établit entre tous ses adeptes des liens de compagnonnage qui a pour but la destruction de toute société, et pour moyens d’action le vol, le pillage, l’incendie et l’assassinat. Dans cette secte, chacun concourt au but suivant ton tempérament et ses facultés, l’un en commettant le crime, les autres en amenant à le commettre par l’excitation et par l’assistance ; le criminel trouve l’une et l’autre chez des compagnons qui en relations habituelles les uns avec les autres, forment des groupes agissant sous l’influence d’une inspiration commune. Ces groupes constituent des centres de propagande, des refuges pour les compagnons étrangers, des appuis pour l’individu apte ou détermine au crime. Conférences, prédications, publications, moyens matériels d’action, cet individu y rencontre toutes les excitations et toutes les ressources qui le mettront en état de réaliser par un crime individuel le but auquel tend l’effort commun.
JEAN GRAVE
Jean Grave, dont les débuts ont été très humbles, est un homme de lettres d’une réelle valeur.
Il semble avoir conçu le plan selon lequel devait se développer le parti anarchiste ; il l’a, en tout cas, exposé le premier dans une brochure parue en 1883, sous le pseudonyme de Jehan Levagre, avec la mention « Publication du groupe des Ve et XIIIe arrondissements », qui révèle l’existence, dès cette époque, d’une association d’anarchistes.
Dans cet écrit, Jean Grave érige en principe « que la propagande ouverte doit servir de plastron à la propagande par les actes, secrète celle-là ; qu’elle doit lui fournir les moyens d’action qui sont les hommes, l’argent et les relations ; et qu’elle doit surtout contribuer à mettre en lumière les actes accomplis en les commentant, etc. »
Jean Grave préconise l’idée de la fondation de groupes d’études « qui doivent servir à nouer les relations partout où l’on pourra les établir. »
Ailleurs, il signale les inconvénients d’une caisse centrale, et engage les adhérents à se fréquenter continuellement, afin d’arriver à se connaître assez pour que l’anarchiste décidé à commettre un acte de propagande par le fait, et ayant, pour cet acte, besoin d’argent, puisse toujours en trouver chez d’autres compagnons, sans formalités, sans explications.
Jean Grave a toujours suivi fidèlement les règles qu’il avait tracées : directeur du journal la Révolte, il y a exalté les méfaits des anarchistes, l’attentat dirigé contre la Société de Carmaux, par Emile Henry, la tentative d’assassinat commise par Léauthier; il a fait l’éloge des voleurs Schouppe, Pini et Duval. Il s’est servi aussi de son journal pour provoquer dans une intention criminelle des souscriptions qui, centralisées par Paul Reclus, avaient un triple but : la propagande révolutionnaire, l’assistance des détenus et la distribution de brochures. — Jean Grave a fait ensuite paraître une seconde brochure intitulée : La Société mourante et l’anarchie, dans laquelle il a fait appel aux pires violences. Les excitations contenues dans cet ouvrage ont motivé contre lui, en 1894, une condamnation à deux ans d’emprisonnement.
Dans le journal la Révolte, Jean Grave continua, après le 19 décembre 1893, à fournir aux affiliés les moyens de correspondre à l’aide des articles intitulés «Petite correspondance » et «communications et correspondances », à provoquer des souscriptions dont la destination était bien connue, à mettre enfin lui-même, par sa correspondance personnelle, les anarchistes en rapport les uns avec les autres. Il est donc constant qu’il a existé entre Jean Grave et diverses personnes, pendant de longues années et jusqu’à son arrestation, une entente établie en vue de préparer et de favoriser les actes dits de propagande par le fait.
SÉBASTIEN FAURE
Sébastien Faure, qui appartient à une famille aisée, a reçu une instruction supérieure. Il est doué d’un véritable talent de parole ; il a été en quelque sorte le commis-voyageur des doctrines anarchistes en province, déterminant la création de groupes d’études formés sous l’inspiration de Jean Grave et servant activement d’intermédiaire entre les uns et les autres. S’il a fréquemment eu soin de prendre à témoin ses auditeurs de la modération de sa parole, il a été en réalité (des documents irréfutables l’établissent) en parfait accord avec ceux de ses amis qui recouraient à la propagande par le fait. Tout en s’abstenant d’écrire dans la Révolte et le Père Peinard, il faisait annoncer régulièrement dans ces journaux ses conférences, qui, en suscitant des vocations homicides, ont obtenu le succès qu’il avait rêvé. Le 12 novembre 1893, Léauthier, entraîné par ses discours et fier de se dire son élève, l’avise qu’il va se livrer à un acte de propagande par le fait, et Sébastien Faure ne dissimule pas la joie que lui causa l’attitude de son disciple.
Après l’attentat de Vaillant, Sébastien Faure lui envoie de Marseille un mandat de cinq francs, en témoignage de sympathie. En mars 1892, il fonde à Marseille, le journal L’Agitateur et y fait l’apologie des crimes récemment commis en France et à l’étranger.
Vers la même époque, il publie un almanach anarchiste dans lequel on lit : « Nous approuvons : 1° Pini volant, 2° Pini affectant à la propagande le produit de son vol, 3° Pini revendiquant fièrement en Cour d’Assises l’acte qui l’y a fait traduire ». Et Sébastien Faure commente sa triple proposition en déclarant que le vol, qui doit toujours être approuvé, est toujours méritoire « alors même que le voleur se sert du produit de son vol pour vivre en parasite ou en exploiteur. » I1 y a, d’autre part, des preuves certaines de l’affiliation de cet accusé a divers groupes tombant sous le coup de la loi. Un lettre adressée par lui le 26 novembre 1892, aux compagnons du Falot cherbourgeois démontre qu’il y avait dans la région lyonnaise une organisation anarchiste dont il avait été l’âme.
En relations suivies avec Paul Beclus, il a reçu de lui une série de lettres prouvant d’une manière irréfutable que, notamment, le 4 février 1892, tous deux conféraient avec diverses personnes, dans un but criminel. L’ensemble de cette correspondance atteste qu’il y avait entre Sébastien Faure et Reclus des comptes d’argent dont la provenance assez obscure établit que les individus composant les groupes anarchistes ont suffisamment mis en commun leurs idées et même leurs ressources pour que le mot d’entente caractérise leur concert coupable. Du reste, le contact des hommes d’action du parti n’effrayait pas Paul Reclus, qui écrivait de Nancy à Sébastien Faure « qu’il y avait dans cette ville des copains sérieux ». On sait d’ailleurs ce qu’il entend par cette expression, puisque Pauwels était au nombre de ces « copains sérieux ».
Les théoriciens, tels que Paul Reclus et Sébastien Faure, se reliaient ainsi directement aux agents d’exécution, voleurs ou assassins, suivant en cela une voie logique indiquée notamment par Fortuné Henry en ces termes : « Donc, cher Faure, toujours en avant. Espérons que bientôt une période d’action suivra cette période de parlote. »
Tous ces faits, antérieurs d’ailleurs à la loi du 18 décembre 1893, se rattachent sans interruption à des faits n’ayant précédé que de bien peu l’arrestation de Sébastien Faure, opérée le 19 février 1894 ; des uns et des autres, il résulte que l’entente criminelle n’a pas cessé d’exister. En décembre 1893 et en janvier 1894, Sébastien Faure a fait dans le Rhône, la Loire et les Bouches-du-Rhône, diverses conférences au cours des-quelles la modération voulue du langage n’excluait en rien les violences de la doctrine. A la même époque, il a pris part journellement à des conciliabules tenus chez l’accusé Duprat et il a correspondu avec l’accusé Paul Bernard, homme d’action très dangereux, à l’effet de tirer parti, au point de vue pécuniaire, des lettres de Vaillant.
PAUL RECLUS
Paul Reclus est un ingénieur des arts et manufactures, il compte parmi ses parents des hommes de
science et des penseurs éminents, dont le plus illustre, son oncle, Elisée Reclus, professe, comme lui, les doctrines anti-sociales les plus funestes. D’un tempérament actif, Paul Reclus est bientôt sorti de la spéculation pour pour se livrer au prosélytisme et a conquis presque immédiatement une des premières places parmi les anarchistes. Sa propagande était discrète et individuelle, mais elle savait inspirer une aveugle confiance; avant de commettre son crime, c’est de lui que Vaillant sollicite les fonds dont il a besoin ; c’est encore à lui qu’il s‘adresse au moment même d’agir, et c’est lui qu’il charge de ses suprêmes recommandations; c’est enfin chez lui que Pauwels se cache, en 1891, quand il est traqué par la police.
Paul Reclus s’était, en outre, donné pour mission particulière d’organiser les finances du parti; à cet
égard, il a lui-même défini son rôle dans une lettre qu’il a écrite le 28 décembre 1893 à M. le juge d’instruction Meyer. Il y explique les motifs de sa fuite en disant que pour se disculper « il aurait eu à divulguer la comptabilité des fonds confiés à sa garde et à fournir ainsi les noms de plusieurs braves amis, dont quelques-uns, étrangers, eussent été expulsés ». Les recherches faites pour découvrir le lieu de sa retraite ont été infructueuses.
CONSTANT MARTIN
Autour de Jean Grave, de Sébastien Faure et de Paul Reclus, que tous considéraient comme des maîtres, se groupaient des disciples, les uns lettrés comme Ledot, Agneli, Chatelet, Pouget ; les autres, hommes d’action,comme Bastard, Paul Bernard, Daressy, Soubrier, Brunet, Billon,Tramcourt,Chambon et Malmeret, tous avec des tendances diverses également dangereuses.
Deux individus, qui ont rempli un rôle tout spécial. Constant Martin et Duprat, leur servaient de
trait d’union. L’un et l’autre ont su être indispensables et rendre au parti anarchiste d’inappréciables services.
Constant Martin, ancien blanquiste, ayant évolué depuis 1883 vers l’anarchie, a été en relation directe et constante avec Sébastien Faure et a été préposé, sous la direction de Paul Reclus, à ce qui, dans une société régulière, s’appellerait la « comptabilité espèces ».Trésorier des compagnons, il a de plus utilisé ses nombreux séjours à l’étranger pour mettre en rapport les anarchistes français avec ceux de Londres, de Bruxelles, de Milan, etc. La crémerie qu’il tenait rue Joquelet était en quelque sorte un lieu d’asile et un centre de renseignements pour tous les malfaiteurs internationaux se réclamant de l’anarchie.
DUPRAT
Duprat, ancien ouvrier tailleur, devenu marchand de vin, s’est signalé, vers 1883, dans les réunions anarchistes, par la violence de son langage. Rédacteur de l’Indicateur anarchiste, il était affilié aux groupes les plus remuants, passait pour un militant des plus énergiques, s’occupait activement de propagande et avait noué des relations avec l’étranger. A partir de 1890, son établissement, sis rue Ramey, 11, a été un des centres principaux où les anarchistes de tous lespays tenaient leurs conciliabules ; un dépôt pour les brochures de propagande y avait été établi.
LEDOT
Ledot a fait en novembre 1893 un voyage à Bruxelles pour se mettre en communication avec des anarchistes belges. Rédacteur de la Révolte, il y était chargé de l’article périodique intitulé «Mouvement social ». A partir de l’arrestation de Jean Grave, il l’a remplacé comme administrateur du journal. Il a continué, en cette qualité, après la promulgation de la loi du 18 décembre 1893, à faire ouvertement la propagande par écrit et à recueillir des fonds pour son extension. Un article inséré par lui dans la Révolte, à la date des 13 et 20 janvier 1894, est un appel non dissimulé à l’emploi des explosifs.
Un article publié peu après dans le numéro des
17 au 24 février, quelques jours avant l’attentat qui a été commis à Liège, signale les « bonnes nouvelles » qui arrivent de cette ville, « où les camarades paraissent sortir de l’indifférence et où un nouvel essor va être donné à la propagande… »
CHATEL ET AGUELLI
Chatel et Aguelli.qui habitaient ensemble, font profession de se livrer exclusivement à des occupations philosophiques, littéraires et artistiques, et d’admirer seulement en « dillettanti », à qui l’action ne saurait convenir, ce qu’ils trouvent « d’esthétique dans les beaux gestes de l’anarchie ». En réalité, il n’y a là qu’une attitude destinée à voiler une coopération très active à l’oeuvre de l’anarchie. Chatel a fondé la Revue anarchiste. Après avoir été gérant de L’En Dehors, il a collaboré à la Revue libertaire et y a fait paraître des articles mettant en relief, pour les exalter, tous les crimes des compagnons.
On a saisi en la possession d’Aguelli une lettre, non signée, datée du 5 février 1894 et dont l’auteur, paraissant s’exprimer au nom d’un groupe anarchiste de Bruxelles, se lamente au sujet de la disparition de la Révolte et demande des renseignements afin de reprendre en Belgique la publication de ce journal. Les termes de cet écrit établissent surabondamment l’affiliation de son auteur, comme de son destinataire, à l’entente anarchiste.
POUGET
Pouget, ancien employé de commerce, ayant reçu une instruction complète, a créé et rédigé le Père
Peinard, l’un des organes les plus violents du parti. Il a préconisé à maintes reprises, dans les réunions, l’emploi des explosifs. La correspondance versée au dossier révèle qu’une entente s’était établie entre lui et divers anarchistes de province. Pouget est en fuite.
BASTARD
Bastard fait partie du groupe des hommes d’action, peu capables de propagande écrite, mais prêts à tous les crimes ; c’était un ami intime de Pauwels. Au moment de son arrestation, il a tenu ce propos : « Cette fois-ci je monterai la butte de monte-à-regret, j’embrasserai la veuve ! » Connu comme l’un des orateurs les plus virulents des réunions anarchistes et des conciliabules tenus chez Duprat, il n’a jamais cessé, depuis 1891, de se livrer à une propagande active.
PAUL BERNARD
Paul Bernard était à Barcelone au moment de l’explosion du théâtre de cette ville. Il a été arrêté et longtemps détenu, puis relâché, faute de preuves suffisantes.
Il est toujours en rapport avec les anarchistes espagnols. Sébastien Faure a en lui une grande confiance; c’est à lui qu’il a remis les lettres de Vaillant et c’est lui qu’il a chargé d’en faire argent.
BRUNET
Brunet, ouvrier menuisier, a fréquemment soutenu, dans les réunions, la doctrine du droit au vol ; il y a l’ait l’éloge de Ravachol et de Duval, etc. Il résulte d’une lettre du 30 janvier 1892, signée «Guillaume » et saisie chez Sébastien Faure, que Brunet était considéré dans le parti comme faisant autorité à l’égal de Malato, Pouget, Courtelier, Emile Henry, Malha, Tresse, etc., etc. Jusqu’au jour de son arrestation, il a continué son oeuvre de propagande et a assisté « aux soirées familiales » de Duprat.
BILLON
Billon, ouvrier typographe, est à peine majeur. Il a parcouru les campagnes pour répandre les théories anarchistes, jusqu’au jour où il a été poursuivi comme vagabond. Il résulte d’une lettre sans date et sans signature, qu’un compagnon de province lui demande de l’initier « afin qu’il puisse travailler pour la cause dans l’endroit où il se trouve, voulant se tenir à la hauteur de Vaillant et autres, qui, jusqu’au bout de la culbute, ont affirmé et défendu vaillamment l’idée pour la réussite de laquelle nous vivons ». Un brouillon de lettre, écrit par Billon, fait connaître qu’ultérieurement à la loi du 18 décembre 1893, « il a fait de la propagande de toutes les manières possibles, jetant la graine à tous les vents ».
SOUBRIER
Soubrier, qui était mineur à Decazeville, lors de l’assassinat de l’ingénieur Watrin, s’est lancé dans le
mouvement anarchiste. On a trouvé chez lui un cahier donnant le compte rendu de plusieurs réunions anarchistes du Cercle international. Au cours de la réunion du 1er août 1892, à laquelle Soubrier a assisté, l’un des orateurs faisant allusion à la saisie faite par la police d’un dépôt de matières explosives a dit « que si rien n’avait été découvert, on aurait eu à bref délai de joyeuses surprises. » Ces paroles ne laissent aucun doute sur les sentiments des affiliés du « Cercle international » et sur le but qu’ils visaient.
DARESSY
Daressy, ouvrier cordonnier, a centralisé les correspondances des anarchistes qui, isolés dans les campagnes, demandaient qu’on leur envoyât des journaux et des brochures pour la propagande. Une note insérée dans le numéro de la Révolte, en date des 28 octobre et 3 novembre 1893, avise les intéressés de cette organisation et indique l’adresse de Daressy. Certains compagnons le considéraient, d’ailleurs, comme un homme d’action capable de se livrer à la propagande par le fait ; ainsi, le 15 janvier dernier, un inconnu lui a expédié par la poste un écrit contenant la formule de divers explosifs et des dessins donnant très exactement les plans d’une bombe à mèche chargée à la
poudre chloratée, et de l’amorçage d’un engin quelconque avec une amorce électrique au fulminate de mercure.
TRAMCOURT
Tramcourt, qui est un repris de justice, a pendant quelque temps habité l’Angleterre. Il a entretenu une correspondance active avec des compagnons réfugiés dans ce pays. On a saisi chez lui une lettre, datée de Londres, le 26 décembre 1893, dans laquelle un anarchiste anonyme, qui paraît être en étroite relation d’amitié avec Tramcourt, l’informe que « la guerre est déclarée, qu’il n’y a plus qu’à se défendre » et l’invite à dire à son « oncle qu’il est encore plus résolu qu’avant ».
CHAMBON
Chambon, originaire de Valréas (Vaucluse), s’est fait connaître comme affilié militant à Lyon, où, sous un faux nom, il avait loué une chambre pour donner asile aux anarchistes de passage. Il s’est maintenu constamment en rapport avec les compagnons fixés à Londres, dont le quartier général est établi 30, Fitzroy-Square. Au moment de son arrestation, Chambon a essayé de faire disparaître, en l’avalant, un écrit contenant un appel adressé aux anarchistes en vue d’une action immédiate. Un autre écrit, émanant de lui, intitulé : « Recette culinaire », annonçait la publication prochaine d’une sorte de manuel pour la confection des engins explosifs.
MALMERET
Malmeret, graveur-lithographe, a fondé à Valréas un groupe d’études ; à Paris, il se cachait sous de faux noms. Quoiqu’il prétende s’être retiré complètement du mouvement anarchiste, il résulte des renseignements recueillis sur lui, qu’il se proposait de faire paraître un opuscule fournissant des formules chimiques pour la fabrication des bombes.
Tous ces accusés sont poursuivis à raison de l’entente établie dans le but de préparer ou de commettre des attentats contre les personnes ou les propriétés.
D’autres accusés ont, de plus, passé de la préparation à l’action. Leur chef est Ortiz, qui se relie aux anarchistes sus-désignés par l’intermédiaire de Constant Martin. Les principaux auxiliaires ont été la fille Cazal, sa maîtresse, Bertini, Chericotti, Liégeois, la veuve Milanaccio, qui a pour amant Bertini, la femme Chericotti, la veuve Belloti et son fils Louis Belloti. Le caractère de cette bande est le cosmopolitisme, non seulement par tendance, mais par origine et par habitude.
La plupart des sus-nommés, en effet, étrangers de naissance, séjournaient fréquemment à Londres, où ils trafiquaient du produit de leurs vols. Ortiz et Chericotti ont notamment fait partie d’un groupe secret d’action ayant son siège dans cette ville et qui avait pour but le cambriolage sur le continent.
ORTIZ
Ortiz, fils d’un Mexicain et d’une Polonaise, a terminé ses études au collège Chaptal comme boursier de la ville de Paris. Entré en 1887 à la Révolution cosmopolite, il a publié immédiatement un article de provocation au pillage en même temps qu’un rédacteur de cette revue y insérait un article invitant à l’action individuelle et à la propagande par le fait.
Lorsque l’anarchiste Schouppe, condamné aux travaux forcés, revint en France, après son évasion, et commit au préjudice du sieur Flandrin le vol relaté plus loin, ce fut Ortiz qui lui donna asile et qui, pour lui créer un alibi, écrivit de sa main à la femme Schouppe une lettre qu’il signa Schouppe et qu’il fit mettre à la poste à Brooklyn (New-York), le 15 août 1892. Son entente avec Schouppe est donc certaine.
Ortiz était intimement lié avec Emile Henry.
Dans la nuit du 13 au 14 août 1892 à Abbeville, plusieurs malfaiteurs ont pénétré, à l’aide de fausses clefs, dans la maison de M. Flandrin; après avoir fracturé plusieurs portes, ils ont brisé un coffre-fort et ont fait main-basse sur des titres représentant une valeur d’environ quatre cent mille francs, une certaine quantité de couverts et de pièces d’argenterie, etc.
Schouppe a été condamné comme auteur principal de cette soustraction frauduleuse. Manheim et Crespin l’ont été comme complices par recel. Tous deux, directeurs à Paris d’une sorte d’agence interlope pour la négociation en Angleterre des titres dérobés, ont révélé à la justice, après le verdict du jury, que Ortiz, l’un des coupables, lui avait échappé. En effet, en septembre 1892, Manheim s’était rendu à Londres pour s’entendre au sujet de la vente de certaines des valeurs volées, avec Marocco, anarchiste bien connu, qui s’occupe spécialement en Angleterre des affaires de ce genre. Il s’y rencontra avec Ortiz, parti de France immédiatement après le crime, pour céder à Marocco divers des titres dont il n’ignorait aucunement l’origine frauduleuse.
Le vol de Ficquefleur.
Pendant la nuit du 7 au 8 janvier 1893, à Ficquefleur-Equanville (Eure), trois individus masqués et armés de stylets se sont introduits par effraction dans l’habitation des dames Postel et Moulin pendant qu’un quatrième faisait le guet au dehors. Ils se firent, par menaces, remettre les clefs et s’emparèrent de la somme de 1,100 francs en billets et en espèces métalliques, de divers bijoux et d’une liasse de récépissés constatant le dépôt dans un établissement de crédit de valeurs représentant un capital de 800,000 francs. Cela fait, ils lièrent leurs victimes et assurèrent ainsi leur fuite. Ces malfaiteurs étaient vêtus bourgeoisement et s’exprimaient avec correction ; l’un d’eux répondait au signalement d’Ortiz et un autre à celui d’Emile Henry. Or, du 21 décembre 1892 au commencement
de janvier 1893, trois hommes, parmi lesquels deux répondaient aux mêmes signalements, avaient séjourné dans la région et particulièrement à la Bivière-Saint-Sauveur, sous le prétexte de chercher une usine pour y monter une grande industrie. L’un d’eux, sous le nom de Jean Nicole, se donnait comme ingénieur; l’autre, sous celui de Robert Philpott, comme le fils d’un riche négociant anglais, bailleur de fonds de la future affaire. Le troisième se faisait appeler Marlin Alexandre.
Le 7 janvier, jour du vol, quatre individus, qui ont été évidemment les auteurs, passèrent la soirée à
Honfleur, chez le sieur Bacignol, cafetier. Le lendemain de grand matin, on les revit venant de Ficquefleur et regagnant Honfleur à pied. Plusieurs habitants de la Rivière-Saint-Sauveur, et notamment le maire de cette commune, ont formellement reconnu, Ortiz, comme étant le faux Nicole et, Emile Henry comme étant le faux Philpott. Emile Henry a d’ailleurs fourni une preuve matérielle de sa culpabilité, n’ayant pu tirer parti des récépissés soustraits à la dame Postel, il les lui a retournés de Londres, en joignant une lettre dans laquelle il invitait sa victime à lui faire parvenir en échange une somme de 30.000 francs. Cet écrit n’est pas .signé d’Emile Henry, mais son authenticité a été vérifiée et est indiscutable.
Vol Demagnez
Dans la nuit du 29 au 30 janvier 1893, à Nogent-les-Vierges (Oise), plusieurs cambrioleurs, dont les procédés dénotaient une habileté consommée et un outillage très perfectionné, out pénétré dans la demeure du sieur Demagnez, après s’être introduits dans le parc en escaladant une petite porte en fer grillagé. Ils ont ouvert, à l’aide d’effraction, une armoire à glace et se sont approprié une certaine quantité de linge, de vêtements et d’argenterie. Ils ont emporté notamment un couvre-pieds en soie rose, deux réveille-matin, dont un émaillé, et plusieurs fusils. Les auteurs de cette soustraction frauduleuse étaient encore vainement recherchés, lorsqu’en mars 1894, la police fut avisée qu’il existait au numéro 1 du boulevard Brune un véritable repaire d’anarchistes, d’origine italienne, se
livrant au vol. Dans cet immeuble très petit et composé d’un rez-de-chaussée et d’un seul étage desservi par une passerelle, résidaient, depuis le mois d’octobre 1893, la veuve Belotti, la veuve Milanaccio et son amant Bertini, tous anarchistes militants, Louis Belotti y vint rejoindre sa mère un peu plus tard.
Bertini est intimement lié avec Ortiz ; ils étaient d’ailleurs ensemble lors de leur arrestation, opérée sur la voie publique le 19 mars 1894, Ortiz était à ce moment porteur d’un revolver et Bertini d’un pistolet.
Chéricotti, expulsé de France comme anarchiste dangereux, y était indûment rentré et, sous le faux nom de Laurent, s’était réfugié, lui aussi, boulevard Brune, n° 1. Quant à Ortiz, qui est son ami, il dissimulait son identité ; il logeait route de Flandre, 66, à Pantin avec la fille Cazal, sa maîtresse, dont il avait pris le nom. Une perquisition faite dans la maison du boulevard Brune fit découvrir un nombre considérable d’objets volés. Une perquisition faite peu après chez Liégeois, qui professe les doctrines anarchistes les plus avancées, démontra que cet homme détenait notamment une grande partie du linge dérobé chez le sieur Demagnez. Le couvre-pieds en soie rose susmentionné et un réveille-matin en émail ont été retrouvés dans la chambre occupée par Bertini et la veuve Milanaccio ; deux des fusils soustraits avaient été engagés par Ortiz lui-même chez le sieur Giroux.
La femme Chericotti avait en sa possession un certain nombre de bijoux et objets de prix dont elle n’a pu indiquer la provenance légitime. Enfin, il est avéré que la veuve Belotti a aidé la veuve Milanaccio, huit jours avant son arrestation, à transporter, sur l’ordre d’Ortiz, dans un endroit encore ignoré, une malle et un sac de voyage contenant des objets soustraits frauduleusement.
Les divers logements existant boulevard Brune, n° 1, étaient communs à tous les habitants de la maison, de même que tous les objets volés, qui y étaient entreposés par Ortiz, appartenaient à la collectivité, sauf à chacun à en faire l’emploi ou à leur donner la destination déterminée par les chefs de la bande. A cet égard, Louis Belloti doit encourir la même responsabilité que sa mère. Divers écrits trouvés chez lui prouvent d’ailleurs son affiliation aux groupes anarchistes.
MATHA
Matha, ancien coiffeur à Casteljalôux (Lot-et-Garonne) s’est fixé à Paris il y a trois ans environ. Mis
par Constant Martin en rapport avec les compagnons les plus résolus, il a fondé en décembre 1891 le Falot cherbourgeois, puis est devenu gérant du journal l’En Dehors qui, par ses insultes à l’armée, a joué un rôle à part dans la presse anarchiste. Ayant été condamné par défaut pour délit de presse à dix-huit mois et à deux ans d’emprisonnement, il a passé en Angleterre en juin 1892, pour se soustraire à l’exécution des peines prononcées contre lui. Matha était étroitement lié avec Ortiz, Fortuné (Henry), Marocco et Chericotti.
C’est chez Matha, réfugié à Londres, qu’Emile Henry a donné à son patron, le sieur Dupuy, son adresse lorsqu’il s’est enfui en Angleterre après l’explosion de la rue des Bons-Enfants. Quoiqu’il fût sans ressources personnelles, qu’il se sût activement recherché par la police, Matha est rentré en France en janvier 1894, quelques jours avant l’attentat de l’hôtel Terminus.
Le motif de son retour a dû être des plus graves : car, sans but justifiable, il s’est rendu à Paris au péril de sa liberté. Son séjour dans cette ville a été favorisé par Fénéon et Cohen.
FÉNÉON ET COHEN
Fénéon est intelligent et érudit. Commis principal au ministère de la guerre, il était noté comme un excellent employé; il était, dans son existence officielle, d’une correction extérieure ne laissant rien soupçonner de ses sentiments intimes. C’était un homme à double face ; fonctionnaire muet et solennel dans le jour, il recevait le soir, chez lui, Ortiz et Emile Henry.
Il écrivait dans les journaux anarchistes et avait acquis dans quelques feuilles décadentes une sérieuse autorité sur certains jeunes gens aux préoccupations maladives et curieuses d’étrangeté en matière littéraire.
Il était dans les meilleurs termes avec Cohen, Hollandais d’origine, partageant ses principes et ses vues, les exposant comme lui dans les mêmes milieux, jouissant d’une véritable réputation dans le monde intellectuel et ami particulier d Emile Henry.
A la suite d’incidents retentissants et notamment d’un discours d’une violence inouïe contre le général Dodds, qualifié de massacreur, et contre la patrie en général, Cohen, qui, en
fait, est un agent des groupes étrangers, avait été expulsé. Il avait rencontré à Londres, où il avait trouvé asile, Matha qui projetait de rentrer en France, il lui avait fait connaître que Kampfmeyer,
anarchiste allemand, ayant habité Paris, rue Lepic, 69, était retourné dans son pays, laissant à Fénéon la clef de son logement. A la faveur de ce renseignement, Matha, dès son arrivée à Paris, s’aboucha avec Fénéon qui, conformément au désir de Cohen, le mit en possession de l’appartement de Kamptmeyer.
Là, des conciliabules ont eu lieu journellement entre Matha et Fénéon. L’attentat de l’hôtel Terminus
venait de se produire, Emile Henry était arrêté et son domicile avait été découvert.
C’est dans ces circonstances, que des compagnons, devançant la police, s’étaient précipités à la villa Faucheur, en avaient enfoncé la porte et s‘étaient emparés des engins et produits chimiques et notamment d’un flacon en verre jaune contenant du mercure, qu’Emile Henry avait laissé dans sa chambre. Leur mobile était de conserver des substances explosives pouvant servir à de nouveaux attentats. Or, au cours dune perquisition faite au ministère de la guerre, le 26 avril 1894 dans une annexe du bureau de Fénéon, on a saisi un flacon en verre jaune contenant du mercure jusqu à un tiers de sa hauteur, et une boîte d’allumettes de fabrication belge ou anglaise renfermant douze détonateurs chargés au fulminate de mercure, absolument semblables à ceux dont Emile Henry
s’était servi pour fabriquer sa bombe et à ceux que Pauwels portait sur lui lors de l’attentat de l’église de la Madeleine.
L’identité du flacon de mercure enlevé villa Faucheur avec celui que possédait Fénéon n’est pas
manifestement établie, quoiqu’elle soit très probable, d’après les déclarations mêmes d’Emile Henry. En refusant de fournir aucune explication, Fénéon a laissé le champ libre à toutes les hypothèses. Malgré que son attitude constitue à sa charge une lourde présomption de complicité, la justice, s’en tenant à ce qui est matériellement et légalement prouvé, ne retient contre lui, de ce chef, que le délit de détention, sans motifs légitimes, d’engins explosifs.
Les accusés Grave, Faure (Sébastien), Duprat, Ledot, Pouget,Chatel, Bastard, Bernard, Brunet, Billon,Tramcourt et Matha ont des antécédents. Ont été condamnés : Ledot, Bastard et Tramcourt, pour vols; Chatel, pour outrages aux bonnes moeurs; Grave (Jean), Sébastien Faure, Matha et Bernard pour provocation au meurtre ; Brunet pour infraction à la loi sur les attroupements, et Pouget pour pillage en bande.
La Gazette des tribunaux 6 et 7 août 1894
14 mercredi Fév 2018
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inDocuments numérisés par Archives anarchistes :
BB/18/6448 Correspondance de la division criminelle
Documents généraux concernant les anarchistes. 1892-1894. Renseignements communiqués par le ministère de l’Intérieur concernant le comité central de la ligue anarchiste et les correspondants de l’anarchiste Rascle. État d’anarchistes par département. 1892.
Correspondance avec le ministère de l’Intérieur sur le régime des détenus politiques : mesures générales et cas particuliers. 1892-1894.
Rapports de la préfecture de police sur différentes réunions : ligue d’action révolutionnaire, socialistes allemanistes, révisionnistes, broussistes, ouvriers de l’alimentation, etc. Décembre 1892-mars 1893.
Liste d’anarchistes par département (une vingtaine de départements ne sont pas représentés). Listes générales concernant la France et l’étranger. Sur une de ces listes, mention de nombreux écrivains : P. Loti en Charente-Inférieure, J. K. Huysmans, Leconte de Lisle, J. Lemaître, St. Mallarmé 1, etc., à Paris. Sans date.
Liste par cour d’appel des individus poursuivis pour délits de presse, de réunion d’association, etc. 1894.
BB 18 6449 Correspondance de la division criminelle
Rapports des procureurs généraux sur l’état de l’anarchisme dans leur ressort en réponse à un télégramme de la Chancellerie du 13 décembre. 1983. 1893-1894.
A ces rapports très fournis, les procureurs généraux d’Aix, Alger, Besançon, Nancy, Rennes, Riom, Rouen et Toulouse ont joint des notices individuelles sur les anarchistes.
Dans le dossier de la cour d’appel de Lyon numéros du journal Le Peuple, contenant une apologie de l’attentat de la Chambre des députés du 9 décembre 1893. Copies de lettres, articles de journaux et chansons trouvés chez l’anarchiste Sanlaville, directeur-gérant du journal L’Insurgé.
Manquent les rapports des procureurs généraux d’Amiens, Caen et Paris.
BB 18 6450 Correspondance de la division criminelle
Anarchisme de 1890 à 1901. Renseignements fournis par les procureurs généraux près les cours d’appel : Agen à Bastia.
Agen. 1891-1895. Poursuites contre le journal Le Réveil de Mirande pour outrages à l’armée, 1894.
Aix. 1891-1901 [gros dossier] : Procès de S. Faure devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, 1892. Conférences données par le même S. Faure à Marseille, 1894-1896. Poursuites contre le journal L’Agitateur publié à Marseille, 1892-1893. Procédure suivie à Nice contre Zibelin, 1894.
Condamnation de Marcelin par la cour d’assises du Var pour excitation au pillage, 1894.
Alger. 1892-1901. Perquisition dans deux fermes de la commune de Ténès appartenant à Regnier, gendre d’Élisée Reclus, et à André Reclus, fils d’Élie Reclus. 1894.
Amiens. 1890-1901. Foyer d’anarchisme à Saint-Quentin. Rapport sur Brault, candidat aux élections législatives. 1894.
Placards affichés à Beauvais et à Amiens, 1897-1898. Manifestation anarchiste à Amiens à l’occasion de la mi-carême, 1901.
Angers. Correspondance des procureurs généraux d’Angers et d’Aix sur Henri Riemer, condamné par la cour d’assise de Maine-et-Loire pour provocation directe aux crimes de meurtre et de pillage. 1892-1895.
Bastia. 1894. Plainte injustifiée du préfet qui ne trouverait pas une aide suffisante auprès des magistrats.
BB 18 6451 Correspondance de la division criminelle
Anarchisme de 1890 à 1901. Renseignements fournis par les procureurs généraux près les cours d’appel : Besançon à Douai.
Besançon. 1892-1899. Information ouverte contre Maxence Roldes, poursuivi pour avoir fait l’apologie de la Commune dans une réunion tenue à Besançon le 18 mars 1899.
Bordeaux. 1890-1897. Interruption du service pénitentiaire dans l’arrondissement de Barbezieux, en raison du délabrement de la prison 1. 1890.
Transmission par le consul du Brésil à Bordeaux d’un article sur la découverte d’une organisation anarchiste au Brésil. 1895.
1. Ce dossier était coté 451 A 90 avant d’être joint à 56 BL. Dans la série chronologique, les dossiers de l’année 1890 sont en déficit jusqu’à 830 A 90.
Bourges. 1891-1901. Discours violent du député Baudin à Vierzon à l’occasion de l’anniversaire de la Commune. 1891.
Poursuites contre le journal Le Réveil social du Cher, à la suite d’un article intitulé « A bas le tsar ». 1901.
Caen 1892-1894. Groupe anarchiste de Cherbourg autour de Lepaslier, rédacteur en chef du Falot cherbourgeois. Liste des personnes recevant ce journal. Copie d’une lettre 1 de Sébastien Faure du 26 janvier 1892 aux compagnons du Falot cherbourgeois pour les inciter à pratiquer l’abstention à l’égard du 1 er mai. Analyse de lettres saisies au domicile parisien de Stéphane Mougin en vertu d’une commission rogatoire du juge d’instruction de Cherbourg. Parmi les correspondants de Mougin : Lucien Weill, Charles Malato, A. Antignac, S. Faure, l’italien Giuseppe Rovigo, Pouget, directeur du Père Peinard.
Notices individuelles concernant des anarchistes de Cherbourg.
1. Cette lettre a été publiée par Maitron dans Histoire du mouvement anarchiste en France, p. 517 et suivantes, d’après F 7 12507 où se trouve également une simple copie.
Chambéry. 1893-1901. Tentatives de faire sauter la statue du président Carnot à Annecy. 1901.
Dijon. 1891-1901. Premier congrès annuel de la fédération des socialistes de l’Est, février 1891. Situation des centres ouvriers du ressort à la veille du 1 er mai 1891.
Journal hebdomadaire La Mistoufle, paraissant à Dijon. 1893-1894
Lettres de Lavigne, soldat à Langres, critiquant l’armée et adhérant aux théories anarchistes, saisies chez ses parents lors de perquisitions à Sanvignes-les-Mines et Toulon-sur-Arroux. 1892-1894.
Douai. 1891-1901. Condamnation d’un ouvrier tulliste de Calais qui était en possession d’un placard intitulé Déclaration des soldats anarchistes. 1893.
Dossier concernant Victor-Henri Dupont, rédacteur au Père Peinard, 1892-1894.
Poursuites contre le journal La Cravache. 1898.
BB 18 6452 Correspondance de la division criminelle
Anarchisme de 1890 à 1901. Renseignements fournis par les procureurs généraux près les cours d’appel : Grenoble à Lyon.
Grenoble. 1891-1897. Interruption du culte par des anarchistes dans l’église Saint-Barnard de Romans, 1891. Explosions d’engins dans l’église de Jallieu et le palais de justice de Vienne, 1894.
Nombreux rapports sur l’anarchiste Cadeaux. 1891-1895.
Insuffisance de la police municipale de Vienne. Conflit entre l’administration municipale de Vienne et le commissariat central de police. 1895.
Limoges. 1891-1897. Séjour à Limoges de Tennevin 1, 1893-1895. Lettre du ministre de l’Intérieur se plaignant du procureur de la République de Bellac qui serait responsable de la disparition de l’anarchiste Deschamps, 1895.
1. Sur ce même Tennevin ou Thenevin, voir dans le dossier suivant, plusieurs rapports du procureur général de Lyon en 1892.
Lyon. 1890-1901. [gros dossier] Discours de J. Guesde à Roanne à l’occasion d’une réunion publique. 1890.
Article de Tabarant dans le journal L’Action du 22 février 1891 ayant pour titre » Conscrits » et contre lequel le ministre de la Guerre demande des poursuites. 1891.
Affichage à Roanne d’un placard conseillant aux conscrits de ne pas tirer au sort. Refus du conscrit Thomassin de tirer au sort. 1891.
Arrestations à Saint-Étienne de plus de vingt travailleurs accusés d’appartenir à une association de malfaiteurs, avril 1892. Nombreuses arrestations et perquisitions à Lyon, Villefranche, Roanne, Saint-Étienne en 1894.
Poursuites contre les responsables de la réimpression à Lyon d’une brochure de Malato Les travailleurs des villes aux travailleurs des campagnes. Autres poursuites contre le journal Le Peuple. 1893-1894.
Renseignements sur Paul Bernard, dont le consul de France à Barcelone signale l’action en Catalogne. 1892-1894.
Manifestations d’ouvriers sans travail à Lyon, à l’instigation de S. Faure. Décembre 1901.
BB 18 6453 Correspondance de la division criminelle
Anarchisme de 1890 à 1901. Renseignement fournis par les procureurs près les cours d’appel : Montpellier à Orléans.
Montpellier. 1892-1901. Placards anarchistes à Ganges, Narbonne, Montpellier et Millau, 1892-1893. Perquisitions à Aubin et Decazeville (Aveyron). Pièces saisies à l’occasion de ces perquisitions chez Chabert et Pougneau, d’Aubin. Nombreux rapports sur Isidore Bras, dit Ravachol, d’Aubin, 1893-1894.
Recherche de Tremuchet ou Tremichel qui comploterait contre la vie de Dupuy, président du conseil. 1894.
Conférences de Dhorr à Montpellier et à Sète. 1897-1898.
Nancy. 1891-1899. Poursuites contre Baicry qui a placardé sa publication Le Révolté sedanais sur les murs de la ville, 1892.
Placards anarchistes (notamment l’affiche Dynamite et Panama) à Nancy, Nouzon et Charleville, 1892-1894
Propagande des anarchistes de Nancy auprès des jeunes gens en âge d’être incorporés, 1892. Rapports concernant Paul Reclus, chef du groupe anarchiste de la région de Nancy et ingénieur de la Soudière de la Meurthe, 1892.
Perquisitions chez les anarchistes de Charleville, Mézières, Nouzon, Monthermé et Renwez, 1894. Groupes des » Sans Patrie » à Charleville fondé par le Belge Moray, 1892-1895.
Incendies à Revin : intervention de la municipalité pour obtenir la rétractation d’un témoin qui mettait en cause un militant socialiste. 1891-1895.
Saisie de brochures anarchistes chez un sergent du 14 e de ligne à Toul. 1895.
Nîmes. 1892-1901. Groupe des socialistes indépendant de Cavaillon. 1895.
Orléans. 1892-1897. Parmi les anarchistes les plus souvent cités : Moulinier et Colas, d’Orléans, en relation avec Béant, de Sens, et Huard, instituteur-adjoint à Romorantin. 1893-1894.
Conférence de S. Faure à Tours. 1897.
BB 18 6454 Correspondance de la division criminelle
Anarchisme de 1890 à 1901. Renseignements fournis par des procureurs généraux près les cours d’appel : Paris à Poitiers.
Paris. 1890-1891. [très gros dossier] Nombreuses réunions anarchistes à Paris, Troyes, Saint-Ouen et Reims. 1890-1898.
Révocation de Boë, inspecteur primaire à Sens, compromis par les saisies opérées chez Gérard, dit Rodach, à Chaumont. 1892.
Dossier concernant Durey, ancien gérant du Père Peinard, 1892. Affaire P.L. Pemjean 1, condamné pour injures à l’armée et provocation de militaires à la désobéissance, 1892-1893. Situation pénale de Paul-Pierre Martinet et requête du dit Martinet, 1892-1893.
Projet de formation à Reims d’un groupe » Les vengeurs de Vaillant « , 1894. Absence de commissaire de police à Tonnerre où se trouve un groupe d’anarchistes, 1897.
Rapports sur Le Père peinard à la suite d’articles faisant l’apologie du meurtre de Canovas par Angiolillo, 1897. Poursuites contre Le Libertaire et Le Cri de révolte, 1898-1901.
1. Le dossier de procédure devant les assises de la Seine, qui avait été adressé à la Cour de cassation à la suite d’un pourvoi, est joint au dossier du ministère.
Pau. Affaires diverses. 1894 et 1899-1901.
Poitiers. Affaires diverses. 1892 et 1898.
BB 18 6455 Correspondance de la division criminelle
Anarchisme de 1890 à 1901. Renseignements fournis par les procureurs généraux près les cours d’appel : Rennes à Tunis.
Rennes. 1891-1902. Attentats à la dynamite à Nantes contre l’habitation privée du banquier Couillaud et contre le siège de la banque Rousselot, Couillaud et compagnie. 1891.
Réunion organisée à Nantes par l’union syndicale ouvrière et par le comité socialiste révolutionnaire au cours de laquelle le député Lafargue prend la parole, 1892. Réunions publiques à Saint-Nazaire et à Montoir en septembre et octobre 1892. Poursuites contre Régis Meunier pour des propos tenus lors d’une de ces réunions. Poursuites pour offenses à magistrat contre les anarchistes Sevré et Borda, 1892-1893.
Fiches individuelles sur les anarchistes de Brest et Lambezellec, décembre 1893. Réunion antimilitariste organisée à Brest par le syndicat des ouvriers du port, 1902.
Riom. 1894-1901. Perquisitions et arrestations dans l’arrondissement de Montluçon. Poursuites contre F. Calazel, Frénot dit Fréjac, Guillon, etc. 1894.
Notices individuelles concernant des anarchistes et des conscrits du département de l’Allier ayant des idées révolutionnaires. État des anarchistes du département de la Haute-Loire. 1894-1898.
Rouen. 1892-1898. Placards anarchistes au Havre, autour des casernes, et à Rouen. 1892-1898.
Renseignements sur Octave Mirbeau qui réside aux Damps (Eure) depuis 1889. 1892.
Poursuites notamment contre Lepiez, du Havre, Joncquais, employé aux fonderies de Romilly-sur-Andelle. 1892.
Rapports sur le journal Le Réveil social, de Rouen. 1892.
Fiches individuelles concernant les individus inculpés d’association de malfaiteurs, détention de substances explosives ou apologie de faits criminels. 1894
Nomenclature des écrits anarchistes expédiés de Buenos Ayres à Jean Grave et saisis au Havre. 1896.
Manifestation d’anarchistes le 23 janvier 1898 au Havre ayant à leur tête Hanriot, rédacteur en chef du journal Le Progrès socialiste du Havre. Incident au Havre pour l’anniversaire de la Commune. 1898.
Toulouse. 1890-1896. Renseignements fournis par le ministère de l’Intérieur sur Émile Darnaud, maire de Roquefixade (Ariège) et auteur de brochures anarchistes. 1892.
Manifestation socialiste à Carmaux à l’occasion de l’enterrement civil d’un ouvrier verrier, 1893. Perquisitions à Albi et Carmaux. Pièces saisies à cette occasion chez Deymié, de Carmaux et procédure contre le dit Deymié, 1894.
Tunis. 1890-1894. Groupe d’anarchistes italiens à Tunis, animé par le docteur Converti.
BB 18 6461 Correspondance de la division criminelle
Dossiers individuels :
Dossier 1
Sébastien Faure. Poursuites devant la cour d’assises du Rhône à la suite de propos tenus dans une réunion à la bourse du Travail de Lyon, 1891-1892. Lettre de S. Faure au garde des Sceaux, datée de Clairvaux où il subit sa peine, 1893. Lettres adressées à S. Faure et qu’il a confiées aux époux Soulier de Nîmes, 1894. Incidents au Havre à l’occasion de l’arrivée de S. Faure et Louise Michel, 1897.
Dossier 2
Les frères Henry, essentiellement Fortuné Henry dit Fortuné, frère d’Émile Henry, et rédacteur au Père Peinard. Lettres écrites de Clairvaux par Fortuné Henry à Malicet et Bouillard. 1892-1894.
Dossier 3
Octave-François-Aimable Jahn. Discours très violent à Troyes, Lyon et Roanne à la suite desquels il est condamné par les cours d’assises du Rhône et de la Loire. Pièces concernant en outre Bernard, Colas et L. Weil, gérant du Père Peinard. 1890-1894.
Dossier 4
Pauwels dit Rabardy, auteur et victime de l’attentat de la Madeleine. Long mémoire le concernant. Pièces relatives à Jules Clarenson, arrêté à Montpelllier en 1896 et qui prétend être Rabardy. 1894-1896.
Dossier 5
Ravachol. Poursuites contre divers journaux pour publication anticipée de son acte d’accusation devant la cour d’assises de la Seine, 1892. Transfert de Ravachol à Montbrison et procès devant les assises de la Loire. Copies de lettres de menaces adressées à ses juges. Feuille La défense du compagnon Ravachol en vente à Marseille. Recherche au Canada d’anarchistes, soupçonnés d’être les auteurs de l’explosion du restaurant Véry. Pièces concernant F. Cavallero, accusé d’avoir participé à l’assassinat des dames Marcon. 1892-1895.
Dossier 6
Famille Reclus. Interdiction du placard imprimé à Bruxelles, signé Reclus et ayant pour titre Pourquoi nous sommes anarchistes, 1894. Ordre de saisir la brochure d’Élisée Reclus A mon frère le paysan. Surveillance de colis expédiés à Élisée Reclus à Ars-en-Ré, 1894. Rapports sur Paul Reclus et Joseph Alexandre Cohen, 1893-1895.
Dossier 7
Vaillant. Attentat du Palais-Bourbon. Apologie de cet acte dans le journal Le Progrès du Havre. Lettre de Labori, avocat de Vaillant. Pétitions en sa faveur. Coupures de presse. 1893-1894.
Dossier 8
Pièces concernant divers anarchistes : Mezetti, mouleur en plâtre à Lille, fabricant de statuettes, représentant la République sociale ; Dupont ; Ouin ; etc. 1892-1894.
25 samedi Nov 2017
Posted Documents
inL’ACTION ANARCHISTE.
Les groupés, anarchistes ne bornent pas leur action à la propagande parlée ou à la propagande par le fait. En moins de dix années; ils ont fondé une presse, une véritable pressa internationale, c’est-à-dire un nombre important de journaux publiés un peu partout; dans l’ancien et le nouveau monde. Au premier coup d’oeil, nous reconnaissons dans cette presse les catégories, les genres divers qui distinguent la nôtre. Les amis de Ravachol ont le choix entre l’organe grave comparable au Journal des Débats et les petits pamphlets qui rappellent par leur format et leurs allures la Lanterne de Boquillon. Ils ont le journal boulevardier « essentiellement parisien », et le grand papier américain édité là-bas par quelque Gordon Benett de l’anarchie. Ces feuilles s’échangent régulièrement et leurs relations, purement postales, constituent pour ainsi dire; l’unique lien de groupe à groupe.
Nous allons tracer ici, en grandes lignes, un tableau de la presse anarchiste. A cette fin, nous sommes obligés d’adopter une classification spéciale. Ces associations révolutionnaires antipatriotes, n’ont naturellement fondé aucun journal « national »; nous ne trouvons ici ni presse anglaise, ni presse française, ni presse allemande, — mais seulement des journaux imprimés en anglais, en français ou-en allemand, et s’adressant à tous les lecteurs d’une même langue sans distinction de nationalité. Il va sans dire que nous ne ferons figurer dans cette nomenclature que les organes principaux et non les éphémères, les canards supprimés après quelques numéros. Tous les journaux cités ci-dessous paraissent sans interruption, depuis, plusieurs an nées.
Les journaux anarchistes en langue française sont :
La Révolte, journal scientifique, philosophique et littéraire. — Publié à Paris.
Le Père Peinard. — Publié à Paris.
L’En-Dehors, journal plus spécialement littéraire, — Publié à Paris.
L’Homme libre. — Publié à Bruxelles.
Les journaux anarchistes publiés en langue allemande sont:
Die Autonomie, organe doctrinaire et philosophique, fondé par Most et le prince Kropotkine, abandonné ensuite par Most. — Publié à Londres.
Freiheit (La Liberté), fondé et dirigé par Most. Publié à New-York.
Le Socialiste, L’Ami du travail. L’Anarchiste, Le Travailleur libre, La Révolte, L’Homme libre, L’Esclave. Publiés à New-York.
Aucun journal anarchiste ne peut être imprimé ou introduit en Allemagne. Les feuilles anarchistes allemandes publiées en Amérique ou en Angleterre parviennent aux Allemands par voie postale et sous enveloppe, ce qui accable la propagande de frais écrasants. Le plus souvent ils se répandent sous forme d’extraits autographiés imprimés secrètement à Leipzig et à Berlin.
Les feuilles anarchistes en langue anglaise sont:
Freedom (La Liberté) fondé par Parsons*, l’un des anarchistes pendus à Chicago —Publié à Chicago.
Freedom. Edition anglaise illustrée. Publiée à Londres.
The Commonweal, dont les rédacteurs subirent il y a trois mois un procès retentissant. Publié à Londres.
Le Réveil des mineurs, publié en double édition à New-York et à Londres pour le pays de Galles. Deux journaux, seulement sont rédigés en langue portugaise : L’Ecco socialista et le A Tribuna, organe des ouvriers du tabac, publié à Porto.
Les journaux anarchistes de langue espagnole sont :
El Despertad (Le Désespéré), publié à New-York.
El Communista, publié à Madrid.
El Productor, publié à Barcelone.
El Productor, publié à Cuba.
Enfin, un petit journal, La Tramontana, sorte de pamphlet rédigé moins en espagnol qu’en patois catalan et que l’on pourrait comparer à une sorte de Père Duchêne.
La langue italienne compte trois journaux** :
Anarchia, publié à Rome.
El proletario de Marsala, publié en Sicile.
El Revoluzionare, publié â Naples.
El Anarchista, publié à Venise.
Deux journaux, anarchistes sont rédigés en patois argentin. Ce sont :
El typografo et El Perseguido, publiés tous deux à Buenos-Ayres.
Enfin, il nous reste à citer un journal égyptien, publié à Port-Saïd, dont le titre peut se traduire par le Libertaire.
Et le Travailleur libre, organe des groupes ; judaïques révolutionnaires, publié en hébreu pour les juifs, russes.
Au total : trente et un journaux principaux, comptant, tous plusieurs années d’existence et une immense clientèle de lecteurs.
A côté de ces feuilles importantes, d’autres feuilles paraissent au second plan. Noua citerons par exemple pour la France : Le Falot cherbourgeois fondé à Cherbourg par un contre-maître de l’Arsenal et qui compte son tirage par 5.000 exemplaires hebdomadaires; puis le Libertaire, une feuille autographiée publiée à Alger et répandue sur toute, la côte africaine nord, d’Oran à Sfax.
D’autres feuilles ont vécu après une existence parfois brillante, comme par exemple le Pot-à-Colle, organe des ouvriers du meuble, dont il se vendait chaque semaine 12.000 numéros autour du faubourg Saint-Antoine : et le Cri Typographique, qui ai disparu subitement, après avoir atteint un tirage de 8.000 numéros. La plupart de ces éphémères, dont l’étude offre un pittoresque intérêt, ont vu passer leur clientèle au Père Peinard.
Ce dernier est, parmi les journaux anarchistes rédigés en langue française, de beaucoup le plus notoire et le plus répandu. Son tirage constaté est de 15.000 exemplaires, dont 6.000 environ vendus à Paris. Il est au au lendemain de l’organisation par les anarchistes du syndicat des hommes de peine en vue de prendre place à la Bourse du Travail. De là son nom. Un des manifestants s’avisa de placardée une affiche signée « le Père Peinard », et à huit jours de là, le journal paraissait, d’abord sous forme d’une brochure qui fut comme la « lanterne » de l’anarchie. Puis le format fut doublé, puis doublé encore. Depuis deux ans, le Peinard se publie sur huit pages, dont une réservée aux dessins d’impressionnistes très connus. Il est en passe de devenir quotidien. Cela à travers des vicissitudes multiples. Le journal en est à son neuvième gérant sacrifié, à son neuvième gérant frappé invariablement de deux années d’emprisonnement et de trois mille francs d’amende. Six ont réussi à dépister la police et à se réfugier en Angleterre ou en Belgique. Trois subissent leur peine à Sainte-Pélagie. Et dès qu’au lendemain d’une condamnation la gérance se trouve vacante, c’est à qui s’offrira pour occuper cet emploi tout gratuit et si fatalement dangereux. Il y a dans les bureaux une liste de candidats, attendant leur tour, et sortis de tous les milieux sociaux; les uns semblables à Dejoux, le maçon, qui comparaissait en blouse devant le jury, les autres semblables à Gardrat — le dernier frappé — qui promène dans les foyers anarchistes de la plaçe Maubert ses deux diplômes de licencié ès-lettres et de licencié ès-sciences. Tant il est vrai que l’Ecole normale mène à tout, voire à répondre devant le jury d’articles rédigés en argot de faubourg et destinés à répandre parmi les classes laborieuses la doctrine du pillage, de l’incendie et de l’assassinat. Au reste, le Père Peinard compte des collaborateurs bien inattendus : par exemple un ancien sous-officier de gendarmerie spécialement chargé de fignoler les articles excitant au meurtre des officiers!
En somme, le journal d’action le plus avancé du parti.
La Révolte a d’abord paru en Suisse sous les auspices et la direction d’Elisée Reclus C’est seulement après l’amnistie de 1881 que le journal se transporte à Paris et installe ses bureaux dans la rue Mouffetard, qu’il n’a plus quittée depuis.
Ici nous sommes loin du ton, des manières et des doctrines du Peinard. La Révolte se targue légitimement de préoccupations philosophiques, scientifiques et littéraires. C’est l’organe des vieux anarchistes, des rêveurs; de sociétés futures, des lettrés, des intellectuels — comme on dit dans le parti — les quels ambitionnent de répandre le goût des: lettres et des arts dans les groupes de mineurs: et d’ouvriers des manufactures.
A considérer la liste des abonnés, il est vraisemblable que ce résultat précieux ne sera pas très prochainement atteint. En effet, la Révolte est lue surtout par des hommes graves, des membres de l’Institut, des savants, des médecins, des chimistes, des sénateurs; curieux d’y trouver la dernière idée, la théorie neuve d’Elisée Reclus ou de Kropotkine. C’est l’organe doctrinaire en relations constantes avec le Die Autonomie de New-York et El Productor de Barcelone qui représentent l’anarchie modérée, théorique en Espagne, aux Antilles, en Allemagne et aux Etats-Unis.
Il a été plus particulièrement question de la Révolte, il y a trois mois, à propos de son conflit avec la société des Gens de Lettres sur le droit de reproduction d’une œuvre d’Emile Zola.
Le tirage de la Révolte ne dépasse pas 7.000.
Le véritable organe purement littéraire de l’anarchie est L’En-Dehors, fondé il y a cinq mois, par un rentier ( !), Gallaud, et auquel vinrent bientôt collaborer Paul Adam, Darien, Malato, Cholin et Sébastien Faure. Paul Adam y a publié sa curieuse série intitulée : Demain; et Darien : le Roman anarchiste.
C’est là enfin qu’Octave Mirbeau a donné un article sur Ravachol qui fit quelque bruit le mois dernier.
L’En-Dehors n’a encore subi qu’une condamnation.
L’Homme Libre, de Bruxelles, est le dernier des grands journaux anarchistes en en langue française. Fondé il y a huit ans par un étudiant belge nommé Paul Gilles, dont le frère compte parmi les écrivains de ce pays, l’Homme libre a connu des vicissitudes et subi des éclipses. Il lui a fallu interrompre parfois sa publication et chercher un imprimeur à Mons, à Liège, à Verviers. Sa périodicité, semble mieux assurée depuis que la direction en est aux mains d’un ouvrier cordonnier qui l’emploie à lutter contre le socialisme autoritaire représenté par Anseele, de Gand, et Jean Volders, de Bruxelles.
Tirage : 4.000 exemplaires vendus en Belgique, à Londres et dans nos départements du Nord.
Un examen complet de la presse anarchiste en langues étrangères exigerait beaucoup de place et beaucoup de temps. Gomment cependant ne point signaler certaines publications bizarres. Par exemple :
Anarchy, journal anglais publié à Smithfield par l’anarchiste Andrews sur une presse de sa fabrication et avec des caractères en bois qu’il a façonnés lui-même, tout seul.
Le Rothschild, pseudo-organe de la classe dirigeante, publié à Londres par Weil, le premier des gérants condamnés du Père Peinard.
D’autres encore…
The Anarchy, feuille anarchiste de quatre pages, mesurant huit centimètres de hauteur sur six de largeur, et contenant huit colonnes de tout petit texte.
En résumé, on estime que la presse anarchiste se compose de plus de deux cents journaux achetés par une clientèle de 300 à 350.000 lecteurs et qui comptent tous des abonnés.
FLOR O’SQUARR.
L’Echo de Paris 30 juin 1892
*Albert Parsons était déjà mort, c’est sa compagne Lucie qui fonda le journal.
** Concernant les journaux italiens, le Bettini et Nettlau indiquent qu’il n’y a pas de journal « Anarchia » publié à Rome, le seul qui ait existé a été publié à Naples et Florence mais en 1877. Idem pour « L’ Anarchista » à Venise, le seul qui existe avec ce titre a été publié à Catania mais en août 1893 (pas de trace à Venise).
« Il (et non El) Proletario » à bien été quant à lui publié à Marsala mais du 4 sept. 1890 au 19 jan. 1892.
Pas de trace du « El » ou plus tôt « Il Revoluzionare » à Naples. (précisions communiquées par l’Éphéméride anarchiste)
Iconographie :
28 samedi Jan 2017
Posted Biographies
inNé le 25 mars 1856 à Eletot (Seine-Inférieure). Gardien de magasin, fabricant d’allumettes de contrebande, militant anarchiste au Havre (Seine-Inférieure).
Goubot participa en novembre 1887, à une souscription en faveur du journal l’Idée ouvrière qui parut au Havre en 1887-1888 et eut 40 numéros.
Fin 1891, Goubot, qui militait au groupe du Havre, avait été proposé par L. Lepiez comme volontaire à la gérance de l’organe Le Falot Cherbourgeois publié à Cherbourg par Lepaslier ; mais, ne pouvant quitter Le Havre, sa proposition ne put être retenue.
Fin avril 1892, comme plusieurs autres militants, il fut l’objet d’une arrestation préventivement à la manifestation du 1er mai. Lors de la perquisition à son domicile, la police avait saisi un grand nombre de brochures et journaux anarchistes. Il était alors employé en vins et demeurait 21 rue des Pincettes.
En septembre 1892, une réunion organisée par les anarchistes havrais destinée aux ouvriers sans travail du port se tenait au cercle Franklin. Albert Goubot s’écria : « Nous sommes ici 2.000. Eh bien ! L’occasion est bonne, camarades. Il faut nous grouper autour du drapeau anarchiste. Donnons le signal d’alarme et en avant ! Débarrassons-nous des ventrus et des parasites ! ». Un commissaire de police, présent à la réunion dressa un procès-verbal contre Goubot et Georges Caron qui avaient tenu des propos identiques.
Le 14 septembre 1892, ils furent traduits en correctionnelle au Havre pour y répondre du délit d’excitation au meurtre et au pillage. Ils furent condamnés chacun à 3 mois de prison. Ils adressèrent leurs « remerciements sincères » au président pour la condamnation qu’il avait bien voulu prononcer contre eux.
Goubot, à son entrée en prison, confia à un détenu qui devait être libéré le lendemain, qu’il avait caché, en divers endroits, des explosifs qu’il lui demanda de faire disparaître. Le détenu, une fois sorti de prison, révéla à la police les confidences de Goubot mais les investigations policières n’amenèrent qu’à la découverte, chez le patron de ce dernier, d’une terrine en grès contenant du souffre qui devait probablement servir à fabriquer des allumettes de contrebande.
Il fut jugé le 24 septembre 1892 pour détention de matières destinées à fabriquer des allumettes. Les contributions indirectes étaient partie civile au procès où Goubot se défendit lui-même, sans prendre d’avocat. Le tribunal rendit son jugement début octobre et le condamna à 1 mois de prison et 300 francs d’amende.
Le 1er janvier 1894, lors des rafles ayant suivi l’attentat de Vaillant à la Chambre des députés, il fut l’objet comme plusieurs militants de la région d’une perquisition où la police avait saisi journaux et brochures anarchistes..
D’après une notice du parquet de Rouen du 19 décembre 1893, Goubot était un anarchiste très militant, orateur de réunions publiques qui avait un réel ascendant sur les ouvriers. Il était autrefois le correspondant du journal Le Père Peinard et le faisait vendre dans les kiosques du Havre.
SOURCES : Le Père Peinard 16 octobre 1892 — Arc. Nat. BB 186451 (correspondance de Lepiez saisie en mai 1892 chez S. Mougin) BB18/6449 , F7/12507, F7/12508 — L’Idée ouvrière 26 novembre 1887 — La Justice 15 septembre 1892 — Le Gaulois 18 septembre 1892 — La Lanterne 26 septembre 1892 — Le XIXe Siècle 5 octobre 1892 — Bianco : 100 ans de presse anarchiste.
28 samedi Jan 2017
Posted Biographies
inNé le 8 mars 1870 au Havre (Seine-Inférieure), mort le 17 avril 1907 à Cayenne (Guyane). Typographe, militant anarchiste au Havre. Bagnard.
Dès 1889, Lepiez entretenait des relations suivies dans le milieu anarchiste puisqu’il informait, dans La Révolte, les autres militants de sa nouvelle adresse au 6 rue Grouchy au Havre.
Le Père Peinard du 30 novembre 1890 annonça qu’à la suite d’une soirée familiale organisée à propos de la pendaison des anarchistes de Chicago, les participants organisèrent une manifestation spontanée sur le boulevard, chantant la Carmagnole. La police voulut emmener au poste l’un des manifestants et une bagarre s’ensuivit, au cours de laquelle Lepiez fut mis en état d’arrestation et condamné à 3 mois de prison.
Le 31 mars 1891, se tenait la première réunion d’un groupe de propagande dans les campagnes à la brasserie de la Loire, rue d’Etretat, Lepiez était le correspondant du groupe.
Le 14 juin 1891, la Coalition révolutionnaire havraise organisait une réunion publique dans la salle du Café du Progrès, place St Vincent pour discuter de la nécessité du groupement révolutionnaire et de la prétendue réforme des trois huit. On pouvait se procurer les cartes d’entrées chez Lépiez et Heudier.
Début juillet 1891, il animait une réunion avec Bisson et Heudier, au quartier François. Le commissaire présent les interpellait sur l’absence de bureau. Les anarchistes obtempérèrent en nommant président « le premier venu ».
Le 28 décembre 1891, il ne put accepter la gérance du journal Le Falot cherbourgeois puisqu’il était privé de ses droits civils pendant 5 ans, par contre il proposa de venir distribuer le journal et de faire les affichages.
En février1892, des placards antipatriotiques, adressés aux conscrits avaient été distribués au Havre .
Le 19 mars 1892, une perquisition était effectuée à son domicile, la police y découvrait deux exemplaires manuscrits intitulés « Aux conscrits » et saisissait aussi un carnet avec de nombreuses adresses de militants anarchistes de toute la France et de l’étranger, certains responsables de journaux anarchistes (L’Homme libre, Le Falot cherbourgeois, L’Attaque, La Révolte, L’En Dehors, Le Libertaire d’Alger) ou de militants en vue comme Martinet, Zévaco,Pouget.
Sur ce carnet figurait également un décompte du coût de l’achat d’une certaine quantité de nitroglycérine et de nitrate d’ammoniaque.
Le 26 avril 1892, le commissaire spécial du Havre, était informé que des anarchistes avaient l’intention de faire distribuer dans les casernes un manifeste aux soldats, leur démontrant que l’ouvrier n’a pas de patrie et leur recommandant de refuser au 1er mai de tirer sur leurs frères. Ce manifeste était autographié dans une imprimerie clandestine. Cette imprimerie se trouvait en fait 92 rue du Champ de Foire, où travaillait Lepiez.
Lepiez ignorait que le brouillon du manifeste qu’il avait montré à un compagnon se faisant appeler Cordier, commis-voyageur, était en réalité un agent de la sûreté nommé Marchand.
Dans la nuit du 26 au 27 avril, aux abords de la caserne du Havre, Lepiez afficha le placard incitant les militaires à la désobéissance.
Il colla une vingtaine de placards « Le Père Peinard au populo », à Sanvic. Ce fut en revenant au Havre, pour coller le reste qu’il fut arrêté dans la soirée du 28. La police saisit dans son lit, 90 exemplaires de l’affiche du Père Peinard qui devaient être collées au Havre.
Le même jour les anarchistes Bellin, Dodillon, Caron, Glaser, Vautier, Heudier et Goubot étaient arrêtés.
Le 12 mai 1892, les gendarmes escortèrent Lepiez, de la prison au conseil de révision. Le préfet lui demanda si c’était bien lui qui, au moment du tirage au sort de la classe 1891, avait répandu un factum révolutionnaire destiné à détourner, les jeunes gens, de leur devoir envers leur patrie. Il lui répondit : « Mon écrit était antipatriotique. Je n’ai fait qu’accomplir un devoir, car je ne connais pas d’autre patrie que l’humanité. »
Le 4 juillet 1892, Lepiez, fut extrait de la prison du Havre et transférés à Rouen pour passer en cours d’assises.
Le 26 juillet 1892, à l’audience, une compagnie du 24e de ligne occupait la Conciergerie ; 14 gendarmes étaient de service dans la salle et à la prison, enfin des agents de la sûreté occupaient des places dans l’auditoire.
Aux charges relevées contre lui Lepiez répondit qu’il n’avait pas à se défendre d’actes qu’en sa qualité d’anarchiste, il se glorifierait d’avoir commis et que lorsque le moment serait venu, il justifiera d’un alibi.
Le président donna lecture du manifeste distribué aux soldats : « On vous a arrachés à vos travaux pour vous revêtir de la tunique infâme. Souvenez-vous que les ouvriers n’ont pas de patrie, parce qu’ils n’ont rien à défendre… Si, au 1er mai, la bourgeoisie apeurée vous ordonne de tirer sur nous comme l’année dernière à Fourmies, refusez. ». Ce manifeste était signé « un groupe d’anarchistes havrais ».
Lepiez reconnut être l’auteur du manifeste. Il déclara à propos de l’agent de la sûreté qui lui avait donné de l’argent : « Je ne peux pas dire que Marchand m’a poussé, mais il m’a aidé ; j’ai bien vu tout de suite qu’il était un mouchard, mais…j’ai accepté l’absinthe et l’argent, car je voulais le garder pour utiliser les fonds qu’il me fournissait ; c’est avec ça que j’ai fait imprimer mes placards ».
Quand à l’affiche du Père Peinard, le passage incriminé était le suivant : « Peuple, si tu veux être heureux, il faut que tu reprennes tous les biens que les bourgeois t’ont volés, et ce n’est que par la révolution que nous arriverons, c’est pour cela que nous disons : ne vote pas, révolte-toi ».
L’affiche « Le Père Peinard au populo », fut considérée par le tribunal comme un appel au meurtre.
Lepiez était en outre accusé avec deux co-inculpés Lapointe et Paridean, d’avoir commis un vol chez M. Ernst le 4 janvier 1892 au hameau de la Croix-Blanche à Bléville et d’une tentative d’incendie.
Lepiez nia sa participation, lors de l’audience il fournit un alibi : au moment du vol, il était chez Mme Fraisune commerçante mais le témoignage fut mis en cause par le président car il n’avait pas été présenté lors de l’instruction.
Me Jennequin l’avocat de Lepiez plaida l’acquittement, la participation de Lepiez au vol et à l’incendie ne reposant que sur l’accusation de Lapointe, quant aux placards anarchistes, il insista sur le rôle de la police dans l’affaire, pour faciliter la publication des affiches : « Ces écrits avaient été provoqués par le policier Marchand, et les moyens de les produire en ont été fournis à Lepiez par les subsides en argent donnés par cet agent de police et qui provenaient des fonds secrets ».
Quant à Lepiez, la plaidoirie de son avocat terminée, il déclara : « Quelque soit le verdict, je suis et je resterai anarchiste ».
Après une heure et demie de délibéré Lepiez, Lapointe et Paridaen étaient reconnus coupable du vol et de la tentative d’incendie chez M. Ernst. Lepiez fut en plus, jugé coupable de provocation à la désobéissance et d’injures à l’armée. L’excitation au pillage étant écartée.
Lepiez et Paridaen furent condamnés à 10 ans de travaux forcés et Lapointe à 8 ans.
A l’énoncé du verdict, Lepiez, se tournant vers le fond de la salle, pendant que les gendarmes l’emmenaient, s’écria : « Vous qui restez, du courage ! … »
Dans la voiture cellulaire qui les ramenait à la prison, les trois condamnés continuaient à crier à pleins poumons : « Vive l’anarchie ! ».
Cette affaire du Havre eut un rebondissement tragique à St Denis où Chapuillot et Meyruels assassinèrent Bisson, l’un des compagnons anarchiste du Havre, accusé d’avoir livré à la police, Lepiez, Lapointe et Paridaen.
Lepiez purgea sa peine au bagne de Guyane.
Les 22 et 23 octobre 1894, des bagnards anarchistes, participèrent à une révolte à l’Ile Saint-Joseph, bien que n’y ayant pas participé, sa case fut saisie. Il fut ligoté et jeté au cachot, subissant de mauvais traitements. Puis on le transféra avec d’autres prévenus à Cayenne, pour comparaître devant le tribunal spécial maritime où il fut acquitté.
Après le procès, tous les anarchistes furent regroupés à part, dans une case sur l’Ile Saint-Joseph
Atteint semble-t-il de dysenterie, en même temps que Paridaen, ils furent hospitalisés. Ce fut l’occasion pour eux d’y rencontrer Clément Duval. Paridaen fut vivement rétabli mais Lepiez, de constitution plus délicate ne put jamais guérir totalement et fut toujours maladif, ce qui lui créa beaucoup de problèmes avec les surveillants. Mais selon Duval « dans toutes circonstances il fut toujours très digne, sut faire respecter ses idées ».
Lepiez sortit de l’hôpital retourna à l’Ile St Joseph, travailla à traîner une brouette, un travail au-dessus de ses forces, mais trop fier pour se plaindre, continua jusqu’à l’épuisement. Nouveau séjour à l’hôpital pour 3 semaines mais il revenait sur le chantier aussi faible. Finalement on lui donna un travail un peu moins pénible.
Il fut libéré le 1er septembre 1902, deux jours plus tard, on l’avertissait que le président de la république lui avait fait grâce du restant de sa peine !
Mais sa peine ayant dépassé 8 ans, il était astreint à la relégation perpétuelle en Guyane. En novembre, son avocat publia un article dans le Progrès du Havre pour demander que la grâce présidentielle soit étendue à la relégation.
Mais rien n’y fit Le Journal officiel de la Guyane publia son avis de décès le 17 avril 1907.
SOURCES : Arch. Dép. Seine-Maritime 1R 2893 — Arch. Nat. F7/12507, BB18/6451 — ANOM, matricule 25741 / 8817 — Journal officiel de la Guyane française 18 mai 1907 — La Révolte 28 décembre 1889 — Le Père Peinard 30 novembre 1890, 29 mars et 14 juin 1891, 5 juillet 1891 — — La Lanterne 1er mai, 15 mai, 6 juillet 1892 — Le Petit Journal 15 mai 1892 — Journal de Rouen 27 et 28 juillet 1892 — Courrier du Havre 26 et 27 juillet 1892 — Le XIXe Siècle 17 octobre 1892 — L’Aurore 13 octobre et 15 novembre 1902 — Moi, Clément Duval présenté par Marianne Enckell Editions ouvrières 1991 p. 177, 179 — Souvenirs du bagne par Auguste Liard-Courtois Les passés simples 2005 p. 173, 175, 183. — Notes Marianne Enckell — Dictionnaire international des militants anarchistes.