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Archives de Catégorie: Analyse

L’attentat contre la statue de Thiers : manipulations sans preuves

09 mardi Oct 2018

Posted by fortunehenry2 in Analyse

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Un livre d’auto-promotion en vue des élections de 1885

Cet attentat qui survint juste avant le Congrès de Londres qui vit la propagande par le fait adoptée officiellement par le mouvement anarchiste, fut un échec puisque la statue ne subit pratiquement aucun dégât. L’amateurisme des apprentis propagandistes y fut pour beaucoup selon le rapport du Laboratoire de chimie de la préfecture de police du 22 juin 1881 : « l’opérateur a fait preuve de manque de connaissances pratiques dans cet essai, aussi a-t-il obtenu un résultat contraire à celui qu’il attendait, car le coton poudre mal préparé, mal lavé brûle plus lentement que du coton ordinaire n’ayant subi aucune préparation » (1) ».

Mais cette explosion ratée eut de nombreuses répercussions par la suite et fit l’objet de plusieurs récupérations politiques de la part du Préfet de police et des socialistes.

Dans ses mémoires (2) Louis Andrieux prétendit qu’il savait tout de l’attentat et qu’il laissa faire. C’était se donner le beau rôle sur un événement auquel, en fait, il ne sût rien, comme le prouve le dossier concernant l’attentat, conservé sous la cote Ba 138 des Archives de la préfecture de police. Ce dossier ne comprend aucun rapport d’indicateur, laissant supposer que le préfet de police connaissait le complot, qu’il savait l’heure du départ pour Saint-Germain et connaissais aussi l’heure du crime projeté. Rien de tel dans les documents conservés à la préfecture de police mais une enquête banale montrant plutôt une police dans le brouillard, interrogeant les quelques témoins qui n’avaient pas vu grand chose et soupçonnant les membres de la loge maçonnique dissidente du Pecq situé à proximité de St Germain, dite loge des Amis du peuple dont le maire et plusieurs conseillers municipaux faisaient partie. Piste bien vite abandonnée, mais aucune autre ne fut envisagée, pourtant si cet attentat avait échoué, il pouvait être le premier d’une série d’autres.

Mais le préfet de police ne fit rien, sinon surveiller les anarchistes lyonnais où se trouvait sa circonscription électorale (3)

En cette année 1881, ce préfet de police prétendant, tout en fanfaronnade, que : « Je connaissais les noms des conspirateurs; j’avais voyagé avec eux, du moins par procuration j’avais tout vu, tout entendu, et l’occasion me paraissait bonne pour mettre la main sur ce nid de dynamiteurs ». En fait il ne fit rien du tout. C’est qu’à l’époque la préfecture de police distinguait encore mal les anarchistes des socialistes : les rapports des deux courants étaient mélangés dans le même dossier « Socialisme en France » (Ba 199). Mais ce dossier ne contient aucune note sur l’attentat de St-Germain. On se demande bien comment Andrieux pouvait tout connaître des conspirateurs ?

Ses Souvenirs parurent en 1885, peu avant le scrutin des législatives où Andrieux était candidat. Il faut se rappeler que ce préfet de police, était en même temps un député et que ce livre tombait donc à pic pour justifier son action passée en vue de se faire réélire. La vérité n’était donc pas la vertu première de cet ouvrage qui tenait plus de la belle histoire pour cacher certaines lacunes.

Quand à Joffrin, membre du conseil municipal de Paris, mis en cause par un groupe anarchiste lors du congrès de la Fédération du Centre en 1883, il n’hésita pas, pour se défendre à calomnier les anarchistes. Il prétendit que les 24 assistants à la réunion de Levallois-Perret du samedi 25 juin 1881, qui adressaient « leurs félicitations aux amis inconnus » qui venaient de tenter de faire sauter la statue de Thiers, avaient publiquement revendiqué la responsabilité de la tentative de dégradation de monument public. Mais, saluer les amis inconnus et revendiquer l’attentat, ce n’est pas la même chose. Joffrin se trompa au passage sur le nombre de signataires qu’il réduisit à 13.

Mais Joffrin ne s’arrêta pas là et donna des noms : il cita trois, Serraux dit Spilleux, Gérard et Planson, qui auraient émargé à la préfecture de police.

Malheureusement pour lui, Serraux n’était pas signataire de l’appel émanant de la réunion de Levallois-Perret, quant à Gérard et Planson, il ne fournit aucune preuve, pour étayer ses affirmations.

Ses accusations peu précises et sans réelles preuves relèvent donc plus d’une rhétorique habituelle à l’époque : qualifier de mouchards ses ennemis politiques afin de les discréditer.

Cet attentat raté allait être le premier de toute une série d’autres à Montceaux-les-Mines et Lyon mais Andrieux, malgré sa soi-disant habileté, passa complètement à côté de cette menace pour le système en place.

Qui étaient les auteurs de l’attentat contre la statue de Thiers ? Aucun document n’apporte de réponse à cette question. Jean Grave (4) prétendit, pour sa part, que l’action avait été commise par « deux ou trois Méridionaux, fraîchement venus de Marseille » mais sans donner plus de précisions sur l’origine de son information qui reste donc, elle aussi, à prendre avec précaution.

Jean Maitron (5) reprit les affirmations d’Andrieux, sans distance critique par rapport à un ouvrage sujet à caution et en l’absence de tout autre document : « C’est ainsi qu’il (Andrieux) laisse se monter – s’il ne l’organise lui-même grâce à son agent Serreaux (6), directeur du journal – un attentat contre la statue de Thiers récemment inaugurée à Saint-Germain ».

Une historiographie jamais remise en cause.

  1. Arch. Préf. de pol. Ba 138
  2. Souvenirs d’un préfet de police. Jules Rouff et Cie, éditeurs. 1885
  3. Voir à ce sujet le dossier Ba 394 « Menées des socialistes et anarchistes révolutionnaires lyonnais » ouvert en juillet 1881.
  4. Quarante ans de propagande anarchiste par Jean Grave. L’histoire/Flammarion. 1973 p. 403
  5. Le Mouvement anarchiste en France. Tome I par jean Maitron. FM/ Fondations 1982, p. 141
  6. Il s’agit de Serraux

Lire le dossier complet : L’attentat contre la statue de Thiers à Saint-Germain le 16 juin 1881

Qui dénonça Ravachol à la police ?

26 mercredi Sep 2018

Posted by fortunehenry2 in Analyse

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Document Wikipédia

Pour Jean Maitron dans son livre Le mouvement anarchiste en France (1), ce n’est pas Chaumartin qui joue le rôle de délateur, c’est une femme qui signe ses rapports X2, qu’il nomme S. d’A… sans donner son patronyme complet.

Mais pour arriver à cette conclusion, il doit tordre quelque peu un document. En effet X2 dans son rapport à la Préfecture de police daté du 16 mars 1892 indique : « Soyez patient et surtout pas d’imprudence ; je suis seul* à connaître le fait que je vous signale et si j’étais soupçonné*, en même temps que les représailles seraient terribles, vous perdriez un* auxiliaire précieux ».
Or Maitron ajoute un « e » à « seul » pour transformer l’indicateur en indicatrice, oubliant au passage de féminiser les autres mots.
Mais les documents contenus dans le dossier Ravachol de la Préfecture de police montrent que la réalité est plus complexe et que le pseudo X.2 recouvre en réalité deux personnes : Léonie Darmilly et son fils. L’officier de paix l’indique dans son rapport du 1er avril 1892 : « J’ai en X. 2 et pour le même prix, deux correspondants, lui et sa mère ».
Dans les faits, c’est le fils qui dénonça Ravachol, tous les rapports signés X. 2 sont au masculin, Léonie Darmilly semble n’avoir joué qu’un rôle secondaire : deux rapports vont dans ce sens.
Dans sa note à la Préfecture de police du 18 mars 1892 X. 2 indique : « Demain, 18 courant, je vois la femme Chaumartin qui m’offre à déjeuner et me fera des confidences, à moins que Mathieu et Biscuit ne restent présents ; mais dans ce cas, samedi, je l’emmènerai chez ma mère* où je lui donnerai à déjeuner à mon tour ». La mère de X. 2 ne fait donc partie que d’un scénario de repli dans l’hypothèse d’une présence de Mathieu et Biscuit chez Chaumartin.
Un autre rapport de Fédée montre que Léonie Darmilly à joué un rôle plus primordial mais dans l’affaire du vol de dynamite de Soisy-sous-Étiolles auquel participa Ravachol et qui lui permit de se procurer les explosifs pour ses attentats : « A déduire 200 francs me restant en trop sur une précédente avance de 1.000 francs qui m’avait été faite pour récompenser Léonie D’Armilly de ses services dans l’affaire des explosifs (X. 2) ».

Le reçu signé le 31 mars 1892 pour la somme de sept cent cinquante francs et signé X.2 Darmilly, pourrait laisser penser que que l’indicateur, comme sa mère se nomme Darmilly.

Aucun autre  document du dossier Ravachol de la Préfecture de police ne donne le nom du fils de Léonie Darmilly, la police cherchant toujours à protéger ses informateurs, c’est sans doute parce que la mère joua un rôle secondaire dans cette affaire que son nom est cité.

*mis en gras par mes soins

(1) Tome 1. Des origines à 1914. FM Fondations, p. 459. Edition de Décembre 1982

La CGTSR, 1926-1928 : un épisode de décentralisation syndicale par Claire Auzias

22 lundi Jan 2018

Posted by fortunehenry2 in Analyse, Non classé

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La troisième CGT de l’entre-deux-guerres serait encore inconnue des historiens du mouvement ouvrier sans les quelques pages que Jean Maitron lui consacra dans son histoire de l’anarchisme (1).

A partir des dépouillements des cartons d’Archives départementales du Rhône consacrés à la surveillance dite politique exercée sur les syndicats dans les années 1920, à partir de l’ensemble des sources écrites relatives au syndicalisme révolutionnaire dans le Rhône — étude quantifiée des répartitions syndicales des Premier Mai pour les trois centrales jusqu’en 1939, dépouillement d’archives syndicales, congrès, résolutions et répartition des votes par fédération et par syndicat, presse syndicaliste, notamment Le Combat syndicaliste, organe de la CGTSR —, et enfin, à partir du recueil et de l’analyse des sources orales — corpus majeur et premier de ma thèse —, j’ai étudié cette troisième centrale syndicale dans le département du Rhône. Un département particulièrement intéressant. C’est à Lyon en effet que la CGTSR fixe son siège national lors de sa création les 15 et 16 novembre 1926. C’est là que ce siège reste fixé pendant les deux premières années de son histoire. Un cas exceptionnel dans un pays aussi centralisé que la France. Un cas qui répond à une situation de fait : le département du Rhône est à cette date le seul en France où les syndicats dirigés par les anarcho-syndicalistes, les anarchistes, sont majoritaires. Depuis 1914 ce sont des anarchistes qui, avec Henri Bécirard, ont gardé le siège de l’Union des syndicats du Rhône, y compris au temps de l’Union sacrée.

Cet article ne se veut en aucune façon une histoire de la CGTSR. Pas même une histoire de sa période lyonnaise : il faudrait comme pour toute histoire du syndicalisme la confronter aux autres forces syndicales, à l’histoire du patronat lyonnais, à celle de la municipalité radicale, etc. Il s’agit, modestement, de présenter une chronologie des faits et de contribuer ainsi à une histoire qui reste à écrire. Enfin la nécessité d’équilibrer les différentes composantes de ce numéro dédié à la mémoire de Jean Maitron m’a conduite à limiter à l’extrême le système interprétatif (2).

Il est pourtant nécessaire d’évoquer en quelques mots les origines de la troisième CGT, sans revenir naturellement sur l’ensemble des problèmes complexes qui ont conduit en décembre 1921 (après l’exclusion dès février, par le CCN de la CGT, des syndicats qui se proposaient d’adhérer à l’Internationale syndicale rouge) à la scission entre CGTU et CGT (3). Le débat portait en partie sur les conclusions à tirer, au lendemain de la guerre et de la révolution russe, de la Charte d’Amiens et notamment du paragraphe selon lequel « afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ». Ce débat fut suractivé par les problèmes posés par l’éventuelle adhésion à l’ISR dont le congrès de fondation se tint à Moscou en juillet 1921. Aux yeux de nombreux anarchistes attachés à une interprétation littérale de la Charte d’Amiens, l’adhésion à l’ISR signifiait l’acceptation de l’existence des « noyaux communistes complètement subordonnés à l’ensemble du parti » et destinés à « conquérir les syndicats au communisme », conformément à la 9e condition d’admission à l’Internationale communiste. Pour coordonner leurs positions un certain nombre d’anarchistes, membres actifs des Comités syndicalistes révolutionnaires, reprenant une tradition anarchiste bakouniniste, signèrent en février 1921 un « pacte » secret par lequel ils s’engageaient à ne placer à la tête de la CGT, quand elle serait en leur pouvoir, que « des camarades purement syndicalistes révolutionnaires, autonomistes et anarchistes ». Verdier, Besnard et Fourcade, que l’on retrouvera quelques années plus tard à l’origine de la CGTSR, étaient les premiers signataires de ce texte : il signifiait l’organisation d’une tendance au sein de la minorité révolutionnaire de la CGT d’où allait sortir la CGTU.

Si, au congrès confédéral de la CGT en octobre 1920 à Orléans, la minorité révolutionnaire s’était encore retrouvée, notamment dans le Rhône où elle obtint, de justesse, la majorité, sur une motion Verdier, si, grâce au Pacte, Pierre Besnard put supplanter Pierre Monatte à la tête des CSR (4) et si en conséquence le bureau provisoire de la CGTU, de décembre 1921 au congrès constitutif de Saint-Etienne (juin 1922), resta placé sous son influence et celle de ses amis, il n’en fut plus de même à partir de Saint-Etienne : la majorité du congrès désavoua le Bureau et la CA. La motion Monmousseau, soutenue par les délégués communistes quoique Monmousseau ne fût pas membre de la SFIC, obtint 848 voix contre 399 à la motion Besnard. La suprématie communiste fut définitivement acquise au congrès de Bourges (novembre 1923) où près des quatre cinquièmes des délégués votèrent l’adhésion à l’ISR.

L’UD du Rhône pour sa. part était restée fidèle à ses positions anarcho-syndicalistes et anarchistes. Les partisans de la CGT, minoritaires, avaient dû quitter le siège historique du syndicalisme lyonnais et au congrès de Saint-Etienne l’UD avait voté à une majorité non négligeable — 34 mandats contre 27 — la motion Besnard. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce qu’elle fasse partie des organisations syndicales qui, après Bourges, décident de quitter la CGTU et entrent dans l’autonomie. Elle le fait le 27 février 1924. La direction confédérale en juin’ ne parvient pas à rallier les dissidents. Et le 14 décembre 1924 c’est la CGTU qui doit à son tour quitter les locaux du syndicalisme lyonnais et greffer le syndicalisme rouge sur des lieux sans histoire.

Pierre Besnard. Document Wikipédia.

Les syndicats qui avaient quitté la CGTU devaient-ils rester dans l’autonomie ? Pierre Besnard avait pris en novembre 1924 l’initiative de les regrouper en une Union fédérative des syndicats autonomes (UFSA). Fallait-il aller plus loin et créer une centrale syndicale autour de cette tendance, ce qui signifiait mettre un terme, au moins provisoire, à l’espérance d’unité ? Tous n’étaient pas d’accord, loin s’en faut. Un Le Pen, délégué du Bâtiment, ne déclarait-il pas que « si nous avons une troisième CGT, c’est deux de trop que nous aurons » (5) ? En tout cas, à la conférence de Saint-Ouen de l’UFSA, le 28 juin 1925, Besnard en devient le secrétaire (6).

C’est finalement de Lyon, et non seulement de Besnard, que viennent les initiatives. Un syndicat unique du Bâtiment s’y organise en août-septembre 1926. Définitivement créé en octobre, il siège 86, cours Lafayette et regroupe les sections des terrassiers, des travaux publics (7), des asphalteurs, parqueteurs, plâtriers-peintres, charpentiers en bois, serruriers, vitriers, ainsi que les ouvriers des fournitures en bâtiment (8). Koch en est le secrétaire (9). Il restera le principal appui, et le plus stable, du syndicalisme, anarchiste de la région lyonnaise. Un mois tout juste après sa création, les 31 octobre et 1er novembre 1926, la création d’une nouvelle confédération fait un pas en avant. L’Union des syndicats autonomes du Rhône tient son congrès au cercle syndicaliste de la rue du Quatre-Août à Villeurbanne, sous la haute présidence de Pierre Besnard.

La première journée est consacrée au rapport moral (propagande, lutte contre le fascisme) ; la seconde, à l’orientation syndicale. La question d’une troisième CGT est examinée ; Fourcade demande la concentration des forces dans une CGT fidèle à l’avant-guerre. Besnard intervient longuement. S’il prône une CGT dans l’esprit de la Charte d’Amiens, il n’en est pas moins sensible aux conditions nouvelles de travail et de vie et met notamment l’accent sur la nécessité d’unir techniciens et scientifiques aux’ travailleurs manuels. Une résolution est votée : « L’unité doit être assurée solidement et ne peut l’être que par la constitution d’un nouvel organisme national, lié lui-même organiquement avec les mouvements syndicaux des pays se plaçant sur le même plan. » Enfin, cette CGT doit être « syndicaliste révolutionnaire, fédéraliste et anti-étatique » (10).

Les 13 et 14 novembre, c’est, à son tour la Fédération du bâtiment qui tient un congrès national extraordinaire à la mairie du 7e arrondissement de Lyon. Koch préside aux premiers débats ; Fourcade ouvre le congrès, puis Racamond, de la CGTU, invite l’auditoire à refuser une troisième CGT. Lucien Huart, au nom de l’UFSA, combat cette intervention ; Lansink, au nom de l’AIT, organisation internationale de tendance anarchiste née à Berlin en décembre 1922, face à l’ISR, en appelle à la situation des travailleurs étrangers en France pour démontrer l’urgence d’un rassemblement national conséquent, seul capable d’affronter ces questions.

Une motion clôt la première journée : les congressistes saluent Sacco et Vanzetti et décident de faire appel à la grève générale insurrectionnelle si besoin est, en réponse aux menaces fascistes.

Au matin du second jour, la résolution finale consacre par 52 voix contre 3 et 2 abstentions la constitution de la troisième CGT. L’après midi est réservée à l’audition des délégués étrangers : Severin, de la centrale suédoise, Buth du bâtiment allemand, Miranda pour la CGT portugaise et Lansink, pour la fédération des Pays-Bas (11). Une séance nocturne envisage la constitution d’une Internationale révolutionnaire du bâtiment.

Sans désemparer, s’ouvre le lendemain matin, lundi 16, l’assemblée des syndicats autonomes, à la mairie du 6e arrondissement. Cette conférence est convoquée par l’UFSA, la Fédération du bâtiment et la Fédération autonome des coiffeurs (12). 89 syndicats y sont représentés par 69 délégués (13). Les quatre délégués étrangers participent au congrès. Lansink représente, en outre, FAIT. Fourcade pour l’UD du Rhône, Madame Bonnefond pour les apprêteurs de Lyon, Charrent des terrassiers constituent le bureau de la première journée. Trois résolutions sont adoptées à l’unanimité en préambule aux délibérations : l’une en faveur de Sacco et Vanzetti, la seconde pour les emprisonnés et persécutés russes ; la dernière pour la création d’un journal et d’une revue.

La discussion sur la constitution d’une nouvelle confédération ne recueille pas l’assentiment de tous les congressistes. Le délégué du syndicat autonome des métaux de la Seine, Albert Guigui, déclare que depuis la création de l’UFSA deux années irrécupérables se sont écoulées qui rendent caduque la constitution d’une confédération. L’affaiblissement des forces signe, à son sens, la faillite du projet besnardien. L’Union autonome d’Amiens et la section du bâtiment de Besançon expriment les mêmes réserves. Les partisans les plus chaleureux d’une confédération « libre, autonome et indépendante » (14) sont autour de Pierre Besnard :  (du syndicat de la chaussure de Paris), Henri Fourcade (de l’UD du Rhône), Clément (des pipiers de Saint-Claude), Raitzon (des métaux de Lyon), Boisson (de la Fédération du bâtiment), Boudoux (du SUB de Paris), Leroy (des coiffeurs de Paris), Aigueperse (des cuirs et peaux de Saint-Etienne), Garros (de l’électricité de Lyon), Demonsais (des communaux de Toulon).

En fin de journée, le congrès affirme « que le premier devoir des syndicalistes consiste maintenant à rassembler d’urgence, dans un même organisme tous leurs éléments épars à travers le pays ; de faire, en un mot, sur leur plan, ce que les deux CGT ont fait sur le leur » (15). La constitution de la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire est votée par 84 voix contre 3 et 2 abstentions. En séance de nuit les quatre délégués étrangers apportent des informations sur le syndicalisme révolutionnaire dans leur pays et expriment leur solidarité morale et matérielle avec la CGTSR. Lansink définit le syndicalisme selon l’AIT et « exprime l’espoir que le mouvement français qui, dans le passé, fut le guide moral du mouvement syndicaliste révolutionnaire mondial reprendra bientôt sa place au sein de l’Internationale Syndicale reconstituée, suivant les principes définis par Bakounine » (16).

La seconde journée du congrès est consacrée à la discussion des statuts, présentés par Lucien Huart. Ceux-ci sont votés à l’unanimité moins deux voix (métaux de Paris et UD d’Amiens) (17). La CGTSR « repose de la base au faîte sur le producteur, garantissant à ce dernier la direction effective de l’organisation des travailleurs ; le congrès manifeste le désir formel de décentraliser fortement l’action confédérale » (18).

Dans cet esprit, la structure de l’organisme confédéral est étudiée et remaniée en unions locales, syndicats d’industrie, conseils d’usine et comités d’atelier. Les fonctions de chaque rouage et des militants responsables sont strictement limitées, selon les principes de la non-rééligibilité, du non-cumul des pouvoirs, de l’apolitisme et du fédéralisme. C’est ainsi que le siège de la confédération est fixé à Lyon, 86, cours Lafayette, sur proposition de la Fédération du bâtiment, par l’article 27 des statuts de la Centrale. Son organe officiel, Le Combat syndicaliste est administré et rédigé au siège de la CGTSR. Un projet de manifeste du syndicalisme révolutionnaire est lu alors par Pierre Besnard. Plus connu sous le nom de Charte de Lyon, ce manifeste reprend les grands axes des résolutions d’Amiens dont il se revendique et s’applique à formuler les conditions modernes faites au syndicalisme révolutionnaire par la concentration industrielle et les régimes fascistes (19). Cette résolution est acceptée par 80 voix dont 30 avec réserve.

En séance nocturne, l’adhésion à l’AIT est adoptée à l’unanimité ; puis on passe à l’élection du bureau confédéral. Fourcade, proposé par nombre de syndicats pour le poste de secrétaire confédéral, se récuse : « ne se sentant pas la force de mener cette rude tâche à bien » (20). L’insistance du congrès ne fléchit point ce refus ; Lucien Huart se propose alors pour un intérim de trois mois. Henri Raitzon est élu secrétaire administratif. Une commission provisoire de seize membres est nommée, parmi lesquels Allègre, Koch, Laplanche, Charrent, Chapuis, Madame Bonnefond.

Lucien Huart s’installe à Lyon pour la durée de son mandat.

Le 17 novembre au soir, la CGTSR invitait les travailleurs lyonnais à la mairie du 6e arrondissement à un meeting de présentation. Les orateurs en sont Lansink, Severin, Buth et Miranda ainsi que Besnard, Huart, Boisson et Boudoux. Allègre préside les débats assisté de Madame Bonnefond et de Pommier. Les thèmes de propagande pour la nouvelle CGT s’appuient sur le constat de la faillite des entreprises politiques libérale (gouvernement travailliste en Grande-Bretagne) et soviétique d’une part, sur le danger fasciste d’autre part (21).

Le 24 novembre, une réunion informative a lieu à la Bourse du travail ; ébénistes, menuisiers en siège, tapissiers, scieurs mécaniques, tonneliers, brossiers, personnel des maisons d’alimentation, ouvriers boulangers de Lyon et banlieue, métallurgistes de toute catégorie, SUB, ouvriers en cuivre sont convoqués (22).

Décembre et janvier sont consacrés à la campagne d’adhésion à. la CGTSR. Ainsi, le 13 décembre, c’est le personnel des maisons d’alimentation qui invite à rejoindre la CGTSR et installe le siège provisoire de son syndicat au « comptoir de la Bourse », 44, cours Morand (23). Une semaine plus tard c’est le syndicat autonome de l’habillement qui vote l’adhésion à la CGTSR (24). Un mois après la constitution de la confédération, cartes, timbres syndicaux et organe de presse sont distribués.

Dans Le Combat syndicaliste de janvier 1927, on peut lire sous la plume de Garros : « l’Union du Rhône qui fut une forteresse révolutionnaire […] se doit à son passé»; à l’oeuvre donc. Le 23 janvier, le congrès départemental de l’Union autonome se constitue en Union régionale de la CGTSR sous le nom de 8e région CGTSR. Par la voix de Fourcade, le fonctionnement de l’Union régionale est exposé comme le principe fédéraliste le plus adéquat aux nouvelles conditions économiques. En tête de ses revendications, la 8e région place le mot d’ordre de l’AIT : « journée de six heures » (25), qui restera son slogan numéro un. Une intense campagne est développée en ce sens (26). Des unions locales se constituent dans la région ; ainsi, celle de Saint-Etienne en décembre 1926 (27).

Des tournées de conférences, avec Huart ou Fourcade pour orateurs, sont réalisées à Grenoble et Romans qui aboutissent parfois à la constitution d’unions locales : c’est le cas de Grenoble. A Romans, le syndicat des travailleurs des cuirs et peaux vote son adhésion à la CGTSR et anime la propagande syndicaliste révolutionnaire dans cette ville. Une fédération CGTSR est en voie de constitution avec Raitzon pour responsable (28).

Le 13 mars 1927, les syndicats autonomes de la Seine forment à leur tour la première Union régionale CGTSR.

Par ailleurs, la fondation de la confédération suscite des heurts avec la CGTU. Allègre était une cible particulièrement choyée des militants unitaires en raison de ses fonctions de secrétaire de la Bourse du Travail de Lyon depuis 1924. Diverses campagnes de presse avaient depuis cette date discrédité Allègre ; les autonomes avaient fait face verbalement.

C’est le 12 décembre 1926 que le différend, focalisé sur Allègre, éclate physiquement. Ce jour-là, deux réunions parallèles, unitaires et autonomes, se tiennent à la Bourse du Travail. La bagarre se mène à coup de barres de fer et de bancs. Un poêle à charbon en combustion est jeté dans l’escalier, menaçant de mettre le feu à l’établissement. La salle n° 8 est dévastée ; bilan : un militant CGTSR brûlé à la main droite, un second fendu au front. Boudoux s’en sort avec deux dents cassées et le côté droit contusionné ; un autre militant CGTSR a le bras cassé en deux endroits.

Le lendemain 13 décembre, une délégation de cinq personnes se rend auprès de Révol, 5, passage Coste, quérir des explications. Le secrétaire départemental de la CGTU reçoit les syndicalistes, revolver au poing (29).

Cette affaire inaugure, à Lyon, le, temps des violences physiques entre militants des deux confédérations. Elles se succèdent sur ce modèle, s’aggravant jusqu’au tournant de 1934.

Le 1er mai 1927 est choisi par l’AIT comme journée internationale en faveur des six heures et de la semaine de trente-trois heures. La CGTSR pour la France, la CNT pour l’Espagne, l’USI pour l’Italie, les groupements anarcho-syndicalistes de Pologne et de Bulgarie, le Comité d’Émigration enfin, répondent à l’appel de l’AIT.

A Lyon, la CGTSR rassemble 300 auditeurs au meeting de la Bourse du Travail. Vernadet (du bâtiment), Richard (de la Libre Pensée), Ruault (des lithographes), Huart enfin, développent à la tribune la revendication des six heures, solution contre le chômage. Le Combat syndicaliste du 1er mai, édité conjointement par la CGTSR et le SUB, consacré à ce thème, est diffusé par les syndicalistes. Lucien Huart invite l’assistance à protester contre l’extradition de Durruti, Ascaso et Jover et contre la condamnation de Sacco et Vanzetti (30). L’après-midi, une fête champêtre au Clos Frizon (Villeurbanne) rassemble « quelques centaines » de militants autour de Charles d’Avray et de Renez, chansonniers anarchistes montmartrois, dont le récital est destiné au bénéfice de la CGTSR (31).

Aucune manifestation de rue commune aux trois CGT en cette année 1927. Seule, la CGTU organise un cortège avec 2 000 personnes. Majoritaire chez les militants, la CGTSR ne l’est donc pas quand il s’agit de rassembler des sympathisants.

Dans la région, aucune démonstration CGTSR n’est signalée. A Saint-Etienne, 2 000 manifestants défilent par la ville. A Dijon, Montceau-les-Mines, Le Creusot, seules CGT et CGTU semblent avoir pignon sur rue (32). Nicolas Berthet est le délégué CGTU du Rhône à SaintChamond, et Chabanis à Rive-de-Gier (33).

Les 14 et 15 août 1927 a lieu le 1er congrès national de la centrale CGTSR. Le Clos Frizon, 66, rue du 4-Août, accueille les congressistes. A l’ordre du jour : actualité et situation de la CGTSR- Le congrès a été précédé d’une conférence de Pierre Besnard, la veille, à la Bourse du Travail, sur « la situation financière mondiale et l’unité syndicale » (34).

En mars 1928, un programme de revendications immédiates, inspiré des délibérations du congrès confédéral national est établi. Il tient en huit points pour les revendications ouvrières, en deux points pour les revendications sociales. Ce sont :

1. diminution des heures de travail et application de la journée de six heures ;

2. augmentation générale des salaires ;

3. salaire unique, par industrie d’abord, nationalement ensuite ;

4. contrôle par les conseils d’usine de l’embauchage et du débauchage ;

5. contrôle syndical de la main-d’oeuvre étrangère ;

6. libre exercice du droit syndical pour tous les travailleurs sans distinction de nationalité ou de race;

7. délégués ouvriers à la sécurité et à l’hygiène pour chaque industrie, choisis par les ouvriers, sous le contrôle des syndicats et révocables par eux ;

8. paiement intégral du salaire aux accidentés du travail.

Les deux revendications sociales immédiates sont :

— l’amnistie totale et la suppression des conseils de guerre ;

— l’abrogation des lois scélérates (35) [il s’agit de la loi de 1920 contre l’avortement et la contraception].

La CGTSR consacre une attention soutenue à ces campagnes pour l’aménagement des conditions de travail : augmentation des salaires, réduction de la journée de travail, paiement des accidents du travail, hygiène et sécurité ; à l’exception de la journée de six heures, toutes ces revendications sont, de nos jours, acquises.

Seule la revendication du salaire unique distingue radicalement la CGTSR des deux autres centrales : elle traduit l’égalitarisme du syndicalisme révolutionnaire. La journée de six heures n’est pas seulement destinée à améliorer la condition morale et matérielle des salariés, notamment aux fins du développement intellectuel tant prôné par le syndicalisme révolutionnaire depuis le siècle dernier. Elle vise aussi à combattre le chômage. Enfin deux revendications concernent la main-d’œuvre étrangère : contrôle syndical et libre exercice du droit syndical pour tous les travailleurs sans distinction (ce sont les mots de la résolution) de nationalité ou de race.

Loin de s’en tenir à une argumentation déréalisée, il appert que la CGTSR engage sa lutte au nom d’une pensée sociale certes constituée au cours du XIXe siècle, mais sur un terrain qui s’avère, au XXe siècle, d’une certaine pertinence.

Le 1er mai 1928, le rapport des forces des trois centrales n’a pas bougé. La CGT rassembla 800 personnes le matin, pour un meeting à l’Eldorado (3e arrondissement) et la CGTU 2 000 manifestants pour le cortège de l’après-midi. La CGTSR comptait 400 militants au meeting de Villeurbanne (Cercle syndicaliste) ; Koch, secrétaire du SUB, reprit le mot d’ordre des six heures qu’il développa ; Richard s’exprima contre les bagnes militaires ; Andrieux fit campagne pour la CGTSR et, lettre de syndicalistes italiens à l’appui, engagea ses camarades à la lutte antifasciste. J.-S. Boudoux fit l’historique du 1er Mai et invita à resserrer les liens internationalistes pour la défense du prolétariat et de la révolution sociale mondiale (36).

Dès août 1928, la confédération prépare son IIe congrès national. Les syndicats adhérents désignent Lyon comme lieu du congrès, qui se tiendra en novembre. A l’ordre du jour, outre les rapports moral et financier, figurent la formation des Unions et fédérations, les six heures et la rationalisation, la situation économique et sociale de la femme, l’antimilitarisme, la presse ; les questions relatives à l’organisation intérieure de la CGTSR comportent notamment le renouvellement du bureau et de la CA (37).

Les 2, 3 et 4 novembre, c’est au Cercle syndicaliste de la rue du 4 Août que délibère ce IIe congrès, sous la présidence d’honneur de LouisPaul Vial (38). Pierre Besnard indique que si la confédération n’a point augmenté ses effectifs depuis sa création, du moins a-t-elle su les conserver. Un effort de persuasion sera tenté à l’égard des syndicats qui, en deçà de la centrale révolutionnaire, maintiennent leur statut d’autonomie.

Dès la première journée du congrès est abordé le problème du renouvellement du bureau et de la commission administrative. Malgré les recommandations et circulaires depuis août, aucune candidature n’est parvenue au bureau pour remplacer Huart, dont l’intérim au poste de secrétaire confédéral dure depuis deux années. Le congrès doit donc désigner un candidat et Lucien Huart propose Juhel, secrétaire fédéral du bâtiment (39). Rien d’étonnant : le SUB alimente massivement la vie syndicale ; à Lyon, il édite son propre organe, Le Réveil du Bâtiment, et il ne cesse de mener campagne pour les revendications de la CGTSR et de l’AIT (40). Juhel proteste et refuse l’offre ; il est élu, à son corps défendant, à l’unanimité, moins les quatre voix des syndicats qu’il représente ; il subordonne aussitôt sa nomination aux décisions de son syndicat.

S’engage alors une polémique inquiète autour de cette nomination. Le congrès et Lucien Huart plus particulièrement, en qualité d’ex-secrétaire confédéral, sont dans la nécessité d’user de leur autorité morale afin de pourvoir la confédération d’un secrétaire général à la hauteur de ses fonctions. Juhel qui remplit les conditions requises se voit ordonné secrétaire par la souveraineté du congrès : « Un syndicat ne peut priver la confédération tout entière de l’homme dont elle a besoin, sous prétexte de garder pour lui seul un militant capable » (41). Huart parle alors du discrédit attaché à la fonction syndicale, cause vraisemblable de l’absence de candidature pour le remplacer. C’est encore lui qui propose Paris comme siège syndical, la première Union régionale lui paraissant apte à fournir les militants nécessaires au bureau et à la CA.

Ainsi en est-il décidé par le congrès : la CGTSR siégera pour les deux années à venir à Paris ; son bureau se compose de Juhel, du SUB de Paris, comme secrétaire ; de Robinet, des coiffeurs de Paris (secrétaire adjoint), d’Andrée Robin, des employés de la région parisienne (trésorière), de Bournier, du bâtiment d’Argenteuil. L’archiviste sera choisi dans le syndicat du chauffage de Paris. Les syndicats de la région parisienne désignent, en Assemblée régionale, le 18 novembre, la commission administrative avec Andrieux (SUB), Besnard (cheminots), Boisson (bâtiment), Dousseau, Lejeune père et fils, Marguerite Pascoueau, Tavernier, Victor Giraud, Guilloret…

Le Combat syndicaliste publie encore son numéro de décembre 1928 à Lyon sous la responsabilité de Huart et la gestion de Fourcade. A partir de janvier 1929 la CGTSR lyonnaise est rendue à des tâches strictement départementales. Elle conserve son siège, 86, cours Lafayette et gère en outre le 193 de la rue Du Guesclin sous le nom de salle Sacco et Vanzetti (42) et le cercle syndicaliste de la rue du 4-Août à Villeurbanne.

Sa période glorieuse est terminée. Ses effectifs s’effritent, lentement, à l’exception du bloc du SUB, alors que croissent ceux de la CGTU. Quant à la CGTSR nationale qui a fait retour au centralisme ordinaire, elle éprouvera de plus en plus de difficultés à maintenir une activité proprement syndicale.

Comment expliquer l’épisode décentralisé de Lyon, unique dans l’histoire syndicale française et dont la brièveté ne doit pas conduire à sous estimer l’intérêt ? Il n’y eut pas volonté délibérée, cela est clair. Les syndicats autonomes parisiens — Le Pen, du Bâtiment, Guigui, des Métaux, le disent bien — n’étaient pas chauds pour créer une troisième CGT : faut-il en rendre responsable le milieu ouvrier, finalement plus politisé que d’autres, de la capitale et de sa banlieue ? On remarquera alors qu’il en fut de même chez les anars de Limoges. En tout cas, c’est un fait, les militants lyonnais assumèrent les responsabilités. Il serait insuffisant d’invoquer les composantes socio-professionnelles de la région lyonnaise : le SUB reste fidèle, bien après 1928, à la CGTSR, et les Métaux, qui à Paris sont massivement CGTU, la soutiennent longtemps. Il semble plus utile de chercher dans d’autres voies. Et d’abord d’explorer le long terme : la région lyonnaise s’est caractérisée entre 1830 et 1939 par la rencontre de fortes poussées revendicatives et syndicales, de projets révolutionnaires et de formes de syndicalisme d’action directe : des mutuelles de canuts à la première Internationale. Dès 1882 les anarchistes y constituent un noyau considérable, le plus important de là France sans doute. Le milieu ouvrier, très diversifié, facilite le passage d’un métier à l’autre, d’une entreprise à l’autre : on peut « ramasser ses clous » et retrouver du travail. Au XXe siècle cette prédominance de l’anarchisme se maintient, en basses comme en hautes eaux nationales. C’est ainsi que le préfet du Rhône note le 27 octobre 1916 : « En dépit de l’événement, l’élément révolutionnaire du Rhône n’a pas modifié ses opinions et son attitude (43) ». L’afflux, pendant les années 1920, notamment dans le Bâtiment, d’immigrés italiens antifascistes, d’obédience volontiers anarchiste, le rôle d’un militant de talent, Paul Massoubre, qui a conforté, dans les Métaux, l’héritage de Merrheim et des combats des minoritaires de guerre, tout cela demande à être mieux éclairé.

En tout cas, Lyon ne fut pas seulement, pour s’en tenir à la IIIe République, la ville où naquit en 1886 le syndicalisme guesdiste, et un des hauts lieux des premiers syndicats catholiques, notamment féminins, mais pendant deux ans la capitale reconnue de l’anarcho-syndicalisme français

Claire Auzias

(1) J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, tome 2 : de 1914 à nos jours, Paris, Maspero, 1975, 439 p.

(2) Cet article renvoie à ma thèse : Mémoires libertaires, Lyon 1919-1939, Université Lyon II, 1980, 428 pages, annexes, biblio. Le point de départ est une recherche d’histoire orale du mouvement anarchiste entre les deux guerres, constituée d’un corpus sonore de 65 heures d’entretiens, avec des militants nés entre 1890 et 1918, complétée d’un dépouillement d’archives écrites pour les questions d’histoire sociale absentes de l’historiographie restituée par les sources orales. Les archives de cette recherche, enregistrements, documents privés, biographies, photographies ont été déposées à l’Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam, section Anarchisme, sous la direction de Rudolf de Jong.

Je remercie mes collègues et camarades J.-L. Pinol, R. Bianco et C. Maignien qui ont relu et corrigé cet article et m’ont apporté d’appréciables critiques. Je remercie tout particulièrement Madeleine Rebérioux, pour son exigence éclairée et chaleureuse.

(3) Cf. A. KRIEGEL, AUX origines du communisme français, Paris-La Haye, Mouton, 1964, 2 vol.; J. MAITRON et C. CHAMBELLAND, Syndicalisme révolutionnaire et communisme. Les archives de Pierre Monatte, Paris, Maspero, 1968 ; et J. CHARLES, « A propos de la scission syndicale de 1921 », dans Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Paris, Les Éditions ouvrières, 1976.

(4) J. MAITRON, Le mouvement anarchiste…, op. cit., p. 65.

(5) Le Pen in : Compte rendu sténographique du congrès du Bâtiment, Lyon, 1925, p. 48. Sur ces événements, cf. K. AMDUR, « La tradition révolutionnaire entre syndicalisme et communisme dans la France de l’entre-deux-guerres », Le Mouvement social, avril-juin 1987, p. 34-38.

Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, sous la direction de Jean Maitron, puis de Claude Pennetier, est publié actuellement, concernant l’entre-deux-guerres, jusqu’à la lettre Kw (vol. 32). A1 la notable exception de Pierre Besnard, d’Henri Fourcade et de Koch (ou Kock), les militants ici cités n’y figurent pas encore ; toutes les biographies des syndicalistes anarchistes cités dans cet article entre 1919 et 1939 sont déposées à l’IIHS (Amsterdam).

(6) Lettre de la commission executive provisoire de l’UFSA (Besnard-Verdier) aux délégués du congrès fédéral du bâtiment, mairie du 7e arrondissement, Lyon ; Compte rendu sténographique, op. cit., p. 35. Et J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, op. cit.

(7) Le Progrès de Lyon, 20-21 novembre 1926, Archives municipales de Lyon (AML).

(8) Ibid., 26 novembre 1926.

(9) Ibid., 15 novembre 1926. Koch était, au congrès de la Fédération du bâtiment de 1923, le délégué des ouvriers du bâtiment et travaux publics de la région parisienne ; cf. Compte rendu sténographique, op. cit., 1re séance. En juin 1926, il est secrétaire du syndicat des terrassiers du Rhône ; cf. Archives départementales du Rhône (ADR), 10 M 80, 7 juin 1926.

(10) Ibid., 3 novembre 1926.

(11) Ibid., 15 novembre 1926.

(12) Ibid., 3 novembre 1926.

(13) « Compte rendu analytique du congrès des syndicats autonomes de France (Lyon, 15-16 novembre 1926) », Le Combat syndicaliste, organe officiel de la CGTSR, n° 1, décembre 1926, p. 2: ADR, presse n° 118. Le Progrès de Lyon du 16 novembre 1926 parle de 87 syndicats et 61 délégués.

(14) Résolution du congrès de l’Union Autonome du Rhône, 1er novembre 1926, Le Progrès de Lyon, 3 novembre 1926.

(15) « Compte rendu analytique du congrès des syndicats autonomes de France », art. cit., p. 2.

(16) Ibid.

(17) Le 27 novembre 1926, le syndicat autonome des métaux de la Seine, tout en approuvant la position de son délégué, Guigui, au congrès de Lyon, « s’incline devant le désir quasi unanime des syndicats autonomes et donne son adhésion à la CGTSR » Le Combat syndicaliste, n° 1, p. 1.

(18) Ibid., Préambule des statuts de la CGTSR, p. 3.

(19) C. AUZIAS, Mémoires libertaires, op. cit., annexe La Charte de Lyon.

(20) Le Combat syndicaliste, n° 2, janvier 1927, compte rendu analytique, suite.

(21) Le Progrès de Lyon, 18 novembre 1926.. Les syndicats organisateurs sont: « asphalteurs, bétonniers, apprêteurs sur étoffe, boulangers, brossiers, chocolatiers, confiseurs, biscuitiers, électricité du Rhône, charpentiers en bois et en fer, chauffage, cuisiniers, ébénistes, guimpiers et guimpières, habillement du Rhône, lithographes, maçons et aides, plâtriers, parqueteurs, serruriers, scieries mécaniques, terrassiers, tonneliers, vitriers, dragueurs du Rhône, débardeurs des gares ». Des syndicats de métier, très spécialisés.

(22) Le Progrès de Lyon, 24 novembre 1926.

(23) Ibid., 13 décembre 1926.

(24) Ibid., 20 décembre 1926.

(25) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 3, février 1927, p. 1 et n° 4, mars 1927, p. 2.

(26) Par exemple, la conférence du 9 mars 1927 au cercle syndicaliste de Villeurbanne, sur « les six heures » : Le Progrès de Lyon.

(27) Le Combat syndicaliste, n° 2, janvier 1927, avec un article signé F.P. (Fernand Planche?).

(28) Ibid., Une Internationale syndicaliste des métaux, adhérente à l’AIT avait été fondée à Berlin, en septembre 1926.

(29) Ibid., « Les incidents de Lyon » : un article signé du bureau et de la CA de la CGTSR.

(30) Le Combat syndicaliste, n° 5, 1″ mai 1927, p. 1.

(31) ADR, série 10 M : 1er Mai. Le rapport de police se contente de cette approximation numérique. Le Progrès de Lyon du 2 mai 1927 parle d’une « assistance très nombreuse ».

(32) Le Progrès de Lyon, 2 mai 1927.

(33) ADR, série 10 M, 1er Mai, 28 avril 1927 : « prévisions en vue du Premier Mai ».

(34) Le Progrès de Lyon, 13 et 14 août 1927.

(35) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 7, 1er mars 1928, p. 2.

(36) ADR, série 10 M, 1er Mai ; préfet du Rhône à ministère de l’Intérieur, 2 mai 1928.

(37) Ibid., n° 15, octobre 1928.

(38)Ibid., n° 16, novembre 1928. Pour l’affaire Louis-Paul Vial, condamné au bagne militaire pour désertion en 1918, voir C. AUZIAS, Mémoires Libertaires, op. cit., p. 249. Voir également le Bulletin du Comité de Défense Sociale, n° 4, octobre 1928, entièrement consacré à L.-P. Vial : CIRA-Genève, Bro 6368 f (add. R.B.).

(39) Juhel était délégué titulaire du SUB de la Seine en 1925 ; cf. Compte rendu sténographique du congrès de la Fédération du bâtiment, Lyon, 1925, op. cit., p. 55.

(40) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 13, août 1928 et Le Réveil du Bâtiment, 19271932, consultable aux ADR n° 732.

(41) Le Combat syndicaliste, n° 16, novembre 1928, p. 3.

(42) Ce local, ex-restaurant « communiste » entre 1914 et 1917, devint une coopérative d’achat gérée par l’USR jusqu’en 1920, puis fut aménagé par Francis Million, secrétaire de l’Union des Syndicats du Rhône avant 1914, en salle de réunion et de conférences. Divers groupements liés à l’USR y siègent ; le 193 de la rue Du Guesclin est alors usuellement nommé salle Francisco Ferrer. Après l’exécution de Sacco et Vanzetti, ce lieu fut renommé en leur mémoire.

(43) ADR, 4 M 260, Police Politique (PP), 27 octobre 1916.

(44) Selon l’étude de S. JOSPIN, La CGTSR à travers son journal (1916-1937), maîtrise, Université de Paris I, 1974, p. 102, l’expression syndicalisme révolutionnaire est abandonnée dans le Combat syndicaliste au profit d’anarcho-syndicalisme, synthèse d’anarchisme et du syndicalisme. Pour Boudoux, « l’anarcho-syndicalisme fut et reste l’épine dorsale du syndicalisme révolutionnaire ».

(45) Depuis le travail de Samuel Jospin, une thèse est en cours sur la CGTSR pendant l’entre-deux-guerres (Bernadette Siriex).

Le Mouvement social, supplément au n° 144, 1988. Les Éditions ouvrières, Paris

Congrès de la Fédération du Centre en 1883 : Les socialistes expulsent les anarchistes à coups de couteau

14 lundi Août 2017

Posted by fortunehenry2 in Analyse

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Le début des années 1880 vit la division se manifester au sein du Parti Ouvrier fondé à Marseille en 1879. Ce furent les anarchistes qui quittèrent les premiers le Parti Ouvrier à Lyon en mars 1881, pour former le Parti socialiste révolutionnaire, nommé le plus souvent Fédération révolutionnaire. Sur Paris, la scission se produisit peu après, au congrès régional de la région Centre de mai 1881.

Rupture définitive ou pas, le débat était vif au sein des anarchistes et sur Paris, la position défendue par le journal Le Révolté, visant à se désintéresser des congrès ouvriers, n’était pas majoritaire.

Dès l’année suivante, en 1882, une première tentative d’incursion au Congrès possibiliste (1), se produisit.

Le 3e Congrès régional du Centre se tenait du 14 au 21 mai 1882, salle Oberkampf. Le 14 mai 1882, à 14h les délégués se réunirent pour la vérification des pouvoirs.

Un certain nombre de personnes essayèrent d’entrer, mais elles furent impitoyablement repoussées, notamment Maria et plusieurs anarchistes de ses amis qui, à la brasserie du théâtre protestèrent contre ce qu’ils prétendaient être de l’ostracisme. Pour eux la Parti Ouvrier était aussi autoritaire que les autres.

Le 16 mai à 8h30, la présence, dans les tribunes d’anarchistes et des représentants des groupes expulsés, rendit la suite de la séance assez tumultueuse. Les principaux anarchistes s’étaient groupés autour d’Emile Gautier et critiquaient à qui mieux mieux, les actes du Congrès.

Mais il semble bien que ce premier essai d’incursion n’avait guère était préparé. En 1883, les anarchistes s’organisèrent différemment.

Les groupes anarchistes se concertent sur la tactique à adopter

Le 11 mai 1883 se déroula une réunion plénière privée des membres des groupes anarchistes de Paris et de la banlieue. L’assistance se composait de 35 personnes, parmi lesquelles se trouvaient Duprat, Montant, Sébastien, Moreau, Hénon, Castaigniède, Couchot, Willems, Crié, Faliès, Caron, Didier, Jamin, Godar et Jean Pierre.

Duprat annonça que c’était le groupe l’Anguille qui avait convoqué la réunion, laquelle avait pour but de s’entendre sur ce que les anarchistes devaient faire, au sujet des congrès ouvriers (1) qui allaient s’ouvrir à Paris (possibilistes et guesdistes).

Selon lui, les anarchistes devaient pénétrer dans les séances du congrès possibiliste, par la violence, s’il le fallait, ils devaient y prendre la parole et propager les idées anarchistes, de manière à recruter des adhérents dans l’extrême-gauche des possibilistes.

Montant et un membre du groupe du 19e arrondissement furent d’avis de ne pas y aller du tout, ils alléguèrent qu’il y avait mieux à faire que d’assister à des réunions de petites chapelles.

Jamin annonça que le groupe anarchiste du 11e arrondissement qui avait pris comme titre Le Volcan avait préparé un rapport répondant à toutes les questions du programme du congrès possibiliste. Il ajouta que chez les anarchistes, bien qu’on ait pas l’habitude de nommer des délégués, il serait cependant bon, d’en désigner un ou deux, qui à la tribune du congrès donneraient lecture de ce rapport.

Cette communication ne fut pas du goût de l’assistance et Jamin ne donna pas lecture de son texte.

Crié annonça que les guesdistes avaient convoqué les blanquistes et les anarchistes à leur congrès. Il expliqua que dans le cas où les anarchistes ne pourraient pas pénétrer dans celui des possibilistes, il serait toujours temps de faire du « boucan » à celui des guesdistes.

Couchot fut d’avis qu’il fallait entrer à tout prix au congrès possibiliste : « comme il est certain que la parole nous sera refusée, il faudra envahir la tribune, se disperser dans la salle et faire de la révolution ».

Willems crut qu’il se produirait la même chose qu’à la première séance du congrès de 1881 : la réunion sera levée à cause du tumulte.

Moreau, du groupe des Jeunes prolétaires de Montmartre, annonça que son groupe, quoique indépendant et non adhérent à l’Union fédérative du Centre (possibiliste) serait quand même représenté et admis à la vérification des pouvoirs et qu’il serait délégué au Congrès.

Il ajouta que lorsqu’il prendrait la parole, se sera pour combattre les possibilistes et soutenir les doctrines anarchistes.

Sur la proposition de Crié, les anarchistes décidèrent de ne pas participer à la vérification des pouvoirs du Congrès de l’Union fédérative mais de se rendre le soir à la séance publique où 3 délégués, au nom de tous les groupes anarchistes de Paris et de la banlieue, prendraient la parole, de force si l’assistance ou le bureau s’y opposaient.

Crié ajouta que les autres anarchistes se disperseront dans la salle et feront du tapage jusqu’à ce qu’on ait accordé la tribune à leurs orateurs.

Montant, Duprat et Willems furent désignés pour prendre la parole.

Les anarchistes expulsés dès le premier jour du Congrès possibiliste

Rue-Oberkampf-au-Boulevard-de-Me-nilmontant-XIe-arrt-Le 13 mai à 14h30, s’ouvrit le 4e congrès de l’Union fédérative du Centre (possibiliste) à Paris, 109 rue Oberkampf, 86 groupes étaient représentés (47 chambres syndicales, 37 cercles d’études sociales dont Les Jeunes prolétaires de Montmartre, le Cercle des Justiciers d’orientation socialiste-révolutionnaire mais sympathisant anarchiste et 2 sociétés coopératives) soit au total 350 personnes.

Les chambres syndicales avaient répondu en assez grand nombre à l’appel de l’Union fédérative de la région Centre. Dans le manifeste adressé aux syndicats ouvriers, il s’agissait de discuter « des questions d’intérêt immédiat pour la classe des travailleurs : question des loyers, assurance sociale, durée de la journée de travail, concurrence faite au travail national par le travail extérieur, cause de la crise si douloureuse que les travailleurs traversent, tout cela sans esprit de suite, en dehors de toute préoccupation doctrinale exclusive ».

Ce manifeste ouvert sur le papier à toutes les tendances socialistes, allait se révéler fermé aux anarchistes.

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Source : Ville de Paris / BAVP / Roger Viollet

Pourtant Chabert, nommé président lors de la séance publique du soir, pria les délégués de bien se pénétrer que le congrès était ouvert à toutes les écoles et qu’on devait y écouter les contradicteurs. Il déclara qu’il accorderait la parole aussi bien aux anarchistes qu’aux autres personnes, à la condition qu’ils ne la demanderaient pas dans le but de troubler les travaux du congrès. Mais il prévint ensuite l’assemblée que le parterre était spécialement réservé pour les seuls délégués qui, en échange de leur mandat validé, avaient reçu une carte d’entrée de la commission d’organisation.

L’ouverture du Congrès ne se fit pas sans tapage. Couchot, Willems et Sébastien arrivèrent munis d’un mandat des groupes anarchistes. Couchot déclara que les anarchistes avaient décidé de prendre part aux travaux du congrès et présenta un mandat écrit.

Balin de la commission de vérification des pouvoirs répondit qu’il venait de recevoir ce mandat mais que cette pièce ne contenait ni le nom d’un groupe, ni ceux des délégués qui venaient de lui remettre, ni un cachet attestant l’existence du groupe, ne pouvait être validé, d’autant que ce mandat, écrit au crayon sur un fragment de papier chiffonné, n’était signé que de ces mots : les groupes anarchistes réunis.

Le Congrès déclara le mandat irrégulier et Chabert invita les personnes dont l’élection venait d’être invalidée, à quitter le parterre.

Les anarchistes Couchot, Laisy, Duprat, Morin et Faliès se voyant éliminés commencèrent à faire du tapage, le silence ne put être rétabli, bientôt même, on s’injuria et l’on se disputa de tous côtés.

Chabert protesta contre les agissements de ceux qui venaient pour empêcher les travaux du congrès d’aboutir. Il affirma que les anarchistes trouveraient à qui parler et qu’à la force, on opposerait la force. On parvient cependant à obtenir un calme relatif pour faire l’appel des groupes présents.

Balin, procéda à l’appel des groupes, 77 sur 87 répondirent.

Les anarchistes refusant de quitter la salle, un tumulte se produisit dans la tribune et des coups furent échangés pendant une heure, ils furent violemment expulsés, l’un d’eux, membre du groupe La Panthère des Batignolles, reçut un coup de couteau à la jambe.

Leurs protestations dominaient toutes les voix : « Vive la liberté ! Vive l’anarchie ! » cria l’un d’eux dans la galerie. « On nous a reçu à coups de couteaux » clama un autre. Tous les délégués étaient debout ; la tribune fut escaladée par un orateur qui proposa d’user de la « poigne » à l’égard des tapageurs. Les clameurs redoublèrent dans la tribune ; on s’y empoigna. Le président de séance qui sonnait depuis 10 minutes et s’époumonait, sans obtenir le calme, abandonna sa sonnette : « Finissons-en, nom de dieu ! » dit-il en quittant son siège et s’élançant vers les tribunes. Le dernier des anarchistes fut expulsé.

A la reprise, on fit la lecture des travaux accomplis par le Comité national depuis le congrès régional de 1882. La parole fut donnée à Ponchet et Raynaud, des menuisiers qui protestèrent contre le blâme porté par le Comité du Parti ouvrier possibiliste, sur la manifestation organisée à l’Esplanade des Invalides. Ils expliquèrent que la chambre syndicale des menuisiers avait voté 50 francs en soutien à ce rassemblement : « C’est grâce à elle que Joffrin a pu réclamer des subsides et que Waldeck-Rousseau s’occupe de nos associations. Nous sommes un grand nombre sans travail : 10.000 peut-être, sur 25.000 que compte notre corporation. Nous préférons mourir dans la rue, tués par une balle, que chez nous, par la misère ». Malgré les anarchistes expulsés, les compagnons continuaient à s’exprimer et à dénoncer les compromis possibilistes.

Joffrin-Histoire_Socialiste-XII-p157

Jules Joffrin- Illustration from l’Histoire socialiste de la France contemporaine (Vol. XII)

Joffrin mis en cause par le groupe des Justiciers du peuple et nouvelle expulsion des anarchistes

Le 15 mai 1883, lors de la 3e séance publique, Joffrin fut élu président, une bousculade se produisit dans le corridor du théâtre où une douzaine de délégués se précipitèrent. Les anarchistes, parmi lesquels se trouvaient Jamin, Faliès, Aumaréchal, Diamasi, Galais et Petit se défendaient d’être payés pour venir faire du tapage. Ils furent à nouveau expulsés brutalement, la rixe continuant sur la voie publique.

La parole fut donnée au délégué du Cercle Les Justiciers du peuple (2) qui lut un exposé des théories anarchistes, il conseilla aux travailleurs de s’associer spontanément. « Le groupe Les Justiciers, se refuse à passer par toutes les phases évolutionnistes où se complaisent les possibilistes. »

Le délégué du cercle Les Justiciers du peuple déclara à la fin de son rapport que « le Préfet de police avait décerné un brevet de sagesse à M. Joffin, au sujet de sa belle conduite pendant les événements des 9 et 11 mars derniers ». Il dénonçait son attitude au Conseil municipal de Paris, lors de la manifestation de l’Esplanade des Invalides.

Joffrin ne fit qu’un bond jusque la tribune mais on lui fit remarquer qu’il devait attendre son tour pour parler. Au moment où il regagna sa place un anarchiste lui cria du fond de la salle : « Eh Camescasse ! (3)»

Camescasse

Camescasse, préfet de police. Photographie positive sur papier albuminé 1882. Bibliothèque nationale de France

Joffrin prit la parole plus tard : « Vous avez commis une mauvaise action, je le regrette pour vous, parce que vous êtes jeunes ; mais puisque vous nous avez attaqué, puisque vos chefs, les maîtres en anarchie, n’ont pas osé venir nous attaquer en face et qu’ils vous ont envoyé nous traiter de protégés de Camescasse, écoutez. Vous voulez des explications, nous allons vous en donner, mais tant pis pour vous ; nous ne vous avons pas provoqué ; vous nous attaquez, eh bien soyez satisfaits. Votre conduite est indigne, vous donnez tous les soirs un spectacle honteux, et cela est d’autant plus extraordinaire, que cela n’a d’autre résultat que d’empêcher vos amis, qui sont en prison, d’en sortir ; vous compromettez l’amnistie qu’on demande pour eux. J’ai des amis parmi les anarchistes, ils sont honnêtes et je les estime, mais tant pis, vous m’avez provoqué, il faut que je parle et je parlerai. Peu de temps après votre gaminerie de Saint-Germain, qui égratigna le nez de la statue de Thiers, ils étaient 13 anarchistes à Levallois-Perret, réunis en petit comité ; ils publièrent qu’ils assumaient la responsabilité de l’acte de Saint-Germain et ils ne furent pas inquiétés, bien qu’ils fussent passibles de plusieurs années de prison ; or sur ces 13 anarchistes, vous n’oserez pas me démentir, il y a 3 mouchards que vous n’avez jamais exécutés. Dites-moi donc que ce n’est pas vrai : c’étaient MM. Serraux, Piançon et Gérard, tous trois émargeaient à la préfecture de police. Est-ce vrai ? Votre journal La Révolution sociale, voulez-vous que je vous dise, qui fournissait l’argent, c’était Serraux ; Serraux se disant l’amant d’une vieille femme qui habitait Londres et prétendait que cette vieille femme lui donnait tout l’argent dont il avait besoin ; or, je suis allé à Londres, j’ai pris des renseignements et j’ai appris que cette vieille femme recevait de l’argent de Paris, d’une personne qu’elle ne connaissait pas, pour Serraux et que cette femme servait ainsi, sans le savoir, d’intermédiaire entre la préfecture de police, M. Serraux et vous. Est-ce vrai ? A Lyon, vous aviez un autre journal, l’Etendard révolutionnaire ; eh bien, qui faisait les articles les plus violents, vous le savez bien, vous l’avez avoué, c’était Valladier, Valladier dont j’ai lu une lettre à M. Varambon au ministère de la justice, lettre où il offrait de donner des renseignements sur les révolutionnaires. Ce n’est pas tout, dimanche dernier, vous êtes venus ici pour faire du tapage, on vous a repoussé, et on a vu parmi vous deux jeunes gens, deux mouchards, tous deux condamnés pour fait d’anarchie, le premier à 6 mois de prison et il est libre, le second à deux ans de prison et il était là. Est-ce vrai ? Vous vouliez des explications, en voilà. Dites-moi donc que j’ai menti, si vous osez, maintenant ».

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A la suite de son intervention, un délégué des Justiciers vient à la tribune, déclara que son cercle n’était pas anarchiste mais indépendant, et qu’il n’avait reçu mission de personne pour attaquer le Parti Ouvrier et l’avait fait en toute liberté : « Je proteste contre les accusations du citoyen Joffrin. Il a dit que nous recevions de l’argent. Eh bien, je tiens à déclarer que les anarchistes ne reçoivent pas d’argent et qu’ils ne sont pas vendus ». (4)

Bal de Pantin donna également sa démission du congrès à la suite des injures faites à ses amis anarchistes.

Les Justiciers du peuple quittent le Congrès, nouvelles calomnies de Joffrin

Le 16 mai, lors de la 4e séance, le délégué du Cercle des Justiciers du peuple déclara que l’attitude Joffrin à l’égard des anarchistes et du fait que la parole leur avait été refusée, « le congrès aurait du se tenir dans un cabinet noir, afin que Joffrin puisse discuter tout seul, sans être attaqué ».

Il lut la déclaration suivante : « Considérant l’intolérance des possibilistes et les actes de brutalité commis par eux envers des délégués, le Cercle des Justiciers donne l’ordre à ses membres de se retirer du Congrès, fermé aux véritables révolutionnaires ».

Ces paroles provoquèrent un grand tumulte et une vingtaine d’anarchistes, qui se tenaient dans les tribunes, applaudirent le délégué des Justiciers du Peuple et firent du tapage. Plusieurs délégués montèrent alors dans les tribunes et voulurent expulser les anarchistes mais ces derniers ne voulurent pas sortir et des coups de poings furent échangés, trois anarchistes furent expulsés en les traînant jusqu’à la porte. Il n’y eut pas de blessés mais plusieurs délégués eurent leurs vêtements déchirés.

Joffrin prit la parole : « Je viens de déclarer à cette tribune que messieurs les anarchistes font le jeu de nos gouvernants et du ministère autoritaire qui a fait dernièrement voter la loi sur les récidivistes. Nous ne savons pas s’ils ne sont pas payés pour venir ici faire du tapage, afin que le congrès ne puisse avoir lieu.

Les anarchistes qui demandent la liberté de la parole, eh bien ! Ils veulent, eux nous faire retirer la liberté des réunions publiques en y venant faire du tapage, et ils font le jeu de M. Camescasse et des Waldeck-Rousseau, comme ils l’ont déjà fait à Levallois.

Les voilà ces anarchistes, qui se disent révolutionnaires : ils se font arrêter entre eux, comme ce Guyot qui a dénoncé ses camarades qui ont été arrêtés il y deux jours ; vous voyez bien que ce ne sont que des agents de M. Camescasse ».

A la fin de la séance, les deux ou trois groupes anarchistes représentés au Congrès donnèrent leur démission. Celui du bronze, motiva la sienne : s’il partait, c’était parce que les possibilistes agissaient comme des bourgeois.

Ils s’attirèrent une nouvelle réplique de Joffrin qui leur recommanda la lecture du récit de l’arrestation récente de Montant et Cardillac. « Vous verrez, qu’ils ont été encore dénoncés par un des vôtres ».

Nouveau tapage. Le Cercle des Justiciers, au nombre d’une quinzaine de militants, se tenait debout et protesta dans les galeries.

Traiter des adversaires d’agents de la Préfecture, ne se faisait pas avec conviction car les informations révélées étaient plus que douteuses, c’était uniquement une arme commode.

Une campagne de presse commencée dans La Justice, avec un article de Charles Longuet paru le 18 mai 1883 (« Provocateurs ») et poursuivie par la France, continua avec l’Intransigeant : « Les anarchistes ont été joliment exécutés », par Joffrin, souligna le journal.

Le 17 mai eut lieu salle Chauland, 18 rue Coquillière, une réunion plénière des groupes anarchistes de Paris et de la banlieue. L’assistance se composait de 20 personnes, parmi lesquelles Duprat, Sébastien, Couchot, Faliès, Pillier, Jean Pierre et sa femme. Les organisateurs de la réunion Aumaréchal et Lecourtier étaient absents. Un des compagnons présents expliqua : « On a discuté dans le groupe anarchiste du 11e, qu’il serait urgent d’organiser, à la suite du Congrès possibiliste, une grande réunion publique, à laquelle tous les délégués du Congrès seraient invités. A cette réunion, toutes les conclusions de l’Union fédérative seraient refusées et toutes les insultes lancées contre les anarchistes, mise à jour. Il serait bon que cette réunion eût lieu salle Oberkampf ».

Jean Pierre fit remarquer que la salle était louée 150 francs et que c’était beaucoup trop cher. Il combattit cette proposition, alléguant qu’il était certain qu’aucun délégué ne viendrait à la réunion.

Falliès l’approuva en disant que la saison était mauvaise pour de grandes réunions et que depuis deux mois, les anarchistes faisaient des « fours » à chaque fois.

Couchot proposa que cette réunion ait lieu après la manifestation du 27 mai. La proposition fut acceptée.

Duprat suggéra que cette réunion fut annoncée dans le journal Le Citoyen et la Bataille et qu’elle soit contradictoire, afin de montrer aux possibilistes et au guesdistes que les anarchistes sont moins autoritaires qu’eux.

Jean Pierre annonça que Didier avait le corps tout meurtri des coups reçus au Congrès et qu’il était obligé de garder la chambre. Quant à Cézard, il avait reçu un coup de poing américain d’une telle violence dans l’oeil que celui-ci était presque sorti de son orbite. Il dut être ramené chez lui en voiture.

Il ajouta que Cézard avait en sa possession un long couteau qu’il avait ramassé par terre durant la bagarre.

Le quotidien Le Citoyen et la Bataille publia dès lors, le communiqué suivant : « Les membres du groupe anarchiste La Panthère des Batignolles, informent les possibilistes que le couteau avec lequel ils ont frappé leur ami D…, au Congrès de la salle Oberkampf, sera à leur disposition, 86 rue Nollet, mardi prochain, de neuf à onze heures ».

Couchot se plaignit aussi d’avoir les membres endoloris suite à la bataille rangée. Il était d’avis de ne plus retourner au Congrès.

Un possibiliste blessé d’un coup de couteau

Le 20 mai à 19h, les anarchistes de Paris et de la banlieue se rendirent au café Feige, 11 place de la République, pour y tenir une réunion mais aucune salle ne leur étant affectée, une cinquantaine de compagnons, parmi lesquels Godar, Faliès, Hémery-Dufoug, Hénon, Poisson, Jean Pierre, Roussel, Lecourtier, Caron, Capt, Willems, les deux frères Cézard, Jamin et Sébastien, se retrouvèrent devant l’établissement. Le groupe anarchiste Le Tocsin du 19e arrondissement avait convoqué la réunion. Roussel annonça que cette initiative avait été prise dans le but d’aller faire du tapage au Congrès possibiliste.

Hénon et Hémery-Dufoug n’étaient pas d’avis de retourner au Congrès, Hénon proposa d’organiser un congrès dans lequel on donnerait la liberté de parole. Finalement une cinquantaine d’anarchistes se rendirent au Congrès, une vingtaine y entra en payant l’accès des tribunes, les autres restant dehors. Les tribunes étaient bondées. Les possibilistes y étaient solidement établis, il en était venu de Montmartre et du 11e arrondissement. Les anarchistes durent se placer au milieu.

Les anarchistes commencèrent à donner des signes de satisfaction après la lecture du rapport du délégué du 15e arrondissement, concluant à la suppression du Comité national du Parti Ouvrier et à la complète liberté d’action des groupes. Chabert protesta contre cette idée et dénonça « des traîtres, ceux qui cherchent à apporter le trouble dans le Parti Ouvrier ». Le bruit alla croissant dans la tribune du centre. Pour Chabert « l’application du principe anarchique, nous ramènerait à l’état sauvage ». Il demanda aux anarchistes de respecter la liberté des autres. Périn délégué de Plaisance, le rappela à la « pudeur ».

Le délégué du syndicat des menuisiers proposa de renvoyer à une commission l’étude de la suppression du Comité national.

A ce moment les anarchistes quittèrent la galerie centrale, se rendirent dans le vestibule pour entamer des pourparlers avec les possibilistes.

Joffrin fut interpellé par le compagnon Quinque qui prétendit que le conseiller municipal de Montmartre avait fait allusion à lui dans la séance du 15, lorsqu’il s’était plaint, qu’un anarchiste, condamné à la prison, soit encore en liberté et en avait profité pour troubler la séance du Congrès.

« Je n’ai pas parlé de vous. J’ai voulu désigner Willems » lui répondit Joffrin.

Or si Willems avait été condamné à 8 mois de prison, en mars 1881, pour affichage de placards anarchistes, il était déjà incarcéré lorsqu’il fut compris dans l’amnistie proclamée à l’occasion de la nouvelle loi sur la presse. Il n’avait donc plus aucune condamnation à purger.

Au moment où Quinque s’éloigna, des jeunes gens appuyés sur une barrière de bois séparant le café du vestibule, crièrent : « Vous êtes des mouchards et des vendus ». Aussitôt la mêlée s’engagea ; anarchistes contre possibilistes ; ceux-ci les plus nombreux et les plus forts repoussèrent leurs adversaires dans le café ; les clients s’enfuirent ; la salle s’emplit des cris des femmes affolées, poussées par la cohue contre les banquettes ; une centaine de militants participa au pugilat. Au cœur de la lutte, on distinguait un anarchiste en blouse bleue qui se débattait au milieu des possibilistes, l’un de ces derniers Joves, un chaisier qui reçut un coup de couteau au front et dont la blessure fut assez profonde, était étendu à côté du billard, neuf autres reçurent des coups de poing et des coups de pied. Ce n’étaient que bras levés, poings qui s’abattaient, coups de pied. « Brutes ! Sauvages ! «  criaient les anarchistes ». Les possibilistes restèrent maîtres de la situation. Les anarchistes furent expulsés. On se battit aussi dans le corridor. Vers 11h, quelques anarchistes essayèrent un retour. L’un d’eux réclamait sa femme restée dans les galeries. On lui intima l’ordre de sortir. Comme il refusait, un possibiliste haut de deux mètres aux doigts noueux, lui asséna un formidable coup de poing sur la tête. Il tomba sur le flanc et put à peine se relever pour gagner la sortie, en criant : « Vous êtes des sauvages ! ».

Joffrin rentra dans la salle. Les délégués du 19e arrondissement donnèrent leur démission, les doctrines anarchistes n’étant pas respectées au congrès

Joffrin expliqua que les manifestants des 9 et 11 mars et ceux qui faisaient du désordre au Congrès, travaillaient pour faire adopter la loi sur les récidivistes.

Les anarchistes, au nombre d’une trentaine, furent finalement chassés

Le « remake » de la Conférence internationale ouvrière de novembre 1883

Cette conférence était organisée sous les auspices de la Fédération des travailleurs socialiste de France (possibiliste) et ses séances commencèrent le 29 octobre et se prolongèrent jusqu’au 3 novembre. Une trentaine d’anarchistes pénétrèrent dans la salle, sans payer lors du meeting public du 2 novembre. Leur ironie à l’égard du pouvoir du suffrage universel ne fut pas du goût des possibilistes, il furent raidement évacués sous les calomnies répétées de Joffrin : « Ils peuvent écrire dans tous les Drapeau noir, les Drapeau rouge, les Drapeau blanc, nous savons depuis longtemps que ces journaux comme ceux fondés par Valadier et Serraux sont payés par la Préfecture de police ».

Ces procédés violents laissèrent des traces.

Un congrès de rupture définitive entre possibilistes et anarchistes

Dans son ouvrage de référence Le mouvement anarchiste en France, tome 1. Des origines à 1914, Jean Maitron (5) considéra que la scission entre anarchistes et possibilistes avait eu lieu au Congrès régional du Centre le 22 mai 1881. Certes, il ajoutait que les ponts n’étaient pas définitivement coupés entre les deux fractions socialistes, citant la résolution adoptée lors de la séance du 26 mai qui montrait clairement que pour les anarchistes, ce congrès régional du Centre de 1881, constituait un simple abus de pouvoir des possibilistes et non une rupture des anarchistes avec le Parti Ouvrier. Et c’est à tort qu’il tira la conclusion que la scission était définitive.

En effet comment dès lors expliquer cette nouvelle tentative de participer en 1883 au congrès possibiliste du Centre ? Si du côté socialiste, il n’était plus question d’accepter les anarchistes dans un congrès, du côté des anarchistes, soit pour faire du tapage ou pour convaincre les délégués de la justesse de la politique anarchiste, les ponts n’étaient pas encore coupés et ce n’est que la violence utilisée par les socialistes en 1883 qui mit fin à toute velléité de rapprochement.

Comme on a pu le voir, les débats étaient intenses dans le mouvement anarchiste, sur la question de savoir s’il fallait ou non participer aux Congrès et Jean Maitron eut le tort de s’appuyer sur le point de vue d’une seule fraction des anarchistes, celle représentée par le journal Le Révolté qui n’était pas significative de la richesse des débats et n’était probablement pas majoritaire. Rendant compte de ce Congrès, Le Révolté avait d’ailleurs été clair : « nous sommes forcés de convenir que nos amis avaient eu tort d’y aller ; les pontifes du Parti dit Ouvrier, ayant organisé une petite parlote où ils essayent leur talent oratoire devant un public qui se figure que c’est arrivé, il est évident qu’ils n’allaient pas laisser les anarchistes venir leur prouver qu’ils ne sont que des politiqueurs, ils se sont donc empressés d’expulser les contradicteurs ; à ceci rien à dire, que diable allait-on faire dans cette galère ? » (6)

Les anarchistes parisiens étaient loin de tous partager ce point de vue, pour nombre de compagnons, les possibilistes outrepassaient leurs droits, se comportaient de manière autoritaire mais ils considéraient que la masse des militants socialistes était trompée et pouvaient être gagnée aux idées anarchistes. Ces militants anarchistes se considéraient toujours comme partie prenante du Parti Ouvrier, contrairement au point de vue développé par Le Révolté. Cela explique d’ailleurs leur participation à ce congrès de 1883, sous deux formes différentes : en acceptant la vérification des mandats, pour certains et en la refusant, pour d’autres.

Si 1881 marque bien l’apparition d’un courant anarchiste autonome (7), comme l’écrit Jean Maitron, la scission définitive ne date pas de cette année-là mais bien du congrès de 1883 où les possibilistes employèrent la force et la violence armée, pour expulser les anarchistes. C’était le point de non retour entre les deux courants.

La rupture définitive (par la violence), avec les possibilistes en 1883, reste la matrice des alliances futures et marque le point de départ d’une rupture au sein du Parti Ouvrier et d’une recomposition politique. Durant plus de dix années qui suivront, des alliances tactiques seront nouées avec les guesdistes et les blanquistes mais toujours contre les possibilistes.

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Notes :

  1. Deux congrès régionaux de factions dissidentes du Parti Ouvrier devaient se tenir à Paris : les possibilistes d’un côté (réformistes, partisans du socialisme du possible) et les guesdistes de l’autre (partisans d’un socialisme autoritaire, influencés par Marx)
  2. ce groupe du 9e arrondissement, qualifié de socialiste révolutionnaire représenté par Fernand-René Bourdin et Camille, avait accepté de suivre la procédure de validation des mandats, contrairement aux autres groupes anarchistes et avait donc été accepté comme participant au congrès.
  3. Préfet de police
  4. Ces accusations de travailler pour la police étaient alors fréquentes entre militants, elles n’étaient pas toujours sans fondement, puisque la police rétribuait de nombreux indicateurs. Les attaques de Joffrin contre tel ou tel militant anarchiste étaient peu étayées et relevaient de ragots colportés par la presse. Celle contre le journal anarchiste La Révolution sociale mériterait à elle seule un article complet, pour faire le tri entre des allégations sans preuves, comme celles portées contre Serraux et celles plus étayées, sur le financement du journal par les fonds secrets de la Préfecture de police mais pas pour les motifs invoqués par Andrieux dans ses mémoires, c’est à dire pour surveiller les anarchistes mais plutôt pour de basses opérations politiciennes contre son ennemi Guyot au conseil municipal de Paris. Toutes ces accusations seront reprises dans le journal le Prolétaire du 19 mai 1883, rendant compte de ce congrès.
  5. Editeur François Maspéro 1983, p. 111
  6. Le Révolté du 26 mai 1883
  7. d’orientation anarchiste-communiste. Le courant anarchiste collectiviste issu de l’Internationale avait préexisté sur la région lyonnaise et la Loire dès 1872.

Sources :

Arch. Ppo Ba 32, 33 et 73  — Le Prolétaire 19 mai 1883  — La Justice 18 mai 1883 —  Le Temps 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 23 mai, 1er et 4 novembre 1883  — Le Révolté 26 mai 1883  — Histoire du mouvement anarchiste à Lyon (1880-1894) par Marcel Massard, ACL, 2016  — Le mouvement anarchiste en France par Jean Maitron, Maspéro, 1983

Les prémisses de l’opposition à Joffrin : La démission de Tortelier du Parti Ouvrier en mars 1883

Les perquisitions chez les anarchistes de l’Aube le 21 novembre 1893 : un coup pour rien.

23 samedi Juil 2016

Posted by fortunehenry2 in Analyse

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Une série de perquisitions est lancée ce 21 novembre 1893 chez des anarchistes de l’Aube : Louis Morperrin, Charles Lécorcher, Ernest Pannetier, Paul Martinet ,  Gilbert Panas, (absent de chez lui ce jour-là, sa porte est ouverte par un menuisier requis par le juge d’instruction).

Comment expliquer un tel déploiement de force, des visites domiciliaires au petit matin dans le but de rechercher des « matières explosibles » ?

C’est que dans la nuit du 15 au 16 novembre, à minuit, une explosion se produisait rue Armeny, devant l’hôtel de la division du 15e corps d’armée à Marseille.

Une boîte de fer-blanc, d’environ trente centimètres, avait été placée dans la guérite creusée dans la muraille même de l’immeuble, attenante à la salle où se réunissent les plantons du général.

L’explosion a été si violente que la mur s’est lézardé du haut en bas. Dans la salle des gardes, tout a été détruit. Les vitres et les glaces ont volé en éclat dans la maison et les immeubles qui l’avoisinent.

Il n’y eut aucune victime. Un soldat qui était couché dans la salle des gardes, sur le lit de camp, n’eût même pas une égratignure.

A la suite de cet attentats des consignes sont adressées aux préfets par la ministre de l’intérieur, de faire procéder à des perquisitions dans un grand nombre de départements pour y rechercher des explosifs. La plus grande discrétion est exigée afin que l’opération ne soit pas ébruitée et perde donc de son efficacité.

Le préfet de l’Aube, demande, le 20 novembre, au procureur de procéder aux perquisitions dès le lendemain, reprenant au passage les consignes ministérielles : « Je vous recommande de procéder à ces mesures avec la plus grande discrétion, de façon à ce qu’elles n’aient pas d’autre publicité que celle qui doit nécessairement résulter de leur exécution ».

Le juge d’instruction délivre le jour-même trois commissions rogatoires transmises aussitôt au commissaire central et se conserve la perquisition chez Paul Martinet, considéré certainement comme le militant le plus en vue et demeurant à Sainte-Savine, Gilbert Panas habitant la même commune, le juge prévoit d’y aller ensuite.

Comme pour marquer l’importance de l’affaire, le procureur accompagne le juge d’instruction.

Toute cette escouade (juge, greffier, procureur, commissaires, agents) débarque chez les anarchistes au petit matin, fouille de la cave au grenier mais ne trouve pas la moindre trace de dynamite.

Mais les consignes de la Préfecture recommandaient aussi de saisir les « papiers et correspondances se rapportant ou se rattachant à des projets d’attentats », le juge repris cette extension de la recherche dans ses commissions rogatoires et dès lors tous les documents se rapportant à l’anarchie furent saisis : journaux, brochures, lettres.

Après lecture attentive dans le calme de son cabinet, le juge d’instruction ne trouva aucun écrit se rattachant à un projet d’attentat. La chanson « La dynamite » ne fut probablement considérée que comme une œuvre littéraire.

Dès lors, il ne lui restait plus qu’à délivrer un non-lieu, ce qu’il fit le 22 novembre 1893.

L’affaire avait été rondement menée !

Le Père Peinard donna son point de vue sur ces perquisitions pour rien : « Y a pas mèche de raconter par le menu tous les perquisitionnements qu’il y eu : y en a eu dans tous les patelins des Ardennes, à Lille, Troyes, Orléans, Lyon, Saint-Etienne, Saint-Chamond, Montceau les Mines, etc, etc.

Partout grand fiasco, nom de dieu !« ( 3 décembre 1893)

Si le juge ne trouva rien, il reste dans le dossier quelques pépites : des courriers particulièrement intéressants comme ceux de Sébastien Faure, le conférencier le plus populaire chez les anarchistes qui explique dans une lettre que face à la répression dont le mouvement est la victime (il est lui même en prison),  « ce qui fait notre force, c’est précisément ce qu’ils appellent « eux » notre absence d’organisation, parce qu’ils ne conçoivent pas d’organisation sans maîtres, sans chefs, sans comité, sans direction unique »… « Si nous avions comme les autres partis un Comité directeur, ou des comités nationaux, régionaux ou locaux, la répression serait facile et efficace ». Un document qui coupe court à de nombreuses discussions sur la nature du mouvement anarchiste : il n’y a pas de comité directeur qui téléguiderait les actions.

Une autre lettre de Faure montre les difficultés pour organiser les conférences, le temps passé à mettre sur pied chacune d’elles, la question de se faire remplacer ou pas, toute une petite cuisine interne dont il serait difficile de se douter sans avoir lu ce document. On y comprend l’importance de ces correspondants locaux pour S. Faure, correspondants que l’on retrouve dans des listes qui furent saisies à divers moments sur Faure et qui firent l’objet de nombreux enquêtes policières que l’on retrouve dans un carton des Archives nationales (F/7/12506). La police devait penser qu’il s’agissait de listes de dangereux correspondants prêts à déposer des bombes, alors qu’il s’agissait de militants locaux chargés de retenir des salles et de coller des affiches.

Autre courrier particulièrement intéressant, cette lettre d’Octave Jahn, un des militants anarchistes les plus en vue et dont la vie fut un vrai roman d’aventure. Le militant exprime ouvertement son état d’esprit à un compagnon et ami.

Deux courriers montrent comment les compagnons procédaient pour financer certains projets que ce soit une imprimerie ou la création d’un journal : ils envoyaient une circulaire avec des listes de souscription à faire circuler. Point n’était besoin de passer par une organisation nationale structurée, les initiatives étaient décentralisées et horizontales.

Enfin dans tous les documents saisis, une brochure « Aux affamés » publiée en 1887, dont il est fort possible que ce soit le seul exemplaire conservé.

Une nouvelle preuve, si besoin en est que les dossiers de justice constituent une photographie à un instant T de l’histoire du mouvement anarchiste et qu’ils sont souvent une source de documents de première main donnant le point de vue des militants, bien loin des rapports de police, rédigés par des indicateurs motivés uniquement par l’appât du gain.

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Tactique nouvelle des anarchistes de France (6 novembre 1892) : un document plus que douteux

18 lundi Juil 2016


Paris le 6 novembre 1892

Ci-après une pièce fort curieuse qui est la reproduction in extenso des instructions qui viennent d’être transmises aux groupes anarchistes de France, et qui ont trait à la tactique nouvelle que veut adopter le parti. Les instructions en question émanent du groupe « L’Avant-Garde » de Londres. Elles me sont communiquées par Nikitine, dont je vous ai déjà transmis une communication, il y a peu de jours.

« Il faut tout faire pour détacher les masses ouvrières des soi-disant socialistes qui se servent aujourd’hui du peuple pour se faire une situation et qui maîtres demain, se soumettraient à un joug plus lourd que celui de la bourgeoisie. Bien faire comprendre aux groupes que le salut de la Révolution est là.

Pour y réussir, il faut pénétrer les camarades de cette grande et très urgente nécessité, afin que tous continuent à travailler comme ils ont déjà commencé à le faire, afin d’atteindre le but que nous nous proposons dans l’avenir le plus rapproché possible.

Il est donc indispensable d’entrer de plus en plus dans les syndicats et de montrer par les faits, aux prolétaires, nos frères, que les anarchistes n’entendent pas se mêler au mouvement, pour obéir à un sentiment de vanité ou d’intérêt personnel, mais bien pour lutter avec eux et pour eux, dans l’intérêt de l’émancipation commune.

Là où il ‘existe pas de syndicats, les anarchistes doivent en créer, et là où il en existe déjà, il faut se mêler aux adhérents.

Si l’entrée dans certains syndicats n’était pas rendue possible, il faut en instituer à côté de ceux existant déjà.

Il est très utile de prendre une part active aux grèves, comme à toutes les agitations ouvrières, de se refuser constamment à accepter toute situation en vedette. Il faut, notamment, être toujours les premiers à la peine et au danger. Il faut profiter de tout pour faire de la propagande anarchiste et mettre constamment en garde les ouvriers contre les socialistes autoritaires qui seront leurs oppresseurs de demain.

Quand des compagnons voudront faire des actes individuels, il est utile que ces actes soient tels que les masses puissent facilement y reconnaître l’œuvre de gens qui luttent et se sacrifient pour le bien de tous.

On doit, parmi nous, rester toujours pénétré de cette vérité, qu’il ne faut pas attendre que les ouvriers soient devenus anarchistes, pour aller parmi eux, mais qu’on doit y aller précisément pour tâcher, par tous les moyens de les amener à nous.

Ne pas rebuter surtout à raison de ce qui, dans les mœurs ouvrières, est contraire à nos idées et à nos habitudes, mais faire parmi les travailleurs de la propagande adroitement, pénétrés de ce principe, que pour convaincre, il faut d’abord se faire écouter, sans idées préconçues et sans préventions.

N.B. Les gens en vue de l’Avant-Garde de Londres sont : Malatesta, Malato, Kropotkine, Louise Miche et quelques compagnons italiens et russes, ainsi qu’allemands.

AN F7 12504

Dans son livre « Le mouvement anarchiste en France. Tome I. Des origines à 1914″édité chez François Maspéro 1983, Jean Maitron utilise ce document dans le chapitre « Les anarchistes et les syndicats » à la page 267 à l’appui de sa thèse d’une nouvelle orientation des anarchistes envers les syndicats après l’ère des attentats.

Or ce document provient du carton F7 12504 des Archives nationales composé de 281 rapports disparates rédigés de 1886 à 1897 et dont le statut parait difficile à déterminer : à quelle occasion et pour quelle demande ces dossiers ont-ils été constitués regroupant des notes élaborées à des dates très différentes sur l’organisation des anarchistes.

Selon ce rapport les instructions évoquées émaneraient du groupe « L’Avant-Garde » de Londres. Or Constance Bantman dans sa thèse « Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914 : Échanges, représentations, transferts« n’évoque pas ce groupe.

D’autre part il semble, bien que cela reste à prouver avec d’autre éléments, que Nikitine qui avait communiqué ces instructions au rédacteur du rapport » fut lié à un agent de la Préfecture de police qui fit état dans plusieurs rapports des renseignements « de Nikitine, l’un de mes correspondants à Londres ».

Il est également permit d’évoquer une autre hypothèse : celle de l’estampage. Il s’agissait pour certains anarchistes de vendre à la presse mais aussi pourquoi pas à la police de fausses informations, dans le but de se procurer de l’argent. Peut-être Nikitine pratiquait-il l’estampage ? De nombreux compagnons exilés à Londres se trouvaient souvent dans une misère noire, faute de trouver un emploi stable.

Visiblement en publiant ce document Maitron eut un doute puisqu’il inséra une note : « En parlant d’instructions aux groupes et de parti anarchiste, le policier montre que, s’il a su se ménager certaines complicités dans la place, il n’a pas compris les principes qui sont à la base des rapports entre anarchistes et c’est à tort qu’il se représente leur organisation à l’image de celle des partis centralisés et hiérarchisés. Mais cela n’affaiblit en rien la valeur du document destiné sans doute à être discuté par les groupes ».

On se demande bien comment Maitron a pu décider que le document bien qu’il mentionnait des inepties sur l’organisation des anarchistes pouvait tout de même avoir de la valeur. Sans doute parce qu’il correspondait exactement aux idées qu’il avait lui-même sur le nouveau cours des anarchistes envers les syndicats.

Il y a fort à parier que la diffusion des « instructions » du pseudo groupe l’Avant-Garde n’a jamais dépassé le bureau de la Sureté nationale et qu’aucun groupe anarchiste n’en ait jamais eu connaissance.

Publié par fortunehenry2 | Filed under Analyse

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