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La section de l’Internationale de Bruxelles. 16 avril 1877

08 mardi Sep 2020

Posted by fortunehenry2 in Non classé

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16 avril 1877

La section bruxelloise de l’Internationale a tenu séance le 16 avril 77, vers 10 h du soir, au Cygne. Une vingtaine de membres étaient présents ; quelques étrangers, tels Rode, Gietsen (?), Baudry, un russe, etc ; à la suite d’une consultation tenue entre Brismée, Paterson, Standaert et autres, furent invités à se retirer.

Paterson, sur l’invitation de Brismée, lut le procès-verbal. Brismée déclare que les propositions y contenues seront résolues par le congrès prochain de Jemmappes. Le délégué qui s’y rendra devra manifester le désir de voir s’organiser un Congrès socialiste belge précédent le Congrès socialiste universel et que l’on y décide en même temps le choix de l’endroit propre à cette cérémonie. Payant (?) à l’attitude que doit prendre l’Internationale vis à vis du mouvement qui se produit dans le pays, il demande si quelqu’un désire prendre la parole sur cette question. De Paepe dit qu’il s’agit de savoir ce qui a amené la section bruxelloise à poser cette question ; c’est, ajoute-t-il, la constitution d’une Union ouvrière belge. Parlant du Congrès de Gand et des Trade Unions de l’Angleterre, il croit que l’Internationale n’a pas à s’en occuper. Les ouvriers peuvent se constituer librement en fédération et même se mêler d’un mouvement politique.

Brismée est d’avis qu’ils auraient pu d’abord se constituer en corps de métiers et puis se fédérer. Il est d’accord avec le préopinant. L’Internationale devrait seconder même le mouvement ouvrier qui, ainsi que les Gueux, composés de la classe libérale la plus avancée, demandent le suffrage universel ou toute autre réforme politique avantageuse pour la société. Mais ce qu’il désapprouve, c’est la conduite de Bertrand qui connaissant les éléments dont se compose l’Internationale et en faisant parti, cherche à exclure du sein de l’Union ouvrière des hommes ayant voué leur existence à l’enseignement du peuple, sous prétexte qu’elle ne sera formée que de salariés. Les petits patrons et ceux qui n’exercent pas de métier ou de travail manuel, souffrent souvent plus que les ouvriers. Ils ont cependant intérêt alors à seconder certains mouvements, tels que le suffrage universel, etc. Pourquoi les exclure de l’Union ouvrière ?

Bertrand répond que rien n’est encore arrêté définitivement. Il a même été question à la Chambre du travail, de l’admission de sections mixtes, partisans de la revendication des droits politiques. Le congrès de Bruxelles devant décider, il demande que cette discussion soit remise jusqu’après cette époque.

De Paepe prononce ensuite un assez long discours dans lequel il démontra les moyens employés en Angleterre par les Unions, qui arrivent insensiblement à la réalisation des réformes politiques et se rangent à l’opinion de Brismée, émise plus haut.

Il s’agit cependant de savoir si, dans le cas où l’Union admettrait l’Internationale, celle-ci y adhérerait.

Steens ayant pris la parole, entre dans un ordre de vues différent. Les hommes dirigeant l’Union appartiennent presque tous à l’Internationale ; on doit s’assurer s’ils en renient les principes et s’ils entendent fouler aux pieds ceux qui ont sacrifié une partie de leur temps, de leur bienêtre, au développement de l’intelligence du peuple. Si après tant de labeurs, s’écrie l’orateur, l’Internationale doit se voir vilipender par quelques individus aspirant à la grandeur, qu’elle les laisse faire ; son nom existera toujours et on pourra toujours dévoiler les traîtres. Si ces réflexions sont justes, le jugement et les suites seront néfastes pour l’un comme pour l’autre.

Bertrand demande que rien ne soit décidé avant que l’on ait connaissance des résolutions du Congrès de Bruxelles.

Brismée propose qu’une séance ait lieu dans les 15 jours ; on y décidera la nomination du délégué au Congrès de Jemappes.

A minuit, la séance est levée, mais au moment de quitter la salle ? Brismée annonce qu’un parisien, à la suite d’une bagarre survenue à Paris, sur le point d’être condamné, un membre de sa famille, agent de la police judiciaire, lui avait conseillé de quitter la France, attendu qu’il avait pris part au mouvement de la Commune. Or, cet homme, déjà âgé, est arrivé à Bruxelles et est sans ressources.

Il propose de faire une collecte afin de lui procurer les trois francs nécessaires pour pouvoir trouver un gîte cette nuit. La collecte, faite par Frix, produisit la somme demandée.

Source : Archives de la ville de Bruxelles POL 195

Lire le dossier La section de l’Internationale de Bruxelles

GAILLARD Pierre, Auguste. Employé de commerce ; contremaître d’usine ; anarchiste de Bagnolet (Seine-Saint-Denis).

18 lundi Mai 2020

Posted by fortunehenry2 in Non classé

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Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Né le 25 août 1846 à Fontanges (Cantal) ; mort le 3 mai 1908 à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) ; employé de commerce ; contremaître d’usine ; anarchiste de Bagnolet (Seine-Saint-Denis).

Il avait épousé Marie, Léontine Laurent, lingère, le 24 septembre 1872 à Paris (XVIIIe arr.). Il demeurait 29 rue Myrha et exerçait la profession de marchand de couleurs.
Le 4 septembre 1893, Pierre Gaillard se trouvait à une réunion anarchiste chez Méreaux, 14 rue du Ruisseau à Bagnolet. Il y avait recommandé aux compagnons d’assister aux réunions que le parti ouvrier pourrait organiser et d’y venir armés de bâtons, imitant en cela, le parti ouvrier au cours de la période électorale. Il s’était déclaré satisfait des résultats obtenus par la campagne abstentionniste.
Le 18 décembre 1893, il se rendait chez Méreaux qui parla de l’arrestation de Mérigeau.
Pierre Gaillard figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 26 décembre 1893, il demeurait 12 rue du Pont Vert à Bagnolet.
Le 13 mars 1894, un rapport du contrôle général de la Préfecture de police signalait que bien que notoirement connu comme anarchiste, aucune perquisition n’avait encore été effectuée chez lui. Il était alors contremaître d’usine.
Arrêté le 15 mars 1894, il était libéré le 17 mars.
Son dossier à la Préfecture de police portait le n°313.447.
A la fin de sa vie, il demeurait 75 Grande Avenue à Neuilly-Plaisance.

SOURCES :
Archives de la Préfecture de police Ba 78, 1500 — Les anarchistes contre la république de Vivien Bouhey. Annexe 56 : les anarchistes de la Seine — Archives départementales du Cantal. Etat civil — Archives départementales de la Seine-Saint-Denis. Etat civil — Archives de Paris. Etat civil.

Alfred Mallégol, vendeur du Père Peinard et de la Révolte à Saint-Nazaire

13 mercredi Mai 2020

Posted by fortunehenry2 in Non classé

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Mallégol habitait avec Meunier et Bizien dans « la Maison des anarchistes » à Lambezellec (Finistère).

Ville de Saint-Nazaire (Loire -Inférieure)

Commissariat central de police

Exécution d’une commission rogatoire de M. le juge d’instruction d’Angers

N°28

Déposition du sieur Mallégol Alfred, journalier, demeurant à Penhouet, maison Vaulez

L’an 1894, le 10 mars.

Nous, Langrognet Stanislas, Victor, commissaire central de la ville de Saint-Nazaire, officier de police judiciaire, auxiliaire de monsieur le procureur de le république, agissant en vertu d’une commission rogatoire de M. le juge d’instruction de Saint-Nazaire, par subdélégation du 9 courant, nous prescrivant de recevoir la déposition du sieur Mallégol, lequel, après avoir reçu connaissance des faits sur lesquels il est appelé à déposer et prêter serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, nous a fait la déclaration suivante.

Je me nommé Mallégol Alfred*, âgé de 16 ans, journalier, demeurant à Penhouet chez Vaudez.

Je suis arrivé à Lambezellec (Finistère) en juillet 1893, pour travailler à Brest en qualité de commis aux écritures chez un entrepreneur nommé Le Scanff, demeurant route de Paris n°3, où j’ai resté jusqu’au 26 décembre, même année pour venir à Saint-Nazaire. Pendant le temps où j’ai habité Brest, j’ai vécu comme pensionnaire un sieur Bizien, ouvrier ébéniste à l’arsenal, demeurant à Pontanézen en Lambezellec, annexe de Brest. Dans le courant d’octobre 189 ? un nommé Meunier, se disant anarchiste est venu dans la ville, où il a travaillé comme cordonnier dans le local qu’il occupait chez Bizien. Dès le début de son arrivée, moi, Bizien et sa femme, ainsi que Meunier, nous avons vécu à la même table. Pendant la conversation qui a eu lieu, Meunier m’a dit que c’était beau d’être libre et qu’il ne fallait plus travailler pour les patrons. Plusieurs fois, il m’a donné à lire le journal La Révolte, le Père Peinard et autres brochures anarchistes. Autour du 20 décembre, même année, me trouvant sans travail, Meunier me dit que si je voulais gagner ma vie, je pouvais me rendre à Saint-Nazaire à l’effet d’y vendre les journaux, le Père Peinard et la Révolte. J’ai accepté et j’ai vendu de ces numéros jusqu’au 24 janvier 1894. Je dois dire qu’avant mon départ, Meunier m’a encouragé à venir ici, pour vendre ces journaux, ajoutant que si à un moment donné, je me trouvais dans l’embarras, je pourrais lui écrire et qu’il m’enverrait de l’argent. Depuis mon arrivée en cette ville, je ne lui ai pas écrit, mais à M. Bizien, lequel j’ai chargé de donner le bonjour à Meunier. Actuellement, je suis occupé à la Compagnie Générale Transatlantique comme journalier au déchargement du charbon dans les bateaux. Mon père ne m’a jamais initié dans les idées anarchiques et ne l’ai quitté qu’à son décès, c’est à dire le 23 juillet 1893.

Lecture faite de sa déposition, persiste et signe avec nous.

2 U 2-142 Archives départementales du Maine-et-Loire

*Alfred, Jean-Marie Mallégol, né le 6 octobre 1877 à Brest

Lire le dossier : Les anarchistes à Angers : premières victimes des lois scélérates

La grève générale de Revin : lutte à outrance contre les « jaunes » et les « renards », la dynamite contre Faure, le principal patron.

07 samedi Mar 2020

Posted by fortunehenry2 in Fortuné Henry, Non classé

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Saison 3 : Fortuné Henry, le syndicaliste CGT, fondateur du journal Le Cubilot. Lire l’ensemble des épisodes.
Onzième épisode. La grève générale de Revin : lutte à outrance contre les « jaunes » et les « renards », la dynamite contre Faure, le principal patron.

Fortuné Henry. Album Bertillon septembre 1894. CIRA de Lausanne.

Le mouvement gréviste s’étend : à Monthermé-Laval-dieu, six cents ouvriers des forges se sont mis en grève et réclament une augmentation de salaire. A Yvernaumont, à Auvillers-les-Forges, on signale également des cessations de travail1.

Le 17 mai, à 19 h, lors d’une réunion à lieu à l’Hôtel-de-Ville, les grévistes refusent d’accéder à la demande des industriels que les délégués ouvriers soient élus par vote secret de l’ensemble des grévistes et accordent leur confiance à Lefèvre : « il est acclamé par la foule des grévistes aux cris de Vive la grève. »2

le comité de grève choisit six membres pour discuter avec les patrons : Marchot, Blin Achille, Legros Henri, Hosselet Achille, Liégeois et Lefèvre.3

le 23 mai, les grévistes manifestent devant la maison de M. Sappey, employé à l’usine Faure, et ont brisé toutes les vitres. M. Sappey, afin d’éviter le retour de pareilles manifestations, quitte Revin4.

Le 24 mai à six heures du matin, arrivent trois compagnies du 148e de Givet. Elles relevent de leur poste les trois compagnies du 91e de Mézières. Blanchard, secrétaire des syndicats métallurgistes de Meurthe-et-Moselle et délégué de la CGT, vient faire une conférence et un meeting suivis d’une manifestation. Après avoir dit qu’il ne peut pas développer toute sa pensée parce que le commissaire de police et le lieutenant de gendarmerie l’arrêteraient, il encourage les grévistes à la résistance.

Des forgerons de l’usine Saint-Nicolas, arrêtés par des patrouilles de grévistes, doivent jurer qu’ils ne retourneraient pas travailler.5

Le 25 mai un procès-verbal est dressé contre Léontine Darches qui a crié : « A bas les cognes ! »

Les secrétaires des syndicats sollicitent de la municipalité l’ouverture d’un crédit destiné à des travaux communaux, afin d’occuper les ouvriers sans travail. Le conseil municipal socialiste accorde un crédit de 30.000 fr. pour mettre en place des travaux de réfection des chemins.6

Document Archives départementales des Ardennes. PERH320 1. Collection privée Philippe Decobert. Cliquer ici pour lire le journal en entier.

Le Cubilot n°26 du 26 mai 1907 fait le point sur la grève de Revin et en souligne les enjeux, par l’entremise de Taffet venu soutenir les grévistes au nom de l’Union des syndicats. Il signale un fait nouveau : l’apparition à Revin d’un syndicat jaune pro-patronal qui vient d’apposer sur les murs une affiche signée « Un groupe de travailleurs » et portant pour titre : « Union des travailleurs libres de Lorraine section des Ardennes). Pour ce syndicat la majorité des gréviste n’a pas lu le nouveau règlement et la grève fait perdre 10.000 fr. de salaires chaque jour et menace Revin de ruine par le départ des commandes. L’affiche appelle à abattre la dictature des meneurs qui vont chercher leur « mot d’ordre dans les colonies anarchistes et qui ont su faire reposer sur notre ville le malaise écrasant d’une véritable Terreur rouge. »

Les affiches du syndicat jaune sont lacérées.

Ce syndicalisme jaune n’est pas une nouveauté à Revin, le journal La Dépêche des Ardennes en fait un historique assez précis, décrivant sa création dès 1905, pour s’opposer au syndicat mis en place par Lefèvre: « Devant ce danger sans cesse grandissant, un groupe d’ouvriers, désireux de travailler et de ne pas entamer contre le patronat une lutte nuisible pour les deux éléments, décida de former un syndicat jaune.

Nanquette-Féard était à la tête de ces honnêtes gens. Le syndicat rouge, comprenant que les jaunes réuniraient bientôt la presque totalité des travailleurs revinois, n’eut de repos qu’après avoir détruit l’organisation Nanquette.

On se rappelle la grève Parizel en 1905, le prétexte avoué était la malfaçon, mais le véritable but était la mort du syndicat jaune. On connaît les inqualifiables agressions dont furent victimes les ouvriers voulant travailler ; on n’a pas oublié la mise à l’index des commerçants, ordonnée par le syndicat Lefèvre contre ces malheureux, obligés d’aller chercher la nuit, dans des endroits éloignés, leur nourriture du lendemain. La vie de Nanquette fut en danger, la gendarmerie dut tous les jours, protéger sa personne et le calme ne réapparut qu’après le départ de ce brave homme de Revin. La grève avait duré 2 mois, les jaunes n’existaient plus. Le syndicalisme rouge triomphait. Ce fut alors une tyrannie sans fin. Force fut aux ouvriers de s’enrôler sous la bannière du syndicat, et patrons et travailleurs ne tardèrent pas à en connaître le despotisme.

Quiconque n’était pas syndiqué, n’avait pas le droit de travailler et toute admission par le patron d’un ouvrier étranger à l’équipe du citoyen Lefèvre, pouvait donner sujet à une grève. »7 La Dépêche, dans cet article résume assez bien le point de vue des employeurs de Revin et l’opposition frontale entre classes sociales qui s’exprime à travers la grève générale de Revin.

L’Union des syndicats réplique immédiatement par une affiche en réponse à celle du syndicat jaune.

Taffet décrit l’organisation de la grève : « j’ai pu me rendre compte de l’admirable organisation de la résistance. Une quinzaine de militants sont là groupés autour d’une longue table sur laquelle s’étalent les affiches qui viennent d’arriver, en réponse à l’appel patronal aux jaunes, inexistants à Revin, des livres de comptabilité, la correspondance du jour.

Le camarade Lefèvre dépouille le courrier et voici dans chaque lettre des mandats qui représentent les gros sous de la solidarité ouvrière, qu’accompagnent des encouragements à la résistance.

Ici ce sont les camarades de Vrigne-aux-Bois qui envoient 260 fr., là, les ardoisiers fendeurs de Fumay qui ont recueilli 158 fr. Jusqu’au ouvriers des Forges de Laval-Dieu qui, en grève depuis deux jours, envoient les trente francs d’une collecte au profit de leurs frères de lutte.

Et voici encore, témoignant de la sympathie de tous les travailleurs, d’autres envois de fonds d’Annonay, de Fournies, de Calais, etc… »

Lefèvre, dans une lettre ouverte8 explique les motivations des responsables syndicaux, en réponses aux attaques du syndicat jaune : « Ce que l’on peut nous reprocher, à nous dirigeant l’organisation ouvrière, c’est d’avoir des idées anarchistes (peut-être) et d’être des révolutionnaires (toujours). Nous nous en honorons, mais ce que l’on ne nous reprochera jamais, c’est d’avoir fait de notre grève une entreprise commerciale d’accaparement ; ce dont nos enfants n’auront jamais à rougir, c’est d’avoir fait d’un tas de malheureux toujours exploités, un marchepied pour renforcer une fortune déjà colossale. »

La Dépêche des Ardennes se fait échos à ces attaques contre Lefèvre par l’Union des travailleurs libres de Lorraine section des Ardennes, le syndicat jaune : « En effet, Lefèvre, tout en criant sur tous les toits son désintéressement et en se posant en apôtre que n’influence pas le vil métal, n’en cherche pas moins à profiter de la grève pour arrondir ses petits bénéfices et laisser percer, entre copains du même acabit, les désirs de bourgeois qui sommeillent en lui.

C’est ainsi que dès la déclaration de la grève, il s’est empressé d’ouvrir un petit commerce de marchand de beurre, d’oeufs et autres comestibles. Les ouvriers timides et influencés par sa situation de secrétaire du syndicat s’imaginent qu’ils seront mis à l’index et tracassés plus tard, s’ils ne font pas leurs emplettes chez lui. Cette petite combinaison contribue à grossir chaque jour ces fameux livrets de caisse d’épargne que possède, si nous en croyons la rumeur publique, Lefèvre au nom de tous les membres de sa famille et qui portent déjà un chiffre rondelet. Voilà pour le présent.

En ce qui concerne l’avenir, Lefèvre lorsqu’il est entre amis, laisse entrevoir son rêve. Nous allons, dit-il, avec 30 ou 40 bons ouvriers (les meilleurs de Revin) créer une fonderie par actions, une coopérative… Nécessairement, il en fera partie. Mais comme il est de notoriété publique que cet ancien douanier est un des plus médiocres ouvriers de la ville, il prendra dans l’usine nouvelle l’emploi de comptable et de directeur, auquel lui donnent droit son passé de militant, conférencier et d’organisateur révolutionnaire. »9

Ces attaques outrancières de Domelier, le rédacteur en chef de la Dépêche ne peuvent rester sans réponse et une altercation se produit avec Taffet, le secrétaire de l’Union des syndicats des Ardennes : « Lundi dernier, j’arrivai en gare de Charleville reconduisant la camarade Lefèvre, nous voulûmes prendre un verre à la buvette, avant le départ du train de Givet. Sur la terrasse de la buvette, un bourgeois me dit : Bonjour Taffet, je te présente Domelier de la Dépêche. J’avoue que je ne connaissais pas Domelier (je ne perdais pas tout). Je crachais mon dégoût à la face de cet individu, lorsqu’il me menaça d’un soufflet ; à cette menace, je répondis par un coup de poing en plein visage de l’homme aux mâchoires d’âne, et sans l’intervention de plusieurs bourgeois, dont Domelier est le plumitif, ce dernier eut certainement pris quelque chose pour son rhume.

Voilà ce qu’à la Dépêche, on appelle un guet-apens !

Et comme ce journal dit que j’ai reçu une correction, je prie tous mes amis de regarder Domelier, ils constateront avec plaisir que l’oeil droit de cet Apollon est bien poché. »10

Le 27 mai, Eustache Grim, mouleur qui descendait du train est hué par plusieurs grévistes que le traitent de pilori et fainéant. Puis des pierres lui sont lancées, sans l’atteindre.11 François Mennekens se saisit de pierres qu’il lui lance, imité par d’autres. Grim se sauve et se réfugie chez ses parents à 150 m de la gare.12

Le même jour, cent des principaux industriels ardennais, au cours d’une réunion tenue à Charleville, prennent des mesures de solidarité pour aider leurs dix huit confrères de Revin à soutenir le conflit et la lutte syndicaliste13.

Cent dix sept industriels se trouvent assemblés dans la grande salle du Salon des familles à Charleville. Après avoir fait l’historique de la grève de Revin, Henri Faure, président de la caisse de prévoyance des des patrons métallurgistes de Revin expose « l’œuvre du syndicat rouge qui depuis 2 ans a semé la discorde parmi les ouvriers et les efforts tentés par des travailleurs honnêtes qui s’étaient groupés en syndicat indépendant, ainsi que la lutte engagée par l’organisation révolutionnaire pour détruire une œuvre de défense sociale qui prenait chaque jour une extension de plus en plus grande. »

Henri Faure signale « la belle conduite des chefs des indépendants et de Nanquette-Féard, qui n’ont pas été abandonnés, comme on l’a dit, par les patrons, mais qui devant le danger que les menaçait, ont dû s’expatrier et ont été, grâce à leur appui, casés ailleurs. »14

Il dépeint ensuite l’action du syndicat et son désir de s’ingérer dans l’organisation interne des entreprises : « Ce n’était pas une question de salaires, mais la main-mise du syndicat sur les usines par l’établissement de commissions de travail et de collecteurs chargés de recueillir dans les ateliers, les cotisations des ouvriers qui par terreur ou violences, étaient tous obligés de se syndiquer s’ils voulaient travailler. Il est vrai que devant la ferme attitude des industriels, les collecteurs n’ont pu accomplir leur besogne qu’à la porte des ateliers. Le syndicat voulait même avoir le droit de donner son avis sur l’embauchage et le renvoi des ouvriers. »

Henri Faure lance un appel à la solidarité à ses collègues du département : « Les meneurs du syndicat, ont jeté un défi aux patrons de Revin, ces derniers veulent se défendre et se défendront jusqu’au bout contre cette ingérence dans leur organisation intérieure. La victoire des violents aurait pour conséquence la ruine de l’industrie de Revin ; l’insécurité du lendemain pour la partie sage et laborieuse de la population ouvrière. En résistant aux fauteurs de désordre, nous défendons les intérêts de nos bons ouvriers, en même temps que les nôtres.

C’est à nous y aider que nous convions nos confrères du département, en prenant à notre égard les mesures de solidarité que comportent les circonstances. Ils nous donneront la preuve évidente de leurs sentiments de bonne confraternité et je leur confirme à l’avance et au nom des industriels de Revin toute notre gratitude. »15

Les grévistes, promoteurs de la construction de l’usine ouvrière surnommée « les 104 » commencent l’exploitation des pierres et leur transport pour l’édification des ateliers.16

Les patrons de Revin ont désormais un chef, bien décidé à résister jusque au bout et à maintenir le fameux règlement intérieur.

Mais ces déclarations des patrons ne sont pas sans écho, le comité de grève décide d’empêcher, même par la force, les ouvriers étrangers d’entrer dans Revin. Tous les jours cinquante grévistes sont requis de jour et cinquante de nuit, pour organiser les manifestations et les piloris ; toute la nuit des postes sont installés à l’entrée des routes pour surveiller les arrivées. Les grévistes se cantonnent dans les bois et allument des feux de bivouac. Les rondes parcourent les rues, armés de matraques pour s’en servir sur les ouvriers voulant reprendre le travail. Quarante manifestants occupent les abords des forges Saint-Nicolas ; trente autres également munis de gourdins sont aux alentours des usines Druart et un groupe chaussés de chaussons s’approchent de la sentinelle placée auprès des ateliers Martin et lui demande si son fusil est chargé. Le soldat fait circuler les grévistes qui s’éloignent et se tiennent à distance du poste de police. Les employés de M. Faure sont mis au pilori et l’un d’eux est obligé d’aller à Fumay pour se procurer des subsistances17.

Le 28 mai, un procès verbal est dressé à l’encontre de Marguerite Routa qui a crié « A bas les cognes ! » et jeté une pierre contre l’une des fenêtres d’une usine de Revin.18

La cartouche de dynamite a été lancée au dessus de la grille du 38 avenue de la Gare.

Dans la nuit du vendredi 7 juin 1907, au samedi 8 juin, à minuit et demi, une explosion réveille en sursaut les habitants des rues environnantes du quartier de la gare de Charleville : une bombe est lancée contre la maison de l’industriel Faure, 38 avenue de la Gare. Une cartouche de dynamite est lancée contre son habitation. Il s’agit de faire peur car les dégâts matériels sont peu importants. Un inconnu a lancé la cartouche dynamite par dessus la grille qui clôture, sur l’avenue de la Gare, le jardin précédent la maison d’habitation. L’engin est tombé à une dizaine de mètres des murs au pied d’un massif.

Lorsque l’explosion se produit de nombreux graviers volent en éclats ; un trou de 40 centimètres de profondeur, sur 50 centimètres de diamètre est creusé en terre, les vitres des fenêtres sont brisées par les éclats de pierres. Mme Faure perçoit la détonation ; elle s’approche de la fenêtre mais ne voit rien.

Le procureur de la république et le juge d’instruction se rendent sur place, pour procéder à une enquête.

Selon l’examen des débris, la cartouche a été enveloppée dans un morceau d’étoffe et dans du papier journal, le numéro du 2 juin de la Dépêche des Ardennes ( les auteurs de l’attentat ne manquant pas d’humour), le tout ficelé.19 Un attentat qui sonne comme un premier avertissement.

Pour la Dépêche des Ardennes, tout est clair et le journal titre : « La dynamite à Charleville. Attentat anarchiste » : « On sait que c’est l’honorable M. Faure qui a centralisé les haines de la bande à Lefèvre, c’est lui qui était visé ; à chaque instant il recevait des lettres de menaces et, il y a quelques jours une d’elles le menaçait violemment ; aussi cet acte criminel ne nous a que médiocrement surpris .20»

L’industriel n’avait-il pas reçu deux jours auparavant ce courrier, sans équivoque : « Affameur,

Si le conflit ne cesse pas lundi, nous te ferons ton affaire, car c’est toi l’auteur des maux dont souffrent les travailleurs de Revin.

Ravachol 21»

Pour La Dépêche des Ardennes « cet attentat anarchiste est une conséquence de l’agitation gréviste qui depuis sept semaines désole Revin et rappelle les tristes événements qui, en 1894 terrorisèrent cette ville et amenèrent sur les bancs de la cour d’assises des Ardennes, une série de propagandistes par le fait et parmi eux Fortuné Henry22, le fondateur de la colonie d’Aiglemont et frère du guillotiné Emile Henry, exécuté pour avoir jeté des bombes au commissariat de la rue des Bons-Enfants et au café Terminus »23

A peine deux jours après l’attentat, dans une réunion à Vireux-Molhain, salle du Théâtre, devant 300 personnes, Taffet déclare : « Il ne faut pas laisser les industriels châtelains de Revin dormir les nuits tranquilles dans leur châteaux, il faut user de l’action directe et l’une de ces nuits commencer par en réveiller un. Est-ce que les industriels de Revin n’ont pas fait du sabotage, en faisant renvoyer les ouvriers grévistes des usines de la région, où ils avaient été embauchés. 24»

Document Archives départementales des Ardennes. PERH320 1. Collection privée Philippe Decobert. Cliquer ici pour lire le journal en entier.

Le 9 juin 1907, paraît le n°27 du Cubilot. Le journal publie un appel à la solidarité de l’Union des syndicats des Ardennes : « Depuis quarante jours, la population ouvrière de Revin est en grève, soutenant une lutte à outrance contre le patronat affameur, qui, non content d’amasser des millions, voudrait encore, par un règlement de fer, obliger leurs exploités à abdiquer leur liberté si difficilement conquise.

S’étant rendu un compte exact de leur situation, qui devenait de plus en plus en danger de par la cohésion et la solidarité ouvrière, les patrons de Revin viennent de faire appel à tous les exploiteurs des Ardennes. Ils viennent de donner là une preuve de leur faiblesse. Il importe donc plus que jamais que chacun fasse son devoir.

Les patrons des Ardennes ont assuré les industriels de Revin de toute leur solidarité ; c’est ainsi qu’ils viennent de congédier les quelques camarades grévistes qui avaient réussi à se faire embaucher dans leurs ateliers ; leur but est donc bien défini, abattre le syndicat ouvrier et acculer la population à la misère… Jusqu’ici nous n’avons pas à déplorer d’acte de trahison, pas un jaune, pas une défaillance, le moral est exemplaire et rien ne peut nous fléchir si vous savez nous soutenir pécuniairement. »

L’appel est signé de Lefèvre et Liégeois pour le comité de grève et par Taffet, pour l’Union des syndicats.

Une lettre publié dans le Cubilot n°27 du 9 juin 1907, adressé à Domelier le rédacteur en chef de la Dépêche des Ardennes, ne va pas rester sans conséquences.

Notes :

1 Le Journal 18 mai 1907

2 Roger Szymanski ibid.

3 Le Petit ardennais 18 mai 1907

4 Le Journal 25 mai 1907

5 La Libre parole 25 mai 1907

6 G. Kaczmarek ibid.

7 La Dépêche des Ardennes 11 mai 1907

8 Le Cubilot n°26 du 26 mai 1907

9 La Dépêche des Ardennes 23 mai 1907

10 Le Socialiste ardennais 18 mai 1907

11 Le Petit ardennais 30 mai 1907

12 G. Kaczmarek ibid.

13 Le Soleil 28 mai 1907

14 La Dépêche des Ardennes 29 mai 1907

15 Ibid.

16 La Dépêche des Ardennes 28 mai 1907

17 La Libre parole 28 mai 1907

18 Le Petit ardennais 29 mai 1907

19 Le Petit ardennais 9 juin 1907

20 La Dépêche des Ardennes 9 juin1907

21 Ibid.

22 Domelier donne ici une fausse information, le procès aux assises des Ardennes de Fortuné n’a rien à voir avec l’affaire de la dynamite à Revin et Charleville. Voir 14e épisode : Fortuné passe par la case prison

23 Ibid.

24 Archives nationales F7 15968

Document 1 :

La grève de Revin aux actualités cinématographiques de 1907

CINEMATOGRAPHES POUR GREVES

Depuis quelque temps déjà, les journaux s’occupait des grévistes des forges Revin, ce petit pays si pittoresquement situé sur la rive gauche de la Meuse. On a tellement parlé d’eux, qu’une renommée s’est attachée aux fondeurs et aux mouleurs de cette contrée ardennaise, et que certaines entreprises de célébrités s’en émurent.

Or oyez à ce sujet l’aventure ultra-véridique, dont nous fûmes par hasard le confident.

La maison X… (phono-cinématographes), envoya à Revin, la semaine dernière, six employés habiles, dont la mission était de saisir sur le vif une manifestation sensationnelle destinée a tous les cinématographes de France. Le premier jour de leur séjour à Revin, pas de manifestation ! Le deuxième, pas le moindre cortège ! Le troisième, calme complet. Le quatrième, nul trouble. Le cinquième, tranquillité absolue Et la note d’hôtel gonflait toujours pour les opérateurs cinématographiques.

Le sixième jour, le chef de l’expédition n’y tenant plus, se rendit au syndicat, et, résolument, exposa que ce n’était pas sérieux ; que sa troupe et lui avaient fait de grands frais, et que depuis une semaine, il attendait vainement la manifestation nécessaire, objet de son voyage.

Quels furent ses arguments pour convaincre le syndicat ? Nul ne le sait précisément. Mais il obtint enfin sa manifestation, pacifique et terrible à la fois.

En bande tumultueuse, quelques groupes de syndiqués s’assemblèrent et défilèrent devant l’appareil photographique. Au commandement, leurs visages devinrent subitement effrayants de colère et de haine. Des gesticulations désordonnées traduisirent leurs espérances et leurs revendications. Quatre employés de la maison X… (phono-cinématographes) s’étaient déguisés en gendarmes pour corser le spectacle. Et, sur ces travailleurs en révolte, ils se livrèrent à d’affreuses scènes de passage à tabac.

L’appareil a scrupuleusement enregistré ces terribles gestes et, tandis que les spectateurs de France et de Navarre verront aux prochains jours se dérouler sur l’écran les péripéties épouvantables de la grève de Revin, plus d’un — ô naïveté humaine ! — crispera ses poings de colère et demandera vengeance contre les brutalités de la police !…

C’est ainsi de nos jours, qu’on vent l’histoire !

Callisthène

Le Peuple français 2 juin 1907

Document 2 :

A Monsieur Domelier,

Nous suivons avec un vif intérêt la lutte engagée à Revin entre le Syndicat ouvrier et le Syndicat patronal. A cet effet, nous appuyant sur le vieil adage : « Qui n’entend qu’une cloche n’ouït qu’un son », nous lisons impartialement tous les journaux qui polémisent sur la grève revinoise : entre autres : La Dépêche des Ardennes (organe des patrons).

Nous n’entendons pas entreprendre en ces lignes une discussion de partis. Nous laissons ce soin à des plumes plus autorisées que la nôtre ; mais décidé à combattre le Mensonge et l’Hypocrisie partout où nous les rencontrerons ; écoeuré par les insultes de la Dépêche ; révolté par ses calomnies ; dégoûté par toutes les ordures que Domelier tire de la poubelle patronale pour les jeter à la face d’ouvriers sincères et honnêtes, nous voulons une bonne dois lui fourrer le nez dans son « caca ».

Depuis le début de la grève le leader patronal ardennais n’a pas modifié sa tactique. Tout comme Deibler il a pour devise : « Tête coupée, corps mort » et voilà pourquoi il tente par tous les moyens de déprécier dans l’estime générale ceux qui ont organisé le mouvement actuel. Voilà pourquoi il sème le mensonge, dénature les actes de Lefèvre et de Liégeois, fausse leurs paroles, crie, rage, tempête, geint, sanglote, grimace, gesticule, grince des dents et bave. Voilà pourquoi dans la Dépêche des Ardennes du 2 juin, appelle toutes les colères sur la tête de Lefèvre, en apprenant aux syndiqués de Revin que leur secrétaire « a trouvé le moyen de faire revenir ses enfants pour la conférence Taffet ; qu’il en a profité pour réunir une vingtaine de camarades en un plantureux banquet où l’on but et mangea ferme, etc… »

O Domelier ! Pauvre type ! Qu’es aco ?

Oui les enfants de Lefèvre sont allés à Revin ; mais leurs frais de voyage furent payés par leurs « parents adoptifs » de Mohon et non par leur père comme vous l’insinuez. Sur ce point je veux bien vous concéder que vous avez failli par ignorance. Mais vous mentez sciemment lorsque vous parlez de « banquet » (?) Vous mentez encore lorsque vous affirmez que Lefèvre a réuni autour de sa table une vingtaine de camarades, à moins toutefois que vous n’estimiez que les cinq hommes que nous étions valent quatre fois plus que cinq hommes de votre trempe.

De votre part cette appréciation serait peut-être quelque peu flatteuse pour nous, mais nous ne croyons pas que ce fut là votre pensée…

Ohé ! Domelier ! Puisque vous êtes entré dans la voie de la fantaisie, pourquoi ne pas avoir écrit dans votre journal que nous avions dissipé en une folle orgie le reste des fonds de la caisse syndicale ; que nous nous étions soûlés comme des porcs impurs et pervers en d’inénarrables beuveries et que vous aviez entendus de votre bureau de Charleville les accents révolutionnaires de nos voix éraillées par l’alcool !

Que n’avez vous proclamé que nous n’étions que des canailles, des pique-assiettes, des voleurs, des … (Et allez donc c’est pas ton père!)

Ainsi, Domelier, vous eussiez fait de la belle besogne. Du coup le Syndicat eût été renversé, pulvérisé, anéanti ! Brrr… !

Mais du reste, n’est-ce pas un peu tout cela que vous avez voulu dire ? Alors vous l’aurez dit mal car le syndicat est encore debout !

Si vous pensez, Domelier, que vos arguments agissent sur la masse, vous ne vous trompez pas. Ils agissent… mais dans un sens contraire à votre goût. Devant vos attaques frappées au coin de la calomnie, nous tenons à déclarer ici que toute notre sympathie est acquise aux humbles et que lorsque notre vieille société aura arraché de son cœur ces deux vers qui la ronge : « Intérêt personnel » – « Ambition politique » nous saurons choisir notre poste sur le champ de bataille social. Le jour où deux camps bien distincts seront en présence : d’un côté les Exploiteurs barricadés derrière leurs coffres-forts, de l’autre les Exploités, les petits, les faibles, les souffreteux, c’est de ce côté-ci de la barricade que nous combattrons.

Un convive du fameux « banquet »

Le Cubilot n°27 du 9 juin 1907

(© D. Petit, 2020, tous droits réservés)

Manifeste aux travailleurs. Déclaration lue au Congrès de Lyon, le 11 octobre 1886, de la Fédération nationale des syndicats.

03 mardi Sep 2019

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Manifeste aux travailleurs

Déclaration lue au Congrès de Lyon

Travailleurs,

Le Congrès national vient de clôturer ses travaux. Pour toutes les questions à l’ordre du jour, les délégués représentant plus de 700 chambres syndicales, appartenant à diverses écoles socialistes, ont conclu que le prolétariat ne devait et ne pouvait attendre son émancipation de ses adversaires de classe qui, sous diverses formes politiques se succédant depuis un siècle, ont nié les principes de la Révolution française.

Les bourgeois sont ce que les événements les obligent à d’être, tour à tour monarchistes, républicains modérés, radicaux, voire même socialistes ; ils s’entendent à merveille pour savoir, sous tous les régimes conserver leurs privilèges et monopoles.

Actuellement, le népotisme s’étale honteusement : le fonctionnarisme est une des plaies de la République, les charges augmentent, le budget ne s’équilibre pas, et une classe dégénérée assiste impassible à cette régression.

Pouvons-nous réagir ? Oui et non ! Non, si nous croyons que le progrès seul est le maître du temps, des choses et des hommes ; si nous nous laissons berner par le parlementarisme*, si nous pensons que l’état aigu dans lequel nous sommes peut s’améliorer avec nos adversaires d’origine. Oui, si, sans nous payer de mots, nous disons en observant la marche de la société, en constatant la concentration capitaliste, que nous courons à un cataclysme.

Travailleurs,

Qu’entre temps nous arrachions à nos adversaires des réformes partielles, soit ! Mais compter sur ces réformes pour arriver à un tout, est une erreur scientifique. L’homme qui compte sur le progrès sans voir que le progrès est enrayé par l’organisation actuelle est un naïf. Celui qui, pour s’émanciper, ne fait aucun effort, commet inconsciemment une lâcheté.

N’est-il pas humiliant d’en être réduit à demander la réduction de la journée à huit heures, et devrions-nous, un siècle après la Déclaration des Droits de l’Homme, être forcés de discuter la loi policière des Syndicats ? La liberté complète est donc si dangereuse, qu’on ne veut l’accorder à la classe des parias ?

Que de luttes supportées, que de sacrifices consentis pour la défense de cette liberté, et que d’infamies à flétrir chez ceux qui, armés du Code, nous refusent même le droit commun !

Serions-nous plus avancés, si nous avions un Conseil supérieur du travail près du ministère ? Oublie-t-on que le pouvoir législatif a souvent directement entendu nos réclamations, sans vouloir jamais en tenir compte ?

Sont utopistes ou indifférents ceux qui comptent sur les avocats pour leur affranchissement.

Travailleurs, séparez-vous nettement des politiciens qui vous trompent*. Habituez-vous à voir les événements froidement et sans appréhension.

La crise ira s’aggravant, parce que vous consommez de moins en moins. Aussi, peut-être se débarrassera-t-on de nous en nous faisant écraser dans une guerre étrangère ou dans une guerre civile provoquée à dessin.

Source : Archives départementales du Rhône 4 M 321

Rapport du 7 novembre 1886 : Le nommé Wattier, secrétaire du groupe de la Bibliothèque a distribué gratuitement à l’entrée de la salle des exemplaires imprimés du manifeste aux travailleurs lu au Congrès de Lyon (ci-joint un de ces exemplaires)

*mis en gras par nous. Ce texte intervient 20 ans avant la « Charte » d’Amiens, votée en 1906.

Le dossier : Les anarchistes lyonnais dans la Fédération nationale des syndicats ouvriers

Joseph Bernard : « Il faut d’abord s’instruire et établir un programme qui soit acceptable par toute la classe travailleuse ». Lyon le 7 novembre 1886

02 lundi Sep 2019

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Commissariat spécial près la préfecture du Rhône.

Réunion publique organisée par le groupe

Réunion publique organisée par le groupe de la Bibliothèque d’études scientifiques et sociales

Objet : Rapport sur la Bibliothèque de l’étude socialiste ; des heures de travail ; du travail et du capital, du drapeau rouge.

Compte-rendu d’une réunion publique et contradictoire organisée par les membres du groupe Bibliothèque d’études scientifiques et sociales des travailleurs de Lyon, tenue salle Rivoire, avenue de Saxe, n°242, le dimanche 7 novembre 1886, à 2h 20 du soir.

La séance a été ouverte à 2 heures vingt du soir.

150 individus ont assisté à cette réunion dont l’ordre du jour portait :

1° Rapport des travaux de la Bibliothèque ;

2° Du Congrès de Lyon et de ses conséquences ;

3° Questions diverses.

Le bureau d’ordre a été ainsi constitué :

Président : Chavrier, anarchiste ;

Secrétaire : Vallet, anarchiste ;

assesseurs : Berton et Lyon, socialistes-révolutionnaires.

Les ci-après nommés ont pris successivement la parole et ont prononcé des discours dont on été extraits les passages suivants :

Drivon, socialiste-révolutionnaire, signataire de la déclaration.

Il a donné lecture du rapport des travaux de la Bibliothèque dont suit la copie (in-extenso) :

Rapport de la Bibliothèque d’études scientifiques et sociales des travailleurs de Lyon.

« Depuis les crises successives, que vient de traverser l’industrie lyonnaise en général, il est une chose digne de remarque, c’est que les masses laborieuses sont entrées dans une période de calme et d’avachissement des plus complets ; cet état de chose est dû à la misère de plus en plus grande qui règne parmi la classe des travailleurs.

Émus, à juste titre, de cette situation alarmante, quelques citoyens dévoués se sont donné pour mission de relever le moral abattu de ces prolétaires en ralliant autour d’eux les intelligences et les forces éparses du parti ouvrier.

De cette initiative est née l’institution de la Bibliothèque d’études scientifiques et sociales des travailleurs de Lyon, fondée en dehors de toute secte ou école.

Cette institution a pour objectif l’étude de toutes les questions économiques susceptibles d’apporter une amélioration dans l’état actuel de la société, telles que, par exemple, les rapports du capital avec le travail, la socialisation des biens et moyens de production, la reconnaissance du travail comme principe de propriété, etc… ou tout autre transformation sociale.

Ayant compris que la nécessité de l’étude s’imposait à toutes les Écoles, nous ne nous étendrons pas longtemps sur les quelques articles des statuts qui nous servent de réglementation. Qu’il vous suffise d’apprendre que sur toutes les questions qui sont mises à l’étude, la discussion est complètement libre et contradictoire, qu’il n’est pris aucune résolution qui puisse engager le groupe en aucune manière, et qu’à la suite des délibérations chacun en tire les conclusions qu’il juge convenables, cela selon ses aptitudes ou son tempérament.

Citoyens,

Le but que nous poursuivons est peut-être difficile à atteindre, mais il n’est pas au-dessus de nos forces, si nous sommes tous unis. Travaillons avec ardeur à nous instruire, les uns les autres ; appliquons-nous à démontrer que la classe ouvrière est capable de se gouverner et de gérer elle-même ses intérêts ; que nos théories soient simples et reposent sur des vérités, pour être facilement applicables ; attachons-nous surtout à grouper les ignorants et les indifférents ; formons des citoyens convaincus et conscients qui, à un moment donné connaissant leurs droits et leurs devoirs, pourront hardiment les revendiquer avec certitude de les obtenir.

Succomberont-nous à la tâche ? Nous ne le croyons pas.

Nous adressons un appel énergique à tous les hommes soucieux de leurs intérêts, pour que nos forces réunies puissent apporter un soulagement aux maux dont souffre l’humanité. Nous nous devons à cette œuvre grandiose de régénérer et les hommes et les choses. En cela nous subissons la loi de l’exemple, car nos ancêtres de 93, qui firent les principes de la grande Révolution, n’en n’ont pas vu l’application.

A la réussite de nos projets sacrifions notre intelligence, voir même notre existence et n’imitons pas ces coureurs de candidatures ou mendiants de décorations ; gardons pour toute récompense la satisfaction de notre conscience et soyons très heureux de mériter l’estime de nos citoyens en concourant de tous nos efforts à l’affranchissement des travailleurs.

Comme nous l’espérons, si le succès couronne notre entreprise, la question sociale aura fait un grand pas vers le progrès et les être humains vivront dans le bien-être avec cette devise : Tous pour un, un pour tous. »

Blonde, anarchiste :

« Je vais traiter la question : de la nécessité de l’étude socialiste (paragraphe non retranscrit)

Denonfoux, socialiste révolutionnaire.

« Je vais traiter la question des heures de travail :

Nous ne pouvons pas (et tous les congrès ouvriers tenus jusqu’à ce jour l’ont également dit) nous ne pouvons pas avoir une amélioration sociale quelconque sans une diminution des heures de travail.

Regardez ce qui se passe dans d’autres pays. En Amérique, en Angleterre, où les heures de travail ont été diminuées, on a vu non seulement la production ne pas en souffrir, mais encore on a vu les salaires augmentés ».

Après avoir donné lecture de quelques documents tendant à prouver que dans les pays où les ouvriers travaillent moins d’heures qu’en France ils produisent plus que les autres, attendu qu’ils sont moins fatigués, moins épuisés et partant plus intelligents, il a continué ainsi qu’il suit :

« L’ouvrier américain travaille 3 heures par jour de moins que nous et il produit cependant 3 fois plus que l’ouvrier français ; il gagne aussi un salaire moyen bien au dessus de celui de l’ouvrier de Paris.

Nous avons trois moyens pour arriver à améliorer la situation de l’ouvrier et obtenir la diminution des heures de travail.

Ces trois moyens ont été étudiés lors du dernier Congrès de Lyon. Ils sont :

1° Une organisation forte des travailleurs par les Chambres syndicales, la Fédération régionale, la Fédération universelle, avec l’abrogation de la loi de 1872 sur l’Internationale ;

2° Une entente faite, après une conférence, entre les divers gouvernements pour établir une législation internationale ;

3° L’application du socialisme, c’est à dire la socialisation des forces et des moyens de production.

Nous pouvons prouver à nos patrons par des preuves à l’appui, qu’en diminuant les heures de travail la production augmentera.

Pourquoi ne veulent-ils pas essayer de ce système et cela sans diminution de salaire ?

Avec ce moyen il y aurait moins de chômage. Tous les ouvriers seraient occupés et la production ne dépasserait pas la consommation, parce que tous les ouvriers qui ne peuvent pas consommer aujourd’hui, consommeraient, et les produits seraient forcément obligés de s’écouler.

Je reconnais que le premier des moyens que j’ai indiqué tout à l’heure, est impossible, parce que les bourgeois d’aujourd’hui ne laisseront pas faire cette entente avec les peuples et ne voudront pas abroger la loi de 1872.

Le second moyen pourrait aboutir, mais je n’y ai aucune confiance. D’ailleurs nous en aurons bientôt la preuve, lorsque viendra en discussion à la Chambre le projet de loi déposé par le citoyen Camélinat à ce sujet.

Il nous reste donc le troisième moyen, le seul que je croie bon, c’est la socialisation des moyens de production » (applaudissements)

Ducruet, socialiste-révolutionnaire (anarchiste) :

« Je demande qu’on réduise la journée de travail à 5 heures et non à 8 heures ; il n’y a pas d’autres moyens d’améliorer notre situation.

Vouloir chercher d’autres moyens d’améliorer notre situation, en vous adressant au Gouvernement, c’est de la blague.

J’ai 25 ans et je ne me vois pas un bien bel avenir avec tous vos moyens.

Le révolutionnaire est un homme humain. J’aime ceux qui souffrent et je déteste ceux qui nous font souffrir. Quand un homme, serait-il le plus bête du monde, a le courage de se révolter, je dis que c’est un homme intelligent.

Vous parlez d’ôter des lois pour en mettre d’autres ; mais n’est-ce pas ce qu’il y a de plus bête, de plus stupide, surtout quand on voit, comme tout à l’heure, un homme rester une heure à la tribune pour vous dire quoi ? Des bêtises.

Il faut prendre ses résolutions, Nom de dieu, l’heure approche. Dans 40 ans je serai mort et n’aurai plus besoin de rien.

Si vous ne faites pas la Révolution, que vous nous promettez depuis longtemps, je la ferai moi-même et tout seul ; je ne veux pas crever derrière les voûtes de Perrache ». (rires)

Trémollet, anarchiste :

« Je produis moi ; je veux manger, je veux consommer et nous ne devons pas laisser consommer ceux qui ne produisent pas.

Pourquoi discutons-nous, citoyens ? Je me le demande. Puisque nous sommes les plus forts, nous sommes la force.

Vouloir, c’est pouvoir.

Nous sommes ce que nous voulons, et vous serez ce que vous voudrez, Tonnerre de Dieu.

Pourquoi alors parlementer avec les bourgeois ? Il est la faiblesse et nous nous sommes la force ; donc tant que nous parlementerons, tant que nous ne prendrons pas ce dont nous avons besoin, nous serons toujours dans la même situation » (applaudissements).

Renaud, anarchiste :

« Il n’y a pas à faire de Congrès ni à parlementer pour améliorer la position sociale des travailleurs.

Je ne dis pas que ceux ont organisé le Congrès étaient malintentionnés, mais qu’ont-ils produit ?

Monsieur Lockroy vous a lancé ses hommes dans ce Congrès et vous en avez vu le résultat.

Rien n’est mieux fait que quand on le fait soi-même. Ne vous adressez donc jamais ni aux députés, ni au gouvernement, pour avoir quelques chose ; faites donc votre travail vous-même et vous verrez qu’il sera mieux fait.

On a fait des lois de quoi remplir tous les tombereaux de France et vous parlez d’en faire de nouvelles ; mais vous ne vous rappelez donc pas que c’est avec vos lois que nos amis et moi nous avons été poursuivis et internés à Clairvaux ? Vous ne vous rappelez donc pas que c’est en vertu de ces mêmes lois qu’un de nos amis dernièrement a encore été condamné ? (Bordat)

Je suis père de famille, je suis sans travail, je ne sais où prendre pour donner à manger à mes enfants mais je ne veux pas mendier, je préférerais voler.

Si je vole demain, M. le magistrat (s’adressant à M. le commissaire de police de service) vous me mettrez en prison ; mais sachez une chose, c’est que votre prison ne m’abaisse pas, elle m’élève au contraire (applaudissements).
Renversons donc cette caste maudite qui nous rend à l’état de brutes et nous avachit au dernier des points » (applaudissements).

Bernard, anarchiste :

« Ce n’est pas parce qu’on est révolutionnaire qu’il faut crier par dessus les toits qu’il faut faire la Révolution et qu’il faut promener la torche incendiaire partout.

Vous ne préconisez que des moyens. Après tout cela, aurez-vous fait la Révolution ? Non, car quand on veut détruire quelque chose, tant petit soit-il, il faut savoir ce qu’on veut mettre à la place.

Vous voulez la Révolution ? Mais qu’avez-vous pour mettre à la place ? Rien ; vous n’avez pas de programme, et vous détruiriez bien tout les bourgeois et tous les châteaux de France que vous n’auriez pas la Révolution.

Il faut d’abord s’instruire et établir un programme qui soit acceptable par toute la classe travailleuse, la seule avec laquelle vous pouvez compter pour faire la Révolution…

La loi des salaires a besoin de rectifications, car en France le salaire diffère d’après les localités ; il est plus ou moins élevé, selon le milieu dans lequel vous vivez, mais en règle générale on peut dire qu’en France le salaire est partout à l’état de minimum.

Quel est le remède à cette situation ?

Les uns préconisent la socialisation des moyens de production.

Les autres la Révolution, même violente.

Tout cela, je vous le répète, n’est qu’un moyen pour arriver à la Révolution, mais ne vous la donnera pas.

Des deux moyens, je n’en accepterai qu’un seul, le premier, c’est à dire la socialisation des moyens de production.

Pour arriver à ce moyen, qui est le plus pratique, il nous manque à tous l’instruction pour nous faire comprendre à tous la signification des mots, les uns les comprennent d’une manière, les autres d’une autre.

De là le désaccord entre les diverses Écoles socialistes.

Ce qu’il nous faut tout d’abord, c’est l’étude.

La Révolution ne sera pas loin d’arriver après, mais cette entente préalable pour l’instruction est indispensable.

Remarquez ceci : si au lieu de faire comme aujourd’hui la Révolution avec la langue, demain vous aviez des fusils pour faire la Révolution, nous serions certainement tous d’accord pour la faire, cependant nous nous tirerions les uns sur les autres pendant que les bourgeois riraient en nous regardant par leurs fenêtres, voilà ce que vous feriez. (applaudissements).

Dans notre Bibliothèque où nous discutons entre citoyens de diverses écoles, nous pouvons dire qu’il ressort de nos discussions une entente, une sympathie entre tous les membres des diverses Écoles socialistes-révolutionnaires, tout en reconnaissant que personne de nous ne possède la science infuse.

Cette entente entre les diverses Écoles s’est manifesté au Congrès de Lyon contre l’ennemi commun, quand nous avons arboré le drapeau rouge ; l’entente était parfaite.

Le drapeau, après tout, n’est autre qu’un morceau de chiffon mis au bout d’une perche, d’un bâton, en signe de ralliement ; il n’a que la signification qu’on lui donne. Mais puisqu’il est d’habitude d’en avoir un, je préfère le drapeau rouge, et le jour de la Révolution c’est celui qu’il faudra opposer au drapeau tricolore, parce que ce dernier a trop été traîné dans la boue par tous les gouvernements et que chaque fois que la troupe tue, même dans les conditions rapportées ces jours derniers par le journal Le Progrès, je dis que c’est un assassinat.

Ce drapeau a massacré en Chine, au Mexique, en Italie, en Crimée ; il a servi à tous les points de vue en général, qu’il nous faut un drapeau neutre, qui n’ait jamais servi à assassiner le peuple ; c’est pourquoi nous voulons le drapeau rouge.

Vous voyez bien que nous ne sommes pas aussi divisés qu’on ledit et qu’on le pense, puisque nous sommes déjà d’accord sur la couleur du drapeau.

Je vous invite donc à venir dans notre Bibliothèque chacun avec vos idées, pour étudier, afin que le jour de la Révolution nous ne nous trouvions dans la rue qu’en face de nos ennemis et pour nous débarrasser de tous nos adversaires » (applaudissements)

Monnier, anarchiste :

Il a donné lecture d’un manifeste faisant appel à la jeunesse dans le but de former une ligue anti-patriotique en opposition à la ligue des patriotes, crée par M. Déroulède à Paris.

Dans ce manifeste il a été dit en outre :

« qu’un échange de diplomates se faisait actuellement entre les diverses nations pour régler une boucherie au printemps prochain ».

La lecture de ce manifeste terminée, Monnier s’est retiré en disant :

« Il faut en finir une fois pour toutes avec la bourgeoisie ; entre elle et nous, c’est la guerre à mort ».

Monfray, anarchiste :

La bourgeoisie comprenant que sa chute s’approche de plus en plus, cherche par tous les moyens à nous détruire par des préjugés qu’elle appelle Patriotisme.

Quelle Patrie avons-nous ? Nous travailleurs, on nous jette dehors, de notre domicile si, par malheur, nous ne pouvons pas payer notre loyer ; nous ne sommes donc pas de la même Patrie que ceux qui nous jettent dehors et nous exploitent.

Le patriotisme consiste à armer des citoyens pour entre égorger ceux qui ne sont pas nés du même côté de la rivière que vous.

Il faut que la jeunesse s’organise pour lutter contre M. Déroulède, en formant une ligue anti-patriotique ».

Blonde, anarchiste :

« Je demande qu’à la sortie il soit fait une collecte au profit des grévistes et des détenus politiques ».

Bergues, anarchiste :

« Je ne veux pas répondre à tout ce qui a été dit par les différents orateurs, il est des choses que j’approuve et d’autres que je n’approuve pas.

Au point de vue de l’instruction, par exemple, je suis obligé de combattre tous les orateurs qui ont traité cette question.

Pour moi je trouve que l’on étudie trop.

L’instruction ambitionne l’homme ; elle lui fait croire qu’il est supérieur à tous les autres.

Au point de vue du Patriotisme, je vous ferai remarquer que, pour moi, il ne consiste qu’à faire des soldats pour égorger les travailleurs qui se mettent en grève.

Nous avons la preuve aujourd’hui en lisant les journaux dans lesquels nous voyons M. Raoul-Duval qui a payé hier sa dette envers le Gouvernement pour avoir bien défendu ses capitaux à Decazeville.

Puisque nous ne pouvons plus vivre en travaillant, vous n’avez qu’un moyen, celui de prendre la devise de la Croix-Rousse en 1830.

En ce qui concerne les grèves, je suis absolument l’adversaire de ceux qui proposent de subvenir aux besoins des grévistes par des cotisations ou des souscriptions.

Si vous faites grève, parce que vous ne pouvez plus vivre en travaillant ; alors il n’y a qu’un moyen, c’est de mourir en combattant ». (applaudissements).

Bernard, anarchiste :

« Quand nous disons aux ouvriers : venez étudier. C’est justement pour qu’ils deviennent, non pas supérieurs aux autres, comme vient de le dire le citoyen Bergues, mais bien les égaux des autres ; c’est pour que les ouvriers ne soient plus les inférieurs des bourgeois mais leurs égaux (applaudissements)

Oui, il faut étudier pour qu’on ne puisse dire un jour : ce sont les imbéciles qui ont fait la Révolution.

Il ne faut pas faire comme en 1789 ; faire la Révolution pour en faire profiter les bourgeois, parce que c’est alors que nous serions des imbéciles.

Quand on est révolutionnaire, il faut travailler à faire sortir par l’étude la masse ouvrière de l’avachissement dans lequel elle est tombée.

On ne doit jamais préconiser des actes révolutionnaires car avec ce moyen vous envoyez les autres au bagne.

Je me suis toujours reproché d’avoir dans le temps préconisé des moyens violents, d’avoir préconisé la Révolution par le fait.

Les circonstances, ainsi que l’étude, m’ont démontré que j’avais tort, que cela n’avait servi qu’à faire emprisonner avec moi une quantité d’amis, sans aucun profit pour la cause sociale, pas plus que pour la cause révolutionnaire. »

Le président Chavrier a mis aux voix la proposition de l’anarchiste Blonde de faire une collecte à la sortie au bénéfice des détenus politiques et des grévistes d’Amplepuis.

Cette proposition a été adoptée.

Il a ajouté :

« J’invite les citoyens présents à la réunion, à se rendre à la réunion qui aura lieu lundi, 8 novembre 1886, salle de la Perle à la Croix-Rousse. Des questions très importantes doivent y être traitées.

La séance a été ensuite levée à 4 heures 50 minutes, sans incident, aucun cri séditieux n’a été proféré.

Lyon le 7 novembre 1886

Le commissaire spécial.

Note :

On a remarqué parmi les individus qui assistaient à cette réunion, les anarchistes dont les noms suivent :

Demoncept, Michel, Vitre, Puillet, Monfray, Fromajou, Aubonnet, Blonde, Boissy, Dervieux, Montfouilloux, Mazoyer, Chaumat, Trémolet, Charvier, Monnier, Renaud, Vallet, Crestin, Perelle, etc…

Le nommé Wattier, secrétaire du groupe de la Bibliothèque a distribué gratuitement à l’entrée de la salle des exemplaires imprimés du manifeste aux travailleurs lu au Congrès de Lyon (ci-joint un de ces exemplaires)

Les nommés Vitre et Monfray, anarchistes, ont vendu quelques numéros du journal Le Révolté.

Source : Archives départementales du Rhône 4 M 321

Le dossier : Les anarchistes lyonnais dans la Fédération nationale des syndicats ouvriers

Le Va-nu-pieds. Paris 1887

27 mardi Août 2019

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Document Bnf. 4-LC2-4497

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Notice périodique Bnf

Notice du journal dans Bianco : presse anarchiste

Druelle n’est pas un mouchard selon la motion votée par les anarchistes salle du Commerce. 13 décembre 1884

18 dimanche Août 2019

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La lumière. La réunion de la salle du Commerce.

Le compagnon Leboucher explique que la réunion est convoquée pour statuer sur le cas de Druelle.

Il invite les membres du jury institué par le Cri du peuple à indiquer sur quelles preuves ils se sont basés pour dire que Druelle était un mouchard.

Les compagnons Chaumat, Constant Martin, Graillat, Ferré sont les seuls membres du jury présents dans la salle.

La parole est donnée au compagnon Ferré qui affirme qu’il a condamné au vu des documents et à l’audition de témoignages qui lui ont paru concluants.

Le compagnon Couchot donne communication d’une lettre qui lui a été adressée par la rédaction du Cri du peuple. Dans cette lettre le Cri du peuple s’engage à publier les résolutions prises par l’Assemblée.

Le citoyen Constant Martin déclare que le jury ne s’est engagé au secret qu’au sujet de la divulgation du nom de l’agent de police qui a fourni les renseignements au jury.

Pour tout le reste, le citoyen Constant Martin croit pouvoir donner des explications absolues.

Constant Martin déclare que son opinion sur Druelle n’a pas été faite par des preuves matérielles, lesquelles n’existent pas, mais par une série de preuves morales accablantes. Le dossier qui nous a été fourni a été rédigé par l’agent dont on ne peut donner le nom.

Dans ce dossier il était dit que la préfecture avait été obligée de fournir à Druelle l’argent qu’il avait gaspillé au détriment de la caisse des détenus politiques ; ce qui m’a impressionné dit-il, c’est qu’à une certaine époque j’avais appris que Druelle n’osait paraître dans les réunions précisément parce qu’il avait dépensé l’argent des prisonniers. Bref, ma conviction a été faite, quoiqu’il n’y eût pas de preuves matérielles. J’ai proposé de faire appeler Druelle et de rendre le verdict en sa présence. Ma proposition a été repoussée.

Sur interrogatoire du compagnon Duprat, le citoyen C. Martin déclare que le mouchard qui fournit des dossiers au Cri du peuple se qualifie de démissionnaire.

Le compagnon Chaumat explique que sa conviction est faite aujourd’hui et qu’il est certain que l’œuvre qu’on a fait accomplir au jury est une infamie, Quercy du Cri du peuple et Chaumat, auraient d’abord lu le dossier fabriqué par l’agent de police. Sur ce dossier aucune date ne figurait. Ce qui a décidé le jury, c’est l’affaire des petits papiers. Or, dit Chaumat, j’ai constaté que les carrés de papier n’étaient pas pareils, que ceux où se trouvaient l’écriture de Druelle étaient découpés de façon différente. Pour moi, ajoute Chaumat, on a visé dans cette affaire, non un individu, mais un parti. On a voulu déshonorer le parti anarchiste.

Le compagnon Leboucher explique qu’étant prisonnier, j’ai entendu le juge d’instruction Benoit dire à Druelle, prisonnier aussi : – On vous accuse d’être un mouchard. – Si j’étais libre, répondis Druelle, j’irais brûler la cervelle à mon calomniateur. – Promettez-le, répliqua le juge, et immédiatement, je vous mets en liberté. – Je n’ai pas besoin de vos injonctions pour faire ce que je dois faire. Chaumat affirme que Quercy, à la deuxième séance du jury, a affirmé que tous les papiers soumis à la première séance étaient pareillement découpés. Chaumat affirme que Quercy n’a pas dit la vérité sur ce point.

Le compagnon Tony Graillat. – J’allais au jury pour défendre Druelle, mais l’on m’a dit que Druelle avait dénoncé un de nos camarades, qu’il avait vendu l’original de l’adresse des révolutionnaires anglais, ainsi que le timbre des révolutionnaires de Lille.

Du reste, c’est la preuve des bouts de papier qui a été concluante. A la première séance, c’est devant nous que l’écriture de Sabin a été reconnue, mais à la deuxième, nous sommes allés au domicile même des agents qu’emploie le Cri du peuple et là nous avons renouvelé l’épreuve qui, de nouveau, a été concluante. C’est moi qui ai demandé l’exécution immédiate de Druelle.

Le compagnon Leboucher. – Je dis qu’on ne doit pas accuser quelqu’un sur des bouts de papier.

Vous avez reconnu que les dépositions, devant le jury, ont été faites par des mouchards.

C’est une raison pour que ces dépositions soient fausses. Nous sommes livrés à une coterie de journalistes. L’accusation que le juge Benoit entame contre nous n’est basée que sur le compte rendu du Cri du peuple. C’est le Cri du peuple qui m’envoie en cours d’assises. Je ne dis pas que Druelle n’est pas un mouchard, mais je dis que je n’ai pas la preuve qu’il le soit, et que, jusque-là, je réserve mon jugement.

Le compagnon Tony Graillat. – J’affirme que Druelle est un mouchard. Je le jurerai jusqu’à ce que j’ai des preuves du contraire.

Le compagnon Digeon. – Appelé le premier au Cri du peuple. On m’a proposé d’être le juge de Druelle et douze autres mouchards. J’ai refusé. J’ai proposé de demander une délégation de groupes anarchistes. On a préféré constituer un jury composé en partie d’ennemis du parti anarchiste. J’ai demandé une ligne de l’écriture de Druelle, émanant de la Préfecture. On n’a pas pu me la fournir.

Au Cri du peuple, il n’y a d’autre écriture de Druelle que celle des lettres qu’il a lui-même écrites à ce journal.

En résumé, il n’y a de preuves ni pour ni contre ; que chacun fasse, à l’égard de Druelle, ce que sa conscience lui inspirera. Quant à l’accusation de détournements de fonds, quel est parti qui, sous ce rapport, peut être exempt de suspicion. Où donc est l’argent de la souscription pour la statue de Blanqui ?

Le compagnon Roussel lit des lettres qu’il a reçues, qui prouvent que, depuis longtemps, des lettres anonymes étaient envoyées en province pour engager les Révolutionnaires à se méfier de Druelle.

Roussel voit là une manœuvre. Une de ces lettres explique que le timbre des forçats de Lille a dû être envoyé à la police de Paris, par la préfecture de Lille.

Le compagnon Martinet. – Il n’est que trop vrai que des membres du jury ont déclaré que ce qui les avait surtout influencé, c’est la conviction de leurs co-jurés anarchistes.

Le citoyen Joffrin et le citoyen Barrois ont déclaré cela à la salle Pérot. Il y a eu des délégués anarchistes qui ont assisté à la deuxième séance du jury ; ces délégués devraient bien dire ce qui s’est passé à cette deuxième séance.

Le compagnon Duprat. – Il y a longtemps que le Cri du peuple machinait cette affaire contre Druelle. Pourquoi a-t-il attendu aussi longtemps pour porter ses accusations ? Toute cette aventure est mauvaise. On a choisi des témoins parmi des anarchistes du quinzième, qui étaient en froid avec Druelle. Quand Chaumat s’est retiré du jury, on a choisi pour le remplacer le plus ardent ennemi de Druelle, Hémery-Dufoug. Pour moi, je ne crois pas que Druelle soit un mouchard. Je fais mon devoir en disant cela. Qu’il fasse le sien.

L’affaire des bouts de papier n’a été que de la pure comédie. Il y avait beau jour que le Cri du peuple avait demandé aux secrétaires de la préfecture, qu’il a à sa solde, s’ils seraient capables de reconnaître l’écriture de l’agent secret qu’ils connaissent sous le nom de Sabin.

Le compagnon Miche. – Je suis du groupe des Misérables. Dans les discussions entre Hemery et Druelle, je ne prend parti ni pour l’un, ni pour l’autre.

J’ai demandé au jury des preuves, sinon matérielles, tout au moins morales. Ce qui m’a convaincu de la culpabilité de Druelle, c’est qu’il a mangé l’argent des détenus politiques. Le compagnon Gallais a dit aussi comme moi : tout accuse Druelle.

Le citoyen Wilhems. – J’ai donné à la salle Lévis, un papier à Druelle. Si je savais que Druelle soit un mouchard, je le dirais, mais je ne le sais pas. Mais, si c’est un mouchard, nous devons l’exécuter ici, s’il ne l’est pas, ce sont les gens du Cri du peuple qu’il faut exécuter.

Le compagnon Gallais donne des explications sur la caisse des détenus politiques.

Il lit une lettre de la mère de Druelle dans laquelle celle-ci dément les propos et les allégations que les compagnons Hémery et Lefèvre ont mis dans sa bouche.

Le citoyen Lavaud. – Je blâme les gens qui, révolutionnaires ou se disant révolutionnaires, au moment où nous devrions nous serrer les coudes, cherchent à déshonorer un parti. Pour condamner quelqu’un, ce qu’il me faut, c’est non une présomption morale, mais une preuve matérielle. Cette preuve, vous ne l’avez pas eue.

Vous aviez une conviction morale, vous deviez chercher la preuve, vous ne l’avez pas fait. Vous avez eu grand tort. Vous avez fait beaucoup de mal au parti révolutionnaire ; il y a antagonisme entre les anarchistes et les autres groupements révolutionnaires. C’est dans cet antagonisme que je trouve la cause de toute cette aventure. Cet antagonisme me désole, et c’est pourquoi je me tiens en dehors de tout groupe, me réservant de marcher avec ceux qui les premiers feront quelque chose d’efficace.

Le compagnon Tortelier raconte que Moreau, contre-maître de l’ex-général Eudes, aurait déclaré à une époque remontant il y a deux mois, à Leperchez que Druelle était un mouchard et qu’il le tenait de Massard, du Cri du peuple.

Massard l’a toujours nié. Aujourd’hui le Cri du peuple avoue qu’il le savait depuis longtemps. Dans cette affaire, il y a eu de la cachotterie, chose mauvaise. On devrait juger Druelle en public, comme on l’a fait pour Lhullier.

Le compagnon Druelle. – Dans mon affaire il y a la haine systématique du Cri du peuple et la haine d’une coterie. D’anciens amis se sont retournés contre moi. Leur animosité contre moi vient de causes personnelles. J’ai perdu ma place, j’ai perdu mon gagne pain, pour avoir mis mon nom sur une affiche révolutionnaire.

J’ai été nommé secrétaire du groupe des Misérables, et, avec Hémeri-Dufoug, je me suis occupé de propagande. Celui-ci me faisait des observations sur mes dépenses. Je répondis que j’avais de l’argent à toucher à ma majorité, et, qu’en attendant, ma mère rembourserait ce que je pourrais dépenser. Hémery-Dufoug n’est pas là ! Moi j’y suis. Pourquoi mon accusateur n’est-il pas là. A une époque il a reconnu qu’on avait eu tort de m’attaquer. Pourquoi se joint-il ensuite à une accusation aujourd’hui.

Et Lefèvre qui m’accuse aussi et qui n’est pas là non plus, et Lefèvre, qui osera dire qu’il est un homme honnête ? Qui de ceux qui le connaissent pourra dire qu’il est estimable. Il voulait me faire de la morale, je ne pouvais l’accepter d’un homme aussi sale.

Quant aux accusations du Cri du peuple, c’est à partir du discours de Saint-Ouen que j’ai eu la preuve de ses machinations. J’ai eu tort de ne pas donner suite immédiatement à cette affaire.

On m’accuse d’avoir livré un manifeste, c’est faux. On m’a accusé d’avoir livré Ely. Quand Ely a été arrêté, il y avait plus de quinze jours qu’il était là, et il courait dans les réunions avec une grande imprudence.

Et Tony Graillat ! Qui m’accuse et croit encore que je suis un mouchard, Tony Graillat, comment se fait-il qu’il soit ici, si je suis un mouchard ? Je peux l’envoyer au bagne. Allons Tony Graillat, que faites-vous là ? Qui est-ce qui sait des choses terribles contre vous ? Qui, sinon moi .

Le compagnon Leboucher interrompt pour faire remarquer que Druelle vient de dire qu’il pourrait envoyer Graillat au bagne s’il était un mouchard.

Le compagnon Graillat. – Je reconnais que je ne suis pas le seul que Druelle aurait pu compromettre ; il y en a beaucoup d’autres dont il connaît les secrets, comme il connaît les miens.

Le compagnon Druelle. – On m’accuse d’avoir gaspillé l’argent des détenus politiques. Je ne dois des comptes qu’à la commission. Si je ne les rends pas d’une façon complète, on aura le droit de m’appeler voleur. Jusque-là, personne n’a le droit de m’incriminer. Je reviens au Cri du peuple.

Dans la nuit qui suivit la séance du jury, je me rendis au Cri du peuple et je demandais à Quercy sur quelles preuves il se basait. Pour toutes preuves, il me mit sous les yeux un fragment de papier de mon écriture. Ce fragment d’une lettre que j’avais écrite moi-même au Cri du peuple ; le papier ne venait pas de la préfecture, mais des bureaux du journal. Sont-ce là des preuves !

Toute la haine du Cri du peuple provient des résolutions que j’ai fait voter deux fois à la salle Lévis, résolutions où il est formellement dit qu’il faut se débarrasser des ambitieux et que le peuple ne veut plus de palinodies parlementaires.

Et depuis que le mot d’ordre a été donné partout c’est le parti anarchiste qu’on vise. Dès qu’un anarchiste paraît à une tribune dans une réunion, chacun crie : Sabin ! Sabin ! C’est le parti qu’on veut déshonorer. Ne vous laissez pas faire.

La réunion,

Considérant qu’il n’y a pas de preuves contre Druelle, est d’avis qu’il a le droit, n’étant pas un mouchard, de brûler la cervelle à son premier accusateur.

Terre et Liberté 20 décembre 1884

Lire le dossier complet : L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la préfecture de police ?

Une société secrète à Montceau-les-Mines en 1879

16 vendredi Août 2019

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Montmaillot par Sanvignes

Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

n°243

Société secrète à Montceau les Mines

Montceau les Mines le 7 août 1879

Mon Commandant,

J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’au mois de mai dernier, lorsque des bruits de grève circulaient à Montceau-les-Mines, je fus informé, par la rumeur publique, qu’une société secrète existait et tenait ses réunions la nuit, dans un bois, sur le territoire de la commune de Saint Bérain-sous-Sanvigne (circonscription de la brigade de Blanzy). Je fis prendre des renseignements à St Bérain ; on me répondit que des personnes qui passaient jour et nuit dans le bois désigné, n’avaient jamais rien remarqué.

Dans le courant de juin, l’adjoint de St Bérain disait au brigadier Mouny que, mieux renseigné, il avait acquis la certitude de l’existence de cette société secrète.

Le 21 juillet, je fus informé que cette société avait changé son lieu de réunion et qu’elle avait tenu une séance à Montmaillot (territoire de Sanvignes) dans la nuit du 19 au 20. Des personnes qui à 1h du matin se rendaient à un incendie qui avait éclaté à Sanvignes, ont rencontré des membres de la société par groupes de 3 et de 4, qui retournaient à leur domicile.

Une seconde réunion a eu lieu dans le mois de juillet, dans la nuit du 27 au 28, dans le bois de Montauloup près de St Nizier (arrondissement d’Autun).

Cette société, dont plus de cent individus font partie, change souvent le lieu de ses réunions, ce qui me fait supposer qu’elle a des adhérents, non seulement à Montceau, mais, peut-être aussi dans la direction du Creusot.

Les signes extérieurs (clignement de l’œil, serrement de main) employés par les membres, sont ceux de la franc-maçonnerie.

Les recherches faites depuis un mois, m’ont fait découvrir un homme dont la déclaration est ci-jointe.

Le PV n° 332 (Rixe à Montceau) vient aussi à l’appui du présent rapport, il semble que la société désigne un certain nombre de ses membres pour exercer des voies de fait sur des hommes qu’elle qualifie de mouchards.

J’ai entre les mains une liste comprenant 30 membres de la société.

J’ai informé verbalement M.le sous-préfet et M. le procureur de la république afin qu’ils prennent les mesures qu’ils jugeront convenables pour arrêter cette société secrète dans sa marche et pour qu’ils veuillent bien me donner les moyens de découvrir ce qui se passe dans les réunions nocturnes.

La gendarmerie qui fait son service ouvertement, ne peut, pour pénétrer le secret de la société, se livrer à des manœuvres défendues par les règlements.

Le lieutenant commandant la section.

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Déclaration du nommé S… Jean, mineur à Montceau

Le dimanche, après la paye de février, je me trouvais à l’auberge Desbrières, où je buvais avec Bertin. Des jeunes gens, parmi lesquels je n’ai connu que Jondot qui a la main coupée, m’ont invité à boire avec eux, puis ils m’ont dit de me mettre de leur société.

J’ai répondu : « attends donc un moment tout à l’heure ». Je suis sorti puis je suis rentré un moment après et Jondot m’a dit : « Nous y sommes ? ». J’ai répondu : « Quand tu voudras ».

Nous sommes partis : Jondot, un autre individu et moi à 10 h1/2 du soir : ils m’ont conduit dans le pré de la Motte. Arrivés au milieu du pré, Jondot m’a dit : « Je vais te laisser là, un autre viendra te prendre et te conduira jusqu’au colombier ». Puis il m’a proposé de me bander les yeux. Je lui ai dit que je ne voulais pas ; il m’a répondu que s’il ne me bandait pas les yeux, il ne pourrait me recevoir dans leur société.

Je lui ai demandé quelle était cette société, il m’a répondu que c’était une bonne société et que quand je serais reçu je toucherais deux francs par jour et qu’il me donnerait un billet pour aller trouver M. Villars.

J’ai dit que cela ne se pouvait et que M. Villars n’entrait dans aucune autre société que celle des employés.

Enfin je lui ai dit : « asseyons-nous quand même ». Étant assis, il m’a bandé les yeux puis nous sommes partis pour aller dans la tour ; là ils m’ont fait tourner dans l’eau et m’ont bien fait mouiller.

L’un d’eux étant parti, Jondot est resté avec moi puis il m’a dit d’une voix forte : « Sortez ». En sortant, celui qui était parti le premier s’est approché de moi et m’a demandé si je n’avais pas peur. Je lui ai répondu « non ». Aussitôt, il est venu pour me saisir par les jambes et me donner un coup de tête dans le ventre, je l’ai repoussé et nous sommes tombés tous les deux.

Ils sont alors venu vers moi pour me saisir : j’ai terrassé Jondot qui s’est mis à crier à son camarade : « touche, touche », il ne m’a pas frappé car je me suis reculé.

Voyant qu’ils m’approchaient toujours et cherchaient à me saisir, je les ai menacé de mon couteau ; l’un d’eux, le plus jeune, m’a porté un coup sur la tête avec un instrument qu’il tenait à la main. Quand ils ont vu que je courrais sur eux avec mon couteau à la main, ils se sont sauvés. Ils m’ont dit que si je les vendais, ils feraient mon affaire.

Depuis, on m’a traité de mouchard et de cafard.

La société s’est réunie vendredi 18 et samedi 19 juillet.

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Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

Confidentielle

Montceau-les-Mines le 9 août 1879

Mon Commandant

J’ai l’honneur de vous rendre compte que je n’ai pas écrit le nom de l’homme qui m’a fait la déclaration ci-joint parce que cet homme ne porte pas plainte et qu’il désire que son nom ne soit pas connu.

J’ai compris les motifs de sa réserve ; si la société le connaissait comme dénonciateur, elle lui ferait un mauvais parti et nous aurions peut-être le regret de constater un crime.

Si vous pensez, mon Commandant, que le nom de cet homme ne sera pas prononcé plus tard, vous pouvez le faire écrire. Il est « Siméon ».

M. le maire de Montceau est très disposé à rechercher le but que poursuit la société, mais il veut agir seul.

L’adjoint au maire de St Berain-sous-Sauvignes connait, dans sa commune, un homme qu’on a voulu incorporer dans la société. Ce fonctionnaire n’a rien voulu dire à ce sujet au brigadier Mouny, il a, sans doute, promis le secret à celui qui lui a révélé l’existence de l’association.

Le lieutenant commandant la section.

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Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

n°246

Société secrète à Montceau-les-Mines

Montceau-les-Mines le 9 août 1879

Mon Commandant

Pour faire suite à mon rapport n°243 du 7 août courant, relatif à une société secrète organisée à Montceau-les-Mines, j’ai l’honneur de vous rendre compte que dans la nuit du 14 au 15 juillet 1878, des voies de fait furent exercées au hameau du Bois du Verne, commune de Montceau, sur les nommés Jeunehomme et Vindiollet (PV n°380, 383, 384 des brigades de Montceau, année 1878 et n°121 de 1879). Vindiollet fut laissé pour mort sur la route.

Malgré les recherches faites sur les lieux mêmes par M. le procureur de la république et par la gendarmerie, les coupables ne furent pas découverts. C’était la société qui exerçait une vengeance !

D’après la rumeur publique, la société secrète de Montceau qui, l’année dernière, n’avait qu’un petit noyau au hameau du Bois du Verne (population 1548 habitants) se compose aujourd’hui de presque tous les hommes de ce hameau, elle a, en outre, gagné Montceau et les hameaux de Magny et des Alouettes.

Son organisation est la suivante :

1° Un chef qui la dirige (la rumeur publique désigne le nommé Suchet, musicien)

2° Dans chaque quartier, il y a une section

3° Les sections sont divisées en deux ou trois escouades. Toutes ces fractions sont commandées par des sous-chefs de 1er ou de second ordre.

Les individus qui composent la société ne prennent pas tous leur rôle au sérieux, il y a parmi eux des ignorants et des peureux dont la bonne foi pourrait avantageusement exploitée par des agents secrets.

Le lieutenant commandant la section.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 22 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous communiquer les renseignements qui m’ont été fournis par M. le maire de Montceau au sujet de l’existence ou de la tentative de formation d’une société secrète, renseignements qui complètent les premières indications fort vagues données par M. le lieutenant de gendarmerie de la section de Montceau.

Je transcris les quelques notes que j’ai prises au cours de ma conversation avec M. le Dr Jeannin.

L’association existant actuellement aurait été formée il y a un an environ, formée vraisemblablement au début des débris de l’ancienne association qui fut poursuivie en janvier 1874 ou 1875 (affaire de Monchanin et Commentry).

La société compte parmi ses membres des personnes de tous âges : des jeunes qui dans une certaine mesure, ont eu des démêlés avec la simple police ou la police correctionnelle ; des hommes assez âgés, de 40 ou 45 ans, pères de famille.

Plusieurs disent qu’ils (?) avec un parti de « la grande Internationale ». Pour recruter des adhérents, ils (?) que tous les républicains font partie de la société, notamment M. Jeannin, maire de Montceau, Goujon, habitant fort aimé et fort estimé de Montceau (Je n’ai pas besoin de dire que ni l’un ni l’autre n’en font partie).

Le but avoué serait la défense de la République. Le raisonnement que tiennent les affiliés serait celui-ci : « Il faut s’associer pour défendre la République. Ceux qui sont au pouvoir n’ont aucune autorité. Les bonapartistes sont plus puissants que jamais ».

Les adeptes prêteraient, parait-il, un serment dans une forme convenue et solennelle, jurant sur le poignard de défendre la République.

On se rassemble d’ordinaire dans les bois de sapins de St Berain-sur-Sauvignes. La dernière réunion connue, qui eut lieu au commencement du mois dernier, s’est tenue à Montauloup.
Le but de ces réunions (?) comme M. Jeannin suppose qu’elles ont (?) pour la réception des membres nouveaux.

Les affiliés paraissent mus par des engagements assez forts. Quand l’un d’eux est poursuivi pour un délit quelconque, ses camarades ne le dénoncent jamais, ne l’accusent pas, ne témoignent pas contre lui.

Au Bois du Verne, l’existence de la société … ont sensiblement. Fait à signaler : l’an dernier, au Bois du Verne, un individu fut battu et laissé pour mort sur la place. Une instruction fut commencée, sans donner aucun résultat. On a découvert aucun coupable.

Quand à l’influence de la société en cas de grève, M. Jeannin n’a aucun renseignement précis sur ce point. Lors des derniers bruits d’une cessation de travail à Montceau, il eut l’occasion de causer avec quelques personnes faisant certainement partie de la société. A ses questions il fut répondu : « Nous ne voulons pas faire de grève ».

Actuellement la société se développe. Elle a certainement des ramifications à Blanzy. Elle tend à en avoir au Creusot, si ce n’est déjà fait.

Fait important à signaler. La compagnie renvoie des ouvriers. Trois cents livrets ouvriers signés depuis six mois. Il n’y aurait pas de membres de la société parmi les ouvriers qui ont quitté les mines.

M. Jeannin connait les noms d’un certain nombre d’affiliés.

Il mentionne que l’association compte environ (un blanc) membres.

En présence de ces renseignements, il n’est point possible de douter qu’une association secrète , assez fortement organisée existe sur Montceau. Il devient nécessaire de se rendre compte aussi promptement que possible du nombre de ses adhérents, des moyens d’organisation ou but de la société, en un mot de préciser les renseignements déjà obtenus.

Il conviendrait de demander d’urgence au parquet ou à la gendarmerie de Montluçon les noms des individus qui pour association secrète furent poursuivis en janvier 1874 ou 1875. Il serait important de savoir si les individus poursuivis ou condamnés à cette époque se retrouvent actuellement à Montceau ou à Blanzy.

Le sous-préfet.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 23 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous informer que j’ai eu aujourd’hui un nouvel entretien avec M. le lieutenant de gendarmerie au sujet de la société secrète qui existe à Montceau.

Les renseignements comprennent ceux qui m’ont été donnés par M. le Dr Jeannin. Puis quelques autres détail nouveaux m’ont été donnés par M. le lieutenant, détails qui ont leur importance.

Le chef de la société serait un sieur Suchet, musicien jouant dans les bals, et qui n’est point employé par la Compagnie des mines.

La société s’appellerait du nom de Marianne. Elle recevrait des subsides de l’Internationale, notamment en cas de grève.

Le but serait de recruter une armée pour la défense de la République.

La société serait divisée par quartiers ayant leurs chefs, et les quartiers par escouades.

M. le lieutenant de gendarmerie me communique demain ou après-demain, une liste de trente personnes environ, faisant partie de l’association.

L’an dernier, un sieur Vindiollet fut malmené et roué de coups. Une perquisition fut faite, qui n’eut pas de résultats.

Autre fait de même genre. Le 15 août on amène à la prison de Chalon un nommé Bretin qui fait partie de l’association. Il avait battu en juin (?) un chiffonnier de Blanzy, nommé Barreau ou Barrot. On reconnut que Bretin était l’auteur de ces mauvais traitements à une boucle de son gilet, arrachée pendant la lutte et que les gendarmes retrouvèrent sur la route.

La femme de l’aubergiste chez lequel Bretin et Barreau s’étaient rencontrés, en compagnie d’autres jeunes, que ne reconnut point Bretin…

Dans une confrontation avec Bretin, Barrau le tutoya en lui disant qu’il le reconnaissait, que c’était lui qui l’avait frappé. (?) un signe qui parait-il fut fait pour Bretin, Barrau (?) de le tutoyer (?).

M. le lieutenant de gendarmerie pense que les voies de fait avaient pour objet soit d’empêcher la victime de suivre les membres de la société, soit pour punir une tentative d’espionnage.

Je demande d’ailleurs au parquet communication du procès-verbal dressé contre Bretin.

Enfin, une rixe eut lieu aux Alouettes, dans une auberge tenue par M. Léger, conseiller municipal. Un ou deux hommes furent battus et malmenés. On n’a pas retrouvé les coupables. Des coups de feu furent tirés à côté de la maison de M. Léger.

Ces trois faits de brutalité ou de violence, M. le lieutenant les attribue à des membres de la société secrète.

Tels sont, monsieur le préfet, les renseignements qui m’ont été donnés par M. le lieutenant de gendarmerie et que je vous serais reconnaissant de porter à la connaissance de M. le Dr Jeannin pendant son séjour à Mâcon.

M. le lieutenant de gendarmerie m’a dit avoir donné au parquet connaissance de l’existence de cette association.

J’aurai tout prochainement l’honneur, monsieur le préfet, de vous entretenir de cette question délicate et grave et de prendre vos instructions. Je ne sauras, jusqu’à présent formuler aucun avis précis mais il est urgent de prendre une résolution : il ne faudrait pas en cas de grève, que des tentatives de conciliation fussent paralysées par l’action d’une société régulièrement organisée et probablement assez puissante.

Le sous-préfet.

PS M . Le lieutenant de gendarmerie pense… surtout par la terreur que les membres de la société arrivent à faire de nouvelles recrues. Nombre d’habitants du Bois des Verne feraient partie de l’association et n’auraient été décidés que par la crainte de mauvais traitements.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 28 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous adresser, ci-inclus la liste des principaux membres composant la société secrète de la Marianne, établie depuis quelque temps dans la ville de Montceau les Mines.

J’ai, conformément à vos ordres, adressé un double de cette liste à M. le maire de Montceau les Mines, en le priant de vouloir bien s’assurer du lieu de naissance de chacun des membres dénommés.

Aussitôt que cette communication m’aura été faite, je m’empresserai de faire demander les extraits de casiers judiciaires de chacun d’eux et de les porter à votre connaissance.

Le sous-préfet

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Suchet François

Daurin Pierre

Bretin Antoine

Léonard Lazare

Jourraud Antoine

Charles Blaise

Devillard Antoine

Chailloux Jean-Marie

Perraud Nicolas

Thibaudat

Vernes Jean-Marie

Charollais Charles

Anavoisard Lazare

Laude Auguste

Debarnos Auguste

Brueys Augustin Théodore

Gaume

Bauban

Lauferron

Emelle Jean-Marie

Chevrot Benoit

Margatin fils

Gayne Etienne

Bonnin Pierre

Dufis Jean-Marie

Bocufgras

Dufour Claude dit Prut

Jondos

Rougel dit le plâtrier de Narbonne

Dupuis

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Cabinet du préfet de Saône et Loire

29 août 1879,

  1. le sous-préfet

Je vous adresse ci-joint la liste des individus condamnés à Montluçon en 1875.
Veuillez la communiquer à M. le maire de Montceau et vous concerter avec lui sur les mesures à prendre vis à vis des membres de la société secrète qui ont un casier judiciaire.

Je vous recommande d’une manière toute particulière de me répondre promptement et bien que je doive m’absenter en congé, vos communications relatives à cette affaire me parviendront dans délai.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 26 septembre 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous transmettre par le présent rapport les renseignements nouveaux qui m’ont été fournis par M. le maire de Montceau-les-Mines au sujet de l’existence ou de la formation d’une société secrète.

Je tiens tout d’abord à rectifier une indication erronée qui m’avait été donnée par M. le lieutenant de gendarmerie. Il n’est point exact que le vocable sur lequel la société se serait constituée soit celui de « Marianne ». M ; le maire de Montceau n’a aucune connaissance que cette appellation ait été adoptée et ne pense point qu’elle ait pu l’être, son appréciation me paraît juste.

En second lieu, aucun des individus condamnés en 1875 à Montluçon pour association illégale, dont vous avez bien voulu me communiquer les noms ne se trouve faire partie de la société de Montceau. Jusqu’à présent (?), je n’ai relevé aucune analogie de noms entre les condamnés de Montluçon et ceux des affiliés de Montceau qui me sont connus.

Enfin, d’après l’examen des extraits de casiers judiciaires, il n’y a que très peu de membres de l’association qui aient été l’objet de condamnations. J’en joins la liste au présent rapport.

Quoi qu’il en soit, il y a, ou il y a eu à Montceau, je ne dirai point une société secrète, mais une tentative d’affiliation qu’il était nécessaire de surveiller.

Connaître le moment dans lequel cette association devait prendre naissance, connaître l’objet de son action, me paraît aussi impossible. J’inclinerai à croire qu’il s’agissait d’une association entre ouvriers destinée à manifester son existence, soit au moment d’une grève, soit en forçant les ouvriers à s’unir dans des réclamations collectives. Mais c’est une opinion toute personnelle et que je ne puis établir que par de très vagues inductions.

Ce qui positif, c’est qu’un lien unissait un certain nombre de personnes et notoirement des ouvriers ; que les efforts de M. le maire de Montceau ont réussi à détacher de cette association un certain nombre d’adhérents, les plus influents, ceux que leurs agissements désignaient de la façon la plus évidente.

M. Le maire a choisi quelques affiliés, hommes parfaitement honnêtes et qui jouaient en quelque sorte le rôle de dupes, leur a fait donner à titre officieux de salutaires avertissements qui ont porté leurs fruits et on été répandus parmi leurs collègues.

Depuis un mois une vingtaine d’adhérents ont abandonné l’association ou ne s’y (?) plus. Deux des chefs sont partis, les nommés Baubenc et Millon. Un troisième le nommé Bretin condamné récemment pour coups et blessures par le tribunal de Chalon, se gardera sans doute de s’exposer à de nouvelles poursuites.

En résumé, monsieur le préfet, la société qui était à la veille de se former est maintenant en voie de complète dissolution. Les agissements des derniers débris de l’association ne présentent aucun danger. La surveillance du maire suffit amplement.

Le seul point sur lequel il me reste à appeler votre attention est celui-ci : qu’il y a à mon sens un intérêt majeur à ce qu’aucune information judiciaire, à ce qu’aucune poursuite n’ait lieu à ce sujet. Ce serait donner une importance beaucoup trop grande à une série de faits à peine saisissables et créer une agitation dangereuse dans le centre ouvrier de Montceau.

Je ne vous adresserai désormais, monsieur le préfet, des rapports au sujet de cette affaire, qu’au cas où il me parviendrait quelques renseignements importants qui valent la peine de vous être signalés.

Le sous-préfet

***********************************************

Cabinet du sous-préfet de Chalons sur Saône

Individus ayant été l’objet de condamnations et qui font partie de la société secrète de Montceau :

Debarnot Jean-François : 4 condamnations, deux pour vol, une pour atteinte au libre exercice du travail, une pour vote sans devoir.

Goujon Jules, 3 mois de prison pour atteinte à la liberté du travail.

Joureau (?) 16 f d’amende pour coups et blessures

Bagnard (Lazare) 20 f d’amende pour coups et blessures

Mary (Pierre) 1 mois de prison pour atteinte à la liberté du travail

Source : Archives départementales de Saône-et-Loire M 283

L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la Préfecture de police ? (12). Confusions chez les anarchistes du jury révolutionnaire

15 jeudi Août 2019

Posted by fortunehenry2 in Non classé

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DÉCLARATION DU JURY

Les soussignés, convoqués par le CRI DU PEUPLE déclarent à l’unanimité, après les pièces fournies et les témoignages entendus, que le nommé DRUELLE est un agent secret de la deuxième brigade de recherches.

BARROTS. — H. FERRE. -V. GELEZ.— GABRIEL DEVILLE. — TONY GRAILLAT. — B. MALON. — GRANGER.- J. JOFFRIN. — O. BLANCK. — E. EUDES. — JULES LÉPINE. — S. DEREURE. — A. GOULLÉ. — CONSTANT MARTIN. — JOHN LABUSQUIÈRE.

Quelle est donc la composition de ce jury ? Nous y trouvons les chefs du parti collectiviste et du parti blanquiste unis à d’autres saltimbanques qui ont pris le masque d’anarchiste pour abuser de la crédulité publique en faisant croire que les anarchistes se délèguent le pouvoir de statuer sur la conduite d’un des leurs. Ils savent pertinemment que ces procédés sont en complète contradiction avec les théories que nous défendons. Tout le monde a pu juger de la fermeté des convictions de ces prétendus anarchistes. Et, comme preuve, nous lisons dans le Journal Terre et liberté du 6 décembre 1884, la communication suivante :

Aux compagnons anarchistes.

Les membres anarchistes du jury révolutionnaire, ayant agi en leur nom personnel et s’étant prononcés d’après les renseignements et les pièces fournis par le Cri du peuple contre Druelle dans l’intérêt du parti révolutionnaire tout entier, considérant, d’une part, que Druelle est actuellement arrêté et ne peut être entendu ; considérant, d’autre part, qu’il s’est engagé à se présenter devant le jury et qu’il appartient aux anarchistes de continuer l’enquête, de le juger et de l’exécuter s’il y a lieu, les engagent à différer leur jugement jusqu’à la fin de l’enquête.

L. Chaumat (1), H. Ferré , Tony Graillat

Paris le 1er décembre 1884

  1. Membre du jury qui a refusé de se prononcer sur le verdict du jury.

Trois jours après, le journal de M. Jules Vallès publiait ce qui suit :

Communication.

Nous recevons la lettre suivante :

Aux compagnons anarchistes,

Sous ce titre a paru un entrefilet dans le journal Terre et liberté, dans lequel on donne à entendre que je me relève de ma décision, comme membre du jury dans l’affaire Druelle. On m’emprunte ma signature, et mon nom, sous des considérants, réclamant un supplément d’enquête. Je proteste, dis-je, contre mon nom dans ledit article que j’ai formellement refusé de signer. Engagé personnellement dans cette affaire d’honneur, et ayant reconnu les preuves établies, je maintiens mon premier jugement.

Tony Graillat

Mais, ce qui est le plus comique, c’est de voir, dans le numéro de Terre et liberté du 20 décembre, la lettre suivante :

Au jury révolutionnaire.

Les anarchistes, membres du jury révolutionnaire, considérant, d’une part, qu’ils ont accepté solidairement avec leurs collègues de se prononcer sur l’épuration proposée par la rédaction du journal le Cri du peuple ;

Que, en ce qui concerne Druelle, des protestations nombreuses et des appréciations contraires au verdict ont été faites par beaucoup de citoyens dont la sincérité et le dévouement révolutionnaires ne peuvent être mis en doute ;

Considérant, d’autre part, que les explications fournies récemment dans un débat public, et devant lesquelles un certain nombre de faits présentés comme véridiques devant le jury révolutionnaire, se sont trouvés incontestablement controuvés ;

Que, dans ces circonstances, il est plus particulièrement du devoir des membres du jury qui ont exceptionnellement représenté le parti révolutionnaire tout entier, d’apprécier à nouveau et en toute connaissances de cause les moyens de justification présentés par Druelle, prendre telle mesure qu’il conviendra pour éviter toute équivoque et rendre plus facile l’action révolutionnaire que tout socialiste sincère doit avoir en vue.

Pour ces motifs, les anarchistes, membres du jury révolutionnaire, invitent leurs collègues à se réunir à une date qui sera ultérieurement fixée, et les engagent à envoyer au plus tôt leur adhésion à cette réunion.

Pour les anarchistes membres du jury révolutionnaire :

H. Ferré 4 place Châteaudun (Levallois-Perret)

T. Graillat

Constant Martin

Source : Les mouchards par Sabin-Druelle. Paris. En vente sous les galeries de l’Odéon. Dépot chez Gabriel Mollin 1 rue Godefroy. 1885. Musée social.

Lire le dossier : L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la préfecture de police ?

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