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Archives de Catégorie: Non classé

Jean Antoine Coindre, l’anarchiste repenti du procès des 66 anarchistes de Lyon. 1882

04 mercredi Déc 2019

Posted by fortunehenry2 in Biographies, Non classé

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Ministère de la justice
Direction des affaires criminelles et des grâces
Paris le 26 juillet 1883
Le Garde des Sceaux communique à M. le procureur général le recours en grâces ci-joint et le prie de bien vouloir lui transmettre les renseignements suivants :

Coindre (Jean Antoine), né à Lyon le 5 mars 1850, ouvrier ébéniste-vernisseur
Condamné le 13 mars 1883 par la cour d’appel de Lyon pour affiliation à l’association internationale des travailleurs. Condamnation définitive à 6 mois d’emprisonnement.

Jean Antoine Coindre était membre de la section de la Guillotière. Il n’a jamais pris la parole dans les réunions, ni fait partie des bureaux, mais il assistait régulièrement aux conciliabules privés et se faisait remarquer dans les réunions publiques par son ardeur à crier : Vive la Révolution ! Mort aux voleurs !
Il se trouvait sur la place des Terraux le 9 septembre dernier, à l’occasion de la manifestation des tisseurs, manifestation provoquée par les anarchistes et c’est lui qui a apposé dans le quartier de la Guillotière les affiches annonçant la dernière réunion publique organisée par les anarchistes, salle de l’Elysée le 18 novembre 1882, réunion à laquelle il assistait.
Coindre ne travaillait pas régulièrement et était presque toujours occupé à faire des courses dans l’intérêt du parti.
Le 21 ou le 22 novembre, Coindre s’est querellé et même battu chez Bordat avec l’anarchiste Huser, arrêté le 23 novembre, à son retour de Nancy où il était allé dans l’intention de se procurer des matières explosibles, auquel il reprochait de n’avoir pas gardé le secret des projets médités par les anarchistes, notamment la recherche de la dynamite faite dans les talus du fort [illisible] le 20 du même mois, par les compagnons Pocheron, Huser et autres.
A la suite des arrestations opérées à Lyon, Coindre, craignant d’être arrêté, jugea à propos de se mettre à l’abri et et partit pour Genève à pied, où il arriva le 29 novembre 1882, sans ressources, alla se réfugier chez Romand, rue Sismondi, 5 où se trouvaient Dejoux, Percheron, Boriasse, Renaud et autres anarchistes. Il a été en relations avec les rédacteurs du journal La Révolte.
N ‘ayant pu trouver à s’occuper, Coindre a quitté Genève avec l’anarchiste Chazy, le 6 décembre au matin, pour revenir à Lyon, à pied et c’est à son retour qu’il a été arrêté à son domicile.
Coindre a signé le manifeste des anarchistes à l’audience du tribunal correctionnel de Lyon mais sa conduite à la prison depuis sa détention est excellente, il paraît éprouver un vif regret de la faute commise et manifeste hautement des sentiments de repentir. Sa situation de famille est digne d’intérêt.
Pour ces dernières considérations, j’estime que Coindre pourrait être gracié du reste de sa peine.
Lyon le 1er août 1883
Le procureur général
Fabreguettes

Source : Archives nationales BB 24 875

Le recours en grâce du 26 juillet 1883 est refusé le 10 septembre 1883
Le 22 mars 1886, Coindre est gracié de l’amende qu’il n’avait pas acquittée.

Lire la biographie de Jean Antoine Coindre dans le Maitron et dans le Dictionnaire des militants anarchistes

Bernard Joseph, aux sources de l’anarchisme et du syndicalisme. 1878-1883

02 lundi Déc 2019

Posted by fortunehenry2 in Biographies, Non classé

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Lettre de Joseph Bernard lue au Congrès socialiste révolutionnaire indépendant de la région Centre en mai 1881 et publié  dans la Révolution sociale n° 25 du 6 juin 1881.

Parquet de la cour d’appel de Lyon

Avis sur la mesure gracieuse proposée au profit de Bernard (Joseph) serrurier, demeurant à Lyon, né à Nogarey (Isère) le 13 juin 1856.

Antécédents judiciaires

Bernard a été condamné le 24 octobre 1878, à Paris, à 100 francs d’amende pour association illicite.

Ancien membre de l’Internationale, il fut délégué de Grenoble au Congrès ouvrier de Lyon en 1878 et à celui de Marseille, en 1879, où il a fait au nom des membres collectivistes révolutionnaires de la 1ère commission, un rapport sur l’émancipation de la femme. Il a parlé contre les associations, les réformes anodines ne pouvant produire aucun résultat, a indiqué, comme but à poursuivre, l’appropriation collective des instruments de travail et du sol, mis directement aux mains de ceux qui les font produire et comme moyen, la Révolution (séance du 24 octobre 1879). Il a présidé la séance du 25 octobre et a été nommé membre des commissions de résolutions sur les questions du salariat et de la représentation directe du prolétariat aux corps élus (séance des 26 et 27 octobre). Il a signé la déclaration du citoyen Hérivaux, délégué de l’Union collective du bâtiment de Paris, concluant à l’appropriation collective du sol, machines, voies de transport, bâtiments, capitaux accumulés au bénéfice de la collectivité humaine, seule manière possible d’assurer à chacun le produit intégral de son travail, déclaration lue à la séance du 30 octobre, consacrée à la question sociale et accueillie par les cris de « Vive la révolution » ; il y a défendu, avec énergie, ses théories collectivistes révolutionnaires.

Mis à l’index à Grenoble et dans les villes voisines, à cause de ses opinions exaltées et ne pouvant plus se procurer de travail, il vint se réfugier à Lyon, après le congrès régional de 1880 et s’y livra à une propagande révolutionnaire des plus actives.

A la réunion publique tenue à l’Alcazar, le 27 février 1881, organisée par la commission de pétitionnement des tisseurs, il a fait appel à la révolution violente. Il fréquentait toutes les réunions publiques ou privées ayant quelque importance et excitait toujours à la révolte contre les patrons et les gouvernements, même par les moyens les plus violents, le poignard et la dynamite.

Le 19 mars 1882, en souvenir de la Commune, il a organisé, salle de l’Alcazar, avec le concours d’Emile Gautier, une réunion. Bernard a déclaré, dans cette réunion que la révolution devait nécessairement éclater à Lyon, de préférence à Paris et qu’il était essentiellement nécessaire qu’il en fut ainsi attendu que Paris se trouve isolé comme ville et comme centre d’action, tandis que Lyon est entouré de villes qui sont nettement entrées dans le mouvement et qui serviront à le faire rayonner, en le répandant dans toute la France.

C’est Bernard qui a organisé la grève des ouvriers serruriers de la ville de Lyon qui a commencé le 11 avril 1881, il a dirigé avec fermeté et intelligence, bien dans un but de propagande révolutionnaire que dans l’intérêt de la corporation, et elle s’est terminée un peu malgré lui, grâce à l’intervention officieuse de l’administration nécessaire en temps opportun. Il a toujours excité les autres corporations à la grève dans le but unique d’entretenir l’agitation parmi la classe ouvrière et n’a jamais hésité à conseiller de pendre quelques patrons pour obliger les autres à céder aux revendications ouvrières.

Il a fait partie de la fédération des chambres syndicales lyonnaises et a toujours cherché à faire adhérer ces associations à la fédération révolutionnaire lyonnaise dont il était le véritable chef.

Au mois de juin 1881, il a fait publier le manifeste suivant :

Manifeste des révolutionnaires socialistes lyonnais adressé aux différents congrès régionaux.

Compagnons : adversaires de toute société aussi bien ce celle des gouvernements que de celle des individus, nous sommes avec vous de cœur dans votre congrès. Il y a assez longtemps que le peuple obéit, à son tour, il doit être le maître. Pour cela les personnalités doivent disparaître pour faire place aux idées et aux principes. Loin de nous tous les ambitieux, tous les farceurs qui sont à la recherche d’une candidature, qu’ils soient réactionnaires, républicains ou même collectivistes. Tout par la Révolution et pour la Révolution.

Pour la section socialiste révolutionnaire des Brotteaux.

Le secrétaire

Signé J. Bernard, rue Pierre Corneille 157.

Ce manifeste a été publié dans le Journal la Révolution sociale n° du 6 juin 1881.

C’est lui qui, par des moyens habiles, s’est emparé de la société du journal « Le Droit social » en introduisant un certain nombre d’anarchistes parmi ses membres et à fait paraître cet organe au mois de février 1882, grâce à la nouvelle loi sur la presse. Ce journal a été d’une violence extrême.

Dans toutes les réunions publiques ou privées soit des groupes anarchistes fédérés, soit des membres des corporations en grève, Bernard a toujours fait une guerre acharnée aux patrons, aux propriétaires, aux capitalistes, en même temps qu’aux gouvernements, à la magistrature, à l’armée, à la police et n’a jamais manqué de recommander de détruire tout espèce d’autorité pour s’emparer, même à l’aide du poignard et de la dynamite, de la propriété et des instruments de travail. Quant au clergé, pour le détruire, il n’a jamais cessé de prêcher la destruction complète des Eglises.

Intelligent, actif, énergique, orateur violent et passionné, Bernard qui a exercé à Lyon une réelle influence sur la classe ouvrière est un homme dangereux. Il était en rapport avec les autres groupes de France et de l’étranger, et même avec le prince Kropotkine, nihiliste russe, membre du Comité international de Londres.

Dans une réunion privée tenue le 13 mai 1881, dont il avait pris l’initiative et à laquelle étaient représentées, vingt et quelques chambres syndicales ouvrières, il a fait voter une résolution protestant contre le projet de loi sur l’organisation des syndicats et demandant la liberté complète de réunion et d’association.

Bernard a fait à Lyon, une propagande des plus actives en faveur du parti anarchiste dont il a été le véritable organisateur et le chef incontesté. Il a fait beaucoup de prosélytisme surtout parmi la corporation des ouvriers serruriers dont il faisait partie. Cependant ses allures autoritaires, ses tendances à dominer, avaient fini par lui susciter des rancunes et une opposition sourde parmi les groupes ordinairement soumis à sa volonté et ces ferments de discorde étaient habilement exploités par le compagnon Bordat, vexé d’être relégué au second plan, c’est alors que Bernard qui ne pouvait plus du reste que difficilement se procurer du travail, à cause de ses agissements politiques, se décida à quitter Lyon, pour aller à Paris le 1er mai 1882. A ce moment, il fut remplacé par Bordat qui devint le véritable chef de la fédération révolutionnaire lyonnaise.

A Paris, Bernard continua à faire de l’agitation révolutionnaire et d’après le compte-rendu publié par les journaux, il aurait dans une réunion d’anarchistes, demandé qu’on supprime tout par la dynamite : Gouvernement, religion, Magistrature. C’est exactement cette théorie qu’il a prêché avec une grande énergie pendant son séjour à Lyon où il a profondément remué la classe ouvrière en l’excitant sans cesse contre les patrons, contre la société bourgeoise et capitaliste.

Bernard a été condamné le 13 mars 1883, par la cour d’appel de Lyon, à 5 ans d’emprisonnement, 2.000 fr. d’amende et 10 ans de surveillance et d’interdiction des droits civils, pour affiliation à l’Internationale.

J’estime qu’il ne doit être l’objet d’aucune commutation de peine et que cette mesure produirait le plus déplorable effet.

Lyon le 31 juillet 1884.

Le procureur général

Fabreguettes

Source : Archives nationales BB24 875

Lire les biographies de Joseph Bernard dans le Maitron et dans le Dictionnaire des militants anarchistes

A l’origine du procès des 66 anarchistes de Lyon : l’attentat de Saint-Vallier (Saône-et-Loire). 11 octobre 1882

26 mardi Nov 2019

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Deux cartouches de dynamite avaient été placées chez M. Gardenet, contremaître à la tuilerie de Saint-Vallier et témoin à charge du procès de la Bande noire de Montceau-les-Mines.

Les Troubles de Montceau-les-Mines

On nous adresse de Montceau-les-Mines des détails sur les tentatives que nous avons signalées hier :

« Le 11 courant, à 11 heures du soir, les émeutiers ont placé deux cartouches de dynamite dans un trou de mur près de l’escalier d’une maison appartenant à la Société des Tuileries- Réunies, attenant à la tuilerie de Saint-Vallier, et habitée par le contre-maître, M. Gardenet, et son gendre, M. Baudier, aubergiste et chauffeur à la tuilerie. Les cartouches avaient été placées près du mur qui sépare les deux ménages. Fort heureusement, l’effet produit par l’explosion n’a pas répondu à l’attente des criminels ; les galandages seuls ont été endommagés et toutes les vitres brisées.

La femme Baudier a reçu un éclat de verre à la joue ; la blessure est légère. Mais si l’explosion avait renversé la maison, comme les bandits l’espéraient, on aurait pu avoir à déplorer la mort de six personnes, sans compter que plusieurs ouvriers occupent le même bâtiment et ont leurs logements voisins de celui de M. Gardenet.

On m’assure que le chef de ces bandits dînait très tranquillement à l’hôtel tenu par Mme veuve Cotelle.

Il y a eu ces jours-ci une grande réunion de la bande dans les environs de St-Vallier. Espérons qu’après les changements de troupes qui vont avoir lieu, on renforcera les troupes qui sont ici, car le départ de la classe de 1877 a réduit beaucoup l’effectif du bataillon cantonné à Montceau. Il ne faudrait cependant pas attendre qu’il y eu des personnes tuées ou blessées pour prendre des mesures énergiques.

Les deux cartouches qui ont fait sauter la croix de Laragée, à Sanvignes, — ou plutôt qui l’ont réduite en poussière — ne sont pas des cartouches de la Cie des Mines de Blanzy ; elles viennent de l’Internationale dont elles portent bien le cachet imprimé en rouge sur un fragment de parchemin.

MM. les sous préfets de Chalon et de Charolles, ainsi que les parquets de ces deux villes, étaient aujourd’hui même à Montceau pour procéder à l’enquête relative au bris de la croix et à l’affichage des placards. Le destinataire du ballot d’affiches révolutionnaires a été arrêté.

Courrier de Saône-et-Loire 14 octobre 1882

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La situation à Montceau-les-Mines.

On nous écrit de Montceau-les-Mines, 12 octobre 1882 : Malgré la présence des troupes, les attentats les plus graves contre les personnes et les propriétés se multiplient dans la commune de Montceau les-Mines et dans les villages avoisinants. Dans la nuit du 7 au 8 octobre, les destructions de croix ont recommencé. Les malfaiteurs, se rassemblant la nuit comme ils faisaient au mois d’août dernier, en ont abattu une demi-douzaine à Montceau, à Saint-Vallier, à Fouilloux et à Sauvignes. Le 10, vers dix heures et quart du soir, une détonation formidable effraya la population : c’était une grande croix de pierre qu’on venait de faire sauter à Laragée avec une cartouche de dynamite. Le même soir, une des bandes qui parcourent les campagnes brisa toutes les vitres d’un cabaret. Enfin la nuit dernière les bandes nocturnes ont essayé de faire sauter une maison particulière. M. Gardenet, contre maître de la tuilerie de Saint-Vallier, appartenant à la Société des tuileries réunies et située à trois kilomètres de Montceau, a failli être avec sa famille composée de six personnes enseveli sous les ruines de sa maison. Deux cartouches de dynamite ont été glissées sous la porte et en faisant explosion ont brisé toutes les vitres et ont reversé une cloison sur le lit des enfants. C’est miracle que personne n’ait été blessé. Chaque nuit d’ignobles affiches appelant les ouvriers à la révolte et contenant des menaces contre diverses personnes sont affichées à Monceau et aux environs. Depuis trois mois les habitants de Montceau vivent dans une terreur perpétuelle et s’étonnent de n’être pas mieux protégés. Ils ne s’occupent pas, je vous l’assure, des querelles entre libéraux et autoritaires et ne demandent que la sécurité à laquelle tous les honnêtes gens ont droit sous tous les gouvernements civilisés.

P.-S. — Le parquet s’est enfin ému, il est arrivé cette après-midi, à quatre heures. M. le sous-préfet de Chalon est également arrivé.

Le Temps 14 octobre 1882

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Le 12, les insurgés de 1882 ont essayé une tentative contre le sieur Gardenet, contre maître de la tuilerie de St Vallier, et sa famille composée de 6 personnes dont 3 en bas âge. Il s’agissait, au moyen de deux cartouches de dynamite, dont l’une était placée devant la porte et l’autre contre l’escalier de faire sauter la maison et d’ensevelir les habitants sous les décombres. La secousse a été très violente; toutes les vitres ont été brisées; un enfant a été projeté a deux mètres de son lit, mais l’explosion des deux cartouches n’ayant pas eu lieu en même temps, quelques marches de l’escalier seulement ont été détruites.

Cet attentat est attribué à la vengeance. M. Gardenet ayant déposé devant lu juge d’instruction contre certains membres ce la Bande noire, on devait supprimer ce brave ouvrier pour l’empêcher de comparaître comme témoin devant le jury de Saône-et-Loire, convoqué extraordinairement a Chalon le 18 à l’effet de juger les détenus inculpés des troubles des 17 et 18 août.

Le 13, attaque à main armée contre M. Laubepin, maître mineur attaché au puits Ste-Elisabeth. Cet employé essuie à 4 heures du matin, près du Bois Duverne, eu se rendant à son travail, deux coups de revolver qui, heureusement, ne l’atteignent pas. Le même jour des menaces de mort sont adressées par écrit a un maître-mineur du puits Lucy le nommé Langeron et au directeur de la tuilerie de Montceau, M. Villard fils, ainsi qu’a son contre-maître M. Geiger. La situation de ces messieurs est d’autant plus terrible que la tuilerie où ils demeurent est éloignée de tout centre de population et qu’ils ont chacun un enfant né depuis 15 jours a peine ; un poste d’infanterie est de puis ce moment commis à leur garde.

Le 14, attentat épouvantable contre les Sœurs de St. Vincent de Paul établies au village de Sauvigne. Des forcenés ont placé les cartouches de dynamite contre leur habitation et y ont mis le feu. Mais l’amorçage ayant été mal préparé, la mèche bickford s’est consumée sans communiquer le feu à la capsule et, par suite, sans produire de détonation.

Le 15, explosion sans effet contre les maisons d’un maître mineur du puits St François, M. Sonnier, et d’un chef de poste. Comme vous pouvez le constater par ces détails rigoureusement exacts, les tentatives essayées jusqu’à ce jour ont échoué parce que les anarchistes qui s’en sont rendus coupables n’ont pas su se servir de la dynamite. Malheureusement ils en ont une provision considérable car il en a été volé, il y a une huitaine de jours environ, 20 kilos à M. de la Goutte. De plus, il est reconnu qu’il s’en introduit journellement, par contrebande des quantités considérables venant de Suisse.

Aussi, Dieu seul sait les atrocités que nous aurons à déplorer si l’impunité continue à favoriser les criminels qui terrorisent la contrée.

Jusqu’à présent l’instruction n’a relevé aucun indice contre les exécuteurs. Mais M. Mariani, procureur de la République à Charolles, a fait arrêter le citoyen Bordat, rédacteur en chef de l’Etendard révolutionnaire et un ouvrier de Perrecy, l’un, pour avoir envoyé, l’autre pour avoir reçu et distribué un certain nombre d’exemplaires d’une proclamation subversive.

Quoi qu’il en soit, la terreur plane sur la contrée, chacun craint pour sa vie et la tactique des insurgés est si habile qu’une armée de policiers et non de soldais est nécessaire pour en avoir raison.

Le Petit caporal 18 octobre 1882

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DERNIÈRES NOUVELLES

On lit dans l’Union républicaine de Mâcon, parue hier soir:

La présence des troupes n’intimide pas les meneurs révolutionnaires.

De nouvelles menaces de mort ont été proférées contre plusieurs habitants, et même envoyées par la poste à beaucoup de personnes.

Une lettre de ce genre a été trouvée devant la maison de M. Camus, maître mineur au village de Bel-Air. On le prévenait qu’il avait du plomb de fondu pour lui et pour MM. Villard et Dovilez.

On a également affiché sur les portes de la tuilerie de Saint-Pierre, à Montceau, les menaces manuscrites suivantes à l’adresse de M. Louis Gager, contre maître en chef, et de M. Albert Villers, directeur :

«Voilà le premier salut qu’on le donne pour te faire voir comme on t’aime. Depuis que tu es à la tuilerie, tu ne fais que des misères aux ouvriers qui sont sous toi, et quand tu y es venu, tu avais deux sabots avec du foin dedans. Main tenant tu suces les sang des enclaves qui travaillent sous toi. Le deuxième salut qu’on te donnera, ce ne sera plus avec la plume, mais avec du plomb ou de la dynamite.

Toi et ton ami qui est à côté de toi, on te condamne à avoir la tête coupée, et, de cette tête, nous ferons des boulettes pour faire crever les chiens; de ta graisse, nous graisserons les roues de tes wagons ; de ton corps, nous ferons une auge pour faire manger les cochons.

Nous attendons le jour et l’heure que la révolution éclate pour tous vous égorger. « V. L. R. S. Vive l’Internationale !

On te donne huit jours pour débarrasser ta maison.

A Perrecy-les-Forges, on a volé 20 kil. de cartouches de dynamite à la poudrière même de la mine. Relativement à l’affaire des sœurs de Sanvignes, le parquet a fait une importante capture. Il a arrêté le sieur Henri, président de la société de secours mutuels de Sanvignes et membre de la propagande anarchiste.

Dans une perquisition faite chez lui, on a trouvé une quantité de cartouches de dynamite, avec des mèches creuses remplies de poudres à l’intérieur et destinées à allumer une capsule fulminante et la dynamites.

Henri est l’auteur soupçonné de la tentative contre les sœurs de Sanvignes.

On annonce également l’arrestation du sieur Rancier, qui distribuait des placards incendiaires. Rancier est correspondant de l’Etendard révolutionnaire et distributeur du journal la Tenaille. Malgré ces actes de vigueur, il court des bruits sinistres. On dit que la bande noire veut faire sauter les ponts du railway de Nevers.

M. Schnerb, l’habile chef de la sûreté de Paris, l’apprenant, a fait garder les ponts de Blanzy et de Galuzot.

On craint de nouveaux méfaits.

La force armée arrive ici. 1.500 soldats sont venus renforcer les 500 hommes précédemment arrivés.

Sanvignes, Génelard, Gueugnon, Ciry, Perrecy, Saint-Vallier, Montceau sont occupés militairement.

Des patrouilles armées sillonnent les rues constamment. Les 10.000 mineurs de Montceau sont consternés.

La nuit dernière, la tuilerie de Saint-Pierre, à Montceau, a été couverte d’affiches manuscrites annonçant l’incendie de cette usine dans un délai de huit jours.

A Blanzy, à une heure du matin, la croix de mission devant l’église a sauté. La dynamite a projeté au loin le socle à demi démoli.

Une explosion formidable a brisé toutes les fenêtres et les devantures des maisons à plus de 600 mètres de distance.

Les magasins d’un drapier, M. Quinard, et d’un plâtrier, M. Fouchecourd, ont été endommagés considérablement.

La croix n’est pas tombée complète ment, mais on annonce qu’une nouvelle tentative sera incessamment tentée.

À Sanvignes, une nouvelle explosion a eu lieu au couvent des sœurs, mais elle a avorté. Au Bois-du-Verne, M. Saunier, maître mineur, a échappé à un coup de revolver qui lui a été tiré par un inconnu.

Il y a eu une explosion de cartouches dans un jardin.

Jusqu’à présent, les coupables sent insaisissables.

M. Montardon père, effrayé, vient d’ôter la croix sur sa propriété.

Un voyageur de commerce, traversant la route du Bois-du-Verne, a heurté,avec sa voiture, un gros sapin jeté au milieu de la route du bois.

Entouré aussitôt de malfaiteurs, il s’est enfui à grand peine.

Telles sont les nouvelles qui jusqu’à cette heure nous sont parvenues de Montceau.

Nous apprenons encore, mais nous donnons ce renseignement sous toutes réserves, car rien encore n’est venu le confirmer, qu’à la poste centrale de Mâcon une lettre venant de Suisse, et contenant des valeurs à l’adresse d’un individu suspect, a été arrêté par ordre du parquet.

Enfin, le sieur Bordat, fortement compromis a été arrêté à Lyon par ordre de M. Mariani, procureur de la République.

Cet individu doit être actuellement à Charolles; hier, en prévision de son arrivée, un grand nombre d’habitants se sont portés à la gare afin de lui faire un mauvais parti.

Quant au parquet, dont l’activité est considérable et dont l’attitude énergique est approuvée par tous les citoyens, il a procédé à des perquisitions rigoureuses chez des ouvriers appartenant à l’Internationale, et a saisi des documents importants; des arrestations ont été faites.

Dernière heure. — Des arrestations ont été opérées celle nuit, notamment celles de plusieurs individus qui étaient porteurs de cartouches de poudre comprimée et soupçonnés de vouloir faire sauter les deux ponts du chemin de fer.
Le Progrès de la Côte-d’Or 18 octobre 1882

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Par dépêche télégraphique Cour d’assises de Saône-et-Loire. Les troubles de Montceau-les-Mines. Chalon-sur-Saône, 23, octobre.
Un nommé Claude Gardenet, contre maître, à Saint-Vallier, cité comme témoin à charge par acte du 11 octobre, a été l’objet, le 13, d’une tentative criminelle. On a déposé chez lui deux charges de dynamite dont l’une a fait explosion à quelques pouces de la tête de ses enfants. La terreur des témoins est dès lors facile à comprendre.

Le Figaro 24 octobre 1882

Lire aussi : La dynamite à Sanvignes (bassin de Montceau les Mines) le 11 octobre 1882

Manifeste aux travailleurs. Déclaration lue au Congrès de Lyon, le 11 octobre 1886, de la Fédération nationale des syndicats.

03 mardi Sep 2019

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Manifeste aux travailleurs

Déclaration lue au Congrès de Lyon

Travailleurs,

Le Congrès national vient de clôturer ses travaux. Pour toutes les questions à l’ordre du jour, les délégués représentant plus de 700 chambres syndicales, appartenant à diverses écoles socialistes, ont conclu que le prolétariat ne devait et ne pouvait attendre son émancipation de ses adversaires de classe qui, sous diverses formes politiques se succédant depuis un siècle, ont nié les principes de la Révolution française.

Les bourgeois sont ce que les événements les obligent à d’être, tour à tour monarchistes, républicains modérés, radicaux, voire même socialistes ; ils s’entendent à merveille pour savoir, sous tous les régimes conserver leurs privilèges et monopoles.

Actuellement, le népotisme s’étale honteusement : le fonctionnarisme est une des plaies de la République, les charges augmentent, le budget ne s’équilibre pas, et une classe dégénérée assiste impassible à cette régression.

Pouvons-nous réagir ? Oui et non ! Non, si nous croyons que le progrès seul est le maître du temps, des choses et des hommes ; si nous nous laissons berner par le parlementarisme*, si nous pensons que l’état aigu dans lequel nous sommes peut s’améliorer avec nos adversaires d’origine. Oui, si, sans nous payer de mots, nous disons en observant la marche de la société, en constatant la concentration capitaliste, que nous courons à un cataclysme.

Travailleurs,

Qu’entre temps nous arrachions à nos adversaires des réformes partielles, soit ! Mais compter sur ces réformes pour arriver à un tout, est une erreur scientifique. L’homme qui compte sur le progrès sans voir que le progrès est enrayé par l’organisation actuelle est un naïf. Celui qui, pour s’émanciper, ne fait aucun effort, commet inconsciemment une lâcheté.

N’est-il pas humiliant d’en être réduit à demander la réduction de la journée à huit heures, et devrions-nous, un siècle après la Déclaration des Droits de l’Homme, être forcés de discuter la loi policière des Syndicats ? La liberté complète est donc si dangereuse, qu’on ne veut l’accorder à la classe des parias ?

Que de luttes supportées, que de sacrifices consentis pour la défense de cette liberté, et que d’infamies à flétrir chez ceux qui, armés du Code, nous refusent même le droit commun !

Serions-nous plus avancés, si nous avions un Conseil supérieur du travail près du ministère ? Oublie-t-on que le pouvoir législatif a souvent directement entendu nos réclamations, sans vouloir jamais en tenir compte ?

Sont utopistes ou indifférents ceux qui comptent sur les avocats pour leur affranchissement.

Travailleurs, séparez-vous nettement des politiciens qui vous trompent*. Habituez-vous à voir les événements froidement et sans appréhension.

La crise ira s’aggravant, parce que vous consommez de moins en moins. Aussi, peut-être se débarrassera-t-on de nous en nous faisant écraser dans une guerre étrangère ou dans une guerre civile provoquée à dessin.

Source : Archives départementales du Rhône 4 M 321

Rapport du 7 novembre 1886 : Le nommé Wattier, secrétaire du groupe de la Bibliothèque a distribué gratuitement à l’entrée de la salle des exemplaires imprimés du manifeste aux travailleurs lu au Congrès de Lyon (ci-joint un de ces exemplaires)

*mis en gras par nous. Ce texte intervient 20 ans avant la « Charte » d’Amiens, votée en 1906.

Le dossier : Les anarchistes lyonnais dans la Fédération nationale des syndicats ouvriers

Joseph Bernard : « Il faut d’abord s’instruire et établir un programme qui soit acceptable par toute la classe travailleuse ». Lyon le 7 novembre 1886

02 lundi Sep 2019

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Commissariat spécial près la préfecture du Rhône.

Réunion publique organisée par le groupe

Réunion publique organisée par le groupe de la Bibliothèque d’études scientifiques et sociales

Objet : Rapport sur la Bibliothèque de l’étude socialiste ; des heures de travail ; du travail et du capital, du drapeau rouge.

Compte-rendu d’une réunion publique et contradictoire organisée par les membres du groupe Bibliothèque d’études scientifiques et sociales des travailleurs de Lyon, tenue salle Rivoire, avenue de Saxe, n°242, le dimanche 7 novembre 1886, à 2h 20 du soir.

La séance a été ouverte à 2 heures vingt du soir.

150 individus ont assisté à cette réunion dont l’ordre du jour portait :

1° Rapport des travaux de la Bibliothèque ;

2° Du Congrès de Lyon et de ses conséquences ;

3° Questions diverses.

Le bureau d’ordre a été ainsi constitué :

Président : Chavrier, anarchiste ;

Secrétaire : Vallet, anarchiste ;

assesseurs : Berton et Lyon, socialistes-révolutionnaires.

Les ci-après nommés ont pris successivement la parole et ont prononcé des discours dont on été extraits les passages suivants :

Drivon, socialiste-révolutionnaire, signataire de la déclaration.

Il a donné lecture du rapport des travaux de la Bibliothèque dont suit la copie (in-extenso) :

Rapport de la Bibliothèque d’études scientifiques et sociales des travailleurs de Lyon.

« Depuis les crises successives, que vient de traverser l’industrie lyonnaise en général, il est une chose digne de remarque, c’est que les masses laborieuses sont entrées dans une période de calme et d’avachissement des plus complets ; cet état de chose est dû à la misère de plus en plus grande qui règne parmi la classe des travailleurs.

Émus, à juste titre, de cette situation alarmante, quelques citoyens dévoués se sont donné pour mission de relever le moral abattu de ces prolétaires en ralliant autour d’eux les intelligences et les forces éparses du parti ouvrier.

De cette initiative est née l’institution de la Bibliothèque d’études scientifiques et sociales des travailleurs de Lyon, fondée en dehors de toute secte ou école.

Cette institution a pour objectif l’étude de toutes les questions économiques susceptibles d’apporter une amélioration dans l’état actuel de la société, telles que, par exemple, les rapports du capital avec le travail, la socialisation des biens et moyens de production, la reconnaissance du travail comme principe de propriété, etc… ou tout autre transformation sociale.

Ayant compris que la nécessité de l’étude s’imposait à toutes les Écoles, nous ne nous étendrons pas longtemps sur les quelques articles des statuts qui nous servent de réglementation. Qu’il vous suffise d’apprendre que sur toutes les questions qui sont mises à l’étude, la discussion est complètement libre et contradictoire, qu’il n’est pris aucune résolution qui puisse engager le groupe en aucune manière, et qu’à la suite des délibérations chacun en tire les conclusions qu’il juge convenables, cela selon ses aptitudes ou son tempérament.

Citoyens,

Le but que nous poursuivons est peut-être difficile à atteindre, mais il n’est pas au-dessus de nos forces, si nous sommes tous unis. Travaillons avec ardeur à nous instruire, les uns les autres ; appliquons-nous à démontrer que la classe ouvrière est capable de se gouverner et de gérer elle-même ses intérêts ; que nos théories soient simples et reposent sur des vérités, pour être facilement applicables ; attachons-nous surtout à grouper les ignorants et les indifférents ; formons des citoyens convaincus et conscients qui, à un moment donné connaissant leurs droits et leurs devoirs, pourront hardiment les revendiquer avec certitude de les obtenir.

Succomberont-nous à la tâche ? Nous ne le croyons pas.

Nous adressons un appel énergique à tous les hommes soucieux de leurs intérêts, pour que nos forces réunies puissent apporter un soulagement aux maux dont souffre l’humanité. Nous nous devons à cette œuvre grandiose de régénérer et les hommes et les choses. En cela nous subissons la loi de l’exemple, car nos ancêtres de 93, qui firent les principes de la grande Révolution, n’en n’ont pas vu l’application.

A la réussite de nos projets sacrifions notre intelligence, voir même notre existence et n’imitons pas ces coureurs de candidatures ou mendiants de décorations ; gardons pour toute récompense la satisfaction de notre conscience et soyons très heureux de mériter l’estime de nos citoyens en concourant de tous nos efforts à l’affranchissement des travailleurs.

Comme nous l’espérons, si le succès couronne notre entreprise, la question sociale aura fait un grand pas vers le progrès et les être humains vivront dans le bien-être avec cette devise : Tous pour un, un pour tous. »

Blonde, anarchiste :

« Je vais traiter la question : de la nécessité de l’étude socialiste (paragraphe non retranscrit)

Denonfoux, socialiste révolutionnaire.

« Je vais traiter la question des heures de travail :

Nous ne pouvons pas (et tous les congrès ouvriers tenus jusqu’à ce jour l’ont également dit) nous ne pouvons pas avoir une amélioration sociale quelconque sans une diminution des heures de travail.

Regardez ce qui se passe dans d’autres pays. En Amérique, en Angleterre, où les heures de travail ont été diminuées, on a vu non seulement la production ne pas en souffrir, mais encore on a vu les salaires augmentés ».

Après avoir donné lecture de quelques documents tendant à prouver que dans les pays où les ouvriers travaillent moins d’heures qu’en France ils produisent plus que les autres, attendu qu’ils sont moins fatigués, moins épuisés et partant plus intelligents, il a continué ainsi qu’il suit :

« L’ouvrier américain travaille 3 heures par jour de moins que nous et il produit cependant 3 fois plus que l’ouvrier français ; il gagne aussi un salaire moyen bien au dessus de celui de l’ouvrier de Paris.

Nous avons trois moyens pour arriver à améliorer la situation de l’ouvrier et obtenir la diminution des heures de travail.

Ces trois moyens ont été étudiés lors du dernier Congrès de Lyon. Ils sont :

1° Une organisation forte des travailleurs par les Chambres syndicales, la Fédération régionale, la Fédération universelle, avec l’abrogation de la loi de 1872 sur l’Internationale ;

2° Une entente faite, après une conférence, entre les divers gouvernements pour établir une législation internationale ;

3° L’application du socialisme, c’est à dire la socialisation des forces et des moyens de production.

Nous pouvons prouver à nos patrons par des preuves à l’appui, qu’en diminuant les heures de travail la production augmentera.

Pourquoi ne veulent-ils pas essayer de ce système et cela sans diminution de salaire ?

Avec ce moyen il y aurait moins de chômage. Tous les ouvriers seraient occupés et la production ne dépasserait pas la consommation, parce que tous les ouvriers qui ne peuvent pas consommer aujourd’hui, consommeraient, et les produits seraient forcément obligés de s’écouler.

Je reconnais que le premier des moyens que j’ai indiqué tout à l’heure, est impossible, parce que les bourgeois d’aujourd’hui ne laisseront pas faire cette entente avec les peuples et ne voudront pas abroger la loi de 1872.

Le second moyen pourrait aboutir, mais je n’y ai aucune confiance. D’ailleurs nous en aurons bientôt la preuve, lorsque viendra en discussion à la Chambre le projet de loi déposé par le citoyen Camélinat à ce sujet.

Il nous reste donc le troisième moyen, le seul que je croie bon, c’est la socialisation des moyens de production » (applaudissements)

Ducruet, socialiste-révolutionnaire (anarchiste) :

« Je demande qu’on réduise la journée de travail à 5 heures et non à 8 heures ; il n’y a pas d’autres moyens d’améliorer notre situation.

Vouloir chercher d’autres moyens d’améliorer notre situation, en vous adressant au Gouvernement, c’est de la blague.

J’ai 25 ans et je ne me vois pas un bien bel avenir avec tous vos moyens.

Le révolutionnaire est un homme humain. J’aime ceux qui souffrent et je déteste ceux qui nous font souffrir. Quand un homme, serait-il le plus bête du monde, a le courage de se révolter, je dis que c’est un homme intelligent.

Vous parlez d’ôter des lois pour en mettre d’autres ; mais n’est-ce pas ce qu’il y a de plus bête, de plus stupide, surtout quand on voit, comme tout à l’heure, un homme rester une heure à la tribune pour vous dire quoi ? Des bêtises.

Il faut prendre ses résolutions, Nom de dieu, l’heure approche. Dans 40 ans je serai mort et n’aurai plus besoin de rien.

Si vous ne faites pas la Révolution, que vous nous promettez depuis longtemps, je la ferai moi-même et tout seul ; je ne veux pas crever derrière les voûtes de Perrache ». (rires)

Trémollet, anarchiste :

« Je produis moi ; je veux manger, je veux consommer et nous ne devons pas laisser consommer ceux qui ne produisent pas.

Pourquoi discutons-nous, citoyens ? Je me le demande. Puisque nous sommes les plus forts, nous sommes la force.

Vouloir, c’est pouvoir.

Nous sommes ce que nous voulons, et vous serez ce que vous voudrez, Tonnerre de Dieu.

Pourquoi alors parlementer avec les bourgeois ? Il est la faiblesse et nous nous sommes la force ; donc tant que nous parlementerons, tant que nous ne prendrons pas ce dont nous avons besoin, nous serons toujours dans la même situation » (applaudissements).

Renaud, anarchiste :

« Il n’y a pas à faire de Congrès ni à parlementer pour améliorer la position sociale des travailleurs.

Je ne dis pas que ceux ont organisé le Congrès étaient malintentionnés, mais qu’ont-ils produit ?

Monsieur Lockroy vous a lancé ses hommes dans ce Congrès et vous en avez vu le résultat.

Rien n’est mieux fait que quand on le fait soi-même. Ne vous adressez donc jamais ni aux députés, ni au gouvernement, pour avoir quelques chose ; faites donc votre travail vous-même et vous verrez qu’il sera mieux fait.

On a fait des lois de quoi remplir tous les tombereaux de France et vous parlez d’en faire de nouvelles ; mais vous ne vous rappelez donc pas que c’est avec vos lois que nos amis et moi nous avons été poursuivis et internés à Clairvaux ? Vous ne vous rappelez donc pas que c’est en vertu de ces mêmes lois qu’un de nos amis dernièrement a encore été condamné ? (Bordat)

Je suis père de famille, je suis sans travail, je ne sais où prendre pour donner à manger à mes enfants mais je ne veux pas mendier, je préférerais voler.

Si je vole demain, M. le magistrat (s’adressant à M. le commissaire de police de service) vous me mettrez en prison ; mais sachez une chose, c’est que votre prison ne m’abaisse pas, elle m’élève au contraire (applaudissements).
Renversons donc cette caste maudite qui nous rend à l’état de brutes et nous avachit au dernier des points » (applaudissements).

Bernard, anarchiste :

« Ce n’est pas parce qu’on est révolutionnaire qu’il faut crier par dessus les toits qu’il faut faire la Révolution et qu’il faut promener la torche incendiaire partout.

Vous ne préconisez que des moyens. Après tout cela, aurez-vous fait la Révolution ? Non, car quand on veut détruire quelque chose, tant petit soit-il, il faut savoir ce qu’on veut mettre à la place.

Vous voulez la Révolution ? Mais qu’avez-vous pour mettre à la place ? Rien ; vous n’avez pas de programme, et vous détruiriez bien tout les bourgeois et tous les châteaux de France que vous n’auriez pas la Révolution.

Il faut d’abord s’instruire et établir un programme qui soit acceptable par toute la classe travailleuse, la seule avec laquelle vous pouvez compter pour faire la Révolution…

La loi des salaires a besoin de rectifications, car en France le salaire diffère d’après les localités ; il est plus ou moins élevé, selon le milieu dans lequel vous vivez, mais en règle générale on peut dire qu’en France le salaire est partout à l’état de minimum.

Quel est le remède à cette situation ?

Les uns préconisent la socialisation des moyens de production.

Les autres la Révolution, même violente.

Tout cela, je vous le répète, n’est qu’un moyen pour arriver à la Révolution, mais ne vous la donnera pas.

Des deux moyens, je n’en accepterai qu’un seul, le premier, c’est à dire la socialisation des moyens de production.

Pour arriver à ce moyen, qui est le plus pratique, il nous manque à tous l’instruction pour nous faire comprendre à tous la signification des mots, les uns les comprennent d’une manière, les autres d’une autre.

De là le désaccord entre les diverses Écoles socialistes.

Ce qu’il nous faut tout d’abord, c’est l’étude.

La Révolution ne sera pas loin d’arriver après, mais cette entente préalable pour l’instruction est indispensable.

Remarquez ceci : si au lieu de faire comme aujourd’hui la Révolution avec la langue, demain vous aviez des fusils pour faire la Révolution, nous serions certainement tous d’accord pour la faire, cependant nous nous tirerions les uns sur les autres pendant que les bourgeois riraient en nous regardant par leurs fenêtres, voilà ce que vous feriez. (applaudissements).

Dans notre Bibliothèque où nous discutons entre citoyens de diverses écoles, nous pouvons dire qu’il ressort de nos discussions une entente, une sympathie entre tous les membres des diverses Écoles socialistes-révolutionnaires, tout en reconnaissant que personne de nous ne possède la science infuse.

Cette entente entre les diverses Écoles s’est manifesté au Congrès de Lyon contre l’ennemi commun, quand nous avons arboré le drapeau rouge ; l’entente était parfaite.

Le drapeau, après tout, n’est autre qu’un morceau de chiffon mis au bout d’une perche, d’un bâton, en signe de ralliement ; il n’a que la signification qu’on lui donne. Mais puisqu’il est d’habitude d’en avoir un, je préfère le drapeau rouge, et le jour de la Révolution c’est celui qu’il faudra opposer au drapeau tricolore, parce que ce dernier a trop été traîné dans la boue par tous les gouvernements et que chaque fois que la troupe tue, même dans les conditions rapportées ces jours derniers par le journal Le Progrès, je dis que c’est un assassinat.

Ce drapeau a massacré en Chine, au Mexique, en Italie, en Crimée ; il a servi à tous les points de vue en général, qu’il nous faut un drapeau neutre, qui n’ait jamais servi à assassiner le peuple ; c’est pourquoi nous voulons le drapeau rouge.

Vous voyez bien que nous ne sommes pas aussi divisés qu’on ledit et qu’on le pense, puisque nous sommes déjà d’accord sur la couleur du drapeau.

Je vous invite donc à venir dans notre Bibliothèque chacun avec vos idées, pour étudier, afin que le jour de la Révolution nous ne nous trouvions dans la rue qu’en face de nos ennemis et pour nous débarrasser de tous nos adversaires » (applaudissements)

Monnier, anarchiste :

Il a donné lecture d’un manifeste faisant appel à la jeunesse dans le but de former une ligue anti-patriotique en opposition à la ligue des patriotes, crée par M. Déroulède à Paris.

Dans ce manifeste il a été dit en outre :

« qu’un échange de diplomates se faisait actuellement entre les diverses nations pour régler une boucherie au printemps prochain ».

La lecture de ce manifeste terminée, Monnier s’est retiré en disant :

« Il faut en finir une fois pour toutes avec la bourgeoisie ; entre elle et nous, c’est la guerre à mort ».

Monfray, anarchiste :

La bourgeoisie comprenant que sa chute s’approche de plus en plus, cherche par tous les moyens à nous détruire par des préjugés qu’elle appelle Patriotisme.

Quelle Patrie avons-nous ? Nous travailleurs, on nous jette dehors, de notre domicile si, par malheur, nous ne pouvons pas payer notre loyer ; nous ne sommes donc pas de la même Patrie que ceux qui nous jettent dehors et nous exploitent.

Le patriotisme consiste à armer des citoyens pour entre égorger ceux qui ne sont pas nés du même côté de la rivière que vous.

Il faut que la jeunesse s’organise pour lutter contre M. Déroulède, en formant une ligue anti-patriotique ».

Blonde, anarchiste :

« Je demande qu’à la sortie il soit fait une collecte au profit des grévistes et des détenus politiques ».

Bergues, anarchiste :

« Je ne veux pas répondre à tout ce qui a été dit par les différents orateurs, il est des choses que j’approuve et d’autres que je n’approuve pas.

Au point de vue de l’instruction, par exemple, je suis obligé de combattre tous les orateurs qui ont traité cette question.

Pour moi je trouve que l’on étudie trop.

L’instruction ambitionne l’homme ; elle lui fait croire qu’il est supérieur à tous les autres.

Au point de vue du Patriotisme, je vous ferai remarquer que, pour moi, il ne consiste qu’à faire des soldats pour égorger les travailleurs qui se mettent en grève.

Nous avons la preuve aujourd’hui en lisant les journaux dans lesquels nous voyons M. Raoul-Duval qui a payé hier sa dette envers le Gouvernement pour avoir bien défendu ses capitaux à Decazeville.

Puisque nous ne pouvons plus vivre en travaillant, vous n’avez qu’un moyen, celui de prendre la devise de la Croix-Rousse en 1830.

En ce qui concerne les grèves, je suis absolument l’adversaire de ceux qui proposent de subvenir aux besoins des grévistes par des cotisations ou des souscriptions.

Si vous faites grève, parce que vous ne pouvez plus vivre en travaillant ; alors il n’y a qu’un moyen, c’est de mourir en combattant ». (applaudissements).

Bernard, anarchiste :

« Quand nous disons aux ouvriers : venez étudier. C’est justement pour qu’ils deviennent, non pas supérieurs aux autres, comme vient de le dire le citoyen Bergues, mais bien les égaux des autres ; c’est pour que les ouvriers ne soient plus les inférieurs des bourgeois mais leurs égaux (applaudissements)

Oui, il faut étudier pour qu’on ne puisse dire un jour : ce sont les imbéciles qui ont fait la Révolution.

Il ne faut pas faire comme en 1789 ; faire la Révolution pour en faire profiter les bourgeois, parce que c’est alors que nous serions des imbéciles.

Quand on est révolutionnaire, il faut travailler à faire sortir par l’étude la masse ouvrière de l’avachissement dans lequel elle est tombée.

On ne doit jamais préconiser des actes révolutionnaires car avec ce moyen vous envoyez les autres au bagne.

Je me suis toujours reproché d’avoir dans le temps préconisé des moyens violents, d’avoir préconisé la Révolution par le fait.

Les circonstances, ainsi que l’étude, m’ont démontré que j’avais tort, que cela n’avait servi qu’à faire emprisonner avec moi une quantité d’amis, sans aucun profit pour la cause sociale, pas plus que pour la cause révolutionnaire. »

Le président Chavrier a mis aux voix la proposition de l’anarchiste Blonde de faire une collecte à la sortie au bénéfice des détenus politiques et des grévistes d’Amplepuis.

Cette proposition a été adoptée.

Il a ajouté :

« J’invite les citoyens présents à la réunion, à se rendre à la réunion qui aura lieu lundi, 8 novembre 1886, salle de la Perle à la Croix-Rousse. Des questions très importantes doivent y être traitées.

La séance a été ensuite levée à 4 heures 50 minutes, sans incident, aucun cri séditieux n’a été proféré.

Lyon le 7 novembre 1886

Le commissaire spécial.

Note :

On a remarqué parmi les individus qui assistaient à cette réunion, les anarchistes dont les noms suivent :

Demoncept, Michel, Vitre, Puillet, Monfray, Fromajou, Aubonnet, Blonde, Boissy, Dervieux, Montfouilloux, Mazoyer, Chaumat, Trémolet, Charvier, Monnier, Renaud, Vallet, Crestin, Perelle, etc…

Le nommé Wattier, secrétaire du groupe de la Bibliothèque a distribué gratuitement à l’entrée de la salle des exemplaires imprimés du manifeste aux travailleurs lu au Congrès de Lyon (ci-joint un de ces exemplaires)

Les nommés Vitre et Monfray, anarchistes, ont vendu quelques numéros du journal Le Révolté.

Source : Archives départementales du Rhône 4 M 321

Le dossier : Les anarchistes lyonnais dans la Fédération nationale des syndicats ouvriers

Le Va-nu-pieds. Paris 1887

27 mardi Août 2019

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Document Bnf. 4-LC2-4497

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Notice périodique Bnf

Notice du journal dans Bianco : presse anarchiste

Druelle n’est pas un mouchard selon la motion votée par les anarchistes salle du Commerce. 13 décembre 1884

18 dimanche Août 2019

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La lumière. La réunion de la salle du Commerce.

Le compagnon Leboucher explique que la réunion est convoquée pour statuer sur le cas de Druelle.

Il invite les membres du jury institué par le Cri du peuple à indiquer sur quelles preuves ils se sont basés pour dire que Druelle était un mouchard.

Les compagnons Chaumat, Constant Martin, Graillat, Ferré sont les seuls membres du jury présents dans la salle.

La parole est donnée au compagnon Ferré qui affirme qu’il a condamné au vu des documents et à l’audition de témoignages qui lui ont paru concluants.

Le compagnon Couchot donne communication d’une lettre qui lui a été adressée par la rédaction du Cri du peuple. Dans cette lettre le Cri du peuple s’engage à publier les résolutions prises par l’Assemblée.

Le citoyen Constant Martin déclare que le jury ne s’est engagé au secret qu’au sujet de la divulgation du nom de l’agent de police qui a fourni les renseignements au jury.

Pour tout le reste, le citoyen Constant Martin croit pouvoir donner des explications absolues.

Constant Martin déclare que son opinion sur Druelle n’a pas été faite par des preuves matérielles, lesquelles n’existent pas, mais par une série de preuves morales accablantes. Le dossier qui nous a été fourni a été rédigé par l’agent dont on ne peut donner le nom.

Dans ce dossier il était dit que la préfecture avait été obligée de fournir à Druelle l’argent qu’il avait gaspillé au détriment de la caisse des détenus politiques ; ce qui m’a impressionné dit-il, c’est qu’à une certaine époque j’avais appris que Druelle n’osait paraître dans les réunions précisément parce qu’il avait dépensé l’argent des prisonniers. Bref, ma conviction a été faite, quoiqu’il n’y eût pas de preuves matérielles. J’ai proposé de faire appeler Druelle et de rendre le verdict en sa présence. Ma proposition a été repoussée.

Sur interrogatoire du compagnon Duprat, le citoyen C. Martin déclare que le mouchard qui fournit des dossiers au Cri du peuple se qualifie de démissionnaire.

Le compagnon Chaumat explique que sa conviction est faite aujourd’hui et qu’il est certain que l’œuvre qu’on a fait accomplir au jury est une infamie, Quercy du Cri du peuple et Chaumat, auraient d’abord lu le dossier fabriqué par l’agent de police. Sur ce dossier aucune date ne figurait. Ce qui a décidé le jury, c’est l’affaire des petits papiers. Or, dit Chaumat, j’ai constaté que les carrés de papier n’étaient pas pareils, que ceux où se trouvaient l’écriture de Druelle étaient découpés de façon différente. Pour moi, ajoute Chaumat, on a visé dans cette affaire, non un individu, mais un parti. On a voulu déshonorer le parti anarchiste.

Le compagnon Leboucher explique qu’étant prisonnier, j’ai entendu le juge d’instruction Benoit dire à Druelle, prisonnier aussi : – On vous accuse d’être un mouchard. – Si j’étais libre, répondis Druelle, j’irais brûler la cervelle à mon calomniateur. – Promettez-le, répliqua le juge, et immédiatement, je vous mets en liberté. – Je n’ai pas besoin de vos injonctions pour faire ce que je dois faire. Chaumat affirme que Quercy, à la deuxième séance du jury, a affirmé que tous les papiers soumis à la première séance étaient pareillement découpés. Chaumat affirme que Quercy n’a pas dit la vérité sur ce point.

Le compagnon Tony Graillat. – J’allais au jury pour défendre Druelle, mais l’on m’a dit que Druelle avait dénoncé un de nos camarades, qu’il avait vendu l’original de l’adresse des révolutionnaires anglais, ainsi que le timbre des révolutionnaires de Lille.

Du reste, c’est la preuve des bouts de papier qui a été concluante. A la première séance, c’est devant nous que l’écriture de Sabin a été reconnue, mais à la deuxième, nous sommes allés au domicile même des agents qu’emploie le Cri du peuple et là nous avons renouvelé l’épreuve qui, de nouveau, a été concluante. C’est moi qui ai demandé l’exécution immédiate de Druelle.

Le compagnon Leboucher. – Je dis qu’on ne doit pas accuser quelqu’un sur des bouts de papier.

Vous avez reconnu que les dépositions, devant le jury, ont été faites par des mouchards.

C’est une raison pour que ces dépositions soient fausses. Nous sommes livrés à une coterie de journalistes. L’accusation que le juge Benoit entame contre nous n’est basée que sur le compte rendu du Cri du peuple. C’est le Cri du peuple qui m’envoie en cours d’assises. Je ne dis pas que Druelle n’est pas un mouchard, mais je dis que je n’ai pas la preuve qu’il le soit, et que, jusque-là, je réserve mon jugement.

Le compagnon Tony Graillat. – J’affirme que Druelle est un mouchard. Je le jurerai jusqu’à ce que j’ai des preuves du contraire.

Le compagnon Digeon. – Appelé le premier au Cri du peuple. On m’a proposé d’être le juge de Druelle et douze autres mouchards. J’ai refusé. J’ai proposé de demander une délégation de groupes anarchistes. On a préféré constituer un jury composé en partie d’ennemis du parti anarchiste. J’ai demandé une ligne de l’écriture de Druelle, émanant de la Préfecture. On n’a pas pu me la fournir.

Au Cri du peuple, il n’y a d’autre écriture de Druelle que celle des lettres qu’il a lui-même écrites à ce journal.

En résumé, il n’y a de preuves ni pour ni contre ; que chacun fasse, à l’égard de Druelle, ce que sa conscience lui inspirera. Quant à l’accusation de détournements de fonds, quel est parti qui, sous ce rapport, peut être exempt de suspicion. Où donc est l’argent de la souscription pour la statue de Blanqui ?

Le compagnon Roussel lit des lettres qu’il a reçues, qui prouvent que, depuis longtemps, des lettres anonymes étaient envoyées en province pour engager les Révolutionnaires à se méfier de Druelle.

Roussel voit là une manœuvre. Une de ces lettres explique que le timbre des forçats de Lille a dû être envoyé à la police de Paris, par la préfecture de Lille.

Le compagnon Martinet. – Il n’est que trop vrai que des membres du jury ont déclaré que ce qui les avait surtout influencé, c’est la conviction de leurs co-jurés anarchistes.

Le citoyen Joffrin et le citoyen Barrois ont déclaré cela à la salle Pérot. Il y a eu des délégués anarchistes qui ont assisté à la deuxième séance du jury ; ces délégués devraient bien dire ce qui s’est passé à cette deuxième séance.

Le compagnon Duprat. – Il y a longtemps que le Cri du peuple machinait cette affaire contre Druelle. Pourquoi a-t-il attendu aussi longtemps pour porter ses accusations ? Toute cette aventure est mauvaise. On a choisi des témoins parmi des anarchistes du quinzième, qui étaient en froid avec Druelle. Quand Chaumat s’est retiré du jury, on a choisi pour le remplacer le plus ardent ennemi de Druelle, Hémery-Dufoug. Pour moi, je ne crois pas que Druelle soit un mouchard. Je fais mon devoir en disant cela. Qu’il fasse le sien.

L’affaire des bouts de papier n’a été que de la pure comédie. Il y avait beau jour que le Cri du peuple avait demandé aux secrétaires de la préfecture, qu’il a à sa solde, s’ils seraient capables de reconnaître l’écriture de l’agent secret qu’ils connaissent sous le nom de Sabin.

Le compagnon Miche. – Je suis du groupe des Misérables. Dans les discussions entre Hemery et Druelle, je ne prend parti ni pour l’un, ni pour l’autre.

J’ai demandé au jury des preuves, sinon matérielles, tout au moins morales. Ce qui m’a convaincu de la culpabilité de Druelle, c’est qu’il a mangé l’argent des détenus politiques. Le compagnon Gallais a dit aussi comme moi : tout accuse Druelle.

Le citoyen Wilhems. – J’ai donné à la salle Lévis, un papier à Druelle. Si je savais que Druelle soit un mouchard, je le dirais, mais je ne le sais pas. Mais, si c’est un mouchard, nous devons l’exécuter ici, s’il ne l’est pas, ce sont les gens du Cri du peuple qu’il faut exécuter.

Le compagnon Gallais donne des explications sur la caisse des détenus politiques.

Il lit une lettre de la mère de Druelle dans laquelle celle-ci dément les propos et les allégations que les compagnons Hémery et Lefèvre ont mis dans sa bouche.

Le citoyen Lavaud. – Je blâme les gens qui, révolutionnaires ou se disant révolutionnaires, au moment où nous devrions nous serrer les coudes, cherchent à déshonorer un parti. Pour condamner quelqu’un, ce qu’il me faut, c’est non une présomption morale, mais une preuve matérielle. Cette preuve, vous ne l’avez pas eue.

Vous aviez une conviction morale, vous deviez chercher la preuve, vous ne l’avez pas fait. Vous avez eu grand tort. Vous avez fait beaucoup de mal au parti révolutionnaire ; il y a antagonisme entre les anarchistes et les autres groupements révolutionnaires. C’est dans cet antagonisme que je trouve la cause de toute cette aventure. Cet antagonisme me désole, et c’est pourquoi je me tiens en dehors de tout groupe, me réservant de marcher avec ceux qui les premiers feront quelque chose d’efficace.

Le compagnon Tortelier raconte que Moreau, contre-maître de l’ex-général Eudes, aurait déclaré à une époque remontant il y a deux mois, à Leperchez que Druelle était un mouchard et qu’il le tenait de Massard, du Cri du peuple.

Massard l’a toujours nié. Aujourd’hui le Cri du peuple avoue qu’il le savait depuis longtemps. Dans cette affaire, il y a eu de la cachotterie, chose mauvaise. On devrait juger Druelle en public, comme on l’a fait pour Lhullier.

Le compagnon Druelle. – Dans mon affaire il y a la haine systématique du Cri du peuple et la haine d’une coterie. D’anciens amis se sont retournés contre moi. Leur animosité contre moi vient de causes personnelles. J’ai perdu ma place, j’ai perdu mon gagne pain, pour avoir mis mon nom sur une affiche révolutionnaire.

J’ai été nommé secrétaire du groupe des Misérables, et, avec Hémeri-Dufoug, je me suis occupé de propagande. Celui-ci me faisait des observations sur mes dépenses. Je répondis que j’avais de l’argent à toucher à ma majorité, et, qu’en attendant, ma mère rembourserait ce que je pourrais dépenser. Hémery-Dufoug n’est pas là ! Moi j’y suis. Pourquoi mon accusateur n’est-il pas là. A une époque il a reconnu qu’on avait eu tort de m’attaquer. Pourquoi se joint-il ensuite à une accusation aujourd’hui.

Et Lefèvre qui m’accuse aussi et qui n’est pas là non plus, et Lefèvre, qui osera dire qu’il est un homme honnête ? Qui de ceux qui le connaissent pourra dire qu’il est estimable. Il voulait me faire de la morale, je ne pouvais l’accepter d’un homme aussi sale.

Quant aux accusations du Cri du peuple, c’est à partir du discours de Saint-Ouen que j’ai eu la preuve de ses machinations. J’ai eu tort de ne pas donner suite immédiatement à cette affaire.

On m’accuse d’avoir livré un manifeste, c’est faux. On m’a accusé d’avoir livré Ely. Quand Ely a été arrêté, il y avait plus de quinze jours qu’il était là, et il courait dans les réunions avec une grande imprudence.

Et Tony Graillat ! Qui m’accuse et croit encore que je suis un mouchard, Tony Graillat, comment se fait-il qu’il soit ici, si je suis un mouchard ? Je peux l’envoyer au bagne. Allons Tony Graillat, que faites-vous là ? Qui est-ce qui sait des choses terribles contre vous ? Qui, sinon moi .

Le compagnon Leboucher interrompt pour faire remarquer que Druelle vient de dire qu’il pourrait envoyer Graillat au bagne s’il était un mouchard.

Le compagnon Graillat. – Je reconnais que je ne suis pas le seul que Druelle aurait pu compromettre ; il y en a beaucoup d’autres dont il connaît les secrets, comme il connaît les miens.

Le compagnon Druelle. – On m’accuse d’avoir gaspillé l’argent des détenus politiques. Je ne dois des comptes qu’à la commission. Si je ne les rends pas d’une façon complète, on aura le droit de m’appeler voleur. Jusque-là, personne n’a le droit de m’incriminer. Je reviens au Cri du peuple.

Dans la nuit qui suivit la séance du jury, je me rendis au Cri du peuple et je demandais à Quercy sur quelles preuves il se basait. Pour toutes preuves, il me mit sous les yeux un fragment de papier de mon écriture. Ce fragment d’une lettre que j’avais écrite moi-même au Cri du peuple ; le papier ne venait pas de la préfecture, mais des bureaux du journal. Sont-ce là des preuves !

Toute la haine du Cri du peuple provient des résolutions que j’ai fait voter deux fois à la salle Lévis, résolutions où il est formellement dit qu’il faut se débarrasser des ambitieux et que le peuple ne veut plus de palinodies parlementaires.

Et depuis que le mot d’ordre a été donné partout c’est le parti anarchiste qu’on vise. Dès qu’un anarchiste paraît à une tribune dans une réunion, chacun crie : Sabin ! Sabin ! C’est le parti qu’on veut déshonorer. Ne vous laissez pas faire.

La réunion,

Considérant qu’il n’y a pas de preuves contre Druelle, est d’avis qu’il a le droit, n’étant pas un mouchard, de brûler la cervelle à son premier accusateur.

Terre et Liberté 20 décembre 1884

Lire le dossier complet : L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la préfecture de police ?

Une société secrète à Montceau-les-Mines en 1879

16 vendredi Août 2019

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Montmaillot par Sanvignes

Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

n°243

Société secrète à Montceau les Mines

Montceau les Mines le 7 août 1879

Mon Commandant,

J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’au mois de mai dernier, lorsque des bruits de grève circulaient à Montceau-les-Mines, je fus informé, par la rumeur publique, qu’une société secrète existait et tenait ses réunions la nuit, dans un bois, sur le territoire de la commune de Saint Bérain-sous-Sanvigne (circonscription de la brigade de Blanzy). Je fis prendre des renseignements à St Bérain ; on me répondit que des personnes qui passaient jour et nuit dans le bois désigné, n’avaient jamais rien remarqué.

Dans le courant de juin, l’adjoint de St Bérain disait au brigadier Mouny que, mieux renseigné, il avait acquis la certitude de l’existence de cette société secrète.

Le 21 juillet, je fus informé que cette société avait changé son lieu de réunion et qu’elle avait tenu une séance à Montmaillot (territoire de Sanvignes) dans la nuit du 19 au 20. Des personnes qui à 1h du matin se rendaient à un incendie qui avait éclaté à Sanvignes, ont rencontré des membres de la société par groupes de 3 et de 4, qui retournaient à leur domicile.

Une seconde réunion a eu lieu dans le mois de juillet, dans la nuit du 27 au 28, dans le bois de Montauloup près de St Nizier (arrondissement d’Autun).

Cette société, dont plus de cent individus font partie, change souvent le lieu de ses réunions, ce qui me fait supposer qu’elle a des adhérents, non seulement à Montceau, mais, peut-être aussi dans la direction du Creusot.

Les signes extérieurs (clignement de l’œil, serrement de main) employés par les membres, sont ceux de la franc-maçonnerie.

Les recherches faites depuis un mois, m’ont fait découvrir un homme dont la déclaration est ci-jointe.

Le PV n° 332 (Rixe à Montceau) vient aussi à l’appui du présent rapport, il semble que la société désigne un certain nombre de ses membres pour exercer des voies de fait sur des hommes qu’elle qualifie de mouchards.

J’ai entre les mains une liste comprenant 30 membres de la société.

J’ai informé verbalement M.le sous-préfet et M. le procureur de la république afin qu’ils prennent les mesures qu’ils jugeront convenables pour arrêter cette société secrète dans sa marche et pour qu’ils veuillent bien me donner les moyens de découvrir ce qui se passe dans les réunions nocturnes.

La gendarmerie qui fait son service ouvertement, ne peut, pour pénétrer le secret de la société, se livrer à des manœuvres défendues par les règlements.

Le lieutenant commandant la section.

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Déclaration du nommé S… Jean, mineur à Montceau

Le dimanche, après la paye de février, je me trouvais à l’auberge Desbrières, où je buvais avec Bertin. Des jeunes gens, parmi lesquels je n’ai connu que Jondot qui a la main coupée, m’ont invité à boire avec eux, puis ils m’ont dit de me mettre de leur société.

J’ai répondu : « attends donc un moment tout à l’heure ». Je suis sorti puis je suis rentré un moment après et Jondot m’a dit : « Nous y sommes ? ». J’ai répondu : « Quand tu voudras ».

Nous sommes partis : Jondot, un autre individu et moi à 10 h1/2 du soir : ils m’ont conduit dans le pré de la Motte. Arrivés au milieu du pré, Jondot m’a dit : « Je vais te laisser là, un autre viendra te prendre et te conduira jusqu’au colombier ». Puis il m’a proposé de me bander les yeux. Je lui ai dit que je ne voulais pas ; il m’a répondu que s’il ne me bandait pas les yeux, il ne pourrait me recevoir dans leur société.

Je lui ai demandé quelle était cette société, il m’a répondu que c’était une bonne société et que quand je serais reçu je toucherais deux francs par jour et qu’il me donnerait un billet pour aller trouver M. Villars.

J’ai dit que cela ne se pouvait et que M. Villars n’entrait dans aucune autre société que celle des employés.

Enfin je lui ai dit : « asseyons-nous quand même ». Étant assis, il m’a bandé les yeux puis nous sommes partis pour aller dans la tour ; là ils m’ont fait tourner dans l’eau et m’ont bien fait mouiller.

L’un d’eux étant parti, Jondot est resté avec moi puis il m’a dit d’une voix forte : « Sortez ». En sortant, celui qui était parti le premier s’est approché de moi et m’a demandé si je n’avais pas peur. Je lui ai répondu « non ». Aussitôt, il est venu pour me saisir par les jambes et me donner un coup de tête dans le ventre, je l’ai repoussé et nous sommes tombés tous les deux.

Ils sont alors venu vers moi pour me saisir : j’ai terrassé Jondot qui s’est mis à crier à son camarade : « touche, touche », il ne m’a pas frappé car je me suis reculé.

Voyant qu’ils m’approchaient toujours et cherchaient à me saisir, je les ai menacé de mon couteau ; l’un d’eux, le plus jeune, m’a porté un coup sur la tête avec un instrument qu’il tenait à la main. Quand ils ont vu que je courrais sur eux avec mon couteau à la main, ils se sont sauvés. Ils m’ont dit que si je les vendais, ils feraient mon affaire.

Depuis, on m’a traité de mouchard et de cafard.

La société s’est réunie vendredi 18 et samedi 19 juillet.

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Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

Confidentielle

Montceau-les-Mines le 9 août 1879

Mon Commandant

J’ai l’honneur de vous rendre compte que je n’ai pas écrit le nom de l’homme qui m’a fait la déclaration ci-joint parce que cet homme ne porte pas plainte et qu’il désire que son nom ne soit pas connu.

J’ai compris les motifs de sa réserve ; si la société le connaissait comme dénonciateur, elle lui ferait un mauvais parti et nous aurions peut-être le regret de constater un crime.

Si vous pensez, mon Commandant, que le nom de cet homme ne sera pas prononcé plus tard, vous pouvez le faire écrire. Il est « Siméon ».

M. le maire de Montceau est très disposé à rechercher le but que poursuit la société, mais il veut agir seul.

L’adjoint au maire de St Berain-sous-Sauvignes connait, dans sa commune, un homme qu’on a voulu incorporer dans la société. Ce fonctionnaire n’a rien voulu dire à ce sujet au brigadier Mouny, il a, sans doute, promis le secret à celui qui lui a révélé l’existence de l’association.

Le lieutenant commandant la section.

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Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

n°246

Société secrète à Montceau-les-Mines

Montceau-les-Mines le 9 août 1879

Mon Commandant

Pour faire suite à mon rapport n°243 du 7 août courant, relatif à une société secrète organisée à Montceau-les-Mines, j’ai l’honneur de vous rendre compte que dans la nuit du 14 au 15 juillet 1878, des voies de fait furent exercées au hameau du Bois du Verne, commune de Montceau, sur les nommés Jeunehomme et Vindiollet (PV n°380, 383, 384 des brigades de Montceau, année 1878 et n°121 de 1879). Vindiollet fut laissé pour mort sur la route.

Malgré les recherches faites sur les lieux mêmes par M. le procureur de la république et par la gendarmerie, les coupables ne furent pas découverts. C’était la société qui exerçait une vengeance !

D’après la rumeur publique, la société secrète de Montceau qui, l’année dernière, n’avait qu’un petit noyau au hameau du Bois du Verne (population 1548 habitants) se compose aujourd’hui de presque tous les hommes de ce hameau, elle a, en outre, gagné Montceau et les hameaux de Magny et des Alouettes.

Son organisation est la suivante :

1° Un chef qui la dirige (la rumeur publique désigne le nommé Suchet, musicien)

2° Dans chaque quartier, il y a une section

3° Les sections sont divisées en deux ou trois escouades. Toutes ces fractions sont commandées par des sous-chefs de 1er ou de second ordre.

Les individus qui composent la société ne prennent pas tous leur rôle au sérieux, il y a parmi eux des ignorants et des peureux dont la bonne foi pourrait avantageusement exploitée par des agents secrets.

Le lieutenant commandant la section.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 22 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous communiquer les renseignements qui m’ont été fournis par M. le maire de Montceau au sujet de l’existence ou de la tentative de formation d’une société secrète, renseignements qui complètent les premières indications fort vagues données par M. le lieutenant de gendarmerie de la section de Montceau.

Je transcris les quelques notes que j’ai prises au cours de ma conversation avec M. le Dr Jeannin.

L’association existant actuellement aurait été formée il y a un an environ, formée vraisemblablement au début des débris de l’ancienne association qui fut poursuivie en janvier 1874 ou 1875 (affaire de Monchanin et Commentry).

La société compte parmi ses membres des personnes de tous âges : des jeunes qui dans une certaine mesure, ont eu des démêlés avec la simple police ou la police correctionnelle ; des hommes assez âgés, de 40 ou 45 ans, pères de famille.

Plusieurs disent qu’ils (?) avec un parti de « la grande Internationale ». Pour recruter des adhérents, ils (?) que tous les républicains font partie de la société, notamment M. Jeannin, maire de Montceau, Goujon, habitant fort aimé et fort estimé de Montceau (Je n’ai pas besoin de dire que ni l’un ni l’autre n’en font partie).

Le but avoué serait la défense de la République. Le raisonnement que tiennent les affiliés serait celui-ci : « Il faut s’associer pour défendre la République. Ceux qui sont au pouvoir n’ont aucune autorité. Les bonapartistes sont plus puissants que jamais ».

Les adeptes prêteraient, parait-il, un serment dans une forme convenue et solennelle, jurant sur le poignard de défendre la République.

On se rassemble d’ordinaire dans les bois de sapins de St Berain-sur-Sauvignes. La dernière réunion connue, qui eut lieu au commencement du mois dernier, s’est tenue à Montauloup.
Le but de ces réunions (?) comme M. Jeannin suppose qu’elles ont (?) pour la réception des membres nouveaux.

Les affiliés paraissent mus par des engagements assez forts. Quand l’un d’eux est poursuivi pour un délit quelconque, ses camarades ne le dénoncent jamais, ne l’accusent pas, ne témoignent pas contre lui.

Au Bois du Verne, l’existence de la société … ont sensiblement. Fait à signaler : l’an dernier, au Bois du Verne, un individu fut battu et laissé pour mort sur la place. Une instruction fut commencée, sans donner aucun résultat. On a découvert aucun coupable.

Quand à l’influence de la société en cas de grève, M. Jeannin n’a aucun renseignement précis sur ce point. Lors des derniers bruits d’une cessation de travail à Montceau, il eut l’occasion de causer avec quelques personnes faisant certainement partie de la société. A ses questions il fut répondu : « Nous ne voulons pas faire de grève ».

Actuellement la société se développe. Elle a certainement des ramifications à Blanzy. Elle tend à en avoir au Creusot, si ce n’est déjà fait.

Fait important à signaler. La compagnie renvoie des ouvriers. Trois cents livrets ouvriers signés depuis six mois. Il n’y aurait pas de membres de la société parmi les ouvriers qui ont quitté les mines.

M. Jeannin connait les noms d’un certain nombre d’affiliés.

Il mentionne que l’association compte environ (un blanc) membres.

En présence de ces renseignements, il n’est point possible de douter qu’une association secrète , assez fortement organisée existe sur Montceau. Il devient nécessaire de se rendre compte aussi promptement que possible du nombre de ses adhérents, des moyens d’organisation ou but de la société, en un mot de préciser les renseignements déjà obtenus.

Il conviendrait de demander d’urgence au parquet ou à la gendarmerie de Montluçon les noms des individus qui pour association secrète furent poursuivis en janvier 1874 ou 1875. Il serait important de savoir si les individus poursuivis ou condamnés à cette époque se retrouvent actuellement à Montceau ou à Blanzy.

Le sous-préfet.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 23 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous informer que j’ai eu aujourd’hui un nouvel entretien avec M. le lieutenant de gendarmerie au sujet de la société secrète qui existe à Montceau.

Les renseignements comprennent ceux qui m’ont été donnés par M. le Dr Jeannin. Puis quelques autres détail nouveaux m’ont été donnés par M. le lieutenant, détails qui ont leur importance.

Le chef de la société serait un sieur Suchet, musicien jouant dans les bals, et qui n’est point employé par la Compagnie des mines.

La société s’appellerait du nom de Marianne. Elle recevrait des subsides de l’Internationale, notamment en cas de grève.

Le but serait de recruter une armée pour la défense de la République.

La société serait divisée par quartiers ayant leurs chefs, et les quartiers par escouades.

M. le lieutenant de gendarmerie me communique demain ou après-demain, une liste de trente personnes environ, faisant partie de l’association.

L’an dernier, un sieur Vindiollet fut malmené et roué de coups. Une perquisition fut faite, qui n’eut pas de résultats.

Autre fait de même genre. Le 15 août on amène à la prison de Chalon un nommé Bretin qui fait partie de l’association. Il avait battu en juin (?) un chiffonnier de Blanzy, nommé Barreau ou Barrot. On reconnut que Bretin était l’auteur de ces mauvais traitements à une boucle de son gilet, arrachée pendant la lutte et que les gendarmes retrouvèrent sur la route.

La femme de l’aubergiste chez lequel Bretin et Barreau s’étaient rencontrés, en compagnie d’autres jeunes, que ne reconnut point Bretin…

Dans une confrontation avec Bretin, Barrau le tutoya en lui disant qu’il le reconnaissait, que c’était lui qui l’avait frappé. (?) un signe qui parait-il fut fait pour Bretin, Barrau (?) de le tutoyer (?).

M. le lieutenant de gendarmerie pense que les voies de fait avaient pour objet soit d’empêcher la victime de suivre les membres de la société, soit pour punir une tentative d’espionnage.

Je demande d’ailleurs au parquet communication du procès-verbal dressé contre Bretin.

Enfin, une rixe eut lieu aux Alouettes, dans une auberge tenue par M. Léger, conseiller municipal. Un ou deux hommes furent battus et malmenés. On n’a pas retrouvé les coupables. Des coups de feu furent tirés à côté de la maison de M. Léger.

Ces trois faits de brutalité ou de violence, M. le lieutenant les attribue à des membres de la société secrète.

Tels sont, monsieur le préfet, les renseignements qui m’ont été donnés par M. le lieutenant de gendarmerie et que je vous serais reconnaissant de porter à la connaissance de M. le Dr Jeannin pendant son séjour à Mâcon.

M. le lieutenant de gendarmerie m’a dit avoir donné au parquet connaissance de l’existence de cette association.

J’aurai tout prochainement l’honneur, monsieur le préfet, de vous entretenir de cette question délicate et grave et de prendre vos instructions. Je ne sauras, jusqu’à présent formuler aucun avis précis mais il est urgent de prendre une résolution : il ne faudrait pas en cas de grève, que des tentatives de conciliation fussent paralysées par l’action d’une société régulièrement organisée et probablement assez puissante.

Le sous-préfet.

PS M . Le lieutenant de gendarmerie pense… surtout par la terreur que les membres de la société arrivent à faire de nouvelles recrues. Nombre d’habitants du Bois des Verne feraient partie de l’association et n’auraient été décidés que par la crainte de mauvais traitements.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 28 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous adresser, ci-inclus la liste des principaux membres composant la société secrète de la Marianne, établie depuis quelque temps dans la ville de Montceau les Mines.

J’ai, conformément à vos ordres, adressé un double de cette liste à M. le maire de Montceau les Mines, en le priant de vouloir bien s’assurer du lieu de naissance de chacun des membres dénommés.

Aussitôt que cette communication m’aura été faite, je m’empresserai de faire demander les extraits de casiers judiciaires de chacun d’eux et de les porter à votre connaissance.

Le sous-préfet

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Suchet François

Daurin Pierre

Bretin Antoine

Léonard Lazare

Jourraud Antoine

Charles Blaise

Devillard Antoine

Chailloux Jean-Marie

Perraud Nicolas

Thibaudat

Vernes Jean-Marie

Charollais Charles

Anavoisard Lazare

Laude Auguste

Debarnos Auguste

Brueys Augustin Théodore

Gaume

Bauban

Lauferron

Emelle Jean-Marie

Chevrot Benoit

Margatin fils

Gayne Etienne

Bonnin Pierre

Dufis Jean-Marie

Bocufgras

Dufour Claude dit Prut

Jondos

Rougel dit le plâtrier de Narbonne

Dupuis

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Cabinet du préfet de Saône et Loire

29 août 1879,

  1. le sous-préfet

Je vous adresse ci-joint la liste des individus condamnés à Montluçon en 1875.
Veuillez la communiquer à M. le maire de Montceau et vous concerter avec lui sur les mesures à prendre vis à vis des membres de la société secrète qui ont un casier judiciaire.

Je vous recommande d’une manière toute particulière de me répondre promptement et bien que je doive m’absenter en congé, vos communications relatives à cette affaire me parviendront dans délai.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 26 septembre 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous transmettre par le présent rapport les renseignements nouveaux qui m’ont été fournis par M. le maire de Montceau-les-Mines au sujet de l’existence ou de la formation d’une société secrète.

Je tiens tout d’abord à rectifier une indication erronée qui m’avait été donnée par M. le lieutenant de gendarmerie. Il n’est point exact que le vocable sur lequel la société se serait constituée soit celui de « Marianne ». M ; le maire de Montceau n’a aucune connaissance que cette appellation ait été adoptée et ne pense point qu’elle ait pu l’être, son appréciation me paraît juste.

En second lieu, aucun des individus condamnés en 1875 à Montluçon pour association illégale, dont vous avez bien voulu me communiquer les noms ne se trouve faire partie de la société de Montceau. Jusqu’à présent (?), je n’ai relevé aucune analogie de noms entre les condamnés de Montluçon et ceux des affiliés de Montceau qui me sont connus.

Enfin, d’après l’examen des extraits de casiers judiciaires, il n’y a que très peu de membres de l’association qui aient été l’objet de condamnations. J’en joins la liste au présent rapport.

Quoi qu’il en soit, il y a, ou il y a eu à Montceau, je ne dirai point une société secrète, mais une tentative d’affiliation qu’il était nécessaire de surveiller.

Connaître le moment dans lequel cette association devait prendre naissance, connaître l’objet de son action, me paraît aussi impossible. J’inclinerai à croire qu’il s’agissait d’une association entre ouvriers destinée à manifester son existence, soit au moment d’une grève, soit en forçant les ouvriers à s’unir dans des réclamations collectives. Mais c’est une opinion toute personnelle et que je ne puis établir que par de très vagues inductions.

Ce qui positif, c’est qu’un lien unissait un certain nombre de personnes et notoirement des ouvriers ; que les efforts de M. le maire de Montceau ont réussi à détacher de cette association un certain nombre d’adhérents, les plus influents, ceux que leurs agissements désignaient de la façon la plus évidente.

M. Le maire a choisi quelques affiliés, hommes parfaitement honnêtes et qui jouaient en quelque sorte le rôle de dupes, leur a fait donner à titre officieux de salutaires avertissements qui ont porté leurs fruits et on été répandus parmi leurs collègues.

Depuis un mois une vingtaine d’adhérents ont abandonné l’association ou ne s’y (?) plus. Deux des chefs sont partis, les nommés Baubenc et Millon. Un troisième le nommé Bretin condamné récemment pour coups et blessures par le tribunal de Chalon, se gardera sans doute de s’exposer à de nouvelles poursuites.

En résumé, monsieur le préfet, la société qui était à la veille de se former est maintenant en voie de complète dissolution. Les agissements des derniers débris de l’association ne présentent aucun danger. La surveillance du maire suffit amplement.

Le seul point sur lequel il me reste à appeler votre attention est celui-ci : qu’il y a à mon sens un intérêt majeur à ce qu’aucune information judiciaire, à ce qu’aucune poursuite n’ait lieu à ce sujet. Ce serait donner une importance beaucoup trop grande à une série de faits à peine saisissables et créer une agitation dangereuse dans le centre ouvrier de Montceau.

Je ne vous adresserai désormais, monsieur le préfet, des rapports au sujet de cette affaire, qu’au cas où il me parviendrait quelques renseignements importants qui valent la peine de vous être signalés.

Le sous-préfet

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Cabinet du sous-préfet de Chalons sur Saône

Individus ayant été l’objet de condamnations et qui font partie de la société secrète de Montceau :

Debarnot Jean-François : 4 condamnations, deux pour vol, une pour atteinte au libre exercice du travail, une pour vote sans devoir.

Goujon Jules, 3 mois de prison pour atteinte à la liberté du travail.

Joureau (?) 16 f d’amende pour coups et blessures

Bagnard (Lazare) 20 f d’amende pour coups et blessures

Mary (Pierre) 1 mois de prison pour atteinte à la liberté du travail

Source : Archives départementales de Saône-et-Loire M 283

L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la Préfecture de police ? (12). Confusions chez les anarchistes du jury révolutionnaire

15 jeudi Août 2019

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DÉCLARATION DU JURY

Les soussignés, convoqués par le CRI DU PEUPLE déclarent à l’unanimité, après les pièces fournies et les témoignages entendus, que le nommé DRUELLE est un agent secret de la deuxième brigade de recherches.

BARROTS. — H. FERRE. -V. GELEZ.— GABRIEL DEVILLE. — TONY GRAILLAT. — B. MALON. — GRANGER.- J. JOFFRIN. — O. BLANCK. — E. EUDES. — JULES LÉPINE. — S. DEREURE. — A. GOULLÉ. — CONSTANT MARTIN. — JOHN LABUSQUIÈRE.

Quelle est donc la composition de ce jury ? Nous y trouvons les chefs du parti collectiviste et du parti blanquiste unis à d’autres saltimbanques qui ont pris le masque d’anarchiste pour abuser de la crédulité publique en faisant croire que les anarchistes se délèguent le pouvoir de statuer sur la conduite d’un des leurs. Ils savent pertinemment que ces procédés sont en complète contradiction avec les théories que nous défendons. Tout le monde a pu juger de la fermeté des convictions de ces prétendus anarchistes. Et, comme preuve, nous lisons dans le Journal Terre et liberté du 6 décembre 1884, la communication suivante :

Aux compagnons anarchistes.

Les membres anarchistes du jury révolutionnaire, ayant agi en leur nom personnel et s’étant prononcés d’après les renseignements et les pièces fournis par le Cri du peuple contre Druelle dans l’intérêt du parti révolutionnaire tout entier, considérant, d’une part, que Druelle est actuellement arrêté et ne peut être entendu ; considérant, d’autre part, qu’il s’est engagé à se présenter devant le jury et qu’il appartient aux anarchistes de continuer l’enquête, de le juger et de l’exécuter s’il y a lieu, les engagent à différer leur jugement jusqu’à la fin de l’enquête.

L. Chaumat (1), H. Ferré , Tony Graillat

Paris le 1er décembre 1884

  1. Membre du jury qui a refusé de se prononcer sur le verdict du jury.

Trois jours après, le journal de M. Jules Vallès publiait ce qui suit :

Communication.

Nous recevons la lettre suivante :

Aux compagnons anarchistes,

Sous ce titre a paru un entrefilet dans le journal Terre et liberté, dans lequel on donne à entendre que je me relève de ma décision, comme membre du jury dans l’affaire Druelle. On m’emprunte ma signature, et mon nom, sous des considérants, réclamant un supplément d’enquête. Je proteste, dis-je, contre mon nom dans ledit article que j’ai formellement refusé de signer. Engagé personnellement dans cette affaire d’honneur, et ayant reconnu les preuves établies, je maintiens mon premier jugement.

Tony Graillat

Mais, ce qui est le plus comique, c’est de voir, dans le numéro de Terre et liberté du 20 décembre, la lettre suivante :

Au jury révolutionnaire.

Les anarchistes, membres du jury révolutionnaire, considérant, d’une part, qu’ils ont accepté solidairement avec leurs collègues de se prononcer sur l’épuration proposée par la rédaction du journal le Cri du peuple ;

Que, en ce qui concerne Druelle, des protestations nombreuses et des appréciations contraires au verdict ont été faites par beaucoup de citoyens dont la sincérité et le dévouement révolutionnaires ne peuvent être mis en doute ;

Considérant, d’autre part, que les explications fournies récemment dans un débat public, et devant lesquelles un certain nombre de faits présentés comme véridiques devant le jury révolutionnaire, se sont trouvés incontestablement controuvés ;

Que, dans ces circonstances, il est plus particulièrement du devoir des membres du jury qui ont exceptionnellement représenté le parti révolutionnaire tout entier, d’apprécier à nouveau et en toute connaissances de cause les moyens de justification présentés par Druelle, prendre telle mesure qu’il conviendra pour éviter toute équivoque et rendre plus facile l’action révolutionnaire que tout socialiste sincère doit avoir en vue.

Pour ces motifs, les anarchistes, membres du jury révolutionnaire, invitent leurs collègues à se réunir à une date qui sera ultérieurement fixée, et les engagent à envoyer au plus tôt leur adhésion à cette réunion.

Pour les anarchistes membres du jury révolutionnaire :

H. Ferré 4 place Châteaudun (Levallois-Perret)

T. Graillat

Constant Martin

Source : Les mouchards par Sabin-Druelle. Paris. En vente sous les galeries de l’Odéon. Dépot chez Gabriel Mollin 1 rue Godefroy. 1885. Musée social.

Lire le dossier : L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la préfecture de police ?

L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la Préfecture de police ? (11). La brochure « Les mouchards »

31 mercredi Juil 2019

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Document Musée social.

Au public

Outrageusement calomnié par le journalisme de toutes nuances, je viens devant le public me défendre et me justifier au grand jour. Il m’importe de dévoiler la trame des odieuses machinations qui ont abouti à l’accusation infâme lancée contre moi. Dénoncé à la vindicte populaire comme mouchard, des ennemis politiques m’ont condamné sans m’entendre.

Il faut que la lumière se fasse, soit que je prouve mon innocence, soit que mes accusateurs établissent leur dénonciation sur des faits irrécusables, car il ne faut pas que le public demeure sous l’impression vague qu’on laissée les seuls documents publiés jusqu’à maintenant. C’est donc pour ces motifs que je viens établir ma non-culpabilité et tâcher de dévoiler les mobiles qui ont poussé mes accusateurs à formuler sur mon compte une aussi monstrueuse calomnie.

Dévoué à la cause de l’émancipation du prolétariat, je n’ai jamais reculé devant les devoirs que la propagande impose ; ceux qui m’ont connu peuvent certainement l’affirmer.

Le meeting de la salle Lévis n’avait été organisé que pour faire entendre à la classe bourgeoise le cri de la Révolution. Je me suis rendu dans ce meeting, comme je suis souvent allé ailleurs, pour crier à la foule la parole de liberté et d’émancipation, pour affirmer la nécessité de la révolution, pour combattre tous ceux qui, par des moyens parlementaires, créent des obstacles à la marche en avant et la ralentissent ; pour l’exhorter à se méfier des politiciens qui n’ont d’autre ambition que celle d’escalader le pouvoir et de satisfaire leurs passions de gouvernementalisme.

Il est très compréhensible que les sentiments révolutionnaires des meurt-de-faim, innés chez l’homme et entretenus par les anarchistes, aient choqué les aspirations de ceux qui n’ont d’autre but que de conquérir le pouvoir et veulent diriger la révolution. Les sentiments de haine que ces gens-là nourrissent contre les anarchistes sont donc naturels. Acculés comme ils l’étaient, ils devaient se jeter dans les machinations les plus odieuses pour déconsidérer le parti qui travaille au renversement de tous les pouvoirs et de toutes les dictatures.

Qu’il plaise à ces gens-là de dénaturer mes paroles et de me faire passer, vis-vis du public, comme un agent provocateur, c’est leur intérêt politique, et l’histoire pourrait certainement nous montrer des cas analogues au mien.

On sait parfaitement que pour ces usurpateurs, la calomnie est une arme précieuse ; ils n’en ont déjà que trop usé. Mais elle vieillit aujourd’hui ; on n’accepte plus bénévolement les jugements déclamatoires, et dans mon cas, il s’est trouvé des individus qui ont demandé à réfléchir, ont examiné l’accusation, n’y ont pas ajouté foi et sont venus me prêter leur appui pour dévoiler les trames de ces vils calomniateurs.

J’avais déjà eu connaissance de certaines calomnies débitées sur mon compte antérieurement à cette affaire de la salle Lévis. Je n’avais pas songé à provoquer immédiatement les porteurs de racontars en discussion publique, en voyant la fragilité de leur accusation. Peut-être ai-je eu tort de mépriser ces bruits, car en se répandant, ils devaient fatalement conduire les ennemis des anarchistes à me choisir comme bouc émissaire.

On a pu voir les accusations imprimées dans le Cri du peuple, on a pu voir aussi avec quelle joie tous les organes bourgeois, monarchistes, capitalistes, intransigeants, radicaux, possibilistes et soit-disant révolutionnaires, se sont fait les complices acharnés du Cri du peuple, et sont parti de là pour conspuer et dénigrer tout le parti anarchiste. Lorsqu’on assiste à cet enthousiasme collectif de tous les journaux, on doit rigoureusement en conclure que les anarchistes sont véritablement les ennemis de l’organisation sociale…..

Il ne suffisait pas d’une simple accusation pour me tuer moralement et tuer les anarchistes. Il fallait quelque chose de plus neuf, de plus frappant, pour tromper le peuple et emporter d’autant les convictions. On a imaginé un coup de théâtre et organisé une véritable comédie. La troupe d’acteurs s’est pompeusement intitulée : Jury révolutionnaire.

Les individus se prétendant les régénérateurs de la société ont-ils réellement agi comme tels ?

Non. On a vu, en effet, ces gens-là se choisir mutuellement, se réunir à huis-clos et se poser en juges suprêmes et infaillibles pour condamner un homme, leur ennemi politique reconnu. Ce sont là les actes de fantoches sinistres, usant de clinquant, de boum-boum, de tam-tam pour abuser de la crédulité publique. Ils ont cédé à une haine commune, à un instinct de bestialité pour me juger, ils ont réveillé une sauvagerie assoupie pour ameuter contre moi tous les anarchistes et tous les préjugés du passé. Et je dois, certes, le constater, malheureusement la plupart de ceux qui se disent révolutionnaires s’étaient laissés endoctriner à première vue par leurs fantasmagories.

Pourtant il s’est trouvé des individus conscients ne s’enrégimentant jamais derrière quelqu’un, ne jugeant jamais que par eux-mêmes, qui sont venus au milieu du danger, me tendre une main chaleureuse, me soutenir et m’aider à résister au flot montant des injures et des infamies.

Nous leur ferons voir à ces insulteurs, qui nous sommes, et nous montrerons au public que ce n’est point ainsi que l’on abat les anarchistes. Nous sommes peu nombreux, c’est vrai ; mais les idées que nous semons ont plus de force que toutes les théories menteuses et surannées sur lesquelles les autoritaires de n’importe quelle couleur, tous ces aspirants aux gouvernements futurs cherchent à asseoir leur autorité.

Oui, ils croyaient ne trouver en nous que des hommes faibles, ils comptaient que la défection autour de l’accusé serait complète. Ils ne pensaient pas qu’il se trouverait des hommes sachant s’élever au-dessus de ces immondes intrigues.

Qu’à-t-on vu dans ce jury révolutionnaire ? Quelles sont les preuves qui ont été fournies sur ma culpabilité ? Quelles sont les questions qui ont été posées ? A qui ont-elles été posées ? Je démontrerai que rien ne subsiste de ce qui a été avancé contre moi.

Ce que l’on peut constater en passant, c’est que des individus, se posant en farouches adversaires des institutions sociales actuelles, se sont prostitués à ces institutions. Ils attaquent journellement la magistrature ; ils se sont choisis juges suprêmes et sans appel pour me juger ; ils crient à l’infamie de la police, ils se sont appuyés sur la police pour me condamner.

Je suis venu au Cri du peuple lorsque ce concile concluait ; je venais exiger ma comparution pour entendre les accusations et présenter ma défense. Je me suis heurté au plus obstiné des partis pris. J’ai vainement réclamé des éclaircissements, on s’est retranché lâchement derrière une résolution prise collectivement, derrière le fait accompli.

Je fus arrêté le lendemain, et je ne fus remis en liberté provisoire que quatre jours après. Immédiatement je m’occupai de prouver la fausseté des accusations portées contre moi.

Je profitai de qu’une réunion avait été organisée sous l’inspiration de quelques-uns de mes accusateurs, au groupe les Misérables, réunion à laquelle étaient invités tous les révolutionnaires sans distinction d’opinion. Je m’y présentai. Un rapport venimeux fut lu sur moi. Des questions me furent posées. J’y répondis. J’en posai aussi à mes accusateurs. Ils ne purent répondre avec franchise. Je les terrassai.

Mais cela était insuffisant et était en outre absolument en dehors de mon action. Aussi espérant rencontrer un certain appui chez des journaux qui se targuent d’une indépendance relative, j’adressai, m’appuyant pour ces communications sur les compagnons Cousson et Mollin, la note suivante aux journaux la Bataille et Terre et Liberté.

Aux anarchistes

Compagnons

« Attaqué violemment par le Cri du peuple, calomnié d’une façon odieuse, accusé d’être un mouchard ! Il est nécessaire d’expliquer les manœuvres indignes des misérables qui en essayant de me salir, visent bien moins ma personnalité, que l’idée à laquelle j’ai voué ma vie.

Condamné par un jury soi-disant révolutionnaire, je n’ai pu me défendre. Pires que la magistrature bourgeoise, les jurés du Cri du peuple prononcèrent leur verdict sans m’entendre.

Aux accusations lancées par le Cri du peuple, je démontrerai aux anarchistes les preuves de la fausseté de ces calomnies.

Ma vie privée est ouverte à tous, que tous ceux qui sont réellement révolutionnaires fassent une enquête et ils verront si j’ai vécu à la solde de Girard.

Le cri du peuple a annoncé mon arrestation en déclarant qu’elle était l’œuvre de la police pour me soustraire à la vengeance des anarchistes. Il s’est bien gardé d’apprendre à ses lecteurs ma mise en liberté provisoire qui eu lieu mardi matin avec celle des citoyens Leboucher et Ponchet.

De plus, le Cri du peuple, a annoncé une communication du groupe « Les Misérables » du XVe arrondissement pour la réunion de jeudi dernier. Je me suis présenté à cette réunion et il ne m’a pas été difficile de prouver les infamies lancées contre moi. Le Cri du peuple a fait la lâcheté du silence pour cette réunion.

On m’a dénoncé comme agent provocateur, parce que à la salle Lévis, les meurt de faim ont acclamé la révolution sociale, répudiant les palliatifs que voulaient leur proposer les pitres révolutionnaires de la foire électorale. On m’a accusé d’avoir engagé les travailleurs à sortit immédiatement dans la rue. C’est là un mensonge et le Cri du peuple s’est fait l’agent de la police en me dénonçant à la justice bourgeoise.

On a voulu me tuer parce que j’étais un obstacle à l’ambition de quelques soi-disant révolutionnaires.

Poursuivi par les tribunaux et accusé d’être un mouchard, je n’en conserve pas moins toute mon énergie. Dédaignant les attaques de quelques misérables qui se sont alliés au Cri du peuple et pour lesquels je n’ai que dédain et mépris ; je remercie les amis qui sont venus m’offrir leur concours pour démontrer la lâcheté des accusations lancées contre moi. Je démontrerai à tous, mon innocence, et anarchistes, je ne reculerai point devant les moyens pour me faire justice. Et qu’on sache bien que ce n’est point, dans le silence du cabinet que je donnerai les preuves de ma non-culpabilité. Au Cri du peuple et au jury déclarant leur mission terminée et qu’il n’y a plus de mouchards parmi nous, nous démontrerons à tous les révolutionnaires leurs infamies, nous jetterons à bas les masques, nous citerons non point des calomnies, mais des faits, rien que des faits. Et cela, nous le répétons, non point dans l’ombre, mais au grand jour, en pleine lumière. C’est ainsi qu’agissent tous ceux qui n’ont rien à redouter.

E. Druelle

7 rue Saint-Lambert Vaugirard

Malgré les insistances de ces deux amis, j’essuyai un refus forme. Ne pouvant compter sur aucun organe, nous décidâmes de marcher par nous-mêmes et de ne compter que sur nos propres forces. Aux deux camarades dont j’ai parlé vinrent s’en adjoindre plusieurs autres, parmi lesquels mon amis Faliès.

C’est alors que nous fîmes l’affiche collée sur les murs de Paris et ainsi conçue :

Pour paraître le samedi 27 décembre 1884

Les mouchards par Sabin-Druelle

prix 1 fr.

En vente sous les galeries de l’Odéon

Outrageusement calomnié par le journalisme de toutes nuances, je viens devant le public, au grand jour, me défendre et me justifier.

Eugène Druelle,

ouvrier électricien

7 rue Saint-Lambert Paris

Cette affiche annonce que dans une brochure je prouverai l’infamie des accusations. Cela sera fait. Mais, je l’avoue, des circonstances imprévues m’ont empêché de tenir ma promesse à l’heure dite.

Les recherches des preuves de ma non-culpabilité que j’ai dues faire avec mes trois camarades, m’ont entraîné très loin et ne m’ont pas laissé le temps matériel de publier ma défense. Mais je ne pouvais laisser passer la date fixée par moi sans m’expliquer. C’est dans ce but que je publie ces quelques pages, qui doivent, pour ainsi dire, servir de préface à ma défense.

En ce moment, nous sommes engagés dans des recherches plus approfondies, et il nous faut quelque temps encore pour livrer nos résultats à la publicité.

De plus, il faut manger pour vivre ; j’ai cherché et trouvé du travail qui me laisse peu de temps de liberté.Je ne puis donc faire tout ce que désirerais.

Aussi ai-je chargé pour ainsi dire, mes camarades Cousson, Falliès et Mollin de m’aider à sortir de la situation où je me trouve, en me sacrifiant leurs instants de liberté. Ce sera donc dans le courant de février 1885 que paraîtra irrévocablement ma justification.

Donc, que le public ne considère bien ce qui précède que comme une simple introduction à ce que j’ai à dire dans le livre Les Mouchards, livre dans lequel je dévoilerai avec des preuves à l’appui, par des faits irréfutables, les machinations odieuses ourdies contre moi et partant contre les anarchistes, dans lequel je saurai faire tomber les masques et mettre à jour les perfidies sans nom de mes lâches calomniateurs.

Alors, mais seulement alors, le public pourra juger.

Eugène Druelle

ouvrier mécanicien

7 rue St-Lambert, Paris

 

Les mouchards par Sabin-Druelle. Paris. En vente sous les galeries de l’Odéon. Dépot chez Gabriel Mollin 1 rue Godefroy. 1885

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