Double explosion au bureau du commissaire de police de permanence au Plais de justice.

ATTENTAT ANARCHISTE

Explosion d’une bombe à Lyon. Le commissaire et deux agents blessés.

(PAR SERVICE spécial)

Lyon, 9 février. L’audace des anarchistes ne connaît décidément pas de bornes.

Après la tentative criminelle de l’église Saint-Nizier, heureusement déjouée par la présence d’esprit d’un agent de police, voilà qu’ils s’attaquent maintenant au Palais de Justice, et cette fois l’explosion a eu lieu heureusement, disons-le tout de suite, sans causer de dégâts considérables.

Voici les faits vers onze heures du soir environ, l’attention du commissaire de police de permanence au palais de Justice était éveillée par une détonation assez forte qui venait de se produire dans la rue Saint-Jean, non loin de la porte de son bureau.

Il sortit pour se rendre compte de l’incident, accompagné de deux de ses agents.

A peine avait-il franchi le seuil de son bureau, qu’il aperçut sur le trottoir, tout contre la porte grillée donnant accès à un vestiaire desservant le poste des gardiens de la paix et le commissariat de permanence, une bombe dont la mèche fusait.
Il se précipita pour l’éteindre, mais il était trop tard, la bombe faisait explosion, blessant légèrement le commissaire et ses deux agents.

Détonation formidable.

Cette fois, la détonation avait été formidable et toutes les vitres du palais et des maisons avoisinantes sont venues joncher la rue de leurs débris.
Réveillé par le bruit, M. Pélagaud, substitut du procureur de la République, accourut et ouvrit immédiatement une enquête.

Il fit recueillir tout d’abord les débris de la bombe qui paraît être de confection très grossière et avait été chargée avec de la poudre ordinaire.
Comme celle de Saint-Nisder, elle était entourée de plusieurs enveloppes de chiffons et ligaturée avec des ficelles. Elle parait avoir contenu des projectiles.
Premiers renseignements.

Les voisins furent ensuite interrogés, et plusieurs déclarèrent avoir vu trois jeunes gens rôder autour de l’endroit où les bombes avaient été déposées.
Un d’entre eux affirme même les avoir vu de sa fenêtre déposer contre la porte l’engin explosif.
Chose singulière les auteurs ou l’un des auteurs de cette tentative criminelle, a dû être blessé d’une façon assez sérieuse, car on a retrouvé, sur un parcours assez long, une traînée de sang très apparente.

On m’assure, au moment où je quittons le palais de justice, que deux. individus auraient été arrêtés, puis relâchés.

Je n’ai pu contrôler le fait; la police paraît toutefois avoir des renseignements très précis.

Le Matin 9 février 1887

L’ATTENTAT DE LYON

Calcul machiavélique des criminels-Les abords du Palais-de-Justice après l’attentat.

(PAR SERVICE SPECIAL)

Lyon, 10 février. Voici les renseignements que j’ai pu recueillir des bombes:
A en juger par un examen de la façon dont s’est produite l’explosion, on reconnaît dans la manière de procéder une certaine analogie avec l’affaire de la bombe de Bellecour.

Les deux bombes ont dû être superposées.
La première avait pour but de donner l’éveil aux agents de service à la Permanence, et la seconde, plus forte que la première, devait donner la mort à tous ceux qui s’en seraient approchés. Ou connaît les résultats.

Au jour, l’aspect de la rue est étrange; le pavé est semé d’un grésil de verre pulvérisé, brillant au soleil.

Les boutiquiers sont sur le seuil de leurs magasins et constatent les dégâts causés par l’explosion à chaque fenêtre des maisons.

Chez Niermond, fabricant de cierges, les vitres ont été brisées derrière les volets fermés.
A la boulangerie Ducreux, on voit cinq trous de grande dimension et irréguliers par lesquels des morceaux de fonte ont pénétré dans l’intérieur.
Cinq des projectiles ramassés dans 1’arrière-boutique ont été remis entre les mains des agents de la sûreté.

Plus loin, les vitres du restaurant Dupont sont brisées.

Curieux détail à l’épicerie Bouchet, en face, une pendule placée sur un socle près de la porte d’entrée a eu son globe réduit en miettes.
A dix heures, l’animation est extraordinaire, la foule afflue sans cesse et les gardiens de la paix ont peine à la faire circuler.

L’affluence n’a fait qu’augmenter durant toute la journée. Beaucoup d’agents de la sûreté vont et viennent au milieu du public.

L’état des victimes.

J’ai pris ce matin à l’Hôtel-Dieu des nouvelles des deux principales victimes. La première a eu la jambe gauche traversée de part en part. Un morceau de plomb était resté dans la plaie; le docteur Pouchet en a fait ce matin l’extraction.

Cette blessure entraînera pour le malheureux commissaire de police une incapacité de travail de trente à quarante jours.

L’agent Perrin en sera quitte, avec ses deux plaies contuses dans le dos et sa blessure à la
main droite, pour garder le lit pendant vingt jours.

Quant aux deux autres blessés, l’agent Bollard et l’agent de la sûreté Claris, leurs contusions sont sans danger et n’entraîneront aucune interruption dans leur service.

L’enquête.

L’enquête sur l’affaire est confiée à M. Bastid, juge d’instruction.

Ce magistrat s’est transporté sur les lieux à quatre heures ce matin. Il était accompagné de M. Bloch, procureur de la République.

Les magistrats ont interrogé plusieurs des blessés, et notamment le gardien de la paix Bollard. Bollard a déclaré qu’au moment de l’explosion il s’était absenté pendant quelques minutes pour satisfaire un besoin naturel, et c’est au moment où il en revenait que la bombe éclatait.

Da son côté M. Schlesinger, commissaire de police du quartier, qui remplace M. Brault, blessé, a remis son rapport au parquet.
Les agents de la police politique et de la sûreté, sont en campagne. Aucune arrestation n’a encore été faite.
On aurait, parait-il, quelques indices qui permettraient de découvrir les coupables, mais tout cela est bien vague.

Il semble qu’on aurait pu mieux utiliser les agents que de les faire stationner en masse devant le palais.

Des mesures de sûreté ont été prises.

Tous les services sont doublés à la préfecture.
Les gendarmes sont venus renforcer le poste. Le commandant de gendarmerie et des officiers du de ligne se sont transportés sur les lieux.

Le Matin 10 février 1887