L’agent X2 a rencontré Segard début avril 1892. Document Metmuseum de New-York

Le 6 avril 1892

Les quelques anarchistes qu’on a vu lundi à St Denis ont dit que Mme Chaumartin aurait raconté à la femme Decamps qu’elle me soupçonnait de l’avoir dénoncée. La femme Decamps l’a bien reçue ! Et l’a engagée à s’abstenir de propos semblables en ajoutant que l’on pouvait m’accorder une confiance illimitée, qu’il n’en était pas de même à son égard. Ces propos ont été tenus avant l’arrestation de la femme Chaumartin.

Les anarchistes ne veulent plus voir m’entendre parler de la femme Chaumartin, ils ne savent quel mal dire d’elle et ils prétendent que la police l’a mise en liberté après l’avoir chargée de conserver, autant que possible, de bonnes relations avec les compagnons dans le but de chercher à savoir ce qu’ils pensent des derniers événements et ce qu’ils comptent faire dans l’avenir et qu’en récompense des services qu’elle pourra rendre on la paiera largement.

Ségard a presque avoué qu’il connaissait Ravachol, Béala, etc. et tous ceux qui sont inculpés dans les derniers attentats. Il déplore que ces braves anarchistes aient été trahis, il maudit les Chaumartin, sans eux, dit-il, jamais rien n’aurait transpiré, mais ajoute-t-il, « d’autres restent pour continuer l’œuvre de destruction, nous avons tout ce qu’il faut pour réussir. Quels que soient les obstacles nous les briserons ; nous atteindrons notre but, nous serons plus prudents, plus discrets et surtout plus cruels.

Nous commencerons par supprimer tous les membres de la presse, les policiers sans distinction, les députés, etc ». S’il faut l’en croire, sous peu, nous assisterons à de drôles de choses. On va surveiller cela de près, malgré leur soi-disant prudence et discrétion, on arrivera à les faire causer, sans en avoir l’air.

Le femme Decamps, lors de l’arrestation de la femme Chaumartin aurait favorisé la fuite de G. Mathieu. S’il s’est réfugié à Bruxelles, il ne doit pas être où il était l’année dernière. La femme qui l’aurait reçu chez lui et d’autres n’est plus en Belgique, elle vit maritalement avec Berthault qui habite Lille ou les environs.

Document Metmuseum de New-York

Quant à Chevalier, j’ai appris qu’il travaillait avec Chaumartin, à la voiture que l’on trouvée dans le petit atelier de la rue du Port, il connaissait Ravachol et d’autres et était au courant de leurs projets.

Ségard est bien surpris qu’il n’ait pas été inquiété.

Hamelin en quittant la prison de Mazas, où il était détenu, est venu voir Ségard. Il dit qu’il a presque rendu anarchiste un garde de planton à la porte de sa cellule. Ce garde lui aurait demandé son adresse ou donné la sienne, afin de pouvoir communiquer avec lui, recevoir des journaux, etc. Est-ce vrai ? Je l’ignore, mais Hamelin l’affirmait.

X. n°2

SOURCE : Arch. Préf. de pol. Ba 1132