Tribunal correctionnel de Lyon.

(Correspondance particulière de la Gazette des tribunaux)

Présidence de M. Giraud.

Audience du 22 avril.

Affaire dite du complot de Lyon. Société secrète. Affiliation à l’Internationale. Propagation des doctrines de cette association. Détention d’armes de guerre.

(Voir la Gazette des tribunaux des 22, 23 et 24 avril)

L’interrogatoire des prévenus s’est terminée à l’audience du 22. Nous publions la fin des explications données par eux au Tribunal.

Serre

D. Vous avez été condamné pour vol et vagabondage ?

R. Oui, monsieur

D. Vous avez prêté votre local pour des réunions ?

R. Oui, je croyais qu’il s’agissait d’une réunion d’ouvriers tisseurs ; n’ayant pu assister à la première réunion, je n’en connus le caractère que le lendemain en lisant le programme.

Durieux

D. Qui est-ce qui vous convoquait à ces réunions ?

R. Je n’ai jamais assisté à aucune réunion, je ne puis donc le savoir.

D. Bruy et Serre déclarent que vous assistiez aux réunions de Dubois et Serre ?

R. C’est à faux qu’ils m’accusent.

En effet, de la lecture des interrogatoires devant le juge d’instruction, il semble résulter qu’une similitude de noms a pu faire croire qu’il assistait aux réunions ; aucun des prévenus ne l’a vu. Tous rectifient leur déclaration en ce sens.

M. le président à Dubois : Durieux est-il venu chez vous ?

R. J’étais à cette réunion ; des noms ont été prononcés, entre autres le mien ; mais aucun nomination officielle n’ayant été faite, je n’ai pas cru devoir protester.

Dubois interrogé répond que l’accusé allait souvent chez lui, mais pour un tout autre motif.

D. La première réunion chez Dubois est-elle celle où Boriasse a présenté son programme ?

R. Oui, monsieur, je me souviens maintenant de ce fait. Je me souviens également que j’ai protesté vivement contre les divers articles de ce programme.

Gaillard explique ensuite comment il a été arrêté. Il se trouvait avec Damaisin et Roure. Lorsque les agents de police les abordèrent, Damaisin, qui se rendait compte de leurs intentions, se sauva ; les autres auraient pu en faire autant, mais ils préférèrent se livrer. Damaisin en fit autant quelques minutes après. L’accusé veut conclure que, s’il avait eu des délits sur la conscience, il ne se serait pas mis volontairement entre les mains de la police.

Busque

D. Vous avez été poursuivi, en 1870, comme affilié à une société secrète ?

R. La poursuite n’a pas eu de suite.

D. Vous avez fait partie du Comité d’émigration. Où se tenaient les réunions ?

R. Chez Garrin

D. A quelle époque ?

R. Je ne m’en souviens pas.

D. Vous avez été mis en rapport avec Chassan ?

R. Je n’ai jamais eu de relations avec lui.

D. A quelle époque avez-vous connu Gouttenoire ?

R. Je ne me rappelle pas. J’ai du le voir, pour la première fois, il y a deux ou trois ans, dans quelques réunions comme il y en avait tant à cette époque.

D. Votre femme n’a-t-elle pas porté des lettres à Saint-Etienne ?

R. Je ne sais pas.

D. Gillet a dit que c’était une dame Léo, de passage à Saint-Etienne, qui avait apporté des lettres de Lyon ?

R. Je n’ai jamais connu Gillet, je ne sais pas.

D. Une dame qui donne des leçons de piano, qui prend votre prénom, voilà de fortes présomptions pour qu’on puisse croire que cet intermédiaire était votre femme ?

R. Voilà une question à laquelle je ne puis répondre.

D. Vous avez assisté le 15 août au congrès de Lyon ? Vous étiez chez Garrin.

R. J’ai suivi Gouttenoire à Lyon ; me doutant du but de la réunion, je n’y suis pas allé.

D. Quand avez-vous retrouvé Gouttenoire ?

R. A la sortie ; je suis même descendu dans le sous-sol le chercher.

Les déclarations de Boriasse, Perroncel, Gillet et Gouttenoire attestent, en effet qu’il était resté en haut.

Lorsqu’il a été poursuivi pour affiliation à la société secrète, il croyait que la société ne s’occupait alors que de questions ouvrières. Il y a loin de là, dit-il, aux tendances révolutionnaires que la société a manifestées depuis et je réprouve complètement ses doctrines actuelles.

Sibilat*

D. Où avez vous connu Perret ?

R. J’étais un de ses camarades.

D. Vous avez assisté au congrès du 15 août ?

R. Je n’étais pas ici.

D. Laurençon déclare cependant avoir vu au congrès un grand jeune homme blond, qui portait des lunettes et qu’on nommait Sibilat

R. Ce doit être une erreur, il ne m’a pas reconnu à la confrontation.

D. Lachal a fait la même déclaration.

R. Je n’étais pas à Lyon ce jour là, j’étais à Montchat.

D. Perret vous a adressé Camet avec une lettre qui disait : « Tu traiteras Camet, non en non en communard, mais en ami. Tu sais que nous attendons prochainement la fin de la comédie versaillaise. La semaine verra peut-être la fin de toutes ces turpitudes. N’oublie pas de venir au rendez-vous ».

R. Je n’ai jamais eu de relations avec Camet **

*Orthographié Sibiliat dans le document

** le texte indique Sibilat.

Après cet interrogatoire, l’un des prévenus, Gillet, lit sa défense écrite ; la parole est ensuite donnée à Me Andrieux, défenseur de Polosse, Deville, Gouttenoire et Durieux.

La Gazette des tribunaux 25 avril 1874

Rhône (Lyon)

Les débats de l’affaire dite du complot de Lyon, se sont terminés à l’audience d’aujourd’hui. Une dépêche de notre correspondant nous fait connaître la décision du tribunal.

Polosse et Sibilat ont été renvoyés des fins de la prévention.

Camet et Gillet ont été condamnés à cinq ans de prison, les autres prévenus à des peines variant de six mois à trois ans d’emprisonnement. Tous ont été condamnés à une amende de cinquante francs et le tribunal leur a interdit l’exercice de leurs droits civils.

La Gazette des tribunaux 26 avril 1874