Ravachol                                                                      19 avril 1892
Rapport

Le nommé Ravachol a continué aujourd’hui à traiter les questions posées par Monsieur le directeur de la Conciergerie, de la manière suivante :

Quelle devrai être selon vous, l’organisation d’une bonne société ?

Une bonne société serait une grande famille qui comprendrait tout l’univers et où chacun travaillerait selon ses aptitudes, n’ayant pour stimulant que la nécessité et l’impulsion naturelle de la raison, guidée par le cœur.
Plus de salaire, pour le travail produit, égale jouissance pour tous de ce qui existe, diminution du travail, tel que tenir la comptabilité pour faire la répartition du gain des ventes et des achats.
Chaque production et produit seront emmagasinés dans des locaux placés dans chaque centre, où tout le monde puisera selon ses besoins, plus de falsification, plus de concurrence, les individus n’y ayant aucun intérêt.
Application forcée, pour ainsi dire, de ne faire que des choses bonnes et de premier choix, pour éviter de les recommencer et pour cela même, diminuer le travail.
Développement intellectuel au sujet du travail qui sera favorisé autant qu’il est possible puisque chacun pourra sans aucune difficulté, travailler à une amélioration, à une invention, ayant tout sous la main pour le faire et le concours de tous, de là encore diminution de la main d’œuvre.
Plus d’ambition, puisque l’on ne pourra plus s’enrichir, et qu’accumuler chez soi des produits ne servirait à rien, puisque tout le monde aurait droit, au même titre, de puiser dans les magasins.
Alors plus de vol, plus d’assassinat, plus de peur de son prochain.
Suppression de toutes les institutions actuelles devenues inutiles, à l’exception des hôpitaux, des maisons de santé, des maisons pour élever les enfants, pour les infirmes et les vieillards, création de maisons de convalescence.

Quelles sont vos opinions sur la religion en général et sur celle des curés en particulier ?

La religion est nuisible et les curés aussi, parce que je crois, ils enseignent l’erreur.
Ils font peur en frappant l’imagination, en parlant du diable et de l’enfer, ce qui peut occasionner à ceux-ci des maladies dangereuses, car moi, quand je croyais, j’avais peur, je n’osais pas faire le tour de l’intérieur de la maison, la nuit.

Croyez-vous à Dieu, à l’existence de l’âme et de son immortalité ?

Non

Croyez-vous qu’il faille une religion au peuple ?

Non

Que pensez-vous de la situation actuelle de la France ?

Je pense d’elle comme de toutes les autres nations, s’il y a des malheureux, cela tient à la base de son organisation.

Que pensez-vous du mariage et de la famille ?

La famille comme elle est aujourd’hui est égoïste, parce que l’on ne voudrait soigner rien que les siens.
Les enfants sont tous des êtres humains dignes d’intérêt, autant les uns que les autres.
Du reste, d’après mon système, les rapports sexuels seraient tellement variés que le père ne pourra plus s’occuper de ses enfants. La mère aimera toujours son sang, et dans le cas contraire, les enfants seront adoptés par des gens aimant l’adolescence ou placés par la mère elle-même dans un hospice.
Le mariage inutile, accouplement simplement par penchant, liberté complète de vivre ensemble ou de se séparer. De là, vrai amour, si deux personnes vivent ensemble.

Quel serait à votre point de vue, le meilleur système d’éducation de l’enfance ?

Le meilleur système ?
Serait de pousser l’enfant dans l’instruction selon ses aptitudes, le respect de ses semblables serait professé pour l’exemple et les bonnes institutions de la société.

Croyez-vous que l’homme ait le droit de se suicider ?

Oui, il doit pouvoir disposer de lui selon sa volonté.

Les inspecteurs
Laemmer, L écureuil, Charlet

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Sûreté                                                         Le 19 avril 1892
Rapport
Surveillance sur le nommé Ravachol

Nous avons l’honneur de rendre compte à Monsieur le commissaire de police, chef du service, que pendant la surveillance exercée de midi à 7 heures du soir, sur le nommé Ravachol, il ne s’est rien passé de particulier de nature à être signalé.
Le détenu a eu la visite de M. Puyrabaud, inspecteur des prisons et de M. le directeur de la Conciergerie de 5 heures à 5 heures et demie. M. l’inspecteur général a eu un entretien assez animé avec le détenu au sujet des théories anarchistes. Ravachol lui a tenu énergiquement tête.
A 6 heures, il est allé au parloir où son avocat l’attendait, il en est revenu à 6 heures ½.
Richer, Maigre, Sénart

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Sûreté                                                                Le 19 avril 1892
Surveillance sur le nommé Ravachol

Pour faire suite à nos rapports précédents au sujet de notre surveillance faite de 7 heures du soir à minuit à la Conciergerie sur le nommé Ravachol, n’a amené aucun fait de nature à signaler à notre service.
Le sus-nommé s’est couché à 9 heures du soir.
Nous avons été relevés par nos collègues Charlet, Lécureuil et Lesmer
Gallet, Richbourg, (illisible)

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Sûreté                                                            Le 19 avril 1892
Rapport
Surveillance sur le nommé Ravachol

La surveillance exercée sur le nommé Ravachol de minuit à 7 heures n’a rien amené pouvant intéresser le service. Il s’est levé à 6h1/4.
Nous avons été relevés par nos collègues Charlet, Lécureuil et Lesmer.
Gallet, Richbourg, (illisible)

SOURCES : Arch. Préf. de pol. JA 8 et Ba 1132