
BELGIQUE
On nous écrit de Bruxelles: Le mouvement socialiste qui était resté stationnaire depuis 1873 en Belgique, reprend depuis quelque temps la marche en avant. Ainsi, la fédération Boraine a organisé dimanche passé une manifestation qui nous rappela le grand mouvement de l’Association Internationale des Travailleurs en Belgique, en 1863-1870. En effet, treize sections y étaient représentées ou plutôt se trouvaient là réunies à la presque totalité de leurs membres; plus de dix mille ouvriers se trouvaient présents à cette fête.
Chaque section était précédée de son drapeau rouge, surmonté des emblèmes des ouvriers charbonniers : la hache, le marteau et le ravelin. Chaque groupe avait également un écusson, avec devise, et on lisait entre autres la devise de l’internationale : Pas de droits sans devoirs, pas de devoirs sans droits, et cette autre devise que les ouvriers arboraient lors de leurs dernières grèves: Du travail et du pain !
Le cortège se forma à la station de Flénu, où s’étaient données rendez-vous les sections, et à trois heures il se mit en marche pour se rendre à Frameries où devait se tenir le meeting. Arrivés dans cette commune, les travailleurs ont reçu la plus brillante réception de la part de leurs frères de travail et de souffrance. La plupart des ouvriers avaient arboré le drapeau rouge aux fenêtres de leurs habitations.
Arrivés sur la place, les travailleurs se sont séparés en quatre groupes se rendant chacun dans une salle pour tenir le meeting, car il n’y avait pas dans la commune une seule salle suffisamment grande pour contenir tant de monde. Là, des orateurs venus de Bruxelles, Verviers et Gand, aidés de ceux du Borinage, ont pris la parole et ont démontré la nécessité s’organiser et de s’entendre pour arriver à a solution du problème social. Toutes les nuances du socialisme belge y étaient représentées notamment, par les citoyens Fluche de Vervies, Anseele de Gand, Verrycken, Debuyger et Bertrand de Bruxelles, Monnier de Mons, Gandibleu de Jemmapes, etc. j’oubliais de citer le citoyen Fabien Gérard (dit l’Homme aux cheveux blancs) vieillard de 68 ans, qui marchait en tête du cortège et à qui on doit le réveil de la population boraine. Cet homme, que nous connaissons depuis la fondation de l’Association Internationale, n’a pas cessé un seul instant et dans toutes les circonstances de se faire le porte-voix des opprimés, et il a toujours soutenu dans le Borinage le drapeau de cette Association qui est le cauchemar de la bourgeoisie; aussi cette bourgeoisie ne lui pardonne-t-elle pas son dévouement à la cause du prolétariat, car il y a quinze jours il a été encore renvoyé de son ouvrage, ainsi que ses quatre fils. Mais nous sommes convaincus que les travailleurs borains ne l’abandonneront pas, surtout aujourd’hui, lorsqu’ils voient que ses efforts ont porté des fruits, et qu’il continuera à faire de la propagande comme par le passé.
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Dimanche prochain un meeting aura lieu à Gilly, dans le bassin de Charleroi, pour réorganiser les sections de l’internationale.
A côté de ce mouvement socialiste, il y a le mouvement rationalise qui, depuis quelque temps, a pris une grande extension. Des conférences et des meetings ont lieu dansions les grands centres industriels.
Un groupe communiste anarchiste est en voie de formation à Bruxelles. Son programme paraîtra dans quelques jours.
Durant l’agitation organisée à Bruxelles à l’occasion des expulsions récentes, les autorités ont tenu constamment sur pied la gendarmerie à pied et la gendarmerie à cheval.
11 n’y avait cependant pas à attendre de manifestation armée. Mais ces Messieurs ont la conscience si tranquille qu’ils craignent toujours de voir crouler sur leur front toutes les tuiles qu’ils méritent.
Décidément le gouvernement belge est devenu une compagnie de bourgeois expéditionnaires. Le cit. allemand Mathieu Esser, garçon de Café, a été expulsé pour le crime d’avoir fait des abonnements pour le journal la Freiheit, rédigé par Most, et qui est l’organe du Communistischer Arbeiter-Bildungs-Verein.
Comme son homonyme femelle, M. Barra continue à faire ses embarras.
Le Révolté 20 septembre 1879
Biographie de Fabien Gérard (dit l’Homme aux cheveux blancs) :

Originaire du Tournaisis, Fabien Gérard, né à Chapelle-à-Wattines en 1818, appartenait à une famille de fermiers. Destiné à la prêtrise, il avait commencé ses études. Cependant, il était aussi un homme révolté contre les injustices ce qui le poussa à quitter sa famille et à se rendre dans les mines du Borinage. Ses idées, son langage et son comportement le signalèrent à tous les patrons comme étant un provocateur. Ainsi, se retrouvant sans travail, il décide d’ouvrir une école destinée aux enfants du peuple à Wihéries. Au moment du « Grand complot », il est vendeur de journaux. Cependant, de nombreuses sources indiquent qu’il aurait participé à ce dernier. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que, d’un point de vue historique, ce « Grand complot » repose sur une grève générale en 1888 des mineurs du Borinage organisée par le Parti Socialiste Républicain, mouvement dissident du Parti Ouvrier Belge fondé par Alfred Defuisseaux. Ainsi, cette grève connue par la Sûreté de l’Etat fut arrêtée et un procès jugeant et condamnant l’ensemble des militants eu lieu en mai 1889.
Il décède le 19 avril 1892 à Wihéries.
D’après Dour et sa folle histoire : http://www.douretsafollehistoire.be/2019/04/30/fabien-gerard/
Lire le dossier : Grèves, meetings, attentats à la dynamite dans le Borinage (Belgique). Décembre 1879-janvier 1880