Honoré essaya de planter le drapeau noir sur le kiosque de la Place

Le Journal de Mons donne sur la grève les renseignements suivants : « L’Organe était bien pessimiste hier ; il annonçait que la grève avait repris au Flénu, que les grévistes avaient une attitude menaçante et qu’il était question d’envoyer des troupes à Cuesmes.

Il semble vraiment que d’aucuns prennent plaisir à effrayer le pays ! »

Il n’a pu être question d’envoyer la troupe, attendu que les houilleurs qui ont quitté leur travail au Levant du Flénu n’ont commis aucun désordre. Voici ce qui s’est passé à Cuesmes :

Etant retournés au travail, les ouvriers des n°14, 15 et 17 du Levant du Flénu ont appris qu’ils ne pouvaient plus être occupés que 3 jours et demi et 4 jours par semaine. Cette mesure souleva de leur part des protestations et ils résolurent de se mettre en grève. Hier dans la matinée, des rassemblements se formaient sur différents points de la commune de Cuesmes et des groupes, dans lesquels on remarquait des femmes et des enfants, allaient de porte en porte demander du pain. Ils allèrent chez M. le curé, qui leur donna 10 francs.

Dans la matinée, les grévistes se groupèrent autour d’un drapeau noir que portait un nommé Honoré et que celui-ci essaya de planter sur le kiosque de la Place. Mais M. le commissaire de police intervint, et après avoir arraché le drapeau des mains d’Honoré, il dressa procès-verbal. Les grévistes chantaient :

Malgré des yards de plusieurs

On ne s’lèvera plusieurs

Pour r’tourner au Flénu.

Le rassemblement formé sur la Place devenant fort bruyant, M. Halbrecq, bourgmestre, apparut sur le seuil de la Maison communale et prononça quelques paroles bienveillantes, se déclarant disposé à se faire, auprès de M. le directeur du charbonnage du Levant du Flénu, l’interprète des grévistes, s’ils voulaient se montrer raisonnables.

Ceux-ci se calmèrent aussitôt et se dispersèrent après avoir dit qu’ils retourneraient au travail dans les mêmes conditions qu’avant la grève.

M. Léon Halbrecq put leur annoncer jeudi matin que sa démarche avait abouti, que les anciennes conditions seraient provisoirement maintenues et la plupart des ouvriers sont retournés à leur fosse, à l’exception d’une centaine, qui reprendront très probablement le travail demain. La grève peut donc être considérée comme terminée.

Journal de Bruxelles 3 mai 1879

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BELGIQUE.

LES GRÈVES.

De grandes grèves avaient éclaté dernièrement dans les houillères de Belgique. Au Borinage, environ 15,000 travailleurs se sont mis en grève. Inutile d’ajouter que le gouvernement libéral a immédiatement expédié des troupes pour rappeler aux mineurs les fusillades de 1868.

La grève se termina sans aucun résultat pour les ouvriers, faute d’entente et d’organisation. Mais les patrons en profitèrent pour réduire les salaires, déjà très maigres.

Alors, au Borinage, à Cuesmes, les grévistes se sont aperçus qu’ils ne gagneraient rien par leur attitude calme. Il y eut des rassemblements. Des groupes nombreux d’ouvriers sortirent drapeau noir en tête, pour l’arborer sur la place publique. Les patrons comprirent que l’emblème noire signifiait cette fois-ci : mort aux patrons, et ils s’empressèrent de céder, en refusant d’insister sur la réduction des salaires.

Et après cela, ces anarchistes vont encore nier l’efficacité des moyens pacifiques?

Le Révolté 31 mai 1879

Lire le dossier : Grèves, meetings, attentats à la dynamite dans le Borinage (Belgique)