Copie d’un rapport du préfet de l’Aisne en date du 26 avril 1892
Monsieur le ministre,
Je suis informé que le parquet de Saint-Quentin après avoir procédé à l’interrogatoire des anarchistes arrêtés ces jours derniers, aurait l’intention de mettre immédiatement en liberté la plupart d’entre eux.
Je n’ai pas à apprécier, au point de vue du droit, les charges qui peuvent peser sur les inculpés, mais la mesure qui m’est annoncée serait tellement inopportune que je viens d’écrire à M. le procureur général pour lui demander de maintenir les arrestations jusqu’au 1er mai.
L’impression produite par la mesure énergique prise par le gouvernement a été excellente et j’attribue en grande partie à cette mesure le calme relatif de la réunion anarchiste de lundi dernier. La masse ne se rend pas bien compte du motif de ces arrestations, elle ignore que des poursuites doivent être exercées en vertu de l’article 215 du code pénal et croit qu’il s’agit d’une mesure préventive exercée contre des gens notoirement connus comme des fauteurs de troubles. Une ordonnance de non lieu rendue en ce moment détruirait cette crainte salutaire, aussi je n’hésite, Monsieur le ministre à vous prier d’agir au besoin auprès de M. le garde des sceaux, pour obtenir le maintien des arrestations opérées jusqu’après le 1er mai.
Source : Archives nationales BB18 6450
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