Deux formidables détonations retentirent près de la porte de la cathédrale qui communique avec l’évêché.

On sait que Mgr Fava, évêque de Grenoble, par l’énergie de son attitude et la fermeté de ses déclarations à l’endroit de la franc-maçonnerie, a l’honneur d’être particulièrement désigné à la haine de la secte. Aussi pouvait-il paraître vraisemblable qu’au nombre des ennemis du prélat il se trouvât un détraqué, plus criminel qu’inconscient, pour placarder à son adresse des menaces de mort. C’est ce qui serait arrivé à Grenoble, si l’on en croit un journal radical de cette ville. De deux affiches dont cette feuille donne le texte, nous reproduisons la moins extravagante :
Au nom du peuple de la liberté ! .
Le tribunal secret a condamné, en audience privée, le 2 janvier, M. Amand-Joseph Fava, ci-devant évêque de Grenoble, à la peine de mort!
En conséquence, le président du tribunal secret mande et ordonne, à tous les dépositaires de la justice, de mettre le présent jugement à exécution,
A savoir, que M. Amand-Joseph Fava, ci-devant évêque de Grenoble, doit mourir dans les quinze jours qui suivent le jugement.
Fait à Vienne, le 8 janvier 1887.
Le président,
D. T. P. V, A. +

Le trésorier,
R. L. W. +

Lundi soir, au moment de la fermeture de la cathédrale, ces menaces parurent avoir un commencement d’exécution ; deux formidables détonations retentirent près de la porte qui communique avec l’évêché.
L’église fut aussitôt remplie d’une épaisse fumée.
Dès que la détonation fut entendue à l’évêché, M. le chanoine Meresse, secrétaire intime de Mgr Fava, descendit pour voir ce qui s’était passé. Il ne constata aucun dégât matériel, mais une simple trace de poudre sur le seuil de la porte.
Le Salut Public dit que la police a ouvert une enquête.
Nos renseignements particuliers confirment d’autre part l’opinion du Nouvelliste de Lyon, qu’il ne s’agit que d’une odieuse fumisterie.

L’Univers 14 janvier 1887

La deuxième affiche, écrite à l’encre rouge, est ainsi conçue :

En conséquence,

Moi dépositaire des glaives de la justice du tribunal secret, je donne avis à Monsieur Fava, évêque de Grenoble, que, quand un despote persécute le peuple, le peuple supprime le despote !

Vous êtes un despote religieux ; – le Christ pardonne à ses bourreaux ; vous, lancez vos foudres épiscopales sur ceux que vous devriez respecter, sur ceux qui vous nourrissent et qui daignent avoir l’indulgence de vous laisser remplir votre saint ministère.

Drôle de ministère ! Qui consiste à faire aimer le roi et haïr la République !

En voilà assez, n’est-ce pas, Monsieur Fava, ou bien Armand-Joseph pour ces dames… les bigotes ou les béates !

Fougueux évêque, vous avez presque fait trembler la République sur son tr^ne ! C’est parfait, plus que parfait, tout ceci éclipse le verbe, qui n’est qu’un pleutre auprès de vous. – Vous avez bien rempli votre devoir de prélat, mes compliments !

Mais en voilà assez, le peuple se lasse, vous nous g^nez, nous vous supprimons, vous devez mourir, vous mourrez.

Vous avez trop longtemps prié Dieu, priez le diable ; car lui seul peut vous tirer de nos griffes ; priez-le, Monsieur Pava, il vous donnera la vie en échange de votre âme. Ainsi soit-il.

Le tribunal des vengeurs vous a désigné à sa justice, vous subirez la sentence.

L’exécuteur du tribunal secret,

L. W. V.+

Le Salut public 12 janvier 1887

Isère. Une correspondance de Grenoble, adressée à l’Express, donne de nouveaux renseignements sur les menées de ceux qui adressent des lettres de menaces à Mgr l’évêque de Grenoble :

L’enquête commencée par le commissaire de police pour découvrir les auteurs de l’attentat commis à la cathédrale est, parait-il, en bonne voie.

De nouveaux placards ont été collés hier sur les portes de la cathédrale ; ils ont été presque aussitôt enlevés. Le même forcené ou le même fumiste, le nom ne fait rien à la chose, a apposé sur les murs du Palais de justice, une lettre manuscrite, écrite à l’encre rouge et renouvelant ses menaces à Mgr Fava, évêque de Grenoble.

Ce dernier placard a du être collé en plein jour, car il n’a été enlevé que dans l’après-midi.

Toutes ces lettres de menaces sont écrites à l’encre rouge et signées des initiales mystérieuses L. W. V. accompagnées d’un sigle cabalistique ayant la forme d’un poignard. L’écriture est contrefaite, cela est certain, mais elle est droite, ferme et régulière, ce qui prouve certainement que son auteur n’est pas un enfant ni même un jeune voyou comme l’ont prétendu certains journaux.

On a trouvé sous la fenêtre du concierge de l’Evêché une bouteille enveloppée d’une feuille de papier et dans laquelle avait été placé un pétard.

Cette bouteille enlevée par le concierge renfermait une petite ficelle au bout de laquelle était placée une lettre de menaces avec cette inscription, à l’encre rouge : « Troisième et dernier avertissement ».

Cette bouteille d’abord jetée et brisée par le concierge a été recueillie ensuite et remise à M. le commissaire de police.

Le Salut public 15 janvier 1887