Réunion anarchiste. Excitateurs et Excités. — Un agent frappé à coup de tiers-point. Arrestation.

L’Alliance franco-russe traitée par les anarchistes à la salle Mérot, ça pouvait être intéressant. Aussi nous nous sommes rendus samedi à la réunion de ces politiciens fumistes, comme à une partie de plaisir. Les Paulus de la bande devaient nous égayer. Ils n’y ont pas manqué.

Il y avait environ 400 spectateurs à la réunion qui portait comme programme : Echauffourée de Clichy (encore ); l’alliance franco-russe, éventualité d’une guerre; attitude des révolutionnaires.

On avait invité MM. Revest, Laur et Déroulède. Bien entendu ni l’un, ni les autres, n’ont répondu à l’invitation.

Gomme orateurs: les compagnons Martinet, Tortelier, Viard. etc… Les discours peuvent se résumer ainsi : Répétez une cinquantaine de fois de suite; canaille le Tzar ! assassin comme Constans ; misérable Gouvernement, bandits, escrocs, voleurs, ignobles gredins, vengeons nos «frères de Clichy »! — et vous avez la substance des « éloquents discours » des compagnons.

Les spectateurs ont applaudi les artistes qui jouaient nature.

Les compagnons malgré leurs menaces ne sont pas dangereux ; comme les choristes d’opéra criant « marchons, marchons ! » et qui ne bougent, messieurs les anarchistes clament « vengeons nos frères! » et… s’en vont prendre des bocks.

Ce sera toujours les quelques naïfs qui auront tenté d’appliquer les théories de ces messieurs qui paieront pour eux s’ils se laissent aller à essayer d’éventrer quelque agent en service.

D’autres orateurs ont engagé les conscrits à refuser de tirer au sort et à apprendre à tirer pour tuer leurs chefs et non les Prussiens, si on les mène au feu.

Craignant quelques désordres à la sortie de la réunion, M. Bélouino, commissaire de police et M. Marie, secrétaire, ont dirigé un service d’ordre aux alentours de la salle Mérot, sans que toutefois personne se fut aperçu d’un déploiement inusité de police.

A l’issue de la réunion, les anarchistes se sont rendus place aux Gueldres en chantant la Carmagnole.

Les agents s’y trouvèrent en même temps qu’eux. C’était le moment de venger les «frères de Clichy ».

Pour accomplir cette vengeance, Martinet, Viard et quelques autres sautèrent dans le tramway…

Un seul individu, nommé Morin, garçon de café, armé d’un tiers-point, en porta un coup violent dans le dos d’un agent. Un passant dont nous regrettons d’ignorer le nom et qui avait vu cet acte de lâcheté, sauta sur le bras de Morin et détourna le coup.

L’agent Pique l’arrêta et l’emmena au dépôt. Pendant ce temps, nous le répétons, les chefs Martinet, Viard et autres allèrent prendre des bocks à la santé du malheureux imbécile qui avait tenté de frapper l’agent. Toujours la même chanson.

A part cette arrestation, il ne s’est produit aucun incident et la manifestation projetée sur la voie publique n’a pu avoir lieu.

De Beauchamps

Journal de Saint-Denis 17 septembre 1891

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