Londres, 26 août 1885.

Aux Groupes Anarchistes

Compagnons, nos s assistons depuis quelque temps à un gaspillage de forces, qui ferait presque croire qu’il y a parmi nous des influences intéressées à ce que le parti anarchiste s’épuise en des efforts vains, d’où naissent bien vite le découragement et le dégoût. Nous croyons qu’il n’y a qu’une manière d’envisager la propagande, et nous sommes persuadés qu’après réflexion, chacun comprendra qu’il est grand temps de donner à la propagande collective une cohésion sans laquelle elle ne peut donner de sérieux résultats. Parmi les erreurs qui se commettent souvent parmi nous, il en est une qui a amené le groupe « l’Autonomie » à se poser celte question qu’elle soumet a tous les groupes anarchistes de langue française :

Un ou deux journaux paraissant régulièrement toutes les semaines, ne feraient-ils pas plus de propagande que n’en font les 5 ou 6 qui paraissent deux ou trois fois et cessent brusquement leur publication faute de ressources ?

Le groupe l’Autonomie s’est prononcé pour l’affirmative, il croit que le parti trouverait dans cette unique double ou triple publication des avantages réellement supérieurs à ceux obtenus jusqu’à ce jour.

1° parce que les efforts de tous les groupes se concentrant sur un nombre restreint de journaux, leur permettrait de paraître à époques fixes, leur fournirait les moyens d’agrandir leur format, ce qui donnerait, aux compagnons, la facilité de traiter les questions, qui nous intéressent, d’une façon plus complète qu’ils ne peuvent le faire aujourd’hui où la place leur est parcimonieusement est forcément ménagé.

2° parce que les ressources étant suffisantes, rien ne pourrait arrêter l’impression et l’expédition régulière des journaux, condition indispensable pour arriver à les faire pénétrer parmi ceux que la propagande socialiste n’a pas encore entamés.

3° parce que toute la bande de filous intéressés à nous clore la bouche, ne pourrait nous empêcher de faire face à nos engagements envers le public ouvrier qui nous lit. Ce oui ne serait pas à dédaigner, car avec le mode de publication actuel, on voit tous les jours se produire cette chose que l’on peut hardiment qualifier de mauvaise : des journaux anarchistes disparaissant en léguant a leurs confrères des charges qui ajoutées à celles, déjà lourdes qu’ils supportaient les font disparaître aussi. Toutes ces fautes découlent d’une même source, de la fausse interprétation de l’anarchie.

Oui, jusqu’à présent, on a pris ce mot trop au pied de de la lettre, ou pour mieux dire, dans le sens qu’y attachent nos systématiques calomniateurs les bourgeois. On a cru qu’anarchie signifiait absence d’organisation, nos nous réservons de traiter ce thème in extenso une autre fois ; en attendant nous croyons utile de relever que l’anarchie consiste justement dans la combinaison des forces dans la marche spontanée des individus dans un but commun. Ce qui veut dire que nos devons nous entendre, nous resserrer autour de notre drapeau, de marcher ensemble la main dans la main vers le but désigné par nos principes. Tout cela doit se faire volontairement, sans aucune contrainte ; voilà en quoi consiste l’anarchie, justement, parce que nous nous croyons dignes d’être tout à fait libres, nous devons faire de cette liberté le meilleur usage possible : c’est pourquoi nous devons, quelquefois, faire le sacrifice de nos penchants individuels à la cause commune.

Nous devons rechercher d’amener tous nos amis a une entente cordiale, à seule fin que les forces se réunissent et que, au lieu de nous limiter a des efforts vains et a des sacrifices inefficaces, que notre œuvre ne soit pas sans effet, pour cela, nous n’avons besoin que d’un peu de bonne volonté. Soyons unis, entendons nous, dirigeons nos forces sur un moins grand nombre de buts, et nous ne tarderons pas a reconnaître les avantages d’une telle tactique.

Nous ne voulons pas avec cela limiter la liberté de personne, et en retournant à la question des journaux nous ne voulons pas interdire a tel ou tel groupe ou individu de faire les publications qu ils jugent nécessaires, loin de là, nous voulons les inviter seulement à bien examiner, avant de se décider, pour une nouvelle publication, s’il ne serait pas plus utile de destiner les fonds nécessaires, pour réaliser leur idée, au soutien de la presse socialiste déjà existante, et nous sommes sûrs que, neuf fois sur dix, cette utilité sera reconnue.

Cette manière de procéder fera gagner à la presse anarchiste, beaucoup plus en qualité quelle ne perdra en quantité, et la propagande sera plus efficace et son influence mieux sentie.

Voilà compagnons ce que nous nous sommes dit, et nous avons cru devoir vous communiquer notre pensée parce que nous croyons que tout ce qui a trait à la propagande peut et doit être rendu public, autant que possible, ou au moins avoir parmi nous la plus grande publicité. Nous espérons que vous voudrez bien nous communiquer les objections que vous pourrez trouver à faire sur la proposition qui fait l’objet de cette communication, à seule fin que nous arrivions promptement a créer, parmi nous, la cohésion nécessaire pour accélérer la marche de nos idées.

Le groupe anarchiste international de langue française, l’Autonomie.

Toutes les communications doivent être adressées au compagnon Dairy, 17, Wells Street, Oxford Street, London, W.

Le Révolté 30 août 1885

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