Sans l’intervention de l’armée, les grévistes auraient mis le feu à l’établissement selon le commissaire de police de Seraing.

Le 20 avril 1884, à la salle Legrand, une Caisse de résistance des ouvriers houilleurs était crée. Kools donna lecture du règlement de la société, il expliqua et commenta chaque article. La cotisation était de 30 centimes par quinzaine. Cette cotisation serait perçue à domicile, par un délégué et en secret. Il n’y aura que deux membres qui connaitront les adhérents, ceci afin d’éviter les « tracasseries » des patrons et surveillants. Les affiliés en cas de grève toucheraient 2,50 francs par jour.

L’hiver 1884-1885 avait été très rude et l’industrie avait connu une forte crise, les chômeurs étaient très nombreux.

Selon un rapport du commissaire de police de Seraing du 31 janvier 1885 : « Les ouvriers sont de plus en plus excités, ils crient en rue, on peut s’attendre à une grève et devant l’attitude menaçante des ouvriers, à des émeutes, de grands désordres, des victimes aussi en cas de grève. Nous sommes en trop petit nombre pour résister à la horde des ouvriers déchainés . »

Des divergences existaient au sein de la population ouvrière de Seraing : les ouvriers du Molinay étaient partisans des moyens pacifiques, tandis sue ceux du quartier de la Troque voulaient user de moyens plus révolutionnaires.

Le 22 ou le 23 avril 1885, des rassemblements se formaient dans la rue Léopold et à la Troque. Durant deux ou trois jours, les habitants des deux quartiers rivaux s’insultèrent.

Le 26 avril, les rassemblement atteignirent jusqu’à 2.000 personnes et l’on en venait même à se tirer dessus.

Le 27 avril des scènes d’une sauvagerie féroce avaient lieu rue Léopold. Les ouvriers du quartier Molinay s’en prenaient à ceux d’El Trock.
Des centaines de combattants en finissaient par en venir aux mains : on se lançait toutes espèces de projectiles, des coups de revolver furent échangés, il y eut de nombreux blessés et des bris de carreaux. La police et la gendarmerie firent des arrestations. Parmi les personnes arrêtées figurait une femme qui portait un revolver et 24 balles.1

Ces bagarres durèrent jusqu’au 30 avril.

Des bandes de chômeurs parcourraient Seraing en criant : « A bas le gouvernement et mort aux patrons ! », la foule n’hésitait pas à jeter des bouteilles contre les policiers.

Le 3 juillet 1885, Counet de la Ligue ouvrière conduisait les ouvriers dans les rues et leur faisant crier : « Qu’ils crèvent les patrons ! ». Il était arrêté.

En novembre 1885, le baron Sadoine, directeur de Cockerill, recevait quotidiennement des lettres de menaces de mort.

Le 10 mars 1886, le commissaire de police de Seraing notait la présence de Warnotte aux abords de Cockerill et celle de l’anarchiste Calixte de Montegnée (commune de Saint-Nicolas, province de Liège).

Le 17 mars Warnotte était de nouveau parmi les ouvriers de Seraing.

Le 18 mars 1886, à 15 heures, plusieurs centaines d’ouvriers quittaient Seraing en criant : « A bas Malou. Vive la République ». Ils annonçaient qu’ils feraient la grève générale pour protester contre les diminutions de salaires.

Ils rejoignent à Liège, les travailleurs de Tilleur, Ougrée, Herstal, Saint-Nicolas. Ceux de Seraing étaient précédés d’un drapeau rouge.

Le 19 mars, dès 7 heures du matin, les houilleurs de Seraing se mettaient en grève et remontaient à la surface en criant : « Vive la République ». Ils manifestèrent en tenant des mouchoirs rouges en guise de drapeaux. La population de Seraing applaudissait les manifestations des grévistes. Des petites réunions improvisées sont l’occasion pour des militants d’inciter les ouvriers à se rendre de nouveau à Liège. La grève était générale au Many, à Marihaye et au Grand Marquet. A midi, il n’y avait plus que quelques houilleurs qui travaillaient encore.

Le bourgmestre interdisait les rassemblements de plus de trois personnes, ainsi que la présence des houilleurs dans les meetings.

Malgré cela un meeting était annoncé le 21 mars, à la Renommée où deux anarchistes verviétois devaient parler. Mais la gendarmerie gardait l’entrée de la salle où devait se tenir le meeting. Les ouvriers voulurent forcer le passage et une échauffourée s’ensuivit entre les soldats et les ouvriers, provoquant des blessés. Profitant de la confusion, plusieurs centaines de personnes pénétrèrent dans la salle où elles écoutèrent les anarchistes Rutters et Warnotte qui prêchèrent la rébellion contre la troupe mais ne réussirent pas à entrainer les métallurgistes présents à entamer cette action.

Les partisans des anarchistes restés dans la salle, les gendarmes tentèrent d’y pénétrer, il en résulta une bagarre au cours de laquelle deux ouvriers furent blessés. Devant cette brutalité, les anarchistes redoublèrent leurs conseils de violence, les ouvriers huèrent les gendarmes, lancèrent des projectiles sur les soldats, un cheval fut grièvement blessé, « les représailles furent terribles pour les ouvriers » dira le commissaire de police.

A la suite de cette émeute, les ouvriers se déchainèrent et provoquèrent de graves désordres dans Seraing. Ils brisèrent des vitres chez plusieurs particuliers et notamment chez Kamp, directeur de charbonnage, ils pillèrent plusieurs magasins.

Dans les réunions, les houilleurs proclamaient les raisons qui les avaient poussé à la grève et réclamaient des augmentations de salaires et de pouvoir remonter une fois leur travail terminé, sans attendre au fond de la mine dans l’humidité. Ils dénonçaient le trop grand nombre de directeurs et d’ingénieurs qui ne faisaient rien et gagnaient plus que 40 ouvriers.

Dans la nuit du 21 au 22 mars, les gréviste apprennent qu’un jeune enfant aurait été tué par des officier à Tilleur, un meeting était organisé à 3 heures du matin, pour protester contre la manière d’agir des officiers et blâmèrent les patrons qui supportaient à leur table « des assassins d’enfants ».

La colère montait et le 22 au matin, un groupe de puddlers de chez Cockerill parcourait les rues du quartier du fond de Seraing, en criant : « Vive la République ».

Le 22 à midi, tout le bassin minier était pratiquement en grève mais des plaintes commençaient à naître parmi ceux qui n’avaient pas adhéré à la Caisse de résistance., l’argent commençait à manquer et certains recourraient à la mendicité, immédiatement traqués par la police.

A trois heures de l’après-midi, un meeting réunissait plus de 3.000 ouvriers à la salle Legrand, ils discutaient avec violence et un grand nombre d’entre eux étaient armés de revolvers ou de pierres.

Un homme nommé Jacobs, qui regardait par la fenêtre de sa maison, fut tué par un soldat. A la suite de cette mort, une émeute éclata à Lize. De nombreuses arrestations furent opérées dont celle de l’anarchiste De Ridder « capitaine de la bande des anarchistes » selon le commissaire de police.

Le 24 mars eurent lieu les funérailles de Jacobs, 30 ou 40 personnes purent accompagner le cercueil jusqu’au cimetière où une foule attendait à l’entrée mais la troupe ne laissa pénétrer que la famille.

Le 25 mars, le baron Sadoine, le directeur de la société Cokerill fit afficher un avis stipulant que la direction était décidée à rendre le livret aux ouvriers qui le demanderaient et à renvoyer sur le champ tout ouvrier qui qui voudrait continuer la grève.

Le même jour l’anarchiste Wagener se trouvait à Seraing.

Les ouvriers de Cokerill quittèrent le travail et la grève devint générale dans l’entreprise.

Le baron Sadoine directeur général, dans le courant de la journée se rendit au milieu de ses ouvriers mineurs et leur déclara : « Vous savez tous combien je vous suis dévoué ; vous savez les efforts que je fais pour vous procurer du travail. Malgré mon âge, j’ai parcouru récemment dans ce but l’Europe presque tout entière. Vous me verrez encore bientôt entreprendre un nouveau voyage à l’extrémité du continent. Est-ce pour la Société que je me donne toutes ces peines ? Non, car vous savez aussi bien que moi qu’en ce moment nous travaillons à perte. C’est donc uniquement pour vous permettre de travailler vous-mêmes, de subvenir à vos besoins, à ceux de vos femmes et vos enfants. »2

La déclaration de leur directeur, incita ses ouvriers à se rebeller, « ils auraient mis le feu aux établissements, sans l’intervention de l’armée. »3

La grève à Seraing et les confrontations continuèrent le 26, 27 et 28 mars.

Le travail reprit à Seraing le 30 mars.

1. La Meuse 28 avril 1885

2. La Meuse 25 mars 1886

3. Registre de procès-verbaux, 25 mars 1886. Archives de l’administration communale de Seraing sur Meuse.

Source : NIHOTTE-LACROIX Violette, Contribution à l’histoire du socialisme à Seraing-sur-Meuse entre 1848 et 1900, Liège, mémoire de licence, 1955-1956

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