Parquet du procureur de la république à Roanne (Loire)
Roanne le 22 avril 1892
Monsieur le garde des sceaux,
J’ai l’honneur de vous rendre compte de l’exécution des instructions que vous avez bien voulu me transmettre par l’intermédiaire de M. le procureur général, concernant les anarchistes de Roanne.
Hier, dès mon retour de Lyon, je me suis concerté avec M. le sous-préfet et nous avons arrêté une liste des 15 anarchistes les plus dangereux dont je vous adresse les noms. Des mandats d’arrêt ont été décernés pour être mis à exécution le lendemain matin. Les brigades de Roanne ont été renforcées de 15 gendarmes pour pouvoir effectuer au même moment toutes les arrestations.
Cette nuit, à 3 heures du matin, j’ai réuni les commissaires de police, leurs agents et les gendarmes. A 4 heures 1/2, des escouades composées chacune de deux gendarmes et d’un agent de police se sont rendues chez les anarchistes qui ont été tous mis en état d’arrestation à l’exception du nommé Gay qui était absent de chez lui depuis deux jours ; dès son retour à Roanne, il sera arrêté. En même temps les commissaires de police ont effectué des perquisitions qui sont restées sans résultat. Il fallait, du reste, s’y attendre car, l’an dernier, à la veille du 1er mai, des visites domiciliaires avaient également été effectuées et les anarchistes devaient avoir caché les pièces compromettantes qu’ils pouvaient posséder.
On a saisi chez plusieurs d’entre eux des journaux anarchistes. Au domicile du nommé Vially, on a trouvé un revolver chargé. Enfin chez le nommé Recorbet, on a découvert les timbres des deux groupes anarchistes La Jeunesse anti-patriote et les Sans Pitié dont je vous transmet le spécimen. Chez ce dernier on a également saisi un carnet sur lequel sont mentionnés les noms d’un certain nombre d’anarchistes du Rhône, de la Loire et de l’Isère ; j’ai donné télégraphiquement à mes collègues des instructions pour faire effectuer chez eux des perquisitions et rechercher s’ils ont en leur possession des documents établissant une association entre anarchistes, ayant pour but de commettre des méfaits sur les personnes ou les propriétés. Si ces recherches aboutissent, j’aurai le soin de vous en aviser.
Dès le matin, j’ai eu le soin de donner à la poste l’ordre de saisir les lettres ou télégrammes à l’adresse des prévenus. Aucune correspondance ne leur est encore parvenus.
L’information est activement dirigée par M. le juge d’instruction.
Par le même courrier, je rends compte de mes diligences à M . le procureur général.
Le procureur de la république
Archives nationales BB 18 6452
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