Liège. — Nos idées font ici un véritable progrès. Nous donnons en moyenne, depuis quelque temps, un meeting par mois, mais profitant de la faveur publique, qui écoute nos théories avec une extrême bienveillance et montre sa sympathie par d’unanimes marques de communion complète d’idées, nous allons tâcher maintenant d’en donner un chaque quinzaine.

Liège est incontestablement destiné à devenir d’ici peu de temps, si on le travaille, le foyer du communisme anarchiste en Belgique.

Il suffit à l’orateur anarchiste d’esquisser seulement une idée révolutionnaire, pour qu’aussitôt elle soit comprise et ressentie par l’auditoire.

Il est impossible de décrire l’enthousiasme provoqué par l’exposé de l’Anarchie dans les trois derniers meetings que nous avons donnés ici. Au mois d’avril, c’étaient les compagnons Cardinal et Berger qui, devant un public de 200 personnes, développaient l’idée communiste, carrément, sans hésiter à mettre les pieds dans le plat et à montrer la fatalité de l’expropriation anarchiste, c’est-à-dire la fois de toute la richesse sociale et de toute autorité quelconque.

Le mois passé, les compagnons Wysmans et Berger revenaient faire acclamer l’Anarchie devant un auditoire, cette fois, de 800 personnes. Pendant trois heures ils y développaient toutes nos idées : Nécessité de la lutte des classes sans pitié et sans merci ; l’odieuse mystification du suffrage universel; la double évolution révolutionnaire économique provenant du machinisme, de la surproduction, de la concurrence des nations et des individus, de l’individualisme, de la division du travail, de l’immense concentration de tous les capitaux entre les mains de quelques uns, de la misère et de la gêne qui sont partout, etc, et évolution intellectuelle splendide qui fait que partout l’esprit de révolte gronde, et fait prévoir une Révolution, dès maintenant certaine, et dans tous les cas, relativement proche ; la nécessité d’une expropriation intégrale, à la fois de toute la richesse sociale et de tout gouvernement ; l’imposésiffloté pour un Parlement, même révolutionnaire, de décréter cette expropriation, mais la nécessité pour la grande masse de la faire elle-même et vite, chacun mettant la main à la pâte, etc.

Hier enfin, 9 juin, les compagnons Berger et Haussons revenaient à la charge, cette fois devant un auditoire de plus de mille personnes. Pendant trois heures ils ont tenu littéralement le public sous le charme de notre sublime Idée.

Le compagnon Berger a été impitoyable pour tous ceux, bourgeois ou socialistes, qui oublient la lutte des classes et l’abîme les séparant, qui ne sera comblé que par les cadavres des ennemis de la classe ouvrière. Pendant 2 heures, il a fait l’exposé complet de la théorie de l’expropriation anarchiste, montrant que, pour venger convenablement toutes les victimes du Capitalisme et du gouvernementalliste, il n’y a qu’une seule chose, la Révolution sociale, l’expropriation par le Peuple de la richesse sociale tout entière, l’anéantissement de toute autorité et l’autonomie absolue de l’individu, et Rétablissement du Communisme libertaire.

Le public a prouvé qu’il comprenait admirablement — le mot n’est pas exagéré — l’idée anarchiste et qu’au fond, il est plus révolté que beaucoup, même de nos amis, ne le pensent.

Avec des compagnons aussi décidés, advienne le moindre événement qui chauffe un peu, et l’on verra s’ils savent ce que c’est que l’esprit de révolte.

Le compagnon Haussens a combattu le Collectivisme et défendu le Communisme, montrant clairement qu’il faut supprimer entièrement toute valeur d’échange, que le système des bons de travail et du : à chacun selon ses œuvres, au lieu de : à chacun selon ses besoins est bien moins large, moins juste, moins pratique que le système qui donne à tous selon leurs besoins, sans vouloir prétendre réglementer la valeur du travail.

J’ai assisté déjà à pas mal de meetings, mais jamais je n’ai vu semblable enthousiasme que celui provoqué par ce meeting. Pendant que les orateurs parlaient, il était visible que notre Idée est bien comprise et répond aux aspirations les plus profondes de tous ceux qui souffrent. quant à tous ceux qui y ont été, aucun n’oubliera ce meeting. Remarquez qu’il se donne dans la citadelle même de la coopération, à La Populaire, mais que, si les socialistes voulaient nous refuser leur salle, ce serait toute une affaire et que nous en trouverions une autre où le public, en guise de protestation, se rendrait plus nombreux encore.

Le matin, nous avions été à Anthines, à la campagne, installer l’idée communiste-anarchiste.

Cent cinquante personnes ont écouté, sans enthousiasme peut-être, comme c’était la première fois, g mais avec intérêt et sympathie.

Il faudra y retourner quelquefois, et ça ira.

La Révolte 15 juin 1889

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