Montceau-les-Mines, le 20 octobre 1882

Monsieur le Garde des sceaux,

Appelé par dépêche de M. le procureur général, je suis arrivé ce soir à 7 heures à Montceau-les-Mines.

J’y ai trouvé M. le Directeur de la Sûreté générale, M. le préfet de Saône-et-Loire, MM. Le procureur de la république et le juge d’instruction d’Autun, de Chalons et de Charolles. J’ai l’honneur de vous faire connaître les résolutions qui viennent d’être prises.

Hier soir jeudi, huit heures, des inconnus ont tenté de faire sauter au moyen de la dynamite, la cure de St Vallier. L’explosion n’ayant pas produit le résultat désiré, un inconnu s’est dans la nuit approché de la même cure pour y déposer une nouvelle charge de dynamite. Il a pris la fuite sur l’interpellation [illisible] qui a tiré sur lui, sans l’atteindre.

[illisible], les tentatives de cette nature continuant de se produire malgré toutes les précautions prises, une mesure énergique paraissant nécessaire pour tranquilliser les populations de plus en plus effrayées, la nécessité s’imposait d’ailleurs d’atteindre les meneurs occultes de la « bande noire », il a semblé que le seul moyen de les atteindre de suite en masse était de leur appliquer les dispositions de la loi du 20 mars 1872. En conséquence il a été décidé qu’un nombre assez considérable d’arrestations seraient faites dès demain matin [illisible], par application de cette loi, sans préjudice, relativement à quelques uns des meneurs des dispositions de l’art 91 du code pénal et des art 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.

Une vingtaine seront faites à Montceau-les-Mines ou sa région, une dizaine au dehors.

C’est cette [illisible], en même temps qu’il calmera les appréhensions de la population paisible, aura pour effet probable de mettre un terme à l’audace des fauteurs de trouble et d’incendie. Les chefs disparaissant de la scène, ceux qui suivaient leur mouvement sentiront que le moment est venu de cesser leurs sinistres exploits. Il était à craindre qu’en l’absence d’une mesure de cette nature, la situation, au lieu de se détendre, allait s’aggraver de plus en plus. Il fallait en finir. La correspondance trouvée à Lyon chez le sieur Bordat, récemment arrêté, a permis de mettre la main sur un certain nombre des affiliés et [illisible] de la « bande noire ».

L’avocat général

Source : Archives nationales BB 18 6447