Parquet de la Cour d’appel de Lyon

Avis sur la mesure gracieuse proposée au profit de Martin (Pierre) né à Vienne le 16 août 1836, demeurant à Vienne (Isère). Pas d’antécédents judiciaires.

Martin Pierre est né à Vienne (Isère) le 16 avril 1856. Il a demeuré constamment dans cette ville où il exerçait la profession de remetteur de lames.

Les renseignements recueillis sur son compte le désignent comme un oisif travaillant rarement et s’occupant surtout de politique.

Martin fut de bonne heure séduit par les théories anarchistes, dont il devint bientôt un des adeptes les plus fervents. Il fit partie à Vienne du groupe anarchiste des Indignés et des Révolutionnaires. Il signa, au nom de ce groupe, un grand nombre de communications et adresses publiées par les organes anarchistes de Lyon. Son nom se trouve notamment au bas d’une lettre que le groupe des Indignés envoya le 20 septembre 1881 au Cercle du Panthéon à Paris, lettre invitant les différents groupes anarchistes à éviter la scission qui pourrait se produire entre eux.

Martin fut délégué par son groupe au Congrès tenu à St-Etienne en 1881. Il prit la parole et s’y prononça comme Bordat, contre le suffrage universel et pour la révolution immédiate.

Les rapports personnels de Martin avec Elisée Reclus, Kropotkine, Bernard, Bourdon, Gautier et le grand nombre de brochures et de journaux anarchistes trouvés chez lui ne laissent aucun doute sur sa situation importante dans le parti anarchiste.

Correspondant attitré à Vienne du journal Le Révolté, imprimé 0 Genève, Martin était en même temps actionnaire du Droit social. Ce fut en cette qualité qu’il signa pour le n° de ce journal en date du 12 février 1882, une adresse où se trouvait cette phrase : « Constater l’inégalité sociale ne devra être qu’une partie de l’œuvre de ce journal. Ce qui lui incombe bien plus, c’est de former un parti révolutionnaire, une organisation sérieuse qui deviendra un terrible engin de lutte contre la capital et la propriété individuelle »

Dans le n° du 30 avril 1882, on trouve le nom de Martin parmi ceux des souscripteur pour l’acquisition d’un revolver d’honneur destiné à l’anarchiste Fournier, de Roanne qui avait tiré sur son patron.

Dans ses interrogatoires, Martin, tout en affirmant ses principes révolutionnaires, s’est renfermé dans un système de dénégation presque absolue relativement aux faits qui lui étaient reprochés. Sur le délit spécial qui lui était imputé, la participation à l’Internationale, il répondit : « Si l’Internationale existait, j’en ferais certainement partie, mais elle n’existe pas. »

Le tribunal jugeant au contraire cette participation établie, a condamné Martin à 4 ans d’emprisonnement. Cette peine ne paraît pas sévère en présence du rôle prépondérant de Martin dans l’organisation du parti anarchiste et j’estime en conséquence que le détenu ne paraît pas mériter d’être l’objet d’une mesure de clémence qui produirait l’effet le plus déplorable dans l’opinion publique.

Lyon le 31 juillet 1884

Le procureur général

Fabreguettes

Source Archives nationales BB 24 875

Lire la biographie de Pierre Martin dans le Maitron et dans le Dictionnaire des militants anarchistes