Montmaillot par Sanvignes

Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

n°243

Société secrète à Montceau les Mines

Montceau les Mines le 7 août 1879

Mon Commandant,

J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’au mois de mai dernier, lorsque des bruits de grève circulaient à Montceau-les-Mines, je fus informé, par la rumeur publique, qu’une société secrète existait et tenait ses réunions la nuit, dans un bois, sur le territoire de la commune de Saint Bérain-sous-Sanvigne (circonscription de la brigade de Blanzy). Je fis prendre des renseignements à St Bérain ; on me répondit que des personnes qui passaient jour et nuit dans le bois désigné, n’avaient jamais rien remarqué.

Dans le courant de juin, l’adjoint de St Bérain disait au brigadier Mouny que, mieux renseigné, il avait acquis la certitude de l’existence de cette société secrète.

Le 21 juillet, je fus informé que cette société avait changé son lieu de réunion et qu’elle avait tenu une séance à Montmaillot (territoire de Sanvignes) dans la nuit du 19 au 20. Des personnes qui à 1h du matin se rendaient à un incendie qui avait éclaté à Sanvignes, ont rencontré des membres de la société par groupes de 3 et de 4, qui retournaient à leur domicile.

Une seconde réunion a eu lieu dans le mois de juillet, dans la nuit du 27 au 28, dans le bois de Montauloup près de St Nizier (arrondissement d’Autun).

Cette société, dont plus de cent individus font partie, change souvent le lieu de ses réunions, ce qui me fait supposer qu’elle a des adhérents, non seulement à Montceau, mais, peut-être aussi dans la direction du Creusot.

Les signes extérieurs (clignement de l’œil, serrement de main) employés par les membres, sont ceux de la franc-maçonnerie.

Les recherches faites depuis un mois, m’ont fait découvrir un homme dont la déclaration est ci-jointe.

Le PV n° 332 (Rixe à Montceau) vient aussi à l’appui du présent rapport, il semble que la société désigne un certain nombre de ses membres pour exercer des voies de fait sur des hommes qu’elle qualifie de mouchards.

J’ai entre les mains une liste comprenant 30 membres de la société.

J’ai informé verbalement M.le sous-préfet et M. le procureur de la république afin qu’ils prennent les mesures qu’ils jugeront convenables pour arrêter cette société secrète dans sa marche et pour qu’ils veuillent bien me donner les moyens de découvrir ce qui se passe dans les réunions nocturnes.

La gendarmerie qui fait son service ouvertement, ne peut, pour pénétrer le secret de la société, se livrer à des manœuvres défendues par les règlements.

Le lieutenant commandant la section.

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Déclaration du nommé S… Jean, mineur à Montceau

Le dimanche, après la paye de février, je me trouvais à l’auberge Desbrières, où je buvais avec Bertin. Des jeunes gens, parmi lesquels je n’ai connu que Jondot qui a la main coupée, m’ont invité à boire avec eux, puis ils m’ont dit de me mettre de leur société.

J’ai répondu : « attends donc un moment tout à l’heure ». Je suis sorti puis je suis rentré un moment après et Jondot m’a dit : « Nous y sommes ? ». J’ai répondu : « Quand tu voudras ».

Nous sommes partis : Jondot, un autre individu et moi à 10 h1/2 du soir : ils m’ont conduit dans le pré de la Motte. Arrivés au milieu du pré, Jondot m’a dit : « Je vais te laisser là, un autre viendra te prendre et te conduira jusqu’au colombier ». Puis il m’a proposé de me bander les yeux. Je lui ai dit que je ne voulais pas ; il m’a répondu que s’il ne me bandait pas les yeux, il ne pourrait me recevoir dans leur société.

Je lui ai demandé quelle était cette société, il m’a répondu que c’était une bonne société et que quand je serais reçu je toucherais deux francs par jour et qu’il me donnerait un billet pour aller trouver M. Villars.

J’ai dit que cela ne se pouvait et que M. Villars n’entrait dans aucune autre société que celle des employés.

Enfin je lui ai dit : « asseyons-nous quand même ». Étant assis, il m’a bandé les yeux puis nous sommes partis pour aller dans la tour ; là ils m’ont fait tourner dans l’eau et m’ont bien fait mouiller.

L’un d’eux étant parti, Jondot est resté avec moi puis il m’a dit d’une voix forte : « Sortez ». En sortant, celui qui était parti le premier s’est approché de moi et m’a demandé si je n’avais pas peur. Je lui ai répondu « non ». Aussitôt, il est venu pour me saisir par les jambes et me donner un coup de tête dans le ventre, je l’ai repoussé et nous sommes tombés tous les deux.

Ils sont alors venu vers moi pour me saisir : j’ai terrassé Jondot qui s’est mis à crier à son camarade : « touche, touche », il ne m’a pas frappé car je me suis reculé.

Voyant qu’ils m’approchaient toujours et cherchaient à me saisir, je les ai menacé de mon couteau ; l’un d’eux, le plus jeune, m’a porté un coup sur la tête avec un instrument qu’il tenait à la main. Quand ils ont vu que je courrais sur eux avec mon couteau à la main, ils se sont sauvés. Ils m’ont dit que si je les vendais, ils feraient mon affaire.

Depuis, on m’a traité de mouchard et de cafard.

La société s’est réunie vendredi 18 et samedi 19 juillet.

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Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

Confidentielle

Montceau-les-Mines le 9 août 1879

Mon Commandant

J’ai l’honneur de vous rendre compte que je n’ai pas écrit le nom de l’homme qui m’a fait la déclaration ci-joint parce que cet homme ne porte pas plainte et qu’il désire que son nom ne soit pas connu.

J’ai compris les motifs de sa réserve ; si la société le connaissait comme dénonciateur, elle lui ferait un mauvais parti et nous aurions peut-être le regret de constater un crime.

Si vous pensez, mon Commandant, que le nom de cet homme ne sera pas prononcé plus tard, vous pouvez le faire écrire. Il est « Siméon ».

M. le maire de Montceau est très disposé à rechercher le but que poursuit la société, mais il veut agir seul.

L’adjoint au maire de St Berain-sous-Sauvignes connait, dans sa commune, un homme qu’on a voulu incorporer dans la société. Ce fonctionnaire n’a rien voulu dire à ce sujet au brigadier Mouny, il a, sans doute, promis le secret à celui qui lui a révélé l’existence de l’association.

Le lieutenant commandant la section.

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Gendarmerie 11e légion

Compagnie de Saône et Loire

Section de Montceau-les-Mines

n°246

Société secrète à Montceau-les-Mines

Montceau-les-Mines le 9 août 1879

Mon Commandant

Pour faire suite à mon rapport n°243 du 7 août courant, relatif à une société secrète organisée à Montceau-les-Mines, j’ai l’honneur de vous rendre compte que dans la nuit du 14 au 15 juillet 1878, des voies de fait furent exercées au hameau du Bois du Verne, commune de Montceau, sur les nommés Jeunehomme et Vindiollet (PV n°380, 383, 384 des brigades de Montceau, année 1878 et n°121 de 1879). Vindiollet fut laissé pour mort sur la route.

Malgré les recherches faites sur les lieux mêmes par M. le procureur de la république et par la gendarmerie, les coupables ne furent pas découverts. C’était la société qui exerçait une vengeance !

D’après la rumeur publique, la société secrète de Montceau qui, l’année dernière, n’avait qu’un petit noyau au hameau du Bois du Verne (population 1548 habitants) se compose aujourd’hui de presque tous les hommes de ce hameau, elle a, en outre, gagné Montceau et les hameaux de Magny et des Alouettes.

Son organisation est la suivante :

1° Un chef qui la dirige (la rumeur publique désigne le nommé Suchet, musicien)

2° Dans chaque quartier, il y a une section

3° Les sections sont divisées en deux ou trois escouades. Toutes ces fractions sont commandées par des sous-chefs de 1er ou de second ordre.

Les individus qui composent la société ne prennent pas tous leur rôle au sérieux, il y a parmi eux des ignorants et des peureux dont la bonne foi pourrait avantageusement exploitée par des agents secrets.

Le lieutenant commandant la section.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 22 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous communiquer les renseignements qui m’ont été fournis par M. le maire de Montceau au sujet de l’existence ou de la tentative de formation d’une société secrète, renseignements qui complètent les premières indications fort vagues données par M. le lieutenant de gendarmerie de la section de Montceau.

Je transcris les quelques notes que j’ai prises au cours de ma conversation avec M. le Dr Jeannin.

L’association existant actuellement aurait été formée il y a un an environ, formée vraisemblablement au début des débris de l’ancienne association qui fut poursuivie en janvier 1874 ou 1875 (affaire de Monchanin et Commentry).

La société compte parmi ses membres des personnes de tous âges : des jeunes qui dans une certaine mesure, ont eu des démêlés avec la simple police ou la police correctionnelle ; des hommes assez âgés, de 40 ou 45 ans, pères de famille.

Plusieurs disent qu’ils (?) avec un parti de « la grande Internationale ». Pour recruter des adhérents, ils (?) que tous les républicains font partie de la société, notamment M. Jeannin, maire de Montceau, Goujon, habitant fort aimé et fort estimé de Montceau (Je n’ai pas besoin de dire que ni l’un ni l’autre n’en font partie).

Le but avoué serait la défense de la République. Le raisonnement que tiennent les affiliés serait celui-ci : « Il faut s’associer pour défendre la République. Ceux qui sont au pouvoir n’ont aucune autorité. Les bonapartistes sont plus puissants que jamais ».

Les adeptes prêteraient, parait-il, un serment dans une forme convenue et solennelle, jurant sur le poignard de défendre la République.

On se rassemble d’ordinaire dans les bois de sapins de St Berain-sur-Sauvignes. La dernière réunion connue, qui eut lieu au commencement du mois dernier, s’est tenue à Montauloup.
Le but de ces réunions (?) comme M. Jeannin suppose qu’elles ont (?) pour la réception des membres nouveaux.

Les affiliés paraissent mus par des engagements assez forts. Quand l’un d’eux est poursuivi pour un délit quelconque, ses camarades ne le dénoncent jamais, ne l’accusent pas, ne témoignent pas contre lui.

Au Bois du Verne, l’existence de la société … ont sensiblement. Fait à signaler : l’an dernier, au Bois du Verne, un individu fut battu et laissé pour mort sur la place. Une instruction fut commencée, sans donner aucun résultat. On a découvert aucun coupable.

Quand à l’influence de la société en cas de grève, M. Jeannin n’a aucun renseignement précis sur ce point. Lors des derniers bruits d’une cessation de travail à Montceau, il eut l’occasion de causer avec quelques personnes faisant certainement partie de la société. A ses questions il fut répondu : « Nous ne voulons pas faire de grève ».

Actuellement la société se développe. Elle a certainement des ramifications à Blanzy. Elle tend à en avoir au Creusot, si ce n’est déjà fait.

Fait important à signaler. La compagnie renvoie des ouvriers. Trois cents livrets ouvriers signés depuis six mois. Il n’y aurait pas de membres de la société parmi les ouvriers qui ont quitté les mines.

M. Jeannin connait les noms d’un certain nombre d’affiliés.

Il mentionne que l’association compte environ (un blanc) membres.

En présence de ces renseignements, il n’est point possible de douter qu’une association secrète , assez fortement organisée existe sur Montceau. Il devient nécessaire de se rendre compte aussi promptement que possible du nombre de ses adhérents, des moyens d’organisation ou but de la société, en un mot de préciser les renseignements déjà obtenus.

Il conviendrait de demander d’urgence au parquet ou à la gendarmerie de Montluçon les noms des individus qui pour association secrète furent poursuivis en janvier 1874 ou 1875. Il serait important de savoir si les individus poursuivis ou condamnés à cette époque se retrouvent actuellement à Montceau ou à Blanzy.

Le sous-préfet.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 23 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous informer que j’ai eu aujourd’hui un nouvel entretien avec M. le lieutenant de gendarmerie au sujet de la société secrète qui existe à Montceau.

Les renseignements comprennent ceux qui m’ont été donnés par M. le Dr Jeannin. Puis quelques autres détail nouveaux m’ont été donnés par M. le lieutenant, détails qui ont leur importance.

Le chef de la société serait un sieur Suchet, musicien jouant dans les bals, et qui n’est point employé par la Compagnie des mines.

La société s’appellerait du nom de Marianne. Elle recevrait des subsides de l’Internationale, notamment en cas de grève.

Le but serait de recruter une armée pour la défense de la République.

La société serait divisée par quartiers ayant leurs chefs, et les quartiers par escouades.

M. le lieutenant de gendarmerie me communique demain ou après-demain, une liste de trente personnes environ, faisant partie de l’association.

L’an dernier, un sieur Vindiollet fut malmené et roué de coups. Une perquisition fut faite, qui n’eut pas de résultats.

Autre fait de même genre. Le 15 août on amène à la prison de Chalon un nommé Bretin qui fait partie de l’association. Il avait battu en juin (?) un chiffonnier de Blanzy, nommé Barreau ou Barrot. On reconnut que Bretin était l’auteur de ces mauvais traitements à une boucle de son gilet, arrachée pendant la lutte et que les gendarmes retrouvèrent sur la route.

La femme de l’aubergiste chez lequel Bretin et Barreau s’étaient rencontrés, en compagnie d’autres jeunes, que ne reconnut point Bretin…

Dans une confrontation avec Bretin, Barrau le tutoya en lui disant qu’il le reconnaissait, que c’était lui qui l’avait frappé. (?) un signe qui parait-il fut fait pour Bretin, Barrau (?) de le tutoyer (?).

M. le lieutenant de gendarmerie pense que les voies de fait avaient pour objet soit d’empêcher la victime de suivre les membres de la société, soit pour punir une tentative d’espionnage.

Je demande d’ailleurs au parquet communication du procès-verbal dressé contre Bretin.

Enfin, une rixe eut lieu aux Alouettes, dans une auberge tenue par M. Léger, conseiller municipal. Un ou deux hommes furent battus et malmenés. On n’a pas retrouvé les coupables. Des coups de feu furent tirés à côté de la maison de M. Léger.

Ces trois faits de brutalité ou de violence, M. le lieutenant les attribue à des membres de la société secrète.

Tels sont, monsieur le préfet, les renseignements qui m’ont été donnés par M. le lieutenant de gendarmerie et que je vous serais reconnaissant de porter à la connaissance de M. le Dr Jeannin pendant son séjour à Mâcon.

M. le lieutenant de gendarmerie m’a dit avoir donné au parquet connaissance de l’existence de cette association.

J’aurai tout prochainement l’honneur, monsieur le préfet, de vous entretenir de cette question délicate et grave et de prendre vos instructions. Je ne sauras, jusqu’à présent formuler aucun avis précis mais il est urgent de prendre une résolution : il ne faudrait pas en cas de grève, que des tentatives de conciliation fussent paralysées par l’action d’une société régulièrement organisée et probablement assez puissante.

Le sous-préfet.

PS M . Le lieutenant de gendarmerie pense… surtout par la terreur que les membres de la société arrivent à faire de nouvelles recrues. Nombre d’habitants du Bois des Verne feraient partie de l’association et n’auraient été décidés que par la crainte de mauvais traitements.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 28 août 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous adresser, ci-inclus la liste des principaux membres composant la société secrète de la Marianne, établie depuis quelque temps dans la ville de Montceau les Mines.

J’ai, conformément à vos ordres, adressé un double de cette liste à M. le maire de Montceau les Mines, en le priant de vouloir bien s’assurer du lieu de naissance de chacun des membres dénommés.

Aussitôt que cette communication m’aura été faite, je m’empresserai de faire demander les extraits de casiers judiciaires de chacun d’eux et de les porter à votre connaissance.

Le sous-préfet

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Suchet François

Daurin Pierre

Bretin Antoine

Léonard Lazare

Jourraud Antoine

Charles Blaise

Devillard Antoine

Chailloux Jean-Marie

Perraud Nicolas

Thibaudat

Vernes Jean-Marie

Charollais Charles

Anavoisard Lazare

Laude Auguste

Debarnos Auguste

Brueys Augustin Théodore

Gaume

Bauban

Lauferron

Emelle Jean-Marie

Chevrot Benoit

Margatin fils

Gayne Etienne

Bonnin Pierre

Dufis Jean-Marie

Bocufgras

Dufour Claude dit Prut

Jondos

Rougel dit le plâtrier de Narbonne

Dupuis

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Cabinet du préfet de Saône et Loire

29 août 1879,

  1. le sous-préfet

Je vous adresse ci-joint la liste des individus condamnés à Montluçon en 1875.
Veuillez la communiquer à M. le maire de Montceau et vous concerter avec lui sur les mesures à prendre vis à vis des membres de la société secrète qui ont un casier judiciaire.

Je vous recommande d’une manière toute particulière de me répondre promptement et bien que je doive m’absenter en congé, vos communications relatives à cette affaire me parviendront dans délai.

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Département de Saône et Loire

Sous-préfecture de Chalon sur Saône

Chalon sur Saône le 26 septembre 1879

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous transmettre par le présent rapport les renseignements nouveaux qui m’ont été fournis par M. le maire de Montceau-les-Mines au sujet de l’existence ou de la formation d’une société secrète.

Je tiens tout d’abord à rectifier une indication erronée qui m’avait été donnée par M. le lieutenant de gendarmerie. Il n’est point exact que le vocable sur lequel la société se serait constituée soit celui de « Marianne ». M ; le maire de Montceau n’a aucune connaissance que cette appellation ait été adoptée et ne pense point qu’elle ait pu l’être, son appréciation me paraît juste.

En second lieu, aucun des individus condamnés en 1875 à Montluçon pour association illégale, dont vous avez bien voulu me communiquer les noms ne se trouve faire partie de la société de Montceau. Jusqu’à présent (?), je n’ai relevé aucune analogie de noms entre les condamnés de Montluçon et ceux des affiliés de Montceau qui me sont connus.

Enfin, d’après l’examen des extraits de casiers judiciaires, il n’y a que très peu de membres de l’association qui aient été l’objet de condamnations. J’en joins la liste au présent rapport.

Quoi qu’il en soit, il y a, ou il y a eu à Montceau, je ne dirai point une société secrète, mais une tentative d’affiliation qu’il était nécessaire de surveiller.

Connaître le moment dans lequel cette association devait prendre naissance, connaître l’objet de son action, me paraît aussi impossible. J’inclinerai à croire qu’il s’agissait d’une association entre ouvriers destinée à manifester son existence, soit au moment d’une grève, soit en forçant les ouvriers à s’unir dans des réclamations collectives. Mais c’est une opinion toute personnelle et que je ne puis établir que par de très vagues inductions.

Ce qui positif, c’est qu’un lien unissait un certain nombre de personnes et notoirement des ouvriers ; que les efforts de M. le maire de Montceau ont réussi à détacher de cette association un certain nombre d’adhérents, les plus influents, ceux que leurs agissements désignaient de la façon la plus évidente.

M. Le maire a choisi quelques affiliés, hommes parfaitement honnêtes et qui jouaient en quelque sorte le rôle de dupes, leur a fait donner à titre officieux de salutaires avertissements qui ont porté leurs fruits et on été répandus parmi leurs collègues.

Depuis un mois une vingtaine d’adhérents ont abandonné l’association ou ne s’y (?) plus. Deux des chefs sont partis, les nommés Baubenc et Millon. Un troisième le nommé Bretin condamné récemment pour coups et blessures par le tribunal de Chalon, se gardera sans doute de s’exposer à de nouvelles poursuites.

En résumé, monsieur le préfet, la société qui était à la veille de se former est maintenant en voie de complète dissolution. Les agissements des derniers débris de l’association ne présentent aucun danger. La surveillance du maire suffit amplement.

Le seul point sur lequel il me reste à appeler votre attention est celui-ci : qu’il y a à mon sens un intérêt majeur à ce qu’aucune information judiciaire, à ce qu’aucune poursuite n’ait lieu à ce sujet. Ce serait donner une importance beaucoup trop grande à une série de faits à peine saisissables et créer une agitation dangereuse dans le centre ouvrier de Montceau.

Je ne vous adresserai désormais, monsieur le préfet, des rapports au sujet de cette affaire, qu’au cas où il me parviendrait quelques renseignements importants qui valent la peine de vous être signalés.

Le sous-préfet

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Cabinet du sous-préfet de Chalons sur Saône

Individus ayant été l’objet de condamnations et qui font partie de la société secrète de Montceau :

Debarnot Jean-François : 4 condamnations, deux pour vol, une pour atteinte au libre exercice du travail, une pour vote sans devoir.

Goujon Jules, 3 mois de prison pour atteinte à la liberté du travail.

Joureau (?) 16 f d’amende pour coups et blessures

Bagnard (Lazare) 20 f d’amende pour coups et blessures

Mary (Pierre) 1 mois de prison pour atteinte à la liberté du travail

Source : Archives départementales de Saône-et-Loire M 283