Notre cher camarade Louis Malaquin, l’anarchiste bien connu, est mort à Nice, le 15 juin, après une longue et douloureuse maladie.

Quoique faible de constitution, Malaquin, qui n’avait que 36 ans, n’est mort ni d’épuisement, ni d’une maladie contagieuse, mais simplement des suites de la tentative d’assassinat perpétrée contre lui par la police le 28 septembre 1903, lors des troubles provoqués par la fermeture de la Bourse du travail.

A cette occasion, notre ami était à son poste de combat, parmi les travailleurs.

Il parlementait avec M. Cluzan, lorsqu’une bande de policiers se précipita sur lui et le cribla de coups.

Quand il fut enfin arraché des mains de ces brutes, nous constatâmes que son corps était terriblement meurtri et qu’il avait une jambe gravement blessée; ses béquilles étaient restées en route.

A la suite de cette agression, il resta six semaines au lit. Depuis, chaque tentative qu’il fit pour se remettre au travail le remit au lit. Terrassé finalement par les lésions internes que lui avait values le guet-apens policier, il vient de succomber après deux mois de terribles souffrances, que même les soins attentifs et dévoués de son incomparable compagne n’ont pu soulager.

Malaquin habitait Nice depuis dix ans et était, qu’on me passe l’expression, l’âme du mouvement prolétarien et socialiste de toute cette région.

N’ayant pas qualité pour faire les éloges de l’excellent ami, de l’homme érudit et du vaillant révolutionnaire que nous pleurons, je me contente de dire que Malaquin fut un des meilleurs parmi les bons, un des plus fermes et dévoués parmi les précurseurs de la Révolution communiste et libertaire.

Tous les camarades seront de mon avis et les revues et journaux auxquels il collabora attesteront la véracité de ces paroles.

Parmi les revues et journaux qui le comptèrent comme collaborateur, je ne citerai que la Revue Blanche, le Mercure de France, les Temps Nouveaux, le Libertaire, le Journal du Peuple et la Lutte sociale.

Jeudi, le 16 juin, à 6 h. 1/2 du soir, la classe ouvrière de Nice a fait à Malaquin des funérailles comme il ne s’en était encore jamais vu dans cette ville.

Près de trois mille citoyens et citoyennes ont suivi le corbillard qu’ombrageait de ses plis un vaste drapeau rouge cravaté de noir.

La police stupéfaite a laissé faire et l’étendard du prolétariat, confié à des mains sûres, a pu, pour la première fois, flotter librement dans les principales artères de notre ville.

A la gare, d’où la dépouille de notre ami a été dirigée sur Paris, plusieurs discours furent prononcés.

La foule s’est écoulée ensuite en acclamant les revanches prochaines de la Sociale triomphante.

UN PROSCRIT.

Les Temps nouveaux 25 juin 1904