Les anarchistes oui tenté avant-hier de faire sauter la gendarmerie de St-Ouen. Si la catastrophe ne s’est pas produite, c’est à cause de l’excès même de précautions que ces bandits avaient prises pour faire réussir leur abominable projet.

Voici comment on a découvert les engins qui n’avaient pas fait explosion :

Jeudi, dans la matinée, vers 7 heures, un nommé Lemoine, passant rue de Paris à St-Ouen, remarqua devant la gendarmerie, deux pavés placés contre le mur, et accompagnés de plusieurs pierres rangées; entre les jointures des paves passaient deux brins noircis. Lemoine crut à une plaisanterie de gamins, il pensa qu’il s’agissait de deux rats morts qu’on avait placés là et dont les deux queues passaient. En souriant, il écarta les pavés et découvrit deux cartouches de dynamite, liées ensemble par les mèches, avec une mèche à briquet.

Cette dernière s’était consumée jusqu’à sa conjonction avec les mèches des cartouches et c’est parce que le nœud était trop serré que l’inflammation n’avait pu se produire.

Des morceaux du journal l’Écho de Paris, enveloppaient en outre les cartouches.

M. Daltroff, commissaire de police et M. Bourcier, maréchal des logis de St-Ouen. arrivaient d’un incendie de la rue Anselme, quand ils furent informés de cette découverte. L’enquête commença aussitôt et M . Goron, fut avisé, ainsi que le Prefet de police.

On frémit en pensant au désastre qui se lut produit si l’explosion avait eu lieu.

La caserne est habitée par le maréchal dos logis, M. Bourcier, quatre gendarmes et leurs familles, dont dix enfants.

Dans la pièce même, contre laquelle avaient été placés les engins explosifs, dormaient les trois enfants du maréchal-dos logis. Ils eussent été les premières victimes.

Les cartouches proviennent des manufactures de l’État, elles portent ces marques :

Manufactures de l’État

Azotate d’ammoniaque 88

Bi-nitro-naptholine 12

Elles étaient renfermées dans un étui jaunâtre et leur force d’explosion, a dit M. Vieille, directeur des poudres et salpêtres, était au-delà suffisante pour taire écrouler l’immeuble.

Des pompiers qui revenaient de l’incendie, déclarent qu’ils ont rencontré au tournant delà rue de Paris, deux individus, d’une haute stature qui leur étaient inconnus, coiffés de chapeaux Buffalo et vêtus de grandes blouses.

Sont-ce les auteurs de cette criminelle tentative ?

Hier, des perquisitions ont réopérées chez chacun des anarchistes de Saint-Ouen dont la police a les adresses; ces perquisitions n’ont naturellement rien amené.

Comme bien l’on pense, si ce sont des anarchistes de St-Ouen qui ont fait le coup, ils avaient dû prendre leurs précautions, sachant bien qu’on irait les relancer.

Ce matin, aucune arrestation n’avait encore été faite.

Il faudrait pourtant qu’on en finisse avec ces misérables qui sous couvert de politique, se livrent à de pareils attentats.

L’opinion publique exige qu’on lui assure la tranquillité et la sûreté.

Le Journal de Saint-Denis 6 mars 1892

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