Signature de l’indicateur

Londres le 6 octobre 1883

Il résulte de renseignements recueillis auprès de Solieri et de Demartys, amis intimes de Malatesta, que les groupes organisés ces temps derniers, par Merlino et Malatesta ont comploté un coup qui prendra place, c’est à dire qui recevra exécution au cours des débats qui vont s’ouvrir devant la cour d’assises de Rome.

Ils avaient songé à se jeter sur la police d’escorte, au moment du transfert du prisonnier, mais ils y ont renoncé, l’opération ainsi conçue présentait trop de difficultés dans son application.

Solieri vient de recevoir d’Italie, une lettre qu’il attendait et dans laquelle on l’informe que bien que l’on n’ait trouvé au domicile des prévenus aucun papier compromettant le juge d’instruction a décidé que les dits prévenus passeraient en cours d’assises.

L’auteur de la lettre en question ajoute que si l’on ne réussit pas à les délivrer, Malatesta sera condamné à plusieurs années de prison.

Il assure d’autre part que tous les amis de Malatesta sont prêts pour tenter un coup de force.

S’ils échouent à la faire évader, ils se rendront en masse à la cour d’assises où ils engageront la lutte à main armée.

En tout cas, ils sont résolus à ne point laisser les choses se passer tranquillement. Ils disent qu’ils ne veulent pas renouveler les procès de Lyon et de Paris où les socialistes n’ont rien tenté en faveur des accusés.

Archives de la Préfecture de police Ba 435

**************************

Italie Les compagnons Malatesta et Merlino ont été arrêtés, l’un à Florence et l’autre à Naples. Les motifs, ils faisaient une propagande active en faveur des idées communistes-anarchistes. La publication prochaine du journal anarchiste Il Popolo inquiétait à l’avance le gouvernement. Au lieu d’avoir à supprimer un journal, on se contente de supprimer ses rédacteurs.

Le Révolté 26 mai 1883

*********************************

Italie

Nos amis arrêtés depuis semaines sont toujours en prison sans qu’il leur ait été donné connaissant des motifs de leur arrestation. A quoi bon sans doute motiver l’arrestation de quelques socialistes, ne sont-ce pas des malfaiteurs. Le titre de socialiste n’est-il pas suffisant pour admettre toutes les persécutions, et par dessus le marché, nos amis se déclaraient communistes-anarchistes. Socialiste, à la façon de certains individus, c’est encore admissible, être préoccupé surtout du succès de son petit entourage, revendiquer l’honneur de la députation, briguer les suffrages de ses concitoyens, prêter serment de fidélité à la tyrannie, monter à l’assaut non pas des privilèges bourgeois, mais des degrés de Monte-Citorio, voilà qui peut être admis, mais vouloir le renversement de cette belle organisation qui produit la misère atroce, la°mort par la faim de milliers de travailleurs, voilà ce que les gouvernants ne sauraient admettre, aussi nos amis seront condamnés, il n’y pas à en douter.

Nous avons reçu la communication suivante avec prière de l’insérer :

Le gouvernement italien en arrêtant Henri Malatesta a cru frapper au cœur le parti anarchiste en Italie.

Quoiqu’il ait reconnu en arrêtant Malatesta l’importance que mérite sa belle intelligence et aussi le cœur généreux que nous connaissons tous, nous répondrons au gouvernement italien qu’il a fait fausse route. Malatesta est l’effet et non la cause. Elle reste et restera toujours tangible Si le gouvernement italien accuse Malatesta d’avoir voulu organiser un fait insurrectionnel nous ne savons ce qu’il peut v avoir de vrai dans cette accusation, mais si la chose est exacte, si Malatesta a voulu combattre avec ses compagnons de misère sur les barricades nous demandons au gouvernement italien s’il ne préfère pas ce combat à poitrine découverte ou s’il préfère celui d’un autre genre.

A Malatesta nous dirons; Non, pas de combat loyal contre ces lâches, mais la lutte comme en Russie!

Vito Solieri, Luigi Zaganelli

Carlo Barni.

Le Révolté 7 juillet 1883

*********************************

Nos amis Malatesta, Merlino, Pavani, Pornier, Rombaldoni, Trabalza, arrêtés et jetés, à Rome, dans les cachots de la monarchie italienne, viennent d’être mis en liberté provisoire… mais pas pour longtemps. La déclaration suivante que nos amis ont adressée à la presse nous indique qu’ils sont sous le coup d’être condamnés devant la cour correctionnelle, sous le délit d’association de malfaiteurs.

Voici cette énergique déclaration : « Après avoir été détenus pendant huit mois sous l’inculpation de conspiration contre la sécurité de l’État, nous avons été mis en liberté provisoire pour répondre en correctionnelle des crimes d’association de malfaiteurs, et quelques-uns, de provocations à commettre ce crime.

« Cela signifie, à bon entendeur, qu’on ne peut nous imputer aucun fait légalement punissable, notre unique faute est, et hautement nous le confessons, d’être associés dans l’affreux crime du socialisme, et cela signifie que, désespérés, dans de pareilles conditions de trouver des jurés qui nous condamneraient, nos gouvernants auront confiance dans la sévérité de magistrats en toges, en nous soustrayant à nos premiers juges naturels pour nous remettre aux seconds par lesquels nous serons certainement condamnés.

« Comme cela, il est positif, qu’en Italie comme dans les autres pays, le règne de la légalité est fini, si quelquefois il a existé, les hommes de la loi sont rebellionnés contre les lois constituées ; et la justice a déjà fait public et solennel divorce d’avec la morale, le sens commun, la conscience publique; à ce point que les hommes certainement honnêtes et capables de sacrifier leur bien être particulier aux principes de progrès et à un sentiment élevé de devoir envers l’humanité souffrante, pourront être (cette seule possibilité offense toute honnête conscience) appelés à se défendre, devant des magistrats stipendiés, de l’accusation d’association de malfaiteurs.

« Eh ! bien, ayant pris acte de tout cela, nous ne regrettons pas d’avoir été réunis aux malfaiteurs communs, dans lesquels nous reconnaissons autant de victimes de la société actuelle, dont leur unique faute est leur acte de de naissance, comme à nous, nos principes, et que nous devons racheter de la misère, de l’ignorance et de l’esclavage.

« Nous ne regrettons pas d’être jugés exceptionnellement par le droit écrit. En attend plant l’on prépare pour nous le Conseil d’État et les cours spéciales, laquelle chose non seulement ne retardera pas d’un seul instant le triomphe du socialisme, mais certainement l’accélérera

« Et en honte aux persécutions auxquelles nous sommes en but nous affirmons notre résolution de tenir haut le drapeau du socialisme du Peuple qu’il ne faut pas confondre avec le soi-disant socialisme d’État, gouvernemental ou parlementaire, que nous considérons comme une véritable mystification.

Agréez, etc?

Enrico Malatesta, Francesco Sav. Merlino

Dominico Pavani, Camillo Pornier, Eduardo Rombaldoni, Luigi Trabalza.

Rome, 11 novembre 1883.

Le Révolté 24 novembre 1883

Lire le dossier : L’Internationale noire