Dès son arrivée à Londres, Samarine (alias Muller) se mit à remuer ciel et terre, tant parmi les russes que parmi les anarchistes qui composaient la section française.

En avril 1883, il fut délégué par cette dernière, avec Demartys, pour aller chez chaque membre réclamer les cotisations arriérées.

Or, il s’était trouvé que la plupart de ceux qui avaient payé à Hoffmann, le trésorier de la section, tout ou partie de ce qu’ils devaient n’étaient nullement inscrits comme tels sur les livres du caissier.

De là, grand mécontentement contre Hoffmann et échange de paroles acerbes entre ce dernier et les commissaires délégués. Dans la chaleur de la discussion, Hoffmann se serait oublié au point de faire allusion à une affaire de complot dans laquelle Samarine se trouvait mêlé.

De quel complot s’agissait-il ? Hoffmann avait dit : « Vous citoyen Müller, vous déployez beaucoup de zèle vis à vis des autres, mais si l’on se mettait à fouiller un peu votre passé, le rôle que vous prétendez avoir joué dans les complots nihilistes serait singulièrement amoindri…

– Que se passe-t-il donc avec Hoffmann ? Demandait-on hier soir à Samarine…

– Hoffmann est accusé par la section allemande de malversation dans l’affaire Mertens. De plus, il a touché nombre de cotisations de notre groupe qu’il n’a pas inscrites. Je lui en ai parlé comme commissaire délégué, il s’est emporté au lieu de chercher à se disculper, il a même essayé de me salir.

Si Hoffmann n’était pas un faux frère, il ne m’accuserait pas de faire plus de bruit que de besogne. Je n’ai pas besoin de crier par dessus les toits les choses qui se préparent mais j’ai bien le droit quand je suis avec mes amis de leur parler des affaires passées.

C’est un tort que quelque fois, j’en ai bien eu la preuve à Paris d’où le Préfet de police m’a expulsé, mais je crois que c’est notre devoir à tous de rendre compte des tentatives que nous pouvons faire pour la cause de la révolution.

Oui, je me flatte d’être un membre actif du parti nihiliste et je ne désespère pas d’être bientôt à même d’en donner une preuve éclatante à tous les Hoffmann du parti anarchiste…

– Comptez vous donc quitter l’Angleterre ?

– Oui, il fait trop de braillards à Londres. J’aime mieux Saint-Pétersbourg et même Moscou. Il y a bien du danger d’y résider, mais j’ai un excellent moyen de me préserver… Vous ne supposez pas que je vous confierai mon secret…

Le 27 avril 1883, Muller était nommé avec Robin et Leborne à la commission de contrôle de la section française.

Le 9 juillet 1883, la section française anarchiste de Poland Street avait nommé une commission de trois membres chargée de se mettre en rapport, non seulement avec les autres groupes anarchistes affiliés à l’Internationale, mais encore avec tous les clubs radicaux anglais et aussi avec les quelques français, anciens communards, ne faisant partie d’aucun groupe, tels que Varlet, Richard (dit Le bel épicier), Viard, Moreau, etc.

Les trois membres composant la dite commission sont Muller, Demartys et Dalang.

Le 15 juillet 1883, à 11 heures du matin, les délégués des groupes anarchistes, socialistes et radicaux de toutes nationalités existant à Londres et même dans les environs se réunirent pour la 2e fois au club de Poland Street. Ils étaient une trentaine.

Le club de Tottenham Street, formé par les allemands dissidents du club que personnifie Most, était également représenté par un jeune homme qui répond au nom de Bluhm.

Le secrétaire chargé de rédiger la protestation, le grand Muller donna lecture d’un long document, appelé modestement manifeste, dans lequel tous les socialistes, sans différence d’opinion étaient appelés à s’unir pour renverser les gouvernements de tous les pays de quelque noms qu’ils s’intitulent, attendu que tous sont un obstacle au développement des libertés qui doivent exister dans l’égalité.

Une réunion publique était tenue à la salle Cleveland, Cleveland Street, Fitzroy Square, mardi 31 juillet 1883

Il s’agissait de protester contre les persécutions dirigées contre les travailleurs de tous les pays à l’occasion de l’expression de leurs opinions et de protester plus spécialement contre les condamnations prononcées contre Louise Michel et autres, en France. Muller était un des orateurs.

Muller était l’un des signataires, au nom de la section française du Club International : Poland Street, 15, W du Manifeste des associations socialistes et démocratiques de Londres aux ouvriers du monde entier de juillet 1883

Le 16 août 1883, un nouveau groupe, qui s’appelait Groupe indépendant de tous les socialistes parlant la langue française, se composait d’un certain nombre des membres de la section anarchiste de Poland Street et de nombreux allemands parlant la langue française et appartenant à Tottenham Street.

Il se réunissait dans un petit local dépendant d’une maison privée située Massau (Nassau?) Street 5 (Oxford Street)

Le bureau de ce groupe est déjà formé. Il comprend deux secrétaires : un pour les besoins intérieurs du groupe et un autre pour la correspondance extérieure.

Le premier est un membre du club allemand, nommé Lotz, le second n’était autre que Muller, que ses relations avec les sociétés secrètes de France, d’Allemagne et de Russie mettent plus à même que tout autre à remplir cette fonction.

Ledit bureau comprenait encore un trésorier, Hicks et un aide trésorier Coutant. Ils étaient chargés tous deux de recevoir les cotisations et d’aménager le local. Enfin, il y avait aussi une commission de contrôle, composée de 3 membres : Muller (pas le russe, un allemand de Tottenham Street), Didier et Brenner.

En septembre 1883, le groupe Indépendant des socialistes révolutionnaires de langue française établi à Londres, 5, Nassau Street, Mortimer Street, W., communiquait le procès-verbal d’un meeting populaire organisé par ses soins dans la salle du Central Club. Muller lors de son intervention, rappella les récentes persécutions contre les socialistes révolutionnaires; il montra que tous les gouvernements, républicains aussi bien que les monarchistes, avaient déclaré une guerre implacable aux défenseurs de la cause populaire, et que, aux justes réclamations du prolétariat ils répondaient par l’échafaud, le bagne et la prison.

Il termina en démontrant la nécessité de la révolution sociale, qui s’impose aujourd’hui plus que jamais. Une collecte a été faite au profit des prisonniers politiques.

Le 12 septembre 1883, à la conférence organisée au Central Club, Muller, parlant de la Russie, avait assuré que le calme apparent des nihilistes, depuis 2 ans, avait pour but d’éviter de nouvelles poursuites, lesquelles avaient toujours eu pour résultat d’affaiblir inutilement le parti, mais que l’on pouvait être persuadé que ce silence n’était point synonyme d’indifférence, et que, dans un temps qu’il ne pouvait déterminer, les bourgeois et les gouvernants en auraient des preuves éclatantes.

Le ton sur lequel ces paroles furent prononcées ne pouvait manquer d’attirer l’attention.

Or, comme on l’interrogeait sur la véritable portée de ces propos, Muller avait dit :

« Un des nôtres a inventé une machine destinée à jeter l’effroi dans les âmes bourgeoises.

C’est un instrument de vengeance qui doit produire des résultats d’une manière infaillible, et dont voici le mécanisme :

Supposez un album de photographie – extérieurement le plus malin policier peut s’y tromper – Vous l’expédiez à un individu que vous voulez supprimer – prenez Gallifet, par exemple – il l’ouvre et aussitôt une détonation retentit et l’homme tombe mortellement frappé – Voilà l’intérieur de l’album…

Le 19 septembre 1883, Muller partit pour le comté de Devonshire.

Muller alla à Biddeford, une petite ville de 7.000 habitants située dans le comté de Devonshire.

Muller ne pouvait réussir à se caser nulle part, six semaines auparavant, il fut présenté par Moreau dans un hôtel de Londres, lord Palmeston et il réussit à y être admis comme éplucheur de légumes. Muller commença son travail à 8 heures, s’estimant déjà heureux de son nouveau sort, lorsque à 9 heures ½, le chef de cuisine arriva et lui demanda s’il n’y voyait pas clair, puisqu’il lui fallait des lunettes. – Sans lunettes, non, répondit-il, mais avec des lunettes, je vois très bien – Vous pouvez alors vous chercher une place ailleurs, je ne veux pas de myopes chez moi, lui fut-il répliqué.

Il se mit alors en relations avec des agences, se fit donner des certificats par plusieurs professeurs et il vient enfin d’obtenir cette peu séduisante place de professeur d’allemand et de français dans un pensionnat où il ne recevra aucune indemnité, que le logement et la nourriture.

Son jeune ami Coutant, un nouveau débarqué de 3 mois qui faisait partie du club d’études sociales des 3e et 4e arrondissements à Paris, se félicitera sans doute de ce départ, car Muller était entièrement à sa charge.

Il ne sera pas le seul à se féliciter, par cette raison que Muller devenait très encombrant.

Muller, nommé secrétaire du groupe de Nassau Street pour la correspondance avec les groupes de l’étranger, il fallait lui nommer un successeur.

Avant son départ, il connaître son opinions sur la crise économique dans une conférence à Tottenham Court Road, au Club Central qui avait été organisée par le nouveau groupe de Nassau Street.

SOURCES :

Archives de la Préfecture de police Ba — 435 Le Révolté 29 septembre 1883