Belgique
Nous vous envoyons une réponse aux allégations des contre-révolutionnaires d’ici qui nous montrent comme des brouillons jetant la division dans la démocratie.
De tout temps, nous avons eu des prêcheurs d’union et, maintenant encore, des socialistes autoritaires demandent l’union sur le terrain de la révolution sociale. A première vue, cela parait fort bien, pour des compagnons qui s appuient en toute sincérité sur la signification du mot ; ensemble abattre l’ennemi commun, cela serait beau.
Nous avons vu cette union à l’œuvre ; elle a fait un moment la force de l’Association Internationale des Travailleurs, mais elle a contribué pour une large part à la dissolution de ladite Association. Pourquoi, après cette épreuve décisive, cette proposition si déraisonnable ? En principe, l’union libre des socialistes révolutionnaires n’est possible qu’entre ceux qui ont les mêmes aspirations, un but commun et qui s’appuient sur des principes homogènes.
Si le marché proposé était conclu, la division ne tarderait pas à se mettre dans le camp ; les anarchistes y perdraient leur raison d’être ; les autoritaires auraient rompu notre entente qui grandit tous les jours, et les principes de liberté auraient été quelque peu émoussé, nous laissant à recommencer le travail suspendu de notre propagande sans compromission.
Chose étrange, nous qui ne voulons pas nous unir de peur d’avoir à faire une scission après le traité d’alliance, on nous accuse de jeter la division dans la démocratie ; voilà ce qu’affirme dans leurs journaux, les socialistes autoritaires.
Est-ce possible de s’unir avec des gens qui prêchent le renversement de la bourgeoisie et qui se prostituent avec cette dernière en en partageant les principes, en en imitant les pratiques ?
Nous avouons franchement que nous ne voulons pas jouer le rôle de dupes; nous voulons survivre à l ’autorité qui croule ! Nous préférons que les gens du Quatrième-État s’entendent avec la bourgeoisie, qu’ils soient des ennemis francs, au lieu d’être de faux frères. Si, avant la débâcle, vous vous sentez de force au jeu de Robert-Macaire, allez-y, partagez-vous les places, exploitez les formules, allez dire dans les réunions, pour vous faire admettre : « Compagnons, nous voulons les libertés politiques pour arriver à conquérir les libertés sociales. » Où en sont-ils dans les pays où ils jouissent des libertés politiques? La classe capitaliste gouverne, leurre les ouvriers qui, les mains vides, subissent la misère.
S’il se trouvait devant une julienne socialiste, le peuple qui cherche sa voie pourrait faire confusion, ou retarder son choix. On sait que de ce choix dépend l’avènement de l’égalité sociale.
Préparons notre entente, sapons tout ce qui est autorité, ne perdons pas de temps dans des compromis avec les ambitieux ; mais retrempons-nous dans notre initiative individuelle. Que notre entente pour la suppression de tout gouvernement et l’expropriation des exploiteurs ne se laisse pas entamer par des questions d’opportunité ; car le levier qui doit faire basculer le vieux monde dans l’abîme, doit être assez fort pour accomplir cette besogne de destruction.
L’Union Anarchiste Bruxelloise.
Le Révolté 18 janvier 1885
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