Nos meetings

Le meeting auquel les groupes anarchistes de Bruxelles avaient convoqué la population ouvrière a eu lieu dimanche 24 mai. Cette réunion se donnait au Navalorama. Au fond de la salle, deux magnifiques drapeaux, l’un rouge surmonté d’un globe supportant une femme coiffée d’un bonnet phrygien, symbolisant la république universelle, l’autre noir, sur lequel la date de Mai 1871 se détachait en belles lettres rouges, ornait le bureau.

La réunion ouverte à 4 heures, s’est terminée fort tard dans la soirée.

Les compagnons F. Ernest, qui remplissait les fonctions de secrétaire, F. Monier et H. Weysmans ont tour à tour pris la parole. L’historique du mouvement qui précéda l’avènement de la Commune, les actes de celle-ci et les agissements de ceux qui prirent la direction des affaires, sont passées en revue.

Avec un profond mépris, on stigmatise les féroces Versaillais, « les bandits de l’Ordre » voués à une exécration universelle.

De main de maître, on applique le fer de l’ignominie sur ceux qui, en prenant les rênes du gouvernement, arrêtèrent le courant des masses, le libre déchaînement de la colère populaire ; sur tous ceux qui marqués de galons brillants, se balladaient sur les boulevards, s’amusaient à mesurer les mollets des danseuses de l’Opéra, alors que les malheureux Parisiens se faisaient hacher sur les barricades. De fréquents applaudissements viennent interrompre les orateurs.

C’est aux cris mille fois répétés de vive la Révolution sociale, vive l’Anarchie que le meeting est levé.

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Un grand meeting, ayant comme ordre du jour : Les Massacres du Père-Lachaise, a eu lieu lundi dernier, à 8 heures du soir, à la Cour de Bruxelles, place Fontainas.

1300 à 1400 personnes y assistaient. Malgré la présence de nombreux journalistes mouchards, aucun incident n’est venu troubler la réunion.

Le compagnon Ernest ouvre la séance et fait un résumé des scènes qui ont ensanglanté le cimetière du Père-Lachaise. Il proteste avec énergie contre les procédés atroces que la classe dirigeante emploie dans l’espérance de couper court à la propagande anarchiste.

Le compagnon Dupont dit qu’il n’y a pas lieu de s’étonner de ces façons d’agir de la bourgeoisie. Elle est dans son rôle, car son intérêt la pousse à entraver le plus possible la marche en avant des idées libertaires.

Malgré tout, elle n’y parviendra pas. Les principes anarchistes font leur trouée dans la société bourgeoise ; les persécutions, loin d’arrêter la propagande, ne font qu’étendre son action. Avec un talent remarquable, notre ami Dupont développe les principes anarchistes et conclut à l’inéluctabilité de la Révolution sociale.

Le compagnons Weysmans fait à son tour un résumé des principes révolutionnaires.

Malgré les appels nombreux à la contradiction, les évolutionnistes n’ont pas osé affronter la discussion. Toujours braves quand il s’agit d’insulter de loin les anarchistes, ils fuient avec une terreur non dissimulée la contradiction.

Le compagnon Pellering désire parler du sieur Rogier qui vient de mourir. La classe travailleuse, dit-il, n’a pas à s’occuper des grands hommes préconisés par la bourgeoisie. Il reconnaît qu’ils peuvent avoir rendu des services à …. la bourgeoisie mais pas au prolétariat, loin de là. Il rappelle les menaces de Rogier aux tisseurs de Gand qui venaient de se mettre en grève : « Dites aux tisseurs que s’ils bougent, je les ferai mitrailler. »

Le compagnon Weysmans donne connaissance à l’assemblée de l’incident Joffrin.

On nous a même traité de lâches, appuie Dupont. Cependant lorsque nous voyons des individus qui en France arborent le drapeau rouge et qui, ici à Bruxelles, pavoisent leur local du drapeau tricolore français, nous anarchistes, nous sommes endroit de leur retourner cet outrage.

Nos frères se sont fait massacrer pour défendre notre rouge oriflamme ; les farceurs de la délégation ouvrière, qui pourtant se disent révolutionnaires, s’empressent en pays étranger de le mettre en poche : Lâches !

La discussion s’est terminée fort tard dans la soirée.

Ni dieu ni maître 6 juin 1885

Lire le dossier : Les anarchistes en Belgique