L’ambassadeur de la République à Berne
à M. le Ministre des affaires étrangères
Berne le 1er août 1894, 6h55
M. Chenard, journaliste français, jadis expulsé d’Italie comme correspondant du Figaro, m’a fourni sur les mouvements des anarchistes du Tessin des renseignements qui m’ont déterminé à envoyer à Lugano, M. Legrand, secrétaire de cette ambassade.
Il résulte des investigations de ce dernier qu’il existe à Lugano, dans un local loué pour eux et où les anarchistes se réunissent tous les soirs, une véritable école de crime, alimentée par les révolutionnaires italiens réfugiés à la suite du meurtre de M. Carnot.
Ceux qui la dirigent sont les frères Pacina (Isaïe et Santi), Melano, Maracini et Gargliardi (celui-ci particulièrement violent est Suisse).
L’avocat milanais Gori habite également Lugano depuis l’attentat de Lyon, il préside aux réunions anarchistes et joue un rôle marquant dans leurs agissements. Quant à Paniza, dont vous aviez demandé le signalement, il aurait disparu depuis quinze jours sans qu’on ait retrouvé sa trace.
On suppose que c’est Gorgliardi qui a caché la dynamite que les anarchistes possèdent (à Biasca ou à Bionnio). Le prochain courrier vous portera un rapport complet sur ces individus.
M. Legrand a constaté en outre que l’anarchie opère en liberté, ou peu s’en faut, à Lugano et que le Préfet, homme énergique sur lequel on pourrait agir, était réduit à l’impuissance par suite de la mollesse ou de la mauvaise volonté des autorités locales.
M. Chenard, sans pouvoir préciser, a dit qu’il était convaincu qu’il se tramait actuellement un ou plusieurs attentats.
Archives nationales 19940500/59
Lire le dossier : Collaboration des polices française, suisse et italienne dans la surveillance des anarchistes en 1894.