L’ambassadeur de la République à Berne,
au Ministre des Affaires étrangères
Berne le 26 mai 1895
Monsieur le Ministre,
V. E. a été tenu au courant, par ma précédente correspondance des efforts poursuivis par cette ambassade, à la suite des attentats anarchistes de l’année dernière pour amener un accord entre les fonctionnaires français et suisses à qui la police des frontières incombe plus particulièrement et pour assurer ainsi la surveillance efficace et continue des individus suspects qui passent ou séjournent dans les régions limitrophes.
Je vous ai fait savoir notamment, que sur mon intervention, le Département Fédéral de Justice et de police avait donné l’ordre aux autorités suisses de se mettre à la disposition de nos commissaires spéciaux pour échanger avec eux toutes les communications relatives aux mouvements des anarchistes réfugiés dans ce pays et leur transmettre tous les renseignements qui seraient de nature à faciliter la mission dont ils sont chargés.
Je me suis préoccupé de savoir de quelle manière cette organisation nouvelle fonctionnait et les rapports que j’ai reçus à ce sujet m’ont donné la plus entière satisfaction. Nos commissaires spéciaux ont trouvé dans leurs collègues suisses autant de bonne volonté qu’ils en pouvaient attendre et l’échange persistant de renseignements de police, de signalements et de photographies d’individus suspects paraît avoir assuré d’une manière beaucoup plus complète que par le passé la surveillance de notre frontière.
Si on ajoute à ces mesures internationales, les nombreuses expulsions d’anarchistes que la Gouvernement Fédéral a décidées, dans ce dernier mois, tant au Tessin qu’à Genève et auxquelles l’intervention discrète de cette ambassade n’a pas été étrangère : on peut en conclure que nos efforts pour empêcher ce pays de devenir un prt franc de l’anarchie, ont produit des résultats utiles. Il est à remarquer d’ailleurs que, depuis près d’un an, aucun attentat anarchiste n’a pu se commettre sur notre territoire, et j’ai des raisons de croire que les mesures de police que nous avons provoquées dans ce pays ont contribué, pour une bonne, au maintien de cette sécurité.
C. Barrère
Archives nationales 19940500/59
Lire le dossier : Collaboration des polices française, suisse et italienne dans la surveillance des anarchistes en 1894.