L’arrestation du citoyen Monier

Lundi après-midi, M. Dieudonné, substitut du procureur du roi et M. Servais, juge, accompagnés d’un greffier et de plusieurs agents de police, se sont rendus vers deux heures rue de Rollebeck, chez l’anarchiste Monier, qui tient un magasin de journaux.

Tout ce monde est entré dans le magasin où se trouvait la mère de Monier, une brave femme, qui vit en guerre constante avec son fils à cause de ses idées politiques. Ces messieurs lui demandèrent si Monier était à la maison. La mère répondit négativement.

M. Dieudonné ordonna une perquisition. A ce moment la mère courut au bas de l’escalier qui monte à l’étage et cria : « Ferdinand, on vient t’arrêter ! » Les agents judiciaires montèrent et pénétrèrent dans la chambre de Monier au moment où celui-ci sortait du lit. Ils lui mirent les menottes et le firent se remettre au lit.

Pendant ce temps, une perquisition minutieuse se faisait dans le magasin. Tous les ouvrages et journaux suspects furent saisis.

Dans la chambre de Monier on saisit toute sa correspondance.

Cependant la mère de Monier, « tant entrée dans une grande colère, administrait à son fils une maîtresse volée. Les agents durent s’interposer.

Ces messieurs ont visité ensuite deux chambres mansardes.

Une perquisition des plus minutieuses a été faite et le parquet s’est retiré à dix heures du soir avec toutes les pièces saisies.

Un mandat d’arrêt fut lancé dans la soirée contre Monier par le procureur général.

Les agents judiciaires le cherchèrent pendant plusieurs heures. Les anarchistes tenaient au local A la vue de l’Ancien Palais de Justice, rue de Ruysbroeck, 2, leur réunion de semaine ; ils étaient là une vingtaine. C’est là que les agents allèrent arrêter Monier à la sortie. Il fut conduit à la division centrale, pour être transféré à la prison Saint-Gilles.

Les autres anarchistes n’ont pas été inquiétés.

L’Émancipation 31 mars 1886

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Mon cher (?)

Les perquisitions sont faites chez Monier et Wuysmans. Rien au point de vue de la prévention actuelle, mais saisie de brochures et de manuscrits indiquant d’une façon générale que ces deux individus s’occupent activement de propagande anarchiste.

J’ai un mandat de capture contre Monier, je le fais exécuter (condamnation à l’emprisonnement subsidiaire pour une amende de 50 francs).

On a fait en outre une perquisition chez Ernest et Sauthout (?), deux anarchistes bien connus. Ces perquisitions n’ont rien produit.

Une perquisition aura lieu tout à l’heure chez Stuyck, à Saint-Gilles, administrateur du journal Ni dieu, ni maître.

Comme je te l’ai dit tout à l’heure par voix téléphonique, les perquisitions rue (?), 14 à l’imprimerie du journal précité et celles faites chez Martin, ouvrier typographe et chez Govaerts, également ouvrier typographe n’ont amené que la saisie de quelques documents ou lettres qui ne se rattachent pas non plus directement à la prévention actuelle, nulle trace de complot.

Au bureau du journal nous avons trouvé un jeune étranger, le nommé Romans que nous avons écroué pour vagabondage.

Je t’ai téléphoné sans succès il y a un quart d’heure. Où étais-tu ?

Ce soir à 8 heures, je vais au meeting de Molenbeck, on annonce des désordres mais ce n’est qu’un on dit.

Je vais manger quelque chose avant de partir.

Bien à toi.

Willemans (?)

Bureau central de police 6 1/2 h

Source :

Parquet général de Bruxelles 224

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