Lambert Hansen, dit Borguet, l’ouvrier mineur d’Ougrée, chez lequel la gendarmerie a découvert de la dynamite et d’autres matières exploosives, a comparu hier devant le tribunal correctionnel.

Le 15 décembre, Hansen parlant dans un meeting à Seraing, avait dit à l’assemblée : « Formez des groupes de huit à dix, vous trouverez un homme pour vous instruire et vous dire ce que vous avez à faire de la dynamite, ce qu’on ne peut dire ici à cause des agents et des gendarmes.

Le 25, une cartouche de dynamite faisait explosion devant la demeure de M. François à Seraing, et, le lendemain, la gendarmerie, procédant à des visites domiciliaires, découvrait chez hansen, à Ougrée, un paquet renfermant une cartouche de dynamite et des matières qui furent soumises à l’examen de M. Davreux, capitaine d’état-major de l’artillerie. Cet expert les a désignées comme suit : azote de potasse, fulminate de mercure, lance à feu, cylindre incendiaire, cartouche de poudre comprimée, un mélange de nitro-glycérine avec un fulmi-paille, des tubes en verre, et dans l’un d’eux des traces de fulminate, matière qui sert à charger les capsules à l’aide desquelles on fait détonner la dynamite.

M. le capitaine Davreux déclare qu’il n’y avait pas de glycérine, indispensable pour fabriquer de la dynamite, mais qu’avec les autres matières, on pouvait fabriquer d’autres explosifs.

La gendarmerie avait également saisi chez Hansen une brochure dans laquelle est indiquée l’art de fabriquer la dynamite.

M. le capitaine Davreux estime qu’à l’aide des renseignements fournis par cette brochure on aurait pu fabriquer de la nitro-glycérine, mais non du fulminate de mercure et qu’on aurait pu, à l’aide des matières saisies, fabriquer d’autres explosifs dangereux.

Hansen a donné les explications suivantes sur la possession des objets saisis chez lui : il aurait trouvé la cartouche de dynamite et les autres matières, sauf le fulminate de mercure, sous le pont d’Ougrée, un soir que, revenant de Tilleur, il y était descendu pour satisfaire un besoin. Un homme qui se trouvait là, s’était enfui à sa vue et avait laissé tomber en fuyant, un paquet qu’il avait ramassé et qui contenait les substances trouvées dans sa demeure.

Quant au fulminate de mercure, un ami l’a déposé chez lui. C’est le même ami qui lui a prêté la brochure dont nous avons parlé. Il refuse de faire connaître son nom.

Hansen nie avoir tenu au meeting de Seraing les propos qu’on lui impute. Il aurait dit à l’assemblée de se méfier d’un mouchard, un nommé Rouhette, qui offrait dans le bassin montois, de la dynamite aux ouvriers, ajoutant que, s’il lui en présentait, il refuserait ou rosserait l’individu. Mais les officiers de police présents au meeting nient qu’il ait parlé ainsi ; ils affirment, au contraire, qu’il a tenu les propos que nous avons rapporté ci-dessus.

M. Demarteau, substitut, a requis l’application d’une peine sévère contre Hansen, qu’il a dit être un agent actif du parti socialiste et anarchiste et un très dangereux agitateur.

Me Heuse, défenseur, a prié le tribunal de ne pas se montrer plus sévère pour Hansen, qui a de très bons antécédents, que pour les prévenus de délits de l’espèce, qu’il a condamné jusqu’à présent à l’amende. Hansen, a dit l’honorable défenseur, n’est pas l’auteur de l’attentat commis chez M. François ; c’est établi ; il n’est pas démontré que cet auteur ait assisté au meeting de Seraing ; il ne faut donc pas, à raison de cet attentat, user de sévérité exceptionnelle vis à vis de l’inculpé.

La Meuse 5 janvier 1889

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Ougrée. — Le 25 décembre dernier, une cartouche de dynamite fut placée sur le seuil de la maison de l’un des chefs de service de la société Cockerill François.

L’explosion ne produisit que des dégâts maternels peu importants; mais une grande émotion s’empara de la classe bourgeoise en même temps que nous en profitions pour faire de la propagande. Des perquisitions eurent lieu chez les anarchistes les plus militants de notre bassin et amenèrent la découverte au domicile de Hansen, de quelques cartouches et autres engins explosibles ou incendiaires. On arrêta donc notre compagnon à son retour de la houillère. Le malheur, c’est qu’ils ne savait pas l’explosion et, par conséquent, ne put se mettre en garde contre les sergots.

On saisit, en outre, chez lui, une grande quantité de vieux journaux : des Révolte, des Ça Ira, quelques brochures et un Indicateur anarchiste.

Le jour d’avant, à Noël, dans un meeting, Hansen avait préconisé la formation de groupes d’action et avait dit être à la disposition de tout compagnon qui voudrait s’instruire dans le maniement des explosifs; du moins, c’est la version de dame Thémis. Il a donc passé devant la correctionnelle de Liège sous l’inculpation d’avoir détenu chez lui des matières explosibles dans un but criminel. »

Il avait facilement pu prouver son alibi, quant la participation à l’explosion. Malgré l’impossibilité de le condamner autrement qu’à de l’amende, si on avait suivi la loi, le tribunal lui a octroyé 3 mois de prison et 100 francs d’amende.

Son avocat lui ayant proposé un recours en grâce, il refusa avec indignation, disant qu’il ne reconnaissait pas aux bourgeois le droit de le condamner et par conséquent celui de lui faire grâce. Son attitude devant le tribunal fut très énergique et a fait une propagande énorme.

La Révolte 4 février 1889

Lire le dossier : Les anarchistes dans la province de Liège (Belgique)