
Commune d’Ensival
Cabinet du commissaire de police
N°86
Ensival le 24 décembre 1888
Monsieur le Bourgmestre,
J’ai l’honneur de vous informer qu’un meeting organisé par l’Union révolutionnaire devait être tenu hier soir 23 courant, à 4 heures 1/2 après midi, au café Cabaret Jacquet, 33 rue Depouhon, en notre localité.
Une dizaine de personnes se trouvaient réunies dans ledit café à l’heure sus mentionnée.
Vers 5 heures 1/4, il pouvait y avoir une quarantaine d’individus dans le cabaret Jacquet.
Le nommé Sevérynes d’Ensival en s’apercevant et en remarquant dans l’assemblée deux membres de la gendarmerie en bourgeois, déclara que par suite de notre présence, le meeting n’aurait pas lieu, cependant qu’il engageait les auditeurs désireux d’entrer dans le cercle anarchiste, de se présenter dans la salle joignant le café où une causerie et l’inscription des nouveaux membres aurait lieu.
Comme au bout de quelques minutes nous nous apercevions qu’on servait à boire dans la seconde place du café Jacquet, où une vingtaine de personnes s’étaient réfugiées, que le cabaretier, Sevéynes et d’autres individus avaient l’air de nous narguer en engageant à haute voix les nouveaux arrivants, à aller écouter la causerie dans la place (?) où disaient-ils, la gendarmerie, ni le commissaire n’oseraient se rendre, je me suis levé et m’y suis présenté.
On a voulu nous interdire l’entrée de cette pièce (?) on voulait nous faire sortir du café où nous étions installé, mais voyant que nous persistions à rester, que nous déclarions avoir le droit et qu’en conséquence, nous y resterions, le nommé Sevèrynes en protestant, annoncé que la séance était levée.
En disant cela, cet individu est sorti de la pièce avec ses auditeurs et, et dans le café, lui et ses partisans se sont mis à chanter une chanson révolutionnaire.
Quelques moments après ces anarchistes sont sortis, en maugréant du café Jacquet et se sont dispersé sur la voie publiques. La plupart des personnes qui se sont présentées au cabaret Jacquet étaient étrangers à notre localité, il n’y en avait que six ou sept d’Ensival.
Parmi eux se trouvait le nommé Bauer (?) Henri, cabaretier et peintre, âgé de 36 ans, né à Cologne (Pusse), domicilié à Ensival, rue de Pepeisestter n° 62, qui se trouvait en état d’ivresse, gesticulait dans le cabaret Jacquet et criait qu’en Belgique c’était honteux de voir que l’ouvrier ne gagnait pas de quoi se nourrir , que les lois belges étaient faites au détriment de l’ouvrier, qu’en conséquence les ouvriers belges étaient des lâches de ne pas protester, que lui n’avait pas peur de le dire, en présence du commissaire de police, des gendarmes, etc.
Le commissaire de police
Archives de l’État Liège, Sûreté publique XVI A 74
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