Le meeting anarchiste se tenait à La Populaire, place Verte.

Ville de Liège

Bureau du commissaire en chef de police

Service de la Sûreté

Annexe de l’Hôtel de ville, rue Grande Tour

N°4103

Liège le 14 novembre 1888

Objet : Conférence anarchiste au local de la Populaire, projeté pour le 18 courant

Monsieur le Gouverneur,

J’ai l’honneur de vous informer que le Groupe anarchiste de Liège organise pour dimanche 18 novembre à 6 1/2 du soir, au local de La Populaire, place Verte, une conférence publique qui sera donnée par Wysmans de Bruxelles. Cet orateur a pris pour sujet : Les Trades unions et le congrès ouvrier de Londres, jugés au point de vue anarchiste.

L’affiche porte en outre : « Après la conférence chants révolutionnaires. Les compagnons sont invités à cette séance. La tribune est libre.

Le commissaire en chef.

Archives de l’État Liège, Sûreté publique XVI A 36

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(1433)

Ville de Liège

Bureau du commissaire en chef de police

Service de la Sûreté

Annexe de l’Hôtel de ville, rue Grande Tour

Objet : Meeting anarchiste du 18 novembre 1888 au local de la Populaire, place Verte

Liège le 19 novembre 1888

Monsieur le Gouverneur,

Dimanche 18 novembre a eu lieu au local de la Populaire, la conférence publique organisée par un groupe d’anarchistes liégeois, avec le concours de Huysmans de Bruxelles.

Après avoir remercié la commission de la Populaire qui a bien voulu prêter son local, Huysmans fait appel à la contradiction, ainsi, dit-il que cela s’est passé ce même jour à Verviers où il a discuté avec le socialiste Thonar de Huy, puis l’orateur aborde la question à l’ordre du jour.

…..

Débat avec Demblon et Herman, socialistes.

Après une heure de discussion entre Demblon et Hysmans qui cherchent à faire assaut d’érudition, la parole est donnée à Cardinal. Dans le langage violent et haineux qui lui est particulier, cet anarchiste cherche à outrager la magistrature, le gouvernement, le clergé, l’armée, c’est à dire tout l’ordre de chose établi, mais il ne parvient qu’à être grotesque.

On n’oserait, dit-il, l’arrêter, car sa défense en cour d’assises ferait plus d’effet sur le peuple que tous les discours qu’il a pu prononcer dans les réunions publiques. Pour lui, il n’y a qu’une chose à faire, c’est renverser toute l’organisation sociale actuelle. Quand le moment sera venu, si les ouvriers n’ont pas d’armes, ils sauront bien employer les moyens chimiques, ainsi que l’on s’en sert pour faire périr les punaises. Au surplus, dit-il, tous les ouvriers ont des armes, l’un a sa lime dont il pourra aisément faire un poignard, les autres ont des pioches, des marteaux dont ils sauront se servir.

Les anarchistes sauront, ajoute-t-il, marcher dans le sang et lorsqu’ils en auront jusqu’à la g……, ils le boiront. On ne doit pas chercher à résoudre la question sociale par un bulletin de vote, chacun sait que le mot politique signifie « c’est le plus malin qui attrape l’autre. » Ce qu’il faut faire parler, c’est la poudre, le jour où le tocsin sonnera que chacun sorte de son taudis. Nous flanquerons alors le feu dans toutes les paperasses de la propriété et de même que les gouvernants qui ont fait mitrailler nos frères, nous n’aurons aucun scrupule pour danser sur leur carcasse.

Après quelques mots de Demblon qui déclare qu’il n’a rien à répondre à « l’individu » qui vient de parler et qu’il ne peut en tout cas admettre son exagération de langage, le sieur Kervyser fils entonne un chant de peu d’importance dont le refrain est :

Guerre aux candidats, aux politiciens

Nous ne voulons plus être leur soutien.

Commencé à 7 heures, cette séance n’a été terminée qu’à 10h 1/2.

Le commissaire en chef.

Archives de l’État Liège, Sûreté publique XVI A 38

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Gendarmerie

Compagnie de Liège

Rapport n°1008

Un meeting socialiste-anarchiste contradictoire organisé sous les auspices du groupe anarchiste de Liège a été tenu ce soir au local de la Populaire.

Le citoyen Wuysmans de Bruxelles prend le premier la parole. Il déclare n’être partisan ni des sociétés coopérative, ni des syndicats ouvriers, ni du suffrage universel. Son idéal à lui, est d’arriver d’une étape à la collectivité des biens.

Les citoyens Demblon et Herman de Liège, déclarent partager les idées de Hysmans en ce qui concerne le but à atteindre mais différer de vue sur les moyens pour y arriver, c’est-à-dire qu’ils préconisent la formation des sociétés coopératives et des syndicats ouvriers ainsi que la revendication du suffrage universel.

Un débat assez confus s’engage entre Wysmans et Demblon, au sujet des moyens à employer pour arriver à la réalisation de leurs revendications. Les orateurs ont été tour à tour chaudement applaudis.

Finalement l’anarchiste Cardinal de Liège, a, selon sa coutume, débité des paroles incohérentes, combattant le parti ouvrier, prêchant la révolution sociale et ajoutant qu’il était impossible de la résoudre sans effusion de sang.

Pendant qu’il est à la tribune, il est interrompu à différentes reprises par les applaudissements et les rires de l’assemblée.

Deux chansons révolutionnaires ont clôturé la séance, laquelle commencée à 7h du soir était terminée à 10 h 1/2 sans incident.

Le 18 novembre 1888

Archives de l’État Liège, Sûreté publique XVI A 39

Lire le dossier : Les anarchistes dans la province de Liège (Belgique)