La section bruxelloise de l’Internationale s’est réunie au Cygne le 24 décembre 1877, vers 10h du soir, sous la présidence de Brismée. Une quinzaine de membres assistaient à cette séance.

Paterson donna lecture du procès-verbal.

En l’absence de Standaert, qui a les noms des détenteurs des listes de souscription au profit des déportés espagnols et sur la proposition de Steens, on décide que la remise de ces listes est ajournée.

Debuyger, Bertrand, Pira, Cammaert, Deborgie et Caspard sont chargés de se rendre aux gares du Nord et du Midi, à l’effet de recevoir les délégués de la province au Congrès qui doit avoir lieu le lendemain.

L’ordre du jour porte la continuation de la discussion des questions à discuter au Congrès, entre autres : Revue du mouvement ouvrier en Belgique.

Debruyger entend par cette question que chaque délégué fera connaître au Congrès l’état de l’Internationale dans sa localité. De Paepe est du même avis.

Brismée dit qu’il faudra laisser aux délégués la latitude de répondre au congrès, lorsqu’ils le jugeront convenable, mais au point de vue des principes de l’Internationale.

De Paepe croit que les délégués feraient bien de parler du mouvement ouvrier qui se produit chez eux.

Steens voit dans cette remarque une allusion au Parti socialiste ouvrier. Il dit que cette proposition cache une arme contre l’Internationale, qu’on voudrait abandonner cette société, mais que jamais elle ne sera abandonnée des hommes de cœur qui en font partie. Ceux-là relèveront et malgré les efforts de ceux qui croient sauver le peuple belge en imitant les allemands. Un travail souterrain mine l’Internationale, mais on est sans crainte : les De Paepe, Bertrand, Vanbeevere, Anzeele, Coenen, Liebknecht et Bebel ne sont pas à craindre. Lorsque le conseil régional sera constitué à Bruxelles, on se mettra à l’œuvre et par la propagande qui se fera dans les pays wallons, on ramènera à l’Internationale son armée d’autrefois qui comptait 80.000 hommes. Il s’agira de savoir par le congrès ce que l’on veut faire de l’Internationale.

Bertrand proteste contre le reproche fait par Steens.

Steens maintient ce qu’il dit mais ne nomme pas ceux qui conspirent contre l’existence de l’Internationale.

Debruyger, d’accord avec Steens, dit qu’aucune société ne peut avoir un but plus élevé que celui de l’Internationale et on doit s’attacher à relever cette association.

De Paepe demande qu’un des trois délégués soit chargé de faire un rapport sur la revue du mouvement ouvrier et que ce soit Steens qui en soit chargé. Il insiste pour que ce rapport soit fait au point de vue de l’Internationale et soit en même temps un exposé de la situation des sociétés ouvrières de Bruxelles. Adopté.

Brismée propose de mettre en discussion, à la séance prochaine, la question soulevée par De Paepe et Steens, ajoutant qu’il partage la même opinion que Steens sur le danger que court l’Internationale.

La séance est levée à 11h 1/2.

Source : Archives de la ville de Bruxelles POL 195 p. 26

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Bruxelles, 27 décembre 1877

Lundi 24 courant, la section bruxelloise de l’Internationale s’est réunie en séance dans le local du Cygne, Grand Place, vers 10 heures du soir, une quinzaine de membres s’y sont rendus, ce sont les habitués. Brismée était présent, il s’étonne fort de l’absence de Standaert. Il ouvrit la séance et donna la parole à Paterson qui lut un procès-verbal. De Paepe fit une observation sur la rédaction, savoir qu’il prétend ne pas avoir dit que le congrès universel devait se tenir dans la localité où siège le bureau fédéral mais dans le pays, après cette rectification, le procès-verbal fut adopté.

Paterson fait alors que la première question à l’ordre du jour est la remise des listes de souscription en faveur des déportés espagnols à la suite de la dernière insurrection. Il dépose sa liste, Steens demande s’il y a d’autres membres qui en ont à déposer, personne ne répondant, il dit que lui-même ne peut fournir celles qu’il a eues en dépit qu’il s’est rendu chez les avocats qui en étaient détenteurs et qu’il n’a pu encore les obtenir, il ajoute qu’il y en a même qui ignorent en avoir reçu ; à cause de cela il propose d’ajourner la remise des dites listes, il demande à Paterson s’il a la liste des noms des détenteurs de ces dernières, celui-ci répond qu’il n’a pas été chargé de cette besogne, mais bien Standaert et lui Steens, ce dernier l’ignore.

Brismée dit que c’est Standaert, comme trésorier qui s’en est chargé et comme il est absent, il est de l’avis de Steens, d’ajourner la remise des dites listes, ce qui est adopté.

Brismée propose, attendu que le congrès a lieu le lendemain, qu’il y ait quelques membres se chargeant d’aller recevoir les délégués aux diverses stations, il demande quels sont les hommes de bonne volonté qui veulent se charger de cette besogne : Debruyger, Bertrand, Pira, Cammaert, Deborgie et Caspard se présentent, ils s’entendent pour se rendre les uns au Nord, les autres au Midi. Steens se propose pour les recevoir au local où il sera dès 9 heures du matin.

Cette question étant terminée, on passe à l’ordre du jour qui était le continuation des questions à discuter au congrès telles que : Revue du mouvement ouvrier en Belgique.
Debruyger prend la parole et dit qu’il croit que cette question est d’une assez grande importance, quoiqu’un vote ne puisse être émis à ce sujet et qu’aucune détermination ne puisse être prise, il entend par cette que chaque délégué raconte au congrès la façon dont l’Internationale marche dans sa localité.

De Paepe est du même avis.

Brismée dit que cette question laisse des doutes que probablement d’autres que d’internationalistes ou de ceux qui abandonnent le terrain ont l’intention de raconter au congrès quels sont les progrès qui ont été faits au point de vue politique, si c’est cela, dit-il, nous n’avons rien à y voir et la question est inutile. C’est pourquoi il faut laisser aux délégués la latitude de répondre au congrès lorsqu’ils le jugeront nécessaire, toujours au point de vue des principes de l’Internationale, car le reste ne nous regarde pas.

De Paepe dit qu’il n’y aurait pas de mal à ce que dans les congrès, les délégués développent le mouvement ouvrier qui se produit dans leurs localités.

Steens répond d’une façon furieuse que cette question a été prise d’une façon jésuitique, que personne ne sait où veulent en venir les auteurs de cette proposition qui cachent sans doute quelque chose au détriment de l’Internationale. On veut probablement nous parler du parti socialiste ouvrier, dit-il, constitué dans le pays flamand et nous faire croire que nous devrons abandonner l’Internationale pour en faire partie. L’on se trompe si c’est là le but, jamais nous n’abandonneront ce drapeau qui fit trembler tous les gouvernements du monde par l’alliance des peuples. Si des aventuriers ont réussi à prendre du sein même de l’Internationale, des hommes à double face pour tuer cette association. Il y en a d’autres des hommes de cœur qui marcheront sur le cadavre de leurs adversaires sans jamais l’abandonner. De plus ils chercheront à la relever, nous rions de ceux qui croient sauver le peuple belge en voulant singer les allemands, les lois de leur pays sont toutes différentes des nôtres et ceux-ci ne font qu’endormir le peuple.

Nous n’ignorons pas qu’un travail souterrain a été fait pour détruire l’Internationale, mais ceci ne nous fait pas peur, lorsque les endormeurs auront vu qu’ils se seront fourré eux-mêmes le doigt dans l’oeil, ils iront se coucher mais nous nous restons là et nous relevons la tête et en dépit de toutes ces cancaneries, de ces conspirations, nous rions des De Paepe, Bertrand, Vanbeever, Anzule, Coenen, Libknecht et Bebel car nous allons nous mettre à l’œuvre lorsque le conseil régional va être constitué à Bruxelles et avant trois mois d’ici, la propagande que nous allons faire dans les pays wallons, ramènera à l’Internationale son armée d’autrefois qui comptait 80.000 hommes.

Il s’agit donc de savoir par le congrès ce que l’on veut faire de l’Internationale.

Bertrand dit qu’il n’a jamais conspiré contre l’association que c’est à tort que Steens veut en quelque sorte l’accuser de ce chef. Ce dernier répond qu’il n’a pas dit ces mots, qu’il ne rétracte rien de ce qu’il a dit, cependant, parce qu’il est persuadé que l’Internationale a été minée par des individus afin de la détruire, je n’ai cité personne à cet effet, dit-il, attendu que ceux qui y ont participé, ne se voulant pas tous fautifs du même genre, vu que parmi eux se trouvent aussi des instruments dont on s’est servi pour réussir à la chose.

Debuyger d’un ton énergique, dit avec Steens qu’en dépit de toute les sociétés qui pourraient être constituées, aucune d’elles ne peut atteindre un but plus élevé que l’Internationale et c’est pourquoi tous les efforts doivent être tentés pour relever cette association.

De Paepe propose qu’un des trois délégués soit chargé de faire un rapport sur la question de la revue du mouvement ouvrier en Belgique et demande que ce soit Steens qui soit chargé de cette besogne.

Debuyger croit que c’est le devoir des trois délégués réunis de le faire.

De Paepe dit qu’il est plus facile de faire ce travail seul et comme il n’y a pas lieu de voter si les autres ont quelques observations à faire au congrès, ils en auront la faculté. Il insiste surtout à ce que ce rapport soit fait au point de vue de l’Internationale et soit en même temps un (?) de la situation des sociétés ouvrières actuellement à Bruxelles. Ceci étant adopté.

Brismée propose de mettre en discussion dans une séance prochaine, la question soulevée par De Paepe et Steens, ayant trait à la décadence de l’Internationale que ce dernier attribue au travail souterrain en y ajoutant qu’il partage la même opinion. Sur ce, il lève la séance à 11 heures 1/2.

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Archives de la Préfecture de police de Paris Ba 436

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