
Guise. — Mercredi 19 courant toute l’usine Godin et Cie de Guise était en émoi. Que se passait-il donc dans cet Eden du travailleur, dans cette ruche où les grêlons sont inconnus, soi-disant ?
Ah! c’est que là, comme ailleurs, le pauvre est exploité d’une atroce façon. Les réclamations, bien minimes cependant, des ouvriers sont renvoyées aux calendes grecques, soit par le patron qui laisse faire et surtout par un certain directeur qui n’en fait qu’à sa guise.
De guerre lasse, après avoir attendu vainement le résultat de leur doléances et voyant leur salaire diminuer de10 et même 15 %, les ouvriers se mirent à refuser le travail dans une certaine branche de la fonderie.
Comment, direz-vous, une grève dans une usine dirigée par le fondateur du familistère?… Mais, c’est l’abomination de la désolation… Cette panacée universelle qu’on prétend offrir aux générations futures ne donne donc pas les admirables résultats, que jette à tous les vents de la renommée, l’organe officiel de cette philanthropique institution.
Il parait bien que non, puisque pour conserver les billets de mille aux gros bonnets, on a rogné la modeste mitraille des malheureux esclaves.
Cette tentative a été presque aussitôt réprimée que conçue, grâce à la grande énergie du susdit directeur ; décidément c’est un homme à poigne et précieux, car du train dont vont les choses, son tempérament autoritaire deviendra très utile pour mater les prochaines revendications.
Reste à savoir si les ouvriers ne l’enverront pas faire une visite à son ami Watrin dont il est le digne émule !…
A vous la première, à nous la seconde Nom té Dié !…
Le Révolté 29 mai 1886
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