Gustave Mathieu. Document Éphéméride anarchiste.

Parquet de Charleroi

Charleroi le 26 janvier 1888

Monsieur le procureur général,

J’ai l’honneur, comme suite à votre dépêche du 12 courant n°1010, de vous transmettre les renseignements qui me sont parvenus au sujet des discours tenus le 8 courant à Carnières, chez le sieur Cabeau, par les orateurs socialistes Mathieu Gustave, fils d’Eugène, né à Guise (arrondissement de Vervins, Aisne, France) le 22 février 1866 et Basse Louis, fils de Désiré, né à Guise le 27 avril 1867.

Dès que j’eus reçu le rapport de la gendarmerie de Morlanwelz au sujet du meeting de Carnières, j’ai pris des renseignements sur la nationalité des orateurs, comptant bien, si ces orateurs étaient de nationalité étrangère, provoquer leur expulsion du pays. J’appris bientôt que M. l’administrateur de la Sûreté publique s’était à son tour ému des discours révolutionnaires de Mathieu et Basse et qu’il venait de donner les instructions pour rechercher, arrêter et amener devant lui les deux orateurs pour les faire conduire ensuite à la frontière après un arrêté d’expulsion dûment notifié. J’ai attendu le résultat des recherches prescrites par l’administration de la sûreté, recherches qui sont infructueuses.

Pour répondre au dernier paragraphe de votre dépêche, je dirai que la classe ouvrière est, pour le moment, très calme dans mon arrondissement.

Cette situation durera-t-elle longtemps ? Je n’oserai me prononcer. Rien ne me fait prévoir, il est vrai qu’une grève imminente ou très prochaine.
De plus certaines ligues ouvrières se sont dissoutes.

Mais malgré toutes les lois et mesures votées ou prises en vue de faire disparaître certains griefs de la classe ouvrière, il semble exister encore chez l’ouvrier quelque mécontentement qui, à mon avis, a pour unique cause le salaire peu rémunérateur. L’ouvrier ne paraît pas satisfait mais il ne sait trop de quoi il doit se plaindre. Il se tient très tranquille et ne parle pas de grève.
Telle est au moins la situation que m’ont renseignée diverses personnes et que j’ai tout lieu de croire exacte.

Le procureur du roi.

Source : Archives générales du royaume. Dépôt de Forest. Parquet général de Bruxelles 224

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