
Parquet de la Cour d’appel d’Amiens
Direction des affaires criminelles et des grâces
1er bureau
Amiens, le 25 novembre 1893
Monsieur le garde des sceaux
J’ai l’honneur de vous informer que l’anarchiste Gustave Mathieu a comparu le 24 de ce mois, devant la Cour d’appel d’Amiens, comme appelant d’un jugement du tribunal de Vervins, en date du 25 octobre 1893 qui l’avait condamné à 4 mois de prison, pour rébellion et outrages à la gendarmerie. Sur l’appel a minima que j’ai cru devoir interjeter, la cour a décidé que l’acte de rébellion reproché au nommé Mathieu avait eu lieu avec arme et a élevé la peine à 6 mois d’emprisonnement, laquelle ne se confond pas avec une peine en cours d’exécution, prononcée par le tribunal de la Seine.
Ainsi que vous pourrez vous en rendre compte par le récit du journal Le Progrès de la Somme, que vous vous trouverez ci-inclus, un incident s’est produit pendant que la cour s’est retirée, pour délibérer, dans la chambre du conseil. Des journalistes et d’autres personnes présentes dans l’auditoire, parmi lesquelles se trouvaient des agitateurs bien connus à Amiens, se sont approchés de Mathieu, ont conversé avec lui et lui ont fourni de développer à haute voix, dans la salle d’audience, ses théories anarchistes.
L’enquête à laquelle j’ai procédé m’a fait connaître que l’huissier de service avait manqué à son devoir en ne prévenant pas M. le président de ce qui se passait. Cet huissier est jeune et nouvellement nommé, ce qui atténue sa faute ; je lui ai adressé à cet égard des observations.
Je me suis entendu, d’autre part, avec M. le président, pour éviter le retour de pareil fait et j’ai invité M. le colonel de gendarmerie à donner des ordres, pour que les gendarmes s’opposent à toute communication entre les détenus et les personnes présentes dans l’auditoire.
Le procureur général
Source : Archives nationales BB18 6450
Lire le dossier : Les anarchistes de l’Aisne