Ministère de l’Intérieur
Direction de la Sûreté générale
Commissariat de police
Ternier, le 23 avril 1892
A Guise, ainsi qu’il en a été à Paris et dans quelques grands centres ouvriers de France, des perquisitions ont été faites et une arrestation a été opérée, le sieur Lavabre Léon de qui on a signalé en son temps, les agissements, a été conduit à Vervins hier sur mandat de M. le juge d’instruction.
Cet individu qui n’avait pas cessé la propagande active qu’il faisait par ses discours et ses distributions d’écrits anarchistes avait été, pour ces faits, renvoyé de l’établissement du Familistère la veille même de son arrestation.
Le motif de son renvoi était des plus graves car il se compliquait de menaces de mort à un surveillant et à un chef d’atelier.
La perquisition faite chez lui n’a donné aucun résultat, cela n’a rien d’étonnant du reste, car il s’attendait de jour en jour à être l’objet d’une descente chez lui de l’autorité judiciaire, cela résulte du moins des conseils qu’il a reçus de son ami Mathieu et du récit qu’il en a fait à quelques uns de ses confidents.
Immédiatement après son renvoi Lavabre a adressé à son ami un télégramme ainsi conçu : « Emile Mathieu chez Maréchal, 75 rue d’Allemagne.
Dis-moi si peut partir pour Paris et avoir travail, renvoyé pour la cause, compte sur toi.
Léon Lavabre 18 rue Saint-Médard, Guise. »
Comme suite à sa dépêche, une lettre émanant sans nul doute de Mathieu est arrivée à Guise ce matin, elle a été saisie et transmise à M. le juge d’instruction de Vervins.
Auprès de la population saine de la ville, l’arrestation de cet anarchiste, bien que considéré comme peu dangereux, a produit le meilleur effet et l’on estime avec raison que cet individu éloigné momentanément de la ville, ses adeptes bien refroidis par l’arrestation de leur chef, ne se livreront à aucun désordre, ni même à aucune manifestation le 1er mai prochain.
On peut donc assurer dès à présent que cette journée se passera à Guise avec le plus grand calme et que les élections municipales s’y feront sans donner lieu à aucun incident.
Le commissaire spécial de police.
Source : Archives nationales F7 12507
Lire le dossier : Les anarchistes de l’Aisne