Document Éphéméride anarchiste

La Chaux-de-Fonds, 22 juin 1881

Hier soir, nous avons eu réunion, et la fameuse affaire du congrès de Zurich a occupé presque toute la séance.

Les troubles de Marseille ont appelé l’attention sérieuse du comité, vu que plusieurs lettres étaient arrivées dans la journée.

Tressaud, le marseillais demandait ce qu’il y avait à faire et si l’on devait profiter de l’agitation dans l’intérêt du parti anarchiste.

Le comité a fait réponse que les italiens étaient nos meilleurs compagnons et les plus actifs dans le mouvement international et qu’il y aurait opposition complète avec les principes de l’association révolutionnaire si la division se faisait avec les nationaux des divers pays, puisque nous ne voulons plus de frontières.

Comme vous le voyez, le comité reste neutre dans cette question de Marseille.

Pour le congrès de Zurich, Hausser et Stoessel, conseillers d’État du canton de Zurich, ont fait signer au comité socialiste démocratique une requête pour en appeler au Grand Conseil de l’arrêté du Conseil d’État.

Toutes nos sections ont fait une protestation en invoquant la Constitution, qui garantit le droit de réunions, et, pour donner plus de poids à cette protestation, les signatures de tous nos compagnons d’origine suisse, ont été les premières recueillies.

Comme il y a un revirement dans l’opinion publique et que d’un autre côté, l’on a assuré au comité que le Conseil Fédéral Suisse ne paraissait pas vouloir prendre la charge de l’interdiction de ce congrès, le comité de la Fédération suisse, d’accord avec le comité socialiste de Zurich et les diverses sections allemandes, italiennes et russes, est dans l’intention de passer outre et de faire les convocations aux sections étrangères, afin qu’elles nomment leurs délégués et qu’elles fassent les frais pour les expédier à Zurich.

Il est probable que le Conseil d’État reviendra sur sa décision et autorisera, pour éviter les complications, mais le Grand Conseil a été très adroit, car ses membres ont décidé que la discussion n’aurait lieu qu’au mois de juillet. Or c’est à cette époque que le congrès doit avoir lieu.

Quant à celui qui doit se faire à Londres le 14 juillet, notre comité lui a donné son adhésion, et nous y enverrons nos délégués afin qu’ils s’entendent avec ceux des divers groupes de Paris et d’Italie qui doivent s’y rendre.

Malgré cette résolution de notre comité, je dois vous dire qu’il existe chez nos meneurs une grande méfiance sur quelques uns des organisateurs de ce congrès de Londres ; le mot de police étrangère et de provocateur a été prononcé hier en parlant de Liebknecht, l’ex-député socialiste allemand.

Andréa Costa et d’autres agitateurs italiens se méfient d’un piège et cherchent à dissuader notre Fédération d’y participer.

En tout cas, on s’y rendra avec méfiance.

Droz

Source : Archives de la Préfecture de police Ba 438

Lire le dossier : Chroniques de La Fédération jurassienne de L’Internationale par Droz, indicateur de la Préfecture de police de Paris