Couverture du Néo-naturien

Préfecture de police

Direction générale des recherches

2e brigade

3e division

1er bureau

Réunion du groupe les Naturiens, salle Bouju, 69 rue Blanche

27 novembre 1895

Rapport

Hier soir a eu lieu salle Bouju, 69 rue Blanche, une réunion du groupe Les Naturiens.

L’assistance se composait de neuf personnes.

La séance est ouverte à 9 heures 45, sans formation de bureau.

Bariol demande à Gravelle si à l’état naturel, il a prévu le cas de folie et ce qu’il ferait dans ledit cas, ayant conclu dans la précédente réunion qu’il n’y avait pas besoin de justice.

Gravelle répond que la folie provient de l’état de choses actuel, soit de la civilisation qui atrophie le sang et les nerfs, soit du manque de nourriture ou des tourments que créent les lois.

A l’État naturel, dit-il, les individus n’auront pas les soucis, ni les tracas actuels, attendu qu’ils auront comme je vous l’ai expliqué, tous leurs besoins matériels assurés dans le cas où il y aurait un fou, ce qui peut arriver, je crois qu’il n’y aura pas besoin de s’en occuper.

Mais fait remarquer Bariol, si c’est un fou violent, il faudra bien que vous l’empêchiez de faire du mal.

Eh bien ! Nous nous en débarrasserons comme nous pourrons, réplique-t-il.

Bigot dit : « Dans ce cas, pour que cet individu ne vienne pas m’attaquer, on n’aura qu’à le tuer, ni plus, ni moins, sans autre formalité.

Marné est de l’avis de Bigot, mais il admet le principe de Gravelle, que dans le retour à la nature, il n’y aura pas d’individus atteints de folie. S’il y en a aujourd’hui, s’écrie-t-il, c’est cette pourriture de civilisation qui corrompt le sang et tue les nerfs des malheureux qui sont obligés de se soumettre à ses lois.

Il ajoute : « Croyez-vous que la vertu aura besoin d’un Palais de justice pour se sauvegarder ? Nous n’aurons pas besoin de cela, il y aura bien moins d’infanticides qu’aujourd’hui.

Bariol demande si pour les besoins usuels on se servira de bouteilles, verres, etc, et s’il n’y aura pas nécessité de monter des usines.

Gravelle estime que tout cela n’est pas utile et que celui qui voudra se procurer ces ustensiles n’aura qu’à se les fabriquer. «  Je sais que moi, je n’irai pas chercher les produits pour les lui fabriquer, dit-il, ni qu’il ne me forcera à les faire. Si j’ai besoin d’un couteau, j’extrairai du minerai de fer pour le fabriquer moi-même et les autres feront comme moi.

Les anciens ont bien fabriqué des ustensiles en terre et des armes, dont il reste des vestiges dans nos musés, fait observer Bigot ; nous ferons comme eux, si c’est nécessaire, mais nous n’aurons pas comme aujourd’hui, un tas de sergots qui viendront comme cela s’est déjà vu, nous charger avec des sabres. »

La séance est levée à 11 heures.

Le commissaire de police.

Archives de la Préfecture de police Ba 1508

Lire le dossier Les Naturiens, des anarchistes précurseurs de l’écologie politique