Z n°6
Londres, 4 décembre 1893
Les trois individus nommés ou surnommés Lebreton, Edouard, impliqués dans le vol Delaruelle seraient bien à Paris depuis vendredi dernier avec Bernard le déserteur qui vient de faire trois mois de prison ici.
Ils ont laissé le petit Grandidier qui ne sait où se cacher parce qu’il est poursuivi.
Il est en ce moment chez le frère de Latour dans Camben Arvon, en haut d’Hampstead Road. Latour est un suisse qui ne s’occupe pas de propagande. C’est un ouvrier en mandolines, son vrai nom serait Lutz. Il est grand, il porte un pardessus à pèlerine marron clair, il a œil de verre, l’oeil gauche.
Il cache Grandidier provisoirement. Mais Defendi, 112 High Street, où habite Malatesta, doit le chercher ailleurs.
Grandidier va souvent chez Jules Corti, 18 Little Goodge Street, au troisième, où hier encore chez un nommé Marceau, parquetier-ébéniste, de 19 ans va le voir.
On aura demain l’adresse exacte, on l’enverra.
Est arrivée hier, avec la maîtresse de Bastard, un nommé Rousseau, horloger, qui vient de faire 18 mois de prison et sept mois de prévention à Mazas (voir correspondance Z. 2 en date du 23 novembre 1893)
César Corti passe en cours d’assises cette semaine. On croit qu’il sera condamné.
Parmaggiani a déménagé mais il est toujours à Londres. On saura sa nouvelle adresse cette semaine, après le procès, il est toujours suivi par la police, ainsi que son complice Baroni.
Source : Archives de la Préfecture de police Ba 1508
Les voleurs de chez M. Delaruelle. — Nos lecteurs n’ont peut-être pas oublié l’audacieux vol à main armée commis au mois d’octobre dernier, en pleine nuit, chez un vieillard de soixante-treize ans, M. Delaruelle, habitant un petit pavillon, 13, impasse Thérèse. à St-Ouen. M. Delaruelle, ainsi que sa vieille bonne, avaient été menacés de mort par les bandits qui, après les avoir attaches, avaient mis la maison au pillage, emportant pour une somme considérable de valeurs et d’obligations. Peu- après, un nommé Louis Lamarine était arrêté. Anarchiste dangereux, il avoua sa participation au vol commis chez le vieillard et dénonça deux de ses complices. Louis Muradec et Jean Edouard, qui s’étalent réfugiés a Londres. 11 fut impossible de les retrouver.
Ils ont été arrêtés hier à Morlaix à la suite d’un vol important. Ils nièrent avec énergie toute complicité dans l’affaire de St-Ouen. Leurs photographies furent alors envoyés aussitôt à M. Delaruelle et à sa bonne qui les ont parfaitement reconnus.
Louis Muradec et Jean Edouard, se voyant démasqués, sont entrés dans la voie des aveux. Les auteurs de ce vol audacieux, qui a tant émotionné l’opinion publique, sont donc maintenant sous les verrous.
Journal de Saint-Denis 28 janvier 1894
Lire le dossier : Les anarchistes illégalistes à Londres