
Belgique
Borinage. Comme vous l’annonçait notre ami Vonck, dans sa dernière correspondance, je me suis rendu, le 26 décembre, à Cuesmes (Borinage) ; j’y ai été admirablement reçu et je vous affirme qu’on se trouve tout heureux à défendre les intérêts de compagnons comme ceux-là, en présence de la franchise et de la cordialité de leur réception.
Après une courte séance, à Cuesmes, d’assez bonnes résolutions ont été prises et nous nous sommes rendus à Wasmes, où la Chambre du travail (Minimunards belges) avait organisé un meeting.
Le secrétaire fédéral a fait un assez long discours, puis les citoyens Delaforêt et Duverger de la Chambre du travail ont successivement pris la parole.
Ils ont parlé avec une assez grande modération et avec une bonne foi qui me surprit fort chez deux délégués de la Chambre du travail ; il faut d’ailleurs reconnaître que ces citoyens sont les éléments les plus honnêtes de cette triste organisation qui s’appelle le parti socialiste belge (!). Il est en outre incontestable que leurs discours, tout évolutionnistes qu’ils aient été, auraient été blâmés par leurs collègues de Bruxelles et considérés comme beaucoup trop avancés.
Je n’ai pu prendre la parole qu’avec beaucoup de difficultés : on craignait peut-être qu’en m’entendant parler de Révolution sociale, la vieille énergie des Borains de Wasmes vint à se réveiller. Quoiqu’il en soit, j’ai pu parler, et j’ai constaté que le public était pour ainsi dire divisé en deux camps : j’ai en outre été tout autant applaudi – mais pas plus – que les délégués de la Chambre du travail, MM. Delaforêt et Duverger.
Il existe indubitablement d’excellents éléments dans la section de Wasmes ; il suffira d’un ou deux échecs dans la ses petits moyens d’agitation légale, pour qu’elle se rallie franchement au parti révolutionnaire.
Reivax (Xavier Stuyck).
Autre correspondance.
La Voix de l’ouvrier a annoncé que les renseignements que je vous envoyais sur notre pays étaient faux : cela a fait bien rire les amis du Borinage. Si vous voulez bien songer que les sections de Jemmapes-Flénu et de Cuesmes ont déjà adhéré à l’Union révolutionnaire, vous ne pourrez guère mettre en doute la vérité de nos paroles.
Une autre preuve de la vérité de ce que je vous ai écrit, c’est le meeting qui a eu lieu dimanche dernier, avec le concours du compagnon Laurent, mandaté par la section de Cuesmes et délégué par les Cercles réunis. Ça a très bien réussi. Le commissaire fédéral Fabien Gérard, qu’on accuse – à tort ou à raison – de tourner du côté des évolutionnistes, a été accueilli avec une froideur qui le fera peut-être réfléchir.
La compagnon Laurent a été très applaudi surtout quand il a dit :
« Vous avez fait des manifestations pour réclamer le suffrage universel, cela n’a servi à rien ; vous avez fait des pétitions pour obtenir ce même suffrage, cela n’a servi à rien. On vous fait signer aujourd’hui une pétition pour la réforme des caisses de prévoyance, cela ne servira à rien (Bravos). Toutefois, signez-la, signez un aussi un grand nombre que possible, plus vous aurez été de signataires et plus le résultat de votre demande prouvera que la bourgeoisie se moquera de vous tant que vous ne vous rallierez pas tous sur le terrain de l’union et de l’organisation des révolutionnaires.
Après avoir chaudement approuvé la décision de réunir à Cuesmes le prochain Congrès de l’Union révolutionnaire, on s’est séparé aux cris de Vive la Révolution sociale !
Honneur à la section de Cuesmes de relever ainsi, dans le Borinage, le drapeau révolutionnaire.
R. Morvin
La Révolution sociale n°4 9 janvier 1881
Lire le dossier : Les anarchistes en Belgique avant les émeutes de 1886