
Espagne
A tous les travailleurs et au public eu général. Barcelone, —- Nous, soussignés, travail leurs emprisonnés dans les cachots de celle ville, nous manquerions à notre devoir si nous ne faisions connaître aux amis de la vérité ce qui nous est arrivé.
La police nous a arrêtés, les uns dans nos maisons, les autres dans la rue où dans les ateliers sans autre raison, sans autre motif que pour nos idées de justice et d’émancipation ou pour notre participation à des associations ouvrières légalement constituées.
Comme toujours, quand il s’agit d’emprisonner des ouvriers on n’a pas manqué de prétextes pour nous accuser. Celui-ci pour un pétard qui a éclaté sur la place Royale et qui n’est point de notre fait; celui-la pour un attentat supposé contre le consulat d’Allemagne, simple plaisanterie dont par pudeur, ni la presse ni la police n’ont ose parler une seconde fois; les autres enfin pour n’importe quel délit, ou pour avoir fait circuler des proclamations sur papier rouge que personne n’a vues ; en un mol on a inventé tous les prétextes imaginables pour nous tenir en prison.
Mais ce qui est certain, et ne saurait l’être davantage, c’est que l’art de démontrer noir ce qui est blanc, est arrivé à son comble, ce sont les infamies arbitraires du gouvernement ; enfin c’est la misère de nos familles.
C’est pourquoi nous nous adressons à tous les travailleurs et au public en général, non pour protester contre les bourreaux, mais pour exposer la vérité, et pour que tous sachent ; s’il leur convient de nous prêter leur appui moral et matériel, de faire leur cause de la cause des inculpés et de mépriser ceux qui méritent le mépris.
Vive la solidarité des travailleurs. Vive l’émancipation sociale. Alejandro Campniany. — C. Oller. — Candido Andreu. — C. Antunez. — J. Munoz. — J. Aragon. — B. Pejot. —P. Ferla. — Thomas Ocsetierj.— Jaime Mira. — Blowdal Crestino. — B. Cervera. — Valentin Nonturoso. — Fructuoso Gonzalez. — Juan Falco. — Aruego de C. Pinon, P. Ferla. — Calixto Cots. — José Vergés. — Ventura Moreto. — I. Vendrell. — Paolo Schiecchi. Juan Gavalda. — José Fabregat. — Vicente Abad. — N. Lajusticia. — J. Hugas. — Francisco Llambart. — José Bisbal. — José Tubau. — Ettore Luigi. —José Coleas. — Narciso Garriga. — Francisco Abaya. — J. Pareras. — I. Calasans. — Clemente Lange. — Antonio Palau, —P. Baqué. —Juan Font.
La Révolte 22 mai 1892
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Nous recevons une lettre des prisons de Barcelone qui nous apporte quelques renseignements navrants sur la situation des camarades arrêtés ; car les mauvais traitements dont se plaint le compagnon Bernard, ont été également appliqués à ses camarades de captivité.
Messieurs les bourgeois sont, en ce moment, les plus forts, ils en profitent :
« Prisons de Barcelone, 23 juin 1892. « Depuis ma dernière lettre il s’est passe pour moi des avènements qui m’ont rudement frappé; ma pauvre compagne que j’avais laissée malade avec mon enfant de quatre ans est morte le 5 avril dernier après avoir été odieusement torturée par les mouchards espagnols ; c’est d’ailleurs a eux seuls que la mort de ma chère compagne doit être attribuée; c’est un horrible assassinat, mais un assassinat légal, que, seule, peut punir l’illégalité.
« Mais ce n’est pas tout et profitant de ce que son corps était à l’hôpital les autorités de ce pays maudit ont lancé leur clergé à la curée qui a enlevé le cadavre secrètement, deux heures avant celle fixée pour l’enterrement civil payé par les camarades anarchistes; .,
« Comme vous voyez, assassinat de femme malade puis vol de cadavre, pendant que je suis emprisonné, c’est bien complet. .
Le plus fort c’est qu’il m’est impossible de savoir où ils ont ensevelis les chers restes de celle qui partagea mes affreuses infortunes, en France, en Suisse, en Italie et ici, avec tant de dévouement et de courage.
« C’est affreux ce que le cœur m’a saigne, ce qu il me saigne encore. Je garderai éternellement le triste souvenir de cette sauvage cruauté.
« quant à notre situation elle n’a pas changé, nous sommes toujours — la Rédaction entière de l’Avenir — dans cette infecte prison voilà près de 5mois; nous ne voyons plus ni juge, ni diable, ni rien, nous ne savons non plus rien du procès ni de notre liberté; c’est l’oubli complet et impudent. »
La Révolte 1er juillet 1892*
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Espagne
Nous recevons la lettre ci-dessous, inutile d’y ajouter de commentaires :
« Prison de Barcelone, 30 septembre 1892. »
Camarades de la Révolte, »
La comédie qui se joue sur notre compte est par trop infâme et se prolonge au delà de toute pudeur.
» Depuis huit mois nous sommes emprisonnés dans les plus sales conditions possibles, sans que l’on ait eu la pudeur de nous informer de notre crime.
» Pas un juge à l’horizon, pas l’ombre d’un procès, pas un doute d’accusation, rien ne vient nous rappeler que nous vivons encore.
» La conspiration du silence faite par la presse de toute couleur et par la justice, nous fait disparaître dans le brouillard épais de l’oubli.
» Cet oubli est d’autant plus criminel que les misérables nous ont mis au milieu des maladies les plus infectieuses, de l’air le plus corrompu, et la privation d’aliments la plus rigoureuse.
» Non seulement on nous donne une nourriture de moitié au moins insuffisante, mais si exécrable que les chiens n’y résistent pas — nous en avons eu la preuve qui a été tentée par un de nos compagnons de chaîne. — Avec cela, la gale, la teigne, la syphilis et nombre d’autres maladies contagieuses nous guettent avec tant de sûreté que plus de quatre-vingt-quinze pour cent des hommes sont couverts de plaies et la vue de leurs corps est hideuse. Nous sommes obligés de dormir par terre cote à cote avec eux, de respirer le même air, de nous faire mordre par la même vermine, grouillante et puante.
» Néanmoins, jusqu’à présent, nous avons pu nous défendre a force d’efforts de toute sorte, mais la mauvaise et insuffisante subsistance qu’on nous jette en pâture aidant, il ne nous est maintenant plus possible d’échapper à l’infection dégoûtante qui déjà nous tourmente.
» Cette autorité de coquins espère-t-elle nous décourager et nous persuader des bienfaits de son pouvoir, ou cherche-t-elle à nous assassiner sournoisement, comme déjà elle a assassiné ma compagne ?
» Tout nous le fait croire, car les gredins n’osent pas nous faire un procès et redoutent de rendre l’affaire publique.
» Et bien, il faut qu’on le sache, nous ne nous laisserons pas manger par les misérables et quels que soient leurs efforts pour nous affaiblir, toujours nous serons prêts et décidés à faire face à l’orage, qu’il éclate aujourd’hui ou qu’il éclate demain.
» Magistrats espagnols, pas plus que les assassins de Chicago et de Montbrison, vous n’arrêterez le courant qui bientôt vous lavera les tripes et quelle que soit la profondeur et l’ignominie de vos cachots, toujours vous entendrez notre voix, non pas plaintive, mais menaçante.
Vive la Révolution !
La Révolte 22 octobre 1892*
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Camarades de La Révolte,
Nos juges ont enfin simulé le réveil ; le 28 novembre demier ils ont envoyé leurs valets nous prévenir que notre cause passait entre les mains du Procureur de la Reine; c’est un pas en avant, à moins que dans quelques jours, comme c’est un peu l’habitude, elle ne revienne à son point de départ comme il a été fait pour un camarade emprisonné depuis 28 mois pour les mêmes raisons que nous (délit d’anarchiste) et dont la cause est toujours à l’instruction.
On dit que le nouveau ministère libéral s’appliquera à réparer les arbitraires sauvageries de son prédécesseur,mais notre qualité d’anarchistes nous fait méfier des sentiments affichés par tout gouvernant, blanc ou bleu, et nous savons d’avance que nous n’avons rien à attendre que ces messieurs ne soient obligés de nous donner.
Pourtant il serait grand temps d’en finir avec cette odieuse comédie où se joue, non seulement notre liberté mais notre santé insinue la vie de ceux que nous aimons.
Déjà, malgré nos précautions préventives, la gale nous dévore, les ulcères déchirent nos chairs tandis que la vermine fouille nos plaies; nos nuits sont des nuits de tourments et d’insomnies absolument semblables à cet enfer décrit par les écrivassiers cléricaux; nos tortures deviennent chaque jour plus insupportables et nous n’osons plus tendre la main aux amis qui nous viennent voir.
Si c’est avec de pareilles monstruosités que les bourgeois espèrent désarmer notre haine et nous convaincre des bonnes qualités de leur justice vraiment nous les plaignons.
Il est vrai qu’à ce jeu-là, M. Garcia Bajo, notre premier juge spécial, à gagné une croix quelconque et que mes enfants y ont perdu leur mère, c’est la seule explication qu’on puisse donner à cette comédie, convertie en drame, par des messieurs qui croient à l’impunité de leurs crimes.
M. le Procureur de la Reine comprendra-t-il, maintenant que tout dépend de lui, qu’il est temps de mettre un terme à ces interminables détentions ?
Nous ne demandons pas plus de clémence que nous n’en accorderions à ces gens-là dons un moment de lutte mais puisqu’ils prétendent à la justice qu’ils l’appliquent. Nous ne réclamons rien de plus.
La Révolte 25 décembre 1892
- Documents cités par Paul Bernard en Barcelona, 1891-1893. Pinceladas de un hipotético terrorista
Lire le dossier : Ravachol à Barcelone