Paul Bernard ci-dessus ressemblait à Charreyre. Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

La deuxième évasion de Ravachol

Des formalités administratives, et de leurs inconvénients, ainsi pourrait-on intituler le récit qu’on va lire de la deuxième évasion de Ravachol.

Après des recherches actives, minutieuses, M. Bénad, chef de la sûreté, était, il y a environ deux mois, parvenu à établir la résidence de Ravachol, l’assassin de l’ermite de Notre-Dame-de-Grâce.

Koenigstein avait passé la frontière et vivait dans la sécurité la plus profonde à Barcelone (Espagne), en compagnie de Charreyre, un anarchiste comme lui.

On s’informa auprès du consul Français a Barcelone, qui répondit qu’effectivement, deux Français répondant au signalement de Charreyre et de Ravachol demeuraient à Barcelone (casa de Estrella).

Le consul réclama les mandats d’arrêts, se faisant fort de remettre en mains sûres, les deux anarchistes recherchés.

Aussitôt prévenu, M. Carton, commissaire central, s’empressa de demander au procureur de la République les mandats nécessaires à l’arrestation de Charreyre et Ravachol.

Seulement le parquet fit des objections : il y avait des formalités administratives à remplir, des démarches diplomatiques à faire.

Ces formalités, ces démarches furent remplies avec la ponctualité la plus parfaite, aussi les mandats demandés par le consul de Barcelone ne purent lui être communiqués qu’un mois après ses instantes réclamations.

C’est ainsi que les agents espagnols purent se présenter au domicile des deux Français précédemment signalés, mais trouvèrent porte close.

Informés, on ne sait comment, Ravachol et Charreyre avaient pris la fuite.

La police espagnole se contenta d’appréhender un malheureux ouvrier serrurier qui avait eu la malchance de ressembler à Charreyre.

Satisfaits de cette demi-victoire, on télégraphia parquet de Saint-Etienne, la prétendue arrestation.

Nous avons reproduit en ce temps le bruit qui courait ce sujet, bruit qui ne fut, hélas ! pas le moins du monde confirmé.

Après une détention de plusieurs jours l’ouvrier serrurier, un nommé Paul Bernard , fut relâché, son identité ayant été bien justifiée.

Quant à Charreyre et Ravachol, ils avaient en le temps de se mettre de nouveau à l’abri de toutes recherches.

C’est beau les formalités administratives !

Le Stéphanois 4 décembre 1891

Lire le dossier : Ravachol à Barcelone