Monte Carlo, 28 août 1893 :

Colombo démarquait l’autre jour des couverts et demandait la composition d’un bain d’argent. Il est avec un individu assez gros, taille 1m70, portant une barbe noire et habillé d’un complet bleu marine. Il se montre très peu, si ce n’est le soir

Cova est ici, on l’a vu hier chez Lapie avec Parmeggiani et toujours sa bande.

Au sujet de Puteaux, on pense que Trognon aurait bien pu y tremper. Marocco avant hier disait que Trognon était malade. Si le coup n’a pas été fait par lui, il a pu l’être par le petit qui a apporté dernièrement les couverts et qui est à Paris en ce moment.

Parmeggiani a vendu les 20,000 litres de vin qu’il a escroqué ;

Z6, le 29 août 1893 :

On est allé chez Marocco qui demeure dans Dean Street Oxford Street où il est marchand de parapluies et d’objets d’art ce qui lui sert de couvert pour mieux exercer sa profession de receleur.

On y a rencontré Matha un de ses fidèles qui est en même temps grand ami de Bordes.

On a pas vu Marocco qui était absent mais on retournera pour le rencontrer.

On ne pense pas que l’affaire de Puteaux ait été faite par les anarchistes d’ici.

Pini a écrit deux lettres à Parmeggiani dans lesquelles il lui dit d’écrire aux journaux qu’il ne permet pas à Schouppe de faire des souscriptions pour lui, qu’il n’a besoin de rien.

Y3, 30 août 1893 :

La bande de Marocco est composée de plusieurs individus appartenant à des nationalités différentes : Friess, un cordonnier allemand qui demeure avec sa femme 91 Charlotte Street, Fritzroy Square ; Franco un coiffeur italien qui demeure à la même adresse et qui travaille Charing Cross Road. Ce dernier est un militant des plus influents, il parle et est fort écouté dans les réunions anarchistes. Il sait le français. C’est le véritable chef de cette bande bien que généralement il reste en dehors de toute action directe.

En dehors de ces trois, il y a 5 ou 6 autres dont un ou deux français et le reste allemand ou italien. On ne les connaît pas encore mais on les a rencontrés. On croit que de ce côté ils sont très actifs et qu’ils travaillent surtout à l’écoulement des matières ou objets provenant de vols faits par leurs amis ou de leurs escroqueries.

D’un autre côté Escaré, un fabriquant de bronzes demeurant 3 Alfred Place, presqu’en face de chez Dupont, me paraît fortement suspect avec son inséparable Capt, un plombier anarchiste avec qui il passe des heures entières enfermé chez lui. Mais Escaré est un malin rusé qu’il est fort difficile de circonvenir.

Les tableaux ne sont plus chez Marck, ils sont dans une maison de University Street. Mais ils ne doivent pas être vendus, Chabard étant toujours à Londres.

Monte Carlo, 1er septembre :

Marocco, ni Matha ne sont partis mais ils doivent s’en aller la semaine prochaine. Marocco vient de donner des vases à vendre à un compagnon à qui il avait déjà demandé ce service.. Il attend la vente et le produit lui servira pour partir. Il a reçu des nouvelles de Trognon qui est encore malade mais va mieux. Il ne dit pas ce qu’il a.

L’italien et le français ne partiront que samedi, on suppose qu’ils s’en iront par l’Ouest, ce qui est le meilleur marché.

Z6, 1er septembre :

Cova est toujours à Londres et n’a nullement l’intention de partir quand à Chiericotti, il est à Paris ou en province, il n’écrit pas à sa femme qui est encore ici pour une quinzaine de jours. Elle croit que son mari l’a abandonnée avec son enfant et retournera chez son père.

Cova que l’on a encore vu 3 fois aujourd’hui ne manifeste même pas l’intention de quitter Londres.

Z6 : Lapie est allé à Paris. Il a du arriver vendredi dernier.

Il est parti avec la femme Chauvière qui était ici avec son mari, dans une misère noire.

Celui-ci n’ose pas rentrer à Paris, il craint d’être inquiété pour son affaire de la rue de rennes (pillage de l’armurier).

La femme Chauvière doit descendre chez un de ses amis 35 rue de Bagnolet.

Lapie écrit qu’il est allé voir Constant Martin et qu’il y a vu le père Galau qui l’a invité à aller leur porter chez lui les nouvelles qu’il avait à lui donner sur leur fils.

Celui-ci se fait adresser à Londres, ses lettres sous le nom de Moreau mais les compagnons continuent à l’appeler Petit Jean.

Chez Galau, où Lapie écrit avoir été l’autre soir, il a été fort bien reçu. Beaucoup de compagnons s’y trouvaient réunis. Il cite entre autres Ségard père, Bassard, Spannagel, le futur mari de la fille Galau (dont il ne dit pas le nom) et d’autres qui lui sont inconnus.

Galau craint toujours pour son fils et ne veut pas qu’il revienne. Il a dit à Lapie qu’il l’accompagnerait probablement à Londres à son retour et qu’il resterait 3 ou 4 jours

Lapie avait aussi de la part de Cova, une lettre à remettre à Germain demeurant 9 rue de Cléry.

Ce Germain est un italien dont le nom serait Galimberti

Y3, 6 septembre 1893 :

La bande Franco ne travaille pas pour le moment avec Marocco. Ce dernier est en rapport avec Parmeggiani et son groupe mais il est impossible de rien préciser encore en ce qui concerne leurs agissements.

Dupont, Marck et Chabard attendent toujours le résultat de l’affaire des tableaux.

Monte Carlo, 8 septembre 1893 :

L’Indicateur anarchiste a bien été publié il y a environ 18 mois ou 2 ans à Londres et c’était Parmeggiani qui donnait les moyens de se servir de la dynamite.

Parmeggiani et plusieurs autres vont publier un pamphlet anarchiste ; il avait prêté une livre sterling à Lapie, après le vol commis au préjudice de celui-ci, mais sachant qu’il allait à Paris, il lui a réclamé sa livre, disant que puisqu’il allait se promener, il préférait garder cet argent pour la propagande et faire publier le pamphlet en question.

Impossible trouver Émile Henry à Londres. Que fait-il à Paris, s’il y est ?

Z6, 13 septembre 1893 :

On a eu ces jours-ci la visite de l’ami intime associé de Cora (Bosconi) qui est venu de sa part demander le résultat de la commission dont on avait été chargé auprès de Germain Galimberti 9 rue de Clichy. On lui a dit le résultat et il a répondu que Cova était poursuivi par la police anglaise pour affaire d’estampage de produits italiens.

Peut-être que Cova est allé à Paris, sinon il ne tardera pas à partir.

Y 3, 13 septembre 1893 :

Lucie qui tient un cabaret anarchiste rue des Ecoles, est à Londres chez Marck Friedlander depuis samedi, elle passe son temps à visiter la ville en compagnie de Dupont et de Marck, elle repartira à la fin de la présente semaine.

Z6, 17 septembre 1893 :

Dans une lettre reçue par Galau fils ce matin, son père lui annonce l’arrivée d’un nommé Marceau qui a été arrêté pendant les affaires Foret.

Monte Carlo, 23 septembre 1893 :

Colombo dont on vous a plusieurs fois parlé, travaille maintenant dans la banlieue de Londres.

Léon ou plutôt Ortiz n’a toujours pas donné de nouvelles à Marocco qui ne sait plus que penser. Il aurait fait écrire à ce dernier par une autre personne qu’il avait été blessé dans un accident de chemin de fer.

Ce matin un anarchiste du nom de Thierry est venu proposer à Escaré de servir d’intermédiaire pour la négociation de 120,000 francs de titres volés en France (à Paris probablement) : fonds de l’État russe, 5 % italien, actions de chemin de fer, obligations de la ville de Paris et autres.

Pour le laisser venir on lui a laissé croire que l’on pouvait faire l’affaire espérant ainsi connaître l’origine de ces titres. On doit le revoir sous peu. On agira suivant vos instructions. Il est en rapport dit-il avec le receleur Fournier de Boulogne, intermédiaire connu entre les voleurs français et anglais.

Z6, 24 septembre 1893 :

Chabard l’amant de Ida est encore ici chez Dupont et Marck, 29 Alfred Place.
Corti doit avoir une explication avec Parmegginai à propos de cancans.

Z n°6, 27 septembre 1893 :

Chiericotti est revenu avec une autre femme. Il est bien vêtu et paraît réussir dans ses affaires.

Chiericotti a fait part du séjour à Paris d’un nommé Orsini, fils d’italien, né à Buenos-Ayres, il est avec une belle femme et doit habiter Montmartre. C’est un gros garçon, la figure rasée, bel homme, parlant peu le français et un habile voleur. Il doit venir à Londres.

Monte Carlo, 27 septembre 1893 :

Rien au sujet de Léon, ils écrivent partout, pas de réponse. Tous croient qu’il est arrêté

Z 6, 10 octobre 1893 :

Chiericotti parti avec sa femme et son enfant, ils doivent être à Montmartre sous un faux nom. Le père de sa femme est propriétaire dans ce quartier. Comme la police a été chez son père au moment des affaires de la rue des Bons-Enfants. On doit savoir à Paris où celui-ci pourrait se trouver ou connaître les italiens qui pourraient faire quelque chose.

Le fameux Parmeggiani ne s’occupe que d’estampage, de petits vols qu’il fait faire ici à d’autres italiens.

On surveille Corti qui est revenu de Liverpool, il a toujours la main blessée.

Monte Carlo, 11 octobre 1893 :

Les agents de M. Melville sont toujours aux trousses de Capt, ils sont allés hier chez lui car on le nomme le détective de l’anarchie.

Un individu est signalé comme fournissant les fonds pour la propagande. Il se fait appeler Harchingen, a 5 ou 6 noms et notamment celui de Thoms ; il demeure chez Delbecque et n’est autre que le fameux Fontaine qui a fourni la dynamite en Belgique. Il fait de l’estampage, actuellement il cherche à se procurer du mercure et a déjà écrit en Espagne pour pouvoir obtenir de quoi faire des détonants.

On le voit presque tous les jours. Il est venu ce matin trouver Escaré, disant qu’il avait une lettre importante à lui communiquer. On ne sait encore ce qu’elle contenait, Escaré n’étant pas présent alors, mais on fera son possible pour l’apprendre.

Z 6, 12 octobre 1893 :

Corti, blessé à la main pendant son travail, ne fait rien non plus, ce serait le plus à craindre parce que l’on sait qu’il connaît les explosifs ; ce n’est donc qu’à la Jeunesse Antipatriotique que l’on peut faire de l’agitation.

Parmeggiani et Cova ne font que de l’estampage et se moquent bien des fêtes russes ; ça ne les regarde pas, disent-ils.

Chieericotti a-t-on assuré de nouveau doit être à Montmartre.

Pomati est à Paris aussi, il a écrit dans le dernier numéro du Sampierro Avanti une lettre où il dit avoir connu Pallas à Paris et avoir été au courant de ses projets.

Z n°6, 13 octobre 1893 :

Catty, le fabriquant de vélocipèdes de l’avenue des Ternes a écrit ici au Frisé que Petit Jean (Galau) était un mouchard. Il s’en est fallu de peu que Boitel, le futur beau-frère à Galau, ne parte à Paris pour corriger Catty.

Marguerite Galau doit venir ici rejoindre son futur et son frère, samedi prochain.

(350)

Z6, 17 octobre 1893 :

Aucun départ, aucune arrivée, rien à craindre de Londres pour Paris ; on a vu hier Cova au concert, il se cache toujours, étant recherché pour vol ici.

Rien à craindre de Parmeggiani, il fait de la représentation pour les vins, en apparence du moins et estampe le plus qu’il peut.

On a écrit pour Corti à la Gazette des tribunaux afin d’avoir les journaux du procès « bande Renard ». Il y a paraît-il une lettre d’Amélie sur Corti et Chiericotti. Demain on écrira plus longue lettre sur ce sujet.

Z6, 20 octobre 1893 :

Matha ne part pas à Paris. Il attend des ordres de Marocco

Z n°6, 26 décembre 1893 :

Gérard disait tout à l’heure que l’affaire de Levallois viendrait d’un nommé Jacob, habitant Saint-Denis qui vit en concubinage avec la nièce du blessé.

Cet individu Jacob a habité rue Laghouat avec sa femme qui est blanchisseuse. Il a été aussi chez Altérant à St Denis. Il n’est pas aimé par les compagnons.

Z 6, 30 octobre 1893 :

On n’a pas eu de nouvelles des paquets de manifestes ( note : sur la Russie) envoyés à Paris par colis postaux.

Il y en a toujours 12.000 à expédier qui ne peuvent être envoyés faute d’argent et aussi parce qu’on ne sait pas s’ils parviendront.

Hier encore, on en a vu chez Lapie, Cova, Franco, Bidault, Latour, Galau, Mollet, etc. On a discuté pour faire de la propagande par brochures et journaux.

Marguerite Galau a prêté l’argent qu’on lui avait envoyé pour venir à Londres, à son père, pour faire une voiture. Elle retarde son voyage de 8 à 10 jours. On vous avisera.

Parmeggiani travaille avec Molasse chez une femme galante.

Corti qui avait pratiqué une tentative de vol vendredi, est venu en aviser Lapie, pour se créer un alibi.

Z n°6, 2 novembre 1893 :

Cova a été arrêté hier matin, il a passé en police court à une heure et son affaire est renvoyée à huitaine.

Il est accusé de faux pour Narrants.

Ses complice sont Parmeggiani et Baroni. Leur patron à tous, un marchand de vins en gros -italien comme eux – a demandé à Parmeggiani et à Baroni de lui rendre les Narrants et qu’il ferait cesser les poursuites.

Parmeggiani est venu le voir et l’a menacé. Aussi le patron est décidé à son tour à faire arrêter les complices de Cova, Parmeggiani et Baroni.

Bidault a montré ce matin les reçus de la douane de Lille constatant que les paquets de manifestes avaient été gardés par ordre de la police de Paris.

Il croit que les paquets ont été confisqués et doit chercher un camarade qui puisse faire les impressions à Paris.

Z n°6, 2 novembre 1893 :

Corti m’a fait demander le Figaro du 14 octobre où il y a la lettre d’Amélie qui l’intéressait.

Ici, Parmeggiani et Cora le traitent de mouchard sur les indications fournies par Chericotti qui lui doit être à Paris.

Source : Archives de la Préfecture de police Ba 1508

Lire le dossier : Les anarchistes illégalistes à Londres