Monte Carlo 7 août 1893

Ce matin on a vu Matha avec un nouvel arrivé. Cet individu qui est ici depuis 8 jours est ciseleur en orfèvrerie. Il était avec Dupont et Marck. Ce dernier semble de plus en plus drôle. Comme il est acculé au point de vue de la monnaie et qu’il sent le correspondant bien avec tous les anarchistes, il le cherche à chaque instant, leur offrant à boire. Hier, il lui disait qu’il était prêt à tout faire s’il connaissait des marchandises volées, qu’il se chargeait d’en débarrasser ceux qui en avaient, ajoutant qu’on lui avait proposé les couverts de l’affaire Plessis-Piquet. Est-ce pour tirer les vers du nez ?

S’il y avait du vrai, ce serait cet individu, ciseleur qui l’aurait fait, enfin on est certain que Colombo a des couverts qu’il a démarqués. Il demeure chez Capt, mais les couverts ne sont pas là et on n’a pu savoir d’où il les tient. Avec de la patience, on y arrivera.

Marck doit travailler pour une brigade car l’intérieur ne lui aurait pas donné l’affaire du Plessis-Piquet qui ne doit pas être de son ressort.

En fait de nouveau, en voici :

On a dit déjà que l’on avait des vases à lui pour les vendre, il en voulait 100 francs et est venu quatre fois dimanche. En écrivant cette lettre insolente, on comprendra bien ce qui lui a été répondu. Quand l’on avait pas confiance dans les gens, l’on faisait ses affaires soi-même, etc. lui faisant bien remarquer que l’on n’était pas son domestique et que l’on était contre l’autoritarisme.

Bref, on voit la lettre d’excuses qu’il a écrite. Donc si les vases avaient été rendus, il partait lundi avec Matha pour Paris.

On voit à quel point en est arrivé le correspondant, pour être dans l’intimité de ces gens là.

Il fallait que l’on joue ce rôle, pour conserver la patience vis à vis d’eux. Rien n’est perdu avec de la patience, on les aura tous les trois sur le fait, car l’affaire de l’agent de change est toujours à faire ; ils n’ont pas de nouvelles de Trognon qui est toujours malade, très malade à ce qu’il paraît.

L’affaire de Puteaux a été faite par des amis de Trognon, si toutefois Trognon n’y était pas lui-même car il connaissait cette affaire.

Marocco et Matha savent qui l’a fait. Matha vient de me dire à l’instant que le petit qui lui a apporté les couverts était de l’affaire.

Z n°6 11 août 1893

On a reçu hier votre lettre qui donne des renseignements sur le vol du duc de Morny.

Tous les anarchistes qui sont susceptibles de faire un coup, sont ici, sauf Chiericotti : on surveille Morocco et Escaré qui, si on leur offrait des objets, seraient capables de les vendre.

Hier, la femme Parmeggiani a reçu la visite de deux détectives, qui ont demandé après Permaggiani. Elle leur a répondu qu’elle s’appelait Mme Caralis et que Parmeggiani serait peut-être aujourd’hui chez elle, qu’ils reviennent. On a averti Parmeggiani qui prétend n’avoir rien à craindre et veut recevoir les détectives.

Z n°6 11 août 1893

Chiericotti n’est pas encore revenu, sa femme qui se trouve dans la misère va retourner à Paris, la semaine prochaine, s’il ne revient pas d’ici là.

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Z n°6 14 août 1893

A propos du vol du duc de Morny à Deauville, on n’a trouvé aucune piste.

On ne croit pas, jusqu’à ce jour, que ce soient des anarchistes de Londres qui l’aient commis.

On a vu Capt qui attend toujours qu’on lui apporte quelque produit de vol, mais qui n’a rien reçu jusqu’à ce jour.

Escaré, Marocco et autres, n’ont rien acheté non plus.

On tient à l’œil tous ces individus qui peuvent être receleurs.

On a trouvé en dehors des anarchistes un individu banquier failli qui propose de faire écouler les titres volés à 10 ou 15 pour %. Fort de cet appui, on pourra se passer du concours de Cova, Corti et autres.

On fera part aux anarchistes de Paris de la facilité d’écoulement qu’on a pour se débarrasser des produits volés et par ce moyen on sera sur la piste de plus de faits.

Parmeggiani, Cova, Corti font en ce moment de l’estampage de vins italiens

Y 3 21 août 1893

On a entendu dire que les bijoux de Plessis Piquet auraient été envoyés ici par la poste et que Marocco les aurait engagés ou fait engager dans un Mont de Piété. Il vous est facile de vous renseigner à cet égard en envoyant la description détaillée à Scotland Yard.

Marocco fait part d’une bande organisée ici et travaillant un peu partout. Cette bande est surtout composée d’italiens et d’allemands. Le chef paraît être Franco et le siège est chez Frize, 91 Charlotte Street. On n’a pas de plus amples détails mais on sait que Marck et Dupont doivent entrer en rapports suivis avec eux.

Monte Carlo, 23 août 1893 : Hier on a vu Marocco, on lui a demandé des nouvelles de Léon, il a répondu qu’il n’en avait pas depuis 15 ou 18 jours. On s’est aperçu qu’il se tient sur la réserve et doit savoir quelque chose

La bande Parmeggiani se forme. On en connaît un avec lequel on est très bien et qui vient d’y être enrôlé

Monte Carlo, 24 août 1893 : Hier on a vu Marocco, il est venu avec Matha. Comme on venait de quitter Parmeggiani, auquel on avait acheté du saucisson, Marocco s’est mis en colère, disant que Parmeggiani était un hâbleur qui ne demandait qu’à voir son nom dans les journaux et qu’il ne comprenait pas qu’il fréquente Cova qui n’est qu’un voleur ayant gardé avec Crespin et Manheim 4,000 francs de rentes.

Parmeggiani demeure 17 Alfred Place, la bande dont il fait partie se compose de 6 italiens et d’un français.

Il est allé chez Marocco lui proposer un coup à faire à Paris mais ce dernier ayant jugé le coup insignifiant a refusé.

Marocco se tient toujours sur la défensive.

D’ici peu on sera intime avec Parmeggiani.

Source : Archives de la Préfecture de police Ba 1508

Lire le dossier : Les anarchistes illégalistes à Londres