10 juin 1893 : Si, comme on le croit, la femme Parmeggiani (256.323) est toujours à Paris, on fera bien de la surveiller, car elle doit voir la femme Schouppe, pour les bijoux.
30 juin 1893 : On vous a parlé incidemment de Morocco et de Trognon, dit Léon, quand vous les avez soupçonnés du vol de Ficquefleur-Equainville.
C’était très vrai et Marocco qui est de ce moment-ci dans une misère noire, en a fait la confidence à un correspondant.
Ils étaient cinq pour faire cette affaire ; c’est Morocco qui l’a préparée pendant près de 2 mois, se renseignant dans la contrée et il prétend qu’ils ont été mis sur la piste par une personne servant de secrétaire à Mme Postel. Il raconte tous les détails de l’affaire, l’emploi de chloroforme et des baillons, la façon dont on a endormi le chien, etc…
Morocco est à la veille, avec Trognon de faire un coup important dans une ville du Nord de la France.
Morocco possède tout un attirail particulier qui lui permet de se grimer de façon à se rendre méconnaissable.
30 juin 1895 : Marocco a proposé à Escarré de lui servir d’intermédiaire pour la vente de deux tableaux volés chez le comte Duplessis (une Rembrandt et un Van Dick). Ils seraient très soigneusement cachés et si le propriétaire veut rentrer en leur possession, il serait bon que l’on en soit informé, car on pourrait peut-être les ravoir pour une somme modique.
C’est le même Morocco, qui, lorsque Parmeggiani, Pini et Schouppe se trouvaient à Bruxelles il y a quelques années, leur servait d’intermédiaire pour l’écoulement des valeurs et bijoux volés.
2 juillet 1893 : J’ai appris par Parmeggiani qu’il avait rendez-vous lundi avec Marocco, pour lui soumettre une lettre qu’il vient de recevoir de Pini.
Les tableaux dont je vous ai parlé (vol de Nice) proviennent d’un vol commis chez le marquis de Panisse et malgré toutes ses recherches, M. Goron n’a pu les découvrir à Londres. C’est Morocco seul qui connaît l’endroit où ils se trouvent et ne les cédera que contre un bon prix.
Je crois qu’actuellement les anarchistes de Londres sont en rapport avec ceux de Paris pour faire un grand coup en France ; les uns parlent de 50.000 francs, les autres de 500.000 francs. On a fait allusion au Nord de la France, d’autres disent dans l’Est.
Constant Martin doit être très au courant de cette affaire, car c’est lui qui en a donné les détails très circonstanciés par lettre à Morocco.
Parmeggiani s’est fait inscrire au Roma Club dont on fait partie. Il vit actuellement dans Charlotte Street avec Chiericotti.
5 juillet 1893 : On vient d’apprendre que le coup dont il a été déjà parlé se fera dans les mêmes conditions que le vol de Fiquefleur.
Ceux qui opéreront seront masqués ; ils attacheront leurs victimes, ne voulant pas les tuer mais agir en gentlemen. Parmi eux se trouvera un nommé Guillaume.
Trognon a dû être déménagé par ses amis, lundi dernier, une partie de ses meubles auraient été transportés chez sa mère. Il ne sort que soir et prend beaucoup de précautions.
Parmeggiani a dû aller mardi soir chez Defendi au sujet de la lettre de Pini.
7 juillet 1893 : Chiericotti a reçu de Grenotté des nouvelles pour un coup à faire mais l’assurance de Pouget que cet individu était un agent, il ne fera rien.
9 juillet 1893 : Cova vit de l’estampage, il vend des produits d’Italie.
Parmeggiani que l’on voit tous les soirs fait son possible pour reconquérir la sympathie de certains compagnons. Il ne voit ni Bordes, ni Corti, parle avec Agresti et Malatesta et fréquente très peu Chiericotti, Charveron. Compte partir pour Ostende.
Schouppe et Mathieu avaient un complice dans leurs vols ; on ignore son nom, c’est lui qui posséderait les obligations dont les numéros ont été vus sur les coupons trouvés dans les poches de Mathieu.
On vous avertira aussitôt que Chiericotti partira pour Paris. Ce n’est pas Grenollet qui l’accompagnera, car Malatesta l’a averti que Pouget lui avait fourni des preuves comme quoi Grenollet était un agent à 120 francs par mois et que Letellier devait en être aussi.
Y n°3 10 juillet 1893
Richard, l’épicier, passe pour être le receleur de toutes les matières que tous les anarchistes peuvent importer ici pour être fondues. Bordes est toujours à la recherche de titres.
Monte Carlo le 11 juillet 1893
Marocco et sa bande doivent être depuis plusieurs jours en France.
Z n°6 11 juillet 1893
Schouppe a écrit à Malato qu’il passait bientôt en correctionnelle.
Monte Carlo 14 juillet 1893
On est toujours sans nouvelles de Léon et de Marocco. Comme on vous l’avait annoncé dans une précédente correspondance, l’affaire pour laquelle ils sont partis devait être terminée le 15 juillet. Cette opération ne serait que l’avant garde d’une plus importante.
Il se forme ici une autre bande composée d’anarchistes et de voleurs. Elle a opéré hier et ses membres ne se gênent pas pour raconter leurs exploits.
Il y a dans cette bande dont on vous enverra prochainement les noms, un marseillais qui est ici depuis peu de temps.
On a appris d’un individu qui n’est autre qu’un voleur, qu’il a été dévalisé, il y a quelque temps à Paris, une maison de bijouterie en or et pièces fausses. Parmi les 700 pièces qui ont été volées et qui sont vendues ici, se trouvent 7 pièces de bijouterie marquées Hérisson. Les individus qui auraient fait ce coup sont retournés en France.
Z n°6 19 juillet 1893
Chiericotti n’y est pas encore revenu. A son sujet, il serait bon de surveiller les lignes du Luxembourg et de la Belgique.
Z n°6 19 juillet 1893
Cova et Corti ont fait demander par le libraire, les journaux d’Amiens relatant les procès Flandrin et autres. Ils ne les ont pas encore reçus.
Chiericotti n’est pas encore revenu ce matin, il peut rentrer par la Belgique.
Z n°6 22 juillet 1893
Chiericotti est toujours à Paris où il aurait des difficultés pour trouver du travail.
Parmeggiani est toujours à la tête de la petite bande composée de Vallel, cordonnier, le Vénitien, tourneur, Franco, coiffeur sans travail. C’est Scacciati qui indique les coups. Parmeggiani ne s’aventure pas, il est, dit-il, trop suivi, les autres travaillent et se font pincer.
Z n°6 25 juillet 1893
Corti se fait appeler Ritter, il demeure 20 Neufort Court W ou WC. Il est en rapport avec Galau dit Petit Jean, pour un coup à faire à Paris.
Chiericotti n’est pas encore ici.
Écho Paris, 25 juillet 1893
On apprend par une lettre reçue de Londres et écrite par Frielingsdorf, que le retour de Parmeggiani à Londres a eu pour principal résultat de semer la discorde dans le camp des anarchistes italiens expropriateurs.
Henri Cova n’a plus de relations qu’avec Malatesta et Deffendi.
Chiericotti est resté avec Scacciati (voir Henri Brunet) et Jules Courtois.
Quant à Maroco, il a complètement disparu.
Magrini Sante et deux autres italiens de ses amis continuent leur œuvre d’expropriation. Parmeggiani cherche à nouer des relations avec eux.
Black 26 juillet 1893
On a appris que la bande qui était arrivée à Paris et dans laquelle était Schouppe, y venait dans le but de voler et de faire quelques explosions ; le produit des vols aurait été distribué en partie aux « compagnons » sans travail : le reste devait être gardé par Schouppe et plusieurs autres déterminés, pour faire évader Pini. C’était le but de l’expédition de Paris ; d’ailleurs les différents vols commis dernièrement seront revendiqués par la bande.
Monte Carlo 27 juillet 1893
Marocco est allé chez un nommé Escarré en son absence et lui a donné rendez-vous dans une petite boutique de parapluies qu’il a ouverte (pour la frime). Escarré y est allé. Marocco lui a demandé de l’argent car il avait reçu une lettre de Troyon au sujet des 2 affaires qu’il devait faire avec lui et qui ont manqué.
Marocco s’est absenté de Londres mais on n’a pas pu savoir pour le moment à quel endroit il est allé.
Matha est allé chez Marocco, celui-ci l’attendait et lui a dit que si lui Marocco ne partait pas cette semaine ce serait Matha qui irait.
Le nouveau coup qui doit se faire est toujours en province. Trognon doit habiter les environs de Paris car ses lettres lui sont adressées à Paris et il ne doit sortir que le soir.
Z n°6 30 juillet 1893
Pons est depuis ce matin en compagnie de Parmeggiani et fort probablement de nouveaux coups se préparent. Parmeggiani les dirige mais n’y prend pas part, sous prétexte qu’il est toujours suivi par la police. Son confident, le vénitien (tourneur) qui souvent marche devant, se fera accompagner par le cordonnier Vallet qui a fait 2 ans de prison au Cerche-Midi et UI A 2T2 POURSUIVI EN Belgique.
On vous en a déjà parlé ; il habite en ce moment 91 Charlotte Street, au 3e avec la femme Dufournel.
Z n°6 30 juillet
Pons est depuis ce matin en compagnie de Parmeggiani et fort probablement de nouveaux coups se préparent.
Z n°6 31 juillet 1893
On ne connaît encore que fort peu le nommé Pons. On l’a vu, il y a sept semaines environ, un jour qu’il allait trouver Malatesta pour lui emprunter de l’argent, afin d’entreprendre un coup à Paris. Il s’agissait d’un vol de bijoux et d’argenterie dont on vous a parlé.
C’est Capt qui lui a avancé l’argent, en empruntant à Bidault, à Pateau et à Lapie (10 shillings à chacun).
Capt attend toujours le résultat de cette affaire qui se fait attendre.
Ce Pons est un jeune homme portant la moustache, il est vêtu de noir et coiffé d’un chapeau melon. C’est le même qui serait parti avec Chiericotti, ils ne sont pas encore revenus.
On pense qu’ils ne doivent pas être étrangers, ni l’un, ni l’autre, au vol commis samedi, rue de Longchamps.
On va s’occuper d’en savoir plus long à ce sujet.
Monte Carlo 17 août 1893
Lundi on a vu Marocco. On est resté deux heures chez lui, il est surpris de n’avoir pas de nouvelles de Trognon, d’autant plus que Constant Martin lui a écrit que ledit Trognon a du se trouver dans l’accident du chemin de fer de l’Ouest. D’après ce qu’on a pu comprendre, Marocco serait parti et revenu. On n’a pas de nouvelles des deux autres.
Parmeggiani doit présenter Escaré à Defendi. On surveillera leurs agissements.
On n’a pas entendu parler du vol de Morny.
Colombo gratte et lime les initiales des couverts dont on vous a parlé dans une des dernières lettres, c’est Capt qui le dit. Cela semble drôle car Marocco a dit lundi qu’il avait payé 12 shillings pour l’argenterie.
On a demandé à Capt ce qu’il avait fait de ses tubes, il m’a répondu que ne comprenant pas le plan, il l’avait remis à son client. Si c’est une blague, on tâchera de le savoir par Colombo.
Monte Carlo 1er août 1893
Au sujet du vol commis au Plessis-Piquet, l’idée était venue que peut-être Marocco et les autres y avaient trempé.
On tâche de savoir si Marocco ou Matha étaient présents.
Marocco venait de recevoir une lettre de Trognon qui est à Paris. On ne sait la décision qu’ils ont prise mais on ne serait pas étonné que Matha parte.
On sait de Marocco, lui-même qu’il possède des actions (depuis un mois seulement) de la Ville de Paris, du Crédit Foncier et 2 de l’Exposition.
Malato, Malatesta, Agresti et Merlino se groupent pour fonder une société secrète anarchiste n’obéissant à aucun mot d’ordre. Ils ne veulent avec eux que ceux qui accepteront leur programme.
Matha, Morocco, Parmeggiani opèrent seuls et sont contre eux.
Voleurs nous sommes, disent ces derniers, voleurs nous resterons.
Parmeggiani monte une bande dont un vient d’être arrêté.
Monte Carlo 3 août 1893
Morocco et Matha sont allés chez Escaré chercher à lui emprunter de l’argent pour partir, disent-ils.
On a fait une bonne découverte. Il est arrivé hier, un individu d’environ 25 ans, portant toute sa barbe peu fournie, chapeau de paille bordé d’un ruban noir.
Il avait 72 pièces d’argenterie, 18 cuillères à café, 2 pelles à poissons, une chaîne en or dite colonne avec cachet gravé, croit-on HE, 1 montre en argent, le tout provenant d’un vol commis chez un duc.
Ma majeure partie de ces pièces est marquée d’un L ou d’un N.
Ces 72 pièces ont été offertes 1 shilling pièce. On ne connaît pas le nom de l’individu mais c’est un anarchiste.
Si on veut, on peut racheter ces pièces pour les remettre au propriétaire.
Z 6 4 août 1893
Capt disait hier que le vol n’était pas accompli parce que la personne était malade et qu’ils ne voulaient pas faire un crime.
Mais maintenant cette personne est partie au bord de la mer, le coup doit être fait ou entrain de se faire.
Chiericotti qui est peut-être dans la combinaison, n’est pas encore ici.
Source : Archives de la Préfecture de police Ba 1508
Lire le dossier : Les anarchistes illégalistes à Londres