Bruxelles
L’affiche suivante a été placardée sur les murs de Bruxelles :
Fédération socialiste révolutionnaires
Citoyens,
Plusieurs de nos amis français et allemands viennent d’être expulsés à cause de leurs opinions socialistes.
Un meeting public aura lieu lundi, à huit heures du soir, à la Ruche, rue des Pierres, pour protester contre cette nouvelle provocation du gouvernement.
Nous convions tous les hommes de cœur à se joindre à nous pour flétrir, comme il le mérite, un régime qui permet de pareilles infamies.
Pour l’Association internationale
Pour le Cercle anarchiste
Pour les Cercles réunis
R. Hermann, J. Claes
C’est, comme vous le voyez, l’Union révolutionnaire qui vient s’affirmer de nouveau en Belgique ; il est presque inutile d’ajouter que la majorité du parti socialiste belge (Groupe réformiste, Ecole Lyonnais, Liebknecht et Cie) a refusé de nous suivre sur ce terrain d’union.
Je dois pourtant faire une exception pour deux ou trois jeunes gens qui, tout en étant ralliés à ce parti, sont trop intelligents pour épouser ses mesquines querelles et prendre la responsabilité de ses sottises.
Ces jeunes gens appartiennent à la bourgeoisie et vont faire paraître un organe hebdomadaire, l’Etudiant socialiste.
Nous ne pouvons demander à ces jeunes étudiants de rompre du jour au lendemain avec les préjugés de leur caste ; nous avons eu et nous aurons probablement encore avec eux des discussions ardentes – quelques fois même trop ardentes – mais nous devons leur savoir gré avant tout de leur sincérité et de leur bonne volonté ; et moi, qui suis bien loin d’être de leurs amis, je tiens à leur envoyer dans ce journal anarchiste et révolutionnaire, un souhait cordial de bienvenue et de succès.
Ces jeunes gens protestent donc avec énergie contre l’expulsion de nos amis français et allemands.
Du reste, ces expulsions ont excité dans le prolétariat belge, une véritable indignation. Un des expulsés a été reconduit à la gare par plus de cent compagnons, aux cris de : Vive la Commune ! Vive la Révolution sociale ! Et à l’heure où je vous écris, la vaste salle de la Ruche se remplit (littéralement) de monde. La semaine prochaine je vous rendrai compte de ce meeting de protestation.
Les actes arbitraires et tyranniques du gouvernement n’arrêtent pas notre propagande, et tous les groupes bruxellois commencent à s’occuper activement du congrès de Verviers. Dans sa séance de dimanche, le Club anarchiste révolutionnaire a résolu d’envoyer un délégué à ce congrès ; le rapport lu par ce délégué émanera du groupe et non du citoyen chargé d’en donner lecture. La question sur laquelle le club anarchiste a résolu de porter ses études est la suivante : De l’emploi de la force au point de vue anarchiste.
Vous voyez que la propagande révolutionnaire continue à se développer sérieusement à Bruxelles, et que notre petite Belgique sera en mesure de se présenter dignement au congrès révolutionnaire de Londres en 1881.
Vonck (Arsène Crié)
Liège.
Un fait très grave vient de se passer à Liège, et je vous demanderai d’user pour le faire connaître de la publicité de la Révolution sociale, qui commence à être connue, et lue, à Liège.
Un policier de deuxième ordre s’était introduit dans la Libre-Pensée liégeoise ; une enquête ayant prouvé que ce monsieur surveillait de trop près les socialistes dans l’intérêt du gouvernement, la partie démocratique de la Libre-Pensée liégeoise commence à lui faire une opposition acharnée.
L’individu dont je vous parle a senti le terrain crouler sous ses pas, et il vient, avec ce que Liège contient de plus réactionnaire, de faire scission et de créer une 2e libre-pensée, celle-là entièrement bourgeoise.
La Libre-Pensée de Liège s’est réunie et a exclu cet individu en compagnie d’un de ses fidèles acolytes.
D’ici quelque temps je vous enverrai sur ce triste personnage de nouveaux détails, plus personnels et plus intéressants ; je ne vous cite pas son nom pour qu’il n’ait pas l’occasion de se tailler une réclame dans votre journal, mais tous les Liégeois le reconnaitront et ce n’est pas dans le quartier du Sud qu’ils iront le chercher.
Franchimontois.
Borinage.
Deux épouvantables catastrophes viennent d’avoir lieu à Dour et à Warquignies ; plusieurs de nos bons, de nos meilleurs révolutionnaires ont succombé ! Certains journaux bourgeois eux-mêmes n’hésitent pas à accuser hautement l’imprudence des gérants et des porions.
Les ouvriers, comme nous l’écrit notre ami Barque, de Wasmes, sont soumis à une véritable tyrannie. C’est le fils d’un directeur qui est brasseur et qui fait refuser de l’ouvrage aux malheureux qui ne s’approvisionnent pas chez lui ; c’est un porion qui est cabaretier, c’est un bureaucrate qui est marchand, etc… et tous font peser sur le houilleur leur despotique autorité.
D’un autre côté les catastrophes se multiplient ; les retours d’air (aérages) sont absolument insuffisants, et je ne puis me défendre d’un véritable sentiment d’angoisse en pensant que dès le 9 novembre, Barque m’annonçait comme possible la catastrophe de Warquignies qui vient de faire 15 victimes !
Et maintenant, Borain, que pensez-vous de la Voix de l’ouvrier qui me conseille gravement de songer à une réforme des caisses de prévoyance de faire pour cela une pétition en chambre…
En attendant le grisou me tue.
Pauvres compagnons ! Comme ces gens-là se moquent de vous !
M.
La Révolution sociale n°12 28 novembre 1880
Lire le dossier : Les anarchistes en Belgique avant les émeutes de 1886