
Préfecture de police
Direction générale des recherches
2e brigade
3e division
1er bureau
Réunion du groupe Les Naturiens
Paris le 6 novembre 1895
Rapport
Hier soir a eu lieu, salle Bouju, 69 rue Blanche, une réunion du groupe les Naturiens.
Neuf personnes y ont assisté.
La séance est ouverte à 9 heures 25 minutes.
Léo Brissac combat les idées de Gravelle. Il croit que le travail est pour l’homme une distraction en même temps qu’une nécessité et qu’il faut travailler pour recueillir les produits du sol.
Il ne trouve au projet de Gravelle qu’un défaut, celui de permettre de prouver que la morale actuelle et les lois qui la garantisse sont mauvais.
Marné réplique que l’astreinte au travail est mauvaise et que les hommes pourraient se contenter de vivre de ce que la nature produit : « Une vache, dit-il, peut se nourrir sur un hectare de terre. C’est donc environ 450 kilos de viande que chacun pourrait manger. Combien d’hommes en ont autant aujourd’hui ?
Maintenant, s’il me plaît de faire une statue de terre pour orner ma hutte, je serai libre, j’aurai tout mon temps, tandis qu’aujourd’hui nous sommes obligés de faire ce luxe pour d’autres. »
Marné ajoute qu’il a été une dizaine de fois en prison et qu’il a constaté les brutalités monstrueuses auxquels se livrent les gardiens, surtout sur les femmes auxquelles on coupe les cheveux pour les vendre. Il assure que des ordres ont été donnés dans les postes de police pour « passer » les prisonniers « à tabac ».
« Cependant, dit Marné, en terminant, je ne suis pas de ceux qui demandent l’anarchie et je combats de même les partisans du socialisme autoritaire. »
La séance est levée à 10 heures 50.
Ci-joint, un exemplaire du journal le Phare de Montmartre (numéro du 3 novembre) et un spécimen de prospectus du journal le Libertaire de Sébastien Faure.
Le commissaire de police.
Archives de la Préfecture de police Ba 1508
Lire le dossier Les Naturiens, des anarchistes précurseurs de l’écologie politique