Lettre adressée au Dr. Mignon « Les deux vallées » à St Cyr sur Loire, par M. Casteu S. Hôpital, 12 rue St Pierre à Beauvais (Oise).

8 janvier 1918

Cher camarade,

Quelle est la « version des camarades » ?

Je ne sais pas si le goût de S.F. Pour les « Fruits verts » était si connu à la R. Il était ignoré. S’il avait été « connu » des collaborateurs nous et d’autres, l’aurions fait fermer.

Toutefois ce « scandale » ne m’a pas étonné outre mesure. Voici pourquoi ; en août dernier ma belle fille Marguerite étant venue ici, m’apprit que la R. était fermée.

Par le fait, me dit-elle, que S.F. Ayant commis des attentats sur des enfants, un des grands enfants, jeune homme de 20 ans, l’ayant su, avait menacé S. de le dénoncer au Parquet, s’il ne fermait pas la R. ; sur laquelle menace S. F. ferma.

Or, moi connaissant S.F. Comme peu chaste et ambigu en morale sexuelle, mais ne pouvant croire à l’énormité de la chose, je priai Marguerite de préciser l’accusation. Elle me dit qu’il n’y avait aucun viol positif, mais que S. prenait des petits le soir dans son lit et leur enseignait des caresses obscènes, que cela existait depuis la fondation de la R. et que des jeunes filles (compagnes de M. lui auraient affirmé avoir été du nombre).

A ceci j’oppose : le jeune camarade qui aurait découvert le pot aux roses est un individualiste très peu intéressant qui, lui, aurait été l’an dernier mis à la porte par S. pour avoir suborné une fillette de 13 ans.

A-t-il inventé ça pour se venger ? A-t-il utilisé des faits au courant desquels il était déjà ? Mystère et qui restera mystère, car à la R. c’est comme chez les curés ; on se déchire tout en se soutenant ; c’est à qui mentira le plus.

Il serait intéressant de savoir d’une part, l’accusation ce qu’elle en est, et quels sont les témoignages, je ne crois du tout la chose impossible, mais a-t-elle eu lieu.

Nota.

S.F. Veut dire Sébastien Faure

R. – Rédaction*

M – Marguerite

S. – Sébastien

* du journal Ce qu’il faut dire.

*********************************************

Parquet de la cour d’appel de Paris

N° F-18-R.P.Crim

Le 4 février 1918

Le procureur général près la cour d’appel de Paris à Monsieur le procureur de la république de la Seine.

M. le ministre de la guerre a communiqué à M. le garde des sceaux et je vous transmets sous ce pli, pour être versé, s’il y a lieu, au dossier de la procédure ouverte contre le sieur Sébastien Faure, pour attentat aux mœurs, copie d’une lettre adressée par un sieur Casteu à Beauvais au docteur Mignon, domicilié à Saint-Cyr-sur-Loire, près Tour, qui contient des renseignements intéressants sur Sébastien Faure.

Le procureur général.

Archives de Paris D.2 U6 dossier 199

Lire l’ensemble du dossier : Sébastien Faure et la pédophilie