La préfecture de police et le parquet s’en sont heureusement tenus à la journée du 1er janvier. Aucune opération judiciaire n’a été faite hier; on a laissé les anarchistes se remettre de l’émotion qu’ont certainement dû leur causer les perquisitions et les arrestations en masse pratiquées en vertu des récentes lois de répression.
Au parquet, on se montre très satisfait des résultats obtenus; on affirme que si l’on n’a pu découvrir l’existence d’une « association de malfaiteurs », on a, tout au moins, trouvé dans les documents saisis chez les anarchistes les preuves d’une entente tacite entre tous les compagnons, ce qui est suffisant pour obtenir contre ceux qui ont été arrêtés des condamnations devant les tribunaux compétents.
Les six anarchistes incarcérés à la suite de la rafle du jour de l’an ont été interrogés hier par M. le juge d’instruction Meyer. Ce sont les nommés Lothier, Pausader, Hannedouche, Ségard père et fils et Defosse.
On sait que chez les Ségard, on a trouvé des armes improvisées consistant en limes et trois pointes affûtées et emmanchées dans des morceaux de tuyau de plomb. Lothier est soupçonné d’avoir eu des relations avec les anarchistes Moulinier et Colas, arrêtés à Orléans. Pausader a écrit sous le pseudonyme de Jacques Prolo de nombreux articles dans les journaux socialistes et les revues anarchistes. Defosse était le familier des Ségard ; il mangeait souvent à leur table et couchait fréquemment chez eux. Quant à Hannedouche, on ne sait pas exactement ce qu’il a fait; toujours est-il qu’on le représente comme un anarchiste des plus dangereux.
Les six compagnons ont été envoyés à Mazas dans la soirée.
M. Raynal, ministre de l’intérieur, a rendu compte des perquisitions opérées avant-hier chez des anarchistes et de l’arrestation de quelques-uns d’entre eux, tant à Paris, que dans vingt-deux départements.
Tous les papiers saisis vont être examinés, et c’est après en avoir établi la Valeur que la justice aura à prendre une décision au point de vue de l’action judiciaire à exercer.
Elle aura notamment à rechercher` si les résultats des opérations établies par la police démontrent une entente ou un concert entre les divers individus chez lesquels elle a perquisitionné et si, par suite, il y a lieu de leur faire application de la nouvelle loi contre les associations de malfaiteurs.
Les perquisitions et arrestations — Saisie de documents — Relations compromettantes.
D’un correspondant. Les perquisitions faites dans l’arrondissement de Rouen ont amené une nouvelle arrestation, celle du nommé Joseph Onquais, ouvrier filateur à Notre-Dame-de-Bondésir. 11 était considéré comme un anarchiste militant.
On a découvert chez lui des papiers compromettants, entre autres une lettre adressée à Vaillant pour le féliciter de son crime.
Saint-Etienne, 2 janvier. D’un correspondant. A l’heure actuelle, cinq arrestations, anarchistes sont maintenues: ce sont celles de Dumas, Ricard, Peyronnet, Mourgues et Fauvet.
Les deux premiers ont été arrêtés pour correspondance suivie avec des anarchistes militants de Paris et de l’étranger; les trois autres, pour propagande et affiliation à des sociétés secrètes.
ROUBAIX, 2 janvier. D’un correspondant. On a opéré ce matin une nouvelle arrestation d’anarchiste, celle d’un ouvrier encolleur âgé de 21 ans, nommé Devillée Pierre et habitant rue de Longues-Haies. Cet individu était détenteur des journaux la Révolte et le Père Peinard.
A Valence.
Valenge-sur-Rhone, 2 janvier. D’un correspondant. Ce soir, la police a saisi chez les marchands de journaux des brochures anarchistes.
Des perquisitions ont fait découvrir des papiers et des documents anarchistes qui ont été envoyés au parquet.
Il n’y a pas eu d’arrestation.
MONTPELLIER, 2 janvier. D’un correspondant, Les commissaires de police ont perquisitionné au domicile de cinq anarchistes.
Chez deux d’entre eux, les nommés Vincelot et Laborie, on a trouvé des écrits anarchistes et des placards.
On les a remis en liberté à la nuit.
BELFORT, 2 janvier. Hier matin, à quatre heures, la police a arrêté les nommés Chappuis, garçon coiffeur, Vial, cordonnier, et Grandveau, employé de commerce, soupçonnés d’entretenir des relations avec les anarchistes.
Chappuis s’était présenté comme candidat socialiste révolutionnaire aux élections municipales complémentaires du mois de mai dernier.
Le Matin 3 janvier 1894