Lundi après midi, on apprenait tout à coup qu’en vertu d’ordres ministériels il était procédé dans toute la France à deux mille perquisitions et à deux cents arrestations environ. Tous les parquets des principales villes avaient reçu l’ordre de délivrer aux commissaires des mandats de perquisition se transformant au besoin en mandats d’arrestation.
Voici, à Paris, la liste des perquisitions faites :
LES PERQUISITIONNÉS.
Voici la liste des personnes chez qui on! été faites des perquisitions :
Bastard, père et fils, à Saint-Denis.
Bertrand frères, fil, rue de Vanves.
Blaye, 2, rue de Clignancouvt.
Brunet, 71, rue Louis Blanc.
Babot, rue des Maronites.
Capponne, 10, rue Rouelle.
Chabard, 18, boulevard Montparnasse.
Doressy, 6, rue Fauvet.
Denéchère, 41, rue de la Gare.
Dodot, rue Valentin, à Levallois.
Duprat, 11, rue Ramey.
Etiévant, 7, rue de Malte.
Sébastien Faure, 24, rue Ramey.
Grave, imprimeur et directeur de la Révolte, rue Mouffetard.
Hannedouche, à Boulogne (arrêté).
Hébert, à Levallois.
Heurteau, à Saint-Denis.
Jacob, à Saint-Denis.
Jamard, passage Stainville, 6.
Lassalles, 18, rue Compan.
Leveillé, à Nanterre.
Lothier, 8, boulevard Denaih (arrêté).
Margueraud, passage Corbeau.
Marquerat, à Boulogne.
Martin Constans, me Joquelet.
Imprimerie, route stratégique, à Puteaux, où s’impriment des journaux anarchistes.
Meltendorff, 11, rue Vicq-d’Azir.
Méreau, rue du Ruisseau, à Bagholet.
Morin, 14, rue Richelieu.
Mouchereau (Adrien), 24, rue Charlemagne.
Mouchereau (Paul), 34, boulevard SaintGermain.
Pausader, 22, rue de Viarmes (arrêté).
Perrot, 9, rue du Chaudron.
Pouget, 4 bis, me d’Orsel (Peinard).
Lapie, 4 bis, rue d’Orsel (Peinard).
Perron, à Saint-Denis.
Radis, 46, me Orfila.
Reclus (Elie), 72 boulevard Port-Royal.
Elisée Reclus, à Sèvres.
Ricois. 204, rue Saint-Antoine.
Ségard père, Saint-Denis (arrêté).
Ségard fils, Saint-Denis (arrêté).
Defosse, Saint-Denis (arrêté)
Soulage, 12, rue Pernelle.
Toulet, 34, rue Servan.
Ronaud, concierge, rue des Rosiers.
Wagner (Eugène), 4, rue des Eglantiers.
Wagner (Henri), 7, placé du Marché Sainte-Catherine.
Soit en tout 54 perquisitions, dont 6 arrestations produites à la suite de saisies de papiers compromet tests, dit-on, à la préfecture.
La Préfecture de police n’a pas instrumenté à nouveau hier.
Le 1er bureau du cabinet s’est contenté de transmettre au Parquet les papiers et objets divers trouvés chez les anarchistes auxquels elle a joint leurs dossiers.
Ces dossiers seront examinés dès aujourd’hui par le juge d’instruction.
Ce juge d’instruction sera-t-il M. Meyer ? C’est peu probable, car les opérations d’hier constituent une affaire nouvelle et parfaitement distincte des précédentes.
Il faut, à la liste des individus que nous donnons plus haut , ajouter deux autres noms, ceux de Emile Wagner et Lassalas.
Tous les individus actuellement au Dépôt (ils sont 81) seront-ils définitivement maintenus en état d’arrestation et traduits devant les tribunaux ?
L’opinion générale, aussi bien à la préfecture qu’au Parquet, c’est que beaucoup seront remis en liberté.
On croit cependant que Segard, père et fils, arrêtés à Saint-Denis, ont de grandes changées d’être retenus.
Des papiers trouvés chez eux, il résulte incontestablement qu’ils étaient en relations suivies avec plusieurs anarchistes, et que la nouvelle loi sur les associations de malfaiteurs leur est applicable.
Les perquisitions opérées à Paris n’ont point présenté d’intérêt spécial ni offert d’incident notable ; nous nous bornerons à parler de celles qui ont eu lieu chez les frères Reclus.
A sept heures du matin, M. Clément, commissaire aux délégations judiciaires, accompagné de deux agents de la sûreté, se présentait, muni d’un mandat de perquisition et d’un mandat d’amener, chez M. Elie Reclus, dont le fils Paul est en fuite.
M. Elie Reclus, l’aîné de la famille, est âgé de près de soixante-dix ans. Il est attaché à la maison Hachette et occupe avec sa femme un modeste appartement au quatrième étage du numéro 72 du boulevard de l’Hôpital.
M. Reclus dut se lever pour recevoir l’envoyé du parquet qui, après avoir saisi tous ses papiers, lui donna l’ordre de le suivre au Palais.
Après deux heures d’interrogatoire, M. Elie Reclus, contre lequel on n’avait pu relever aucune charge, était remis en liberté.
Presque à la même heure on perquisitionnait chez M. Elisée Reclus, à Sèvres, qui lui au moins eut la satisfaction de ne pas devoir accompagner son visiteur.
DANS LA BANLIEUE
La banlieue-est a été particulièrement l’objet de visites domiciliaires.
M. Pelatan. commissaire de police de la circonscription d’Asnières, s’est rendu chez un nommé Moreau, demeurant, 4, rue de la Nation à Colombes : la perquisition n’a pas duré moins de quatre heures.
Des livres, des brochures, des journaux ont été saisis, mais, aucun ingrédient dangereux n’ayant été découvert, Moreau a été laissé en liberté en vertu des instructions spéciales.
A Suresnes, une perquisition spéciale a été opérée à l’imprimerie Mayeux, ou se compose la feuille anarchiste la Révolte.
De nombreuses copies. tant anciennes que récentes, des pièces en vers, des pamphlets
et une énorme quantité d’épreuves et de journaux ont été placés sous scellés.
A Nanterre, une perquisition a été faite également; mais l’ anarchiste, probablement, avaient eu vent de la visite qu’il allait recevoir, et il avait prudemment pris la fuite ; on n’a rien trouvé chez lui.
A Levallois et à Snint-Ouen, les commissaires ont également opéré, mais ils n’ont fait aucune découverte importante.
Depuis le vote des dernières lois de répression, beaucoup de « compagnons » ont fait disparaître tout ce qu’ils avaient chez eux qui pût les compromettre ; tout au moins, ils cachent avec un soin extrême soit leurs journaux, soit les matières dangereuses qu’ils ont étiez eux.
DANS LES DÉPARTEMENTS (Par voie Télégraphique.)
De nombreuses perquisitions ont été opérées celte nuit à Montluçon et à Commentry.
Cinq anarchistes ont été arrêtés. On a saisi une grande quantité de dynamite et de matières explosibles.
Le préfet est à Montluçon. Aucune visite officielle n’a eu lieu à Moulins et à Montluçon.
La sous-préfecture et la police sont en permanence.
Les perquisitions et les arrestations ont été faites secrètement.
La population de Commentry et de Montluçon paraît indifférente.
On a perquisitionné hier soir à Saintes chez les deux frères B…. anarchistes, impliqués dans l’affaire Moulinier et Colas, d’Orléans.
On a saisi des écrits anarchistes sans importance.
Les deux frères ont déclaré avoir abandonné toutes leurs idées anarchistes.
On les a laissés en liberté provisoire.
Au cours des perquisitions opérées hier, un grand nombre de brochures et de placards ont été saisis chez plusieurs anarchistes. Mais on n’a trouvé chez aucun d’eux des matières explosibles.
Outre Ricard, un a également arrêté hier le nommé Dumas.
Dumas était un ami de Ravachol. Il présidait dernièrement, à Saint-Chamond, la conférence de M. Sébastien Faure.
Ricard, qui est ouvrier typographe, a été condamné a cinq ans de prison lors du procès, à Lyon, du prince Kropotkine en 1882.
Les motifs de cette double arrestation sont tenus secrets.
A l’heure actuelle, cinq arrestations anarchistes sont maintenues : ce sont celles de Dumas, Ricard, Peyronnet, Mourgues et Fauvet.
Les deux premiers ont été arrêtés pour correspondance suivie avec des anarchistes militants de Paris et de l’étranger; les trois autres pour propagande et affiliation à des sociétés secrètes.
Les anarchistes seront entendus demain par le juge d’instruction.
Ce matin, à l’aube, des perquisitions ont été opérées chez tous les anarchistes.
D’importants papiers auraient été saisis chez le compagnon Ricard qui a été arrêté.
La police a arrêté ce matin les anarchistes Montperrin, Unterwald, Boudoin. la fille Drouin et la femme Cadinot.
Le parquet ne les pas encore interrogés.
Le commissaire spécial et le commissaire de police d’Aubin et de Decazeville accompagnés du lieutenant de gendarmerie et du juge de paix d’Aubin ont commencé ce matin des perquisitions chez les anarchistes du bassin houiller.
Ces perquisitions ne sont pas terminées encore à l’heure actuelle.
Les perquisitions annoncées ont amené l’arrestation du nommé Bras, âgé de trente ans, marié, mineur, domicilié au Gua anarchiste connu, qui a déjà été condamné. On croit que d’autres arrestations seront opérées demain.
Une caisse de dynamite a été trouvée ce matin dans le bassin des forges du Gua.
Les perquisitions chez les anarchistes continuent.
Le parquet a fait procéder aujourd’hui à l’arrestation des principaux meneurs du groupe anarchiste brestois.
A 10 heures et demie, un piquet de gendarmerie, baïonnette au ration, cernait, rue de la Vierge, la maison habitée par Meunier, le conférencier anarchiste condamné jadis par le tribunal d’Angers pour excitation aux grèves. On a arrêté ensuite Hamelin, vendeur du Père Peinard, puis Demeule et Querenneur.
A midi et demi ces anarchistes ont été conduits par la gendarmerie au parquet où ils ont été interrogés. Trois femmes les accompagnaient.
De nombreuses perquisitions ont été faites. On croit que cette arrestation a été motivée par la découverte d’une tentative de complot ayant pour but le lancement de bombes contre plusieurs maisons de Brest.
Brest, 1er janvier. Après un interrogatoire, les quatre anarchistes arrêtés ce matin ont été relâchés à cinq heures, ainsi que les trois femmes arrêtées avec eux.
Quereneur est dessinateur au port, Demeule est ouvrier au port également.
Dans la perquisition chez les anarchistes de Brest, on n’a découvert que des brochures et pas de matières explosibles.
Des perquisitions ont été faites hier à l’improviste, dans plusieurs villes de la Seine-Inférieure, chez les individus suspects d’anarchisme. Il y a eu trente perquisitions dont dix-neuf dans l’arrondissement de Rouen, notamment à Elbeuf et à Caudebec-les-Elbeuf.
Dans cette dernière ville, on a arrêté un nommé Jules Martin, âgé d’une trentaine d’années, qui a été amené aujourd’hui à Rouen sous escorte et menottes aux mains. On avait saisi chez lui de nombreux papiers qui renferment paraît-il, des pièces compromettantes et la trace d’une correspondance anarchiste suivie.
Au Havre, il y a eu onze perquisitions et cinq arrestations, celles des nommés Le Gongnec, Goubot, James, Glasser et Hendier.
Chez l’un d’eux on aurait découvert des titres volés pour 1,800 fr.
On se rappelle qu’il y a quelques mois la cour d’assises de la Seine-Inférieure a eu à condamner pour divers vols qualifiés trois jeunes gens qui étaient des anarchistes avérés, grands propagateurs de proclamations aux soldats dans les casernes.
Les perquisitions faites dans l’arrondissement de Rouen ont amené une nouvelle arrestation, celle du nommé Joseph Onquais, ouvrier filateur à Notre-Dame-de-Bon-Désir. Il était considéré comme un anarchiste militant.
On a découvert chez lui des papiers compromettant, entre autres une lettre adressée à Vaillant pour le féliciter de son crime.
Des perquisitions ont été faites dans la matinée chez vingt-cinq anarchistes. On a recueilli un certain nombre de journaux, brochures et écrits anarchistes.
Cette nuit, à la suite d’indications reçues par la police de sûreté, le préfet a ordonné des perquisitions chez plusieurs anarchistes. cinquante perquisitions ont été faites dans la nuit et vingt-quatre anarchistes ont été arrêtés. Rien n’a été trouvé de très grave chez eux, si ce n’est des brochures : le «Manuel du parfait dynamiteur » et des corespondances avec des étrangers.
La plupart des individus arrêtés sont des repris de justice.
Les commissaires de policé ont perquisitionné hier au domicile de cinq anarchistes.
Chez deux d’entre eux, les nommés Vincelot et Laborie, on a trouvé des écrits anarchistes et des placards.
On les a remis en liberté à la nuit. La police a enlevé des affiches anarchistes injurieuses pour la municipalité.
Hier, dans la soirée, le service de la sûreté a arrêté, rue de la Rochelle, un anarchiste espagnol nommé Hermeur Gildo Vottas Meliek, âgé de 29 ans, ancien gérant du journal anarchiste la Revanche, se publiant à Reus Espagne). Cet individu, qui parait être gravement compromis dans les derniers attentats d’Espagne, était en traitement à l’hôpital de Narbonne.
Se voyant recherché, il quitta furtivement l’hôpital pour se réfugier à Montpellier.
Des perquisitions ont été faites chez plusieurs personnes signalées comme anarchistes. La police continue ses recherches.
Des perquisitions ordonnées par le parquet ont eu lieu hier chez les anarchistes notoirement connus à Roubaix. Elles ont été opérées par le commissaire central et par les commissaires de police des quatre arrondissements.
On n’en connaît pas encore le résultat, mais on sait qu’une arrestation a été opérée dans la soirée d’hier.
On a opéré ce matin une nouvelle arrestation d’anarchiste, celle d’un ouvrier encolleur, âgé de 21 ans, nommé Devillée Pierre et habitant rue des Longues-Haies.
Cet individu était détenteur des journaux la Révolte et le Père Peinard.
L’individu arrêté hier se nomme Julien Béranger et est âgé de 20 ans. C’est un ouvrier apprêteur, également détenteur de journaux et de brochures anarchistes.
Tous deux ont été conduits à Lille aujourd’hui.
Hier matin, à quatre heures, la police a arrêté les nommés Chappuis, garçon coiffeur, Vial, cordonnier, et Grandveau, employé de commerce, soupçonnés d’entretenir des relations avec les anarchistes.
Chappuis s’était présenté comme candidat socialiste révolutionnaire aux élections municipales complémentaires du mois de mai dernier.
Ce soir, la police a saisi chez les marchands de journaux des brochures anarchistes. Des perquisitions ont fait découvrir des papiers et des documents anarchistes qui ont été envoyés au parquet.
Il n’y a pas eu d’arrestation.
Découverte de dynamite et attentats
On a découvert une provision de dynamite chez un logeur de Clichv, où on s’était décidé à faire 1’inventaire des objets abandonnés par d’anciens locataires partis sans régler le loyer.
On trouva, entre autres objets, une malle de soixante-dix centimètres de longueur environ, sur 30 de hauteur.
A l’intérieur, on découvrit deux kilos et demi de dynamite, des détonateurs, des cartouches. des capsules, de la poudre, des mèches, toute une charge, enfin, capable de faire sauter tout le quartier. C’est un bonheur providentiel que cette malle n’ait pas été trop bousculée.
Elle a été transportée, hier, après midi, an commissariat de Clichy, d’où elle va être expédiée à la préfecture.
Selon les souvenirs du logeur, cette malle aurait appartenu à un locataire ayant quitté la maison vers la fin de l’année 1889.
Avant-hier soir, un attentat a été commis dans la papeterie Lescalier appartenant â la société coopérative dont M. Laroche-Joubert, député, est gérant en chef.
Vers huit heures, un tube métallique rempli de clous et chargé avec de la poudre de mine, qu’on avait déposé sur la cuve à colle, a fait explosion, brisant seulement quelques vitres. Prévenus le lendemain, le préfet, le parquet et la gendarmerie, accompagnés de M. La roche-Joubert, se sont rendus sur les lieux pour commencer une enquête.
Toute idée de crime anarchiste semble devoir être écartée. Il semble qu’on se trouve en présence d’une vengeance d’un ouvrier.
Il y a trois semaines, à la suite de lettres de menaces renouvelées, une tentative d’incendie avait été commise dans l’usine.
Une découverte qui a produit un grand émoi dans le quartier où elle a été constatée, a été faite la nuit dernière, rue Thiers, n° 5, dans la maison de M. Daveigno, ancien chef des patrons grévistes des boulangers.
Une locataire, Mme Marthe Fangy, demeurant au troisième étage, regagnait son domicile, quand elle aperçut sur le palier du premier étage un objet en fer. Elle s’empressa d’avertir la police.
C’était une marmite ovale munie d’un couvercle. M. Gassend, expert-chimiste, a déclaré quelle elle contenait une matière explosive composée de chlorate potasse et de 300 grammes d’acide picrique. La mèche paraissait éteinte.
L’Estafette 2 janvier 1894